Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 8 mars 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend la présentation par M. Didier Migaud, premier président, du rapport de la Cour des comptes sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous avons l'honneur d'accueillir Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. M. Migaud est un invité récurrent de la commission des finances du Sénat : nous l'avons reçu le 5 octobre 2005 avec Alain Lambert lorsqu'ils avaient rendu compte, l'un et l'autre, de leur rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances. Nous l'avons également accueilli en tant que premier président de la Cour des comptes le 26 mai 2010 pour qu'il nous présente le rapport relatif à la certification des comptes de l'État et à l'exécution budgétaire pour 2009. Enfin, il est venu devant nous le 23 juin 2010, en préalable au débat d'orientation des finances publiques.

Merci donc, monsieur le premier président, de venir nous présenter votre rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne. La Cour a en effet dressé un état des lieux et, par un heureux concours de circonstances, ce travail a répondu aux souhaits exprimés par le Président de la République. Ce rapport nous éclairera sur ce que pourrait être la convergence des prélèvements obligatoires en France et en Allemagne.

Je salue à vos côtés Christian Babusiaux, président de la première chambre, ainsi que Raoul Briet, rapporteur général.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Je vous remercie de me permettre de présenter dans des délais très courts et devant votre commission le rapport public thématique portant sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne.

J'ai remis vendredi ce rapport au Président de la République et nous l'avons rendu public dans la foulée. Je rappelle que le Président de la République avait exprimé en août dernier le souhait d'un vaste travail de comparaison fiscale entre les deux pays. Nous avons décidé d'inscrire cette enquête au programme de la juridiction. Elle a été conduite en s'appuyant sur les méthodes et procédures habituelles de la Cour : nous avons donc travaillé dans le respect des principes de contradiction avec les administrations et de collégialité. Nous avons également un peu innové en interne en mettant en place un groupe ad hoc d'experts pour éclairer les travaux de la juridiction et en organisant de très nombreuses consultations et auditions de responsables économiques, d'experts, sans oublier les partenaires sociaux, organisations d'employeurs et syndicats de salariés. Autant de méthodes que nous souhaitons désormais appliquer plus systématiquement en matière d'évaluation des politiques publiques. D'ailleurs, par certains aspects, ce rapport est un peu une évaluation comparée des politiques fiscales.

Il ne s'agit pas d'un rapport conjoint avec la partie allemande, à savoir le ministère fédéral des finances. Certes, nous avons eu des échanges techniques fructueux et confiants avec nos partenaires allemands, mais le rapport est établi sous notre seule responsabilité. Il s'inscrit d'ailleurs dans la continuité des travaux de la Cour, qu'il s'agisse de nos rapports sur la situation et les perspectives des finances publiques, du rapport public annuel de février 2011, des rapports sur la sécurité sociale ou encore des rapports du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du patrimoine ou la comparaison des prélèvements obligatoires.

Le rapport couvre l'ensemble des prélèvements tant fiscaux que sociaux. Nous avons souhaité une approche large, qui ne se limite pas aux questions étroitement fiscales. Il faut bien voir en effet que la fiscalité est un outil, et que, dans des sociétés anciennes et complexes comme les nôtres, elle ne peut être dissociée d'un arrière-plan institutionnel, historique, économique et social. Le fédéralisme allemand, son tissu économique, notamment l'importance des entreprises de taille intermédiaire, le Mittelstand, son modèle économique tourné vers l'exportation, sa pratique politique de coalition dans la période récente, sont autant de caractéristiques qui expliquent la fiscalité allemande. Nous nous sommes efforcés de prendre en compte cet arrière-plan dans notre analyse.

De plus, l'outil que constitue la fiscalité peut être mis au service de plusieurs objectifs. Traditionnellement, les objectifs assignés à la fiscalité sont le rendement, l'efficacité économique et la justice. C'est pour cette raison que la simple transposition ou importation de « morceaux » de fiscalité étrangère ne peut vraiment fonctionner : la fiscalité n'a de sens que dans un contexte, et en fonction d'objectifs fixés au préalable. Le rapport n'invite donc pas à copier ou à transposer un système qui serait intrinsèquement meilleur. Il n'y a pas de hiérarchie ou de classement à chercher dans le rapport. En revanche, la comparaison produit une sorte d'effet miroir et invite à s'interroger sur les conceptions et les pratiques.

Nous avons donc procédé à une comparaison des principaux impôts, mais aussi à une comparaison des politiques fiscales menées dans les deux pays depuis une dizaine d'années, de façon à appréhender le contexte et les objectifs poursuivis. A ce titre, il ressort de notre enquête que l'attractivité et la compétitivité globale d'un pays ne dépendent que partiellement de la fiscalité, qui n'est qu'un des leviers possibles. Si l'on s'attache à la situation respective de la France et de l'Allemagne, la fiscalité n'apparaît pas comme un facteur décisif. En toute rigueur, avant de comparer les dispositions fiscales, il fallait les resituer dans un cadre économique, financier et social plus large afin de pouvoir analyser les interactions entre le système fiscal et cette toile de fond.

Le chapitre premier du rapport est consacré à ce sujet. Cela a été une partie délicate pour plusieurs raisons, notamment d'ordre méthodologique : il faut être toujours prudent lorsque l'on interprète des statistiques. En effet, les classifications sont conventionnelles et parfois discutables. Par exemple, pour Eurostat, la taxe d'habitation est en partie une imposition du capital alors même que les locataires l'assimileraient vraisemblablement plutôt à une charge de consommation, voire à une imposition sur le revenu. Surtout, les statistiques diffèrent d'une source à l'autre. Quand nous avons voulu comparer les taux de prélèvements obligatoires entre les deux pays, nous nous sommes aperçus que l'OCDE et Eurostat ne donnaient pas le même chiffre pour l'Allemagne, ou encore que le périmètre de la protection sociale obligatoire, qui n'est pas le même entre les deux pays, avait un fort impact.

Deuxième obstacle : les statistiques françaises se sont révélées beaucoup plus nourries que les statistiques allemandes sur des sujets comme la redistribution et les inégalités, rendant de ce fait difficiles les comparaisons approfondies sur ces sujets.

Troisième précaution nécessaire : le choix du point de départ de notre comparaison n'est pas neutre. Selon que l'on choisisse 1990, date de la réunification allemande, ou 2000, ou encore 2005, on peut aboutir à des lectures différentes des tendances et des trajectoires. De façon générale, nous avons choisi de nous référer au début des années 2000, mais nous avons aussi pris du recul sur certains sujets qui le nécessitent, tel celui du coût du travail.

Venons-en au diagnostic lui-même, qui fait apparaître certaines caractéristiques avec clarté. Tout d'abord, pour les finances publiques, l'écart est manifeste : le déficit structurel de la France est supérieur de plus de trois points de produit intérieur brut (PIB) à celui de l'Allemagne. Ces trois points-là nous semblent bien plus importants et graves que ceux qui séparent les deux taux de prélèvements obligatoires, qui s'expliquent surtout par les périmètres différents des systèmes de protection sociale.

Cette différence entre les deux déficits structurels date d'avant la crise économique : l'Allemagne a profité de la période de croissance relativement forte qui a précédé la récession pour réduire son déficit public. En 2008, la France abordait la crise avec un déficit public de 3,3 % du PIB, l'Allemagne avec un excédent de 0,1 %. Cet écart structurel est à l'évidence une donnée qui contraint fortement la politique future de la France en matière de prélèvements.

Seconde caractéristique : en matière de redistribution et d'inégalités, la comparaison n'est pas au désavantage de la France à la fois dans l'absolu et en dynamique. Ainsi, le taux de pauvreté relative a augmenté de moitié en Allemagne entre 2000 et 2009, alors qu'il diminuait de 20 % en France.

Le diagnostic économique appelle de notre part discernement et lucidité. S'il est certain que la croissance potentielle allemande de long terme est réduite, étant donné que son vieillissement démographique très rapide pèsera davantage sur ses finances publiques et sa croissance, il n'en demeure pas moins qu'après le choc de la réunification, l'Allemagne s'est engagée résolument et de façon continue dans une politique de restauration de sa compétitivité, et ce dès la fin des années 1990. Cette stratégie, fondée sur un mélange de mesures fiscales, de restructuration du marché du travail et de modération salariale, paraît aujourd'hui avoir porté ses fruits. Qu'il s'agisse de balance commerciale, de chômage ou de croissance, de nombreux indicateurs sont aujourd'hui positifs pour l'Allemagne. Nos contacts avec nos interlocuteurs allemands nous ont montré toute l'importance qu'ils attachent à persévérer dans cette voie. Pendant ce temps-là, notre industrie a perdu l'avantage « coût » d'environ 10 % qu'elle avait au début des années 2000, et nos parts de marché à l'exportation ont régressé très sensiblement : elles ont perdu trois points entre 2000 et 2009 pendant que l'Allemagne en gagnait trois. Le fait que les autres pays de la zone euro soient dans une situation voisine de la nôtre en termes d'évolution de la compétitivité coût n'enlève rien à ce constat, d'autant que nous sommes plus sensibles que d'autres pays à l'évolution de notre compétitivité coût vis à vis de l'Allemagne : nous sommes souvent concurrents à l'exportation et sur les marchés nationaux. Pendant longtemps, notre compétitivité coût a compensé en partie notre handicap en termes de compétitivité hors coût, c'est-à-dire les insuffisances structurelles de l'offre industrielle française. La disparition de l'avantage coût est donc une donnée majeure, même si le niveau absolu des coûts est aujourd'hui comparable.

Ce diagnostic est l'occasion de faire apparaître deux lignes qui devraient guider la politique de prélèvements future de la France. Je ne surprendrai personne ici en disant que cette politique fiscale doit avant tout contribuer à réduire les déficits et à relever le potentiel de croissance à long terme de la France en améliorant sa compétitivité.

Au chapitre II du rapport, nous avons procédé à une analyse aussi précise que possible par grands blocs de prélèvements. L'impôt sur le revenu, la CSG et les cotisations tout d'abord. En Allemagne, l'impôt sur le revenu est un peu plus progressif : le taux marginal supérieur est de 45 %, porté à 47,5 % du fait de la surtaxe de solidarité, contre 41 % en France. Mais surtout son assiette est plus large, ce qui s'explique par le penchant français pour des niches fiscales nombreuses et coûteuses. La France a en revanche un prélèvement social que l'on peut estimer plus solidaire, ou du moins privilégiant davantage la justice fiscale : les prélèvements sur les revenus du travail sont plafonnés en Allemagne, un peu moins en France. Existe, en outre, la CSG qui porte sur tous les revenus, y compris ceux du patrimoine et sans aucun plafond. Si l'on regarde l'impact global sur les revenus du travail et la progressivité de ces prélèvements, on constate qu'ils sont en fait très proches entre les deux pays. On mesure cet impact par ce que l'on appelle le « coin socio-fiscal » ou « coin fiscalo-social » : il s'agit tout simplement de l'écart entre le coût salarial global pour l'employeur et ce qui reste au salarié après cotisations, CSG et impôt sur le revenu. Cela nous montre bien qu'il faut avoir une approche d'ensemble si l'on veut que la comparaison ait un sens. On voit ainsi qu'en matière de redistribution, les deux pays n'utilisent pas les mêmes leviers : l'Allemagne a préservé un impôt sur le revenu fort, qui y est le symbole de la redistribution, mais elle taxe très peu la détention du patrimoine - 0,46 % du PIB, contre 1,13 % pour la moyenne de l'OCDE - et elle a un prélèvement social clairement dégressif.

Si l'on s'attache aux effets redistributifs, il ne faut pas oublier non plus que les prestations sont importantes, et même plus importantes que les prélèvements en termes de redistribution : deux tiers pour les prestations et un tiers pour les prélèvements. Le prochain rapport du Conseil des prélèvements obligatoires développera cette analyse. La comparaison en matière d'assurance maladie est à cet égard éclairante : l'assurance maladie française couvre à titre obligatoire toute la population et elle est financée par tous les revenus alors que dans le cas de l'assurance maladie allemande, financée par les seuls salaires sous plafond, les 10 % de la population ayant les revenus les plus élevés peuvent ne pas s'affilier.

En ce qui concerne l'imposition du patrimoine, nos pays ont fait des choix très différents. L'Allemagne a choisi de taxer principalement les revenus du patrimoine. La France a voulu taxer tant la détention que les revenus et la transmission du patrimoine. En matière de taxation de la détention du patrimoine, le principal écart ne provient pas de l'ISF - 3,6 milliards en 2010 - mais bien des taxes foncières - 33 milliards.

La situation allemande est particulière : l'évaluation du foncier qui, comme en France, se caractérise par un certain archaïsme, est à l'origine de la suspension de l'imposition globale de la fortune en Allemagne, consécutive à la décision de la Cour constitutionnelle. D'aucuns pensent que cette jurisprudence pourrait menacer également la solidité constitutionnelle des taxes foncières existantes. Il faut en outre conserver à l'esprit que l'impôt sur la fortune allemand incluait dans son assiette les bien professionnels et était dû tant par les ménages que par les sociétés. Ce n'est pas le cas de l'ISF qui, s'agissant du foncier, est assis sur la valeur vénale et repose donc sur des bases plus solides. Il souffre cependant d'une assiette étroite. D'autre part, on peut légitimement se demander si les taux sont fixés au bon niveau : le taux actuel de la tranche supérieure, qui se monte à 1,8 %, est plus élevé qu'à sa création en 1982, alors même que le rendement nominal des placements financiers et l'inflation ont été divisés par près de quatre : en 1982, le taux des emprunts d'État s'élevait à 16 %, contre 3,3 % en 2010. La taxation des revenus du patrimoine est particulièrement complexe en France, parce qu'elle est le fruit d'une juxtaposition de multiples régimes spécifiques, et il est loin d'être avéré que la fiscalité de l'épargne soit en cohérence avec les objectifs prioritaires du pays.

Pour l'imposition sur les sociétés, les différences sont moindres et les rapprochements plus facilement envisageables. Le travail que nous avons entamé avec le ministère fédéral des finances allemand a permis d'identifier précisément une quinzaine de différences en matière d'assiette, mais, en définitive, les résultats sont assez voisins. De fait, nous pensons qu'il y a de réelles possibilités de faire converger à terme les assiettes, même si le crédit d'impôt-recherche est une différence substantielle entre les deux pays. Il nous paraît indispensable que le travail prometteur que nous avons engagé avec le ministère fédéral des finances, se poursuive maintenant directement au niveau des ministères concernés.

La spécificité française tient d'ailleurs moins à l'imposition du résultat des sociétés qu'à l'importance des prélèvements qui, en amont, grèvent le résultat et qui n'ont pas d'équivalent en Allemagne : ils représentent environ 58 milliards d'euros en 2008, dont 26 assis sur la masse salariale. Il s'agit de la taxe sur les salaires, de la contribution économique territoriale (CET), du versement transport, de la C3S, du versement au Fonds national d'aide au logement et de divers autres prélèvements qui s'ajoutent aux cotisations de sécurité sociale. Tous ces prélèvements, sauf la CET récemment réformée, sont en outre « dynamiques ». Le débat sur les charges des entreprises doit donc sortir du seul champ traditionnel des cotisations de sécurité sociale, qui ont d'ailleurs été déjà considérablement allégées pour les bas salaires, pour un coût de plus de 30 milliards d'euros. Un inventaire précis, une analyse de la dynamique et de la pertinence de ces prélèvements, dont certains sont assis sur les salaires, seraient bien utiles.

La taxe sur la valeur ajoutée n'a pas évolué de la même manière de part et d'autre du Rhin. Si l'on prend pour base 1990, l'Allemagne a augmenté de cinq points son taux normal de TVA, essentiellement pour réduire les déficits et, pour une part plus faible, alléger les charges pesant sur le facteur travail. Dans le même temps, la France a augmenté son taux d'un point. Dans la période la plus récente, alors que l'Allemagne a augmenté son taux de trois points, la France a, par phases successives, baissé le produit de la TVA. Cette dernière représentait en 2008 18 % des recettes fiscales en Allemagne contre 16,4 % en France alors qu'en 1995, la situation était inverse. Ces évolutions contrastées s'expliquent pour une large part par le fait que les exceptions au taux normal sont sensiblement plus importantes en France, sans que, pour autant, le prélèvement de TVA y soit plus juste : appliquer le taux réduit aux travaux de rénovation et à la restauration, deux consommations qui ne sont pas principalement le fait des ménages modestes, n'est pas à proprement parler une mesure de justice fiscale. Si l'on se contentait d'un simple alignement, en France, sur le niveau et le périmètre du taux réduit - 7 % - appliqués en Allemagne, la France disposerait d'une recette supplémentaire de 15 milliards d'euros. Les deux tiers de cette moindre recette proviennent des taux réduits sur les travaux dans les logements et dans la restauration, qui n'existent pas en Allemagne.

Plus généralement, la France apparaît en la matière comme une singularité : les pays du Nord de l'Europe, et tout récemment le Royaume-Uni, qui a relevé son taux normal de 2,5 points pour un produit d'environ 15 milliards d'euros, sollicitent davantage la TVA et n'hésitent pas à la modifier.

Enfin, nous avons comparé la fiscalité environnementale qui, dans les deux pays, se situe à un niveau inférieur à celui constaté en Europe. Les politiques menées sont divergentes : l'Allemagne a alourdi progressivement, mais de manière continue, la taxation des carburants alors que notre TICE, la taxe intérieure sur les consommations énergétiques, qui a remplacé la TIPP, a vu son rendement stagner. Quant à l'utilisation des véhicules particuliers, elle est moins taxée en France depuis la suppression de la vignette au début des années 2000.

J'en viens aux principaux enseignements que nous pouvons tirer de ce travail de comparaison et qui font l'objet du chapitre III.

Il ne s'agit pas d'appliquer ou de copier un modèle, mais de réfléchir à la politique française de prélèvements, à ses finalités et à ses évolutions possibles. Il appartient à la Cour de contribuer à éclairer le débat, mais il revient naturellement au Gouvernement et au Parlement de décider.

La première leçon que nous pouvons tirer de cet exercice comparatif porte sur les principes, sur la conception même de la politique fiscale. L'Allemagne attache une priorité plus forte au rendement budgétaire, à la préservation de la recette, en un mot à l'équilibre de ses finances publiques. Elle préfère aussi des mesures fiscales qui soient neutres économiquement et ne distordent pas l'activité, alors que la France a souvent tendance à pratiquer une forme d'interventionnisme fiscal et à agir dans un même domaine à la fois par des dépenses budgétaires et des régimes fiscaux dérogatoires. La France a trop tendance à considérer l'impôt comme un outil de politique économique aux objectifs multiples et souvent mal définis, ce qui conduit à la multiplication des niches fiscales et sociales, tandis que la fiscalité allemande fait moins de place aux exceptions et aux niches. Toujours dans cette même logique, le gouvernement allemand vient d'ailleurs d'engager une démarche pour délimiter de façon encore plus stricte le champ d'application du taux réduit de TVA.

Deuxième remarque : le principe d'unité et d'intégration de la politique des prélèvements est plus fort en Allemagne. Alors même qu'il s'agit d'un pays fédéral, la règle veut que les impôts soient partagés entre l'État, les Länder et les collectivités territoriales, tandis que le pouvoir fiscal est partagé entre Bundestag et Bundesrat. En France, au contraire, l'autonomie des collectivités territoriales se mesure traditionnellement au poids de leurs recettes fiscales propres, si bien que le pouvoir fiscal est partagé entre l'État et les collectivités territoriales.

En matière de finances sociales, l'Allemagne refuse de laisser la sécurité sociale en situation durable de déficit : à défaut d'autre solution, les déficits sont compensés par le versement d'une subvention du budget général, alors qu'en France, nous maintenons une séparation de principe entre les comptes sociaux et les comptes de l'État et admettons un déficit permanent des comptes sociaux qui débouche sur une dette croissante.

S'il fallait résumer l'approche allemande de la fiscalité, je dirais, sans chercher pour autant à idéaliser, que l'Allemagne préfère une politique fiscale plus lisible, plus prévisible, plus neutre et plus stable, ce qui présente bien des avantages pour les acteurs économiques.

Quels enseignements concrets pouvons-nous tirer, en France, de ces éléments de comparaison ? Au-delà des débats en cours sur la fiscalité du patrimoine, sur le rapprochement éventuel, et délicat en termes d'assiette, de l'impôt sur le revenu et de la CSG, le rapport relève que, si l'on s'en tient à la comparaison entre la France et l'Allemagne c'est, au-delà de la nécessaire réduction des niches fiscales et sociales, en matière de TVA et de fiscalité environnementale qu'existent les plus fortes marges de rapprochement possible.

Le rapport souligne aussi la nécessité d'inscrire durablement la politique fiscale dans une double perspective : réduction des déficits et amélioration de la compétitivité et du potentiel de croissance de notre économie. Il mentionne enfin la voie à explorer : engager un processus progressif qui substituerait un financement universel à un financement professionnel assis sur le seul facteur travail pour des politiques publiques qui ne sont pas toujours en lien direct avec l'entreprise : on peut penser à la politique familiale, mais aussi à celles du transport ou encore du logement. Cela rejoint la préoccupation d'une neutralité économique des prélèvements.

Nous sommes conscients qu'il s'agit d'un débat vaste, sensible, qui appelle expertise et concertation. La Cour ne prétend pas le trancher mais elle est convaincue qu'il est nécessaire et qu'il n'est pas synonyme d'un renoncement aux préoccupations de justice qui, dans la situation actuelle, sont légitimes, et qui peuvent prendre la forme soit d'aménagements des prestations sociales, soit d'une plus grande progressivité de l'impôt.

En tout cas, la France a besoin d'une stratégie fiscale de moyen terme claire et cohérente avec sa stratégie en matière de finances publiques, qui ne saurait se réduire au seul volet dépenses. Pourquoi ne pas inclure à l'avenir dans les lois de programmation des finances publiques ayant force contraignante, des dispositions guidant la politique en matière de prélèvements fiscaux et sociaux et qui interdiraient les déficits sociaux ?

Troisième et dernier point : comment poursuivre la convergence fiscale entre les deux pays ? La France et l'Allemagne ne sont, en aucun domaine, des concurrents fiscaux. La comparaison met inévitablement l'accent sur les différences, c'est la loi du genre. Cela ne saurait faire oublier que ce qui rapproche les deux pays est beaucoup plus important que ce qui les sépare, dès lors qu'on élargit le champ de l'analyse et que l'on resitue le couple franco-allemand par rapport à la zone euro et a fortiori à l'Union européenne.

Pour que la France et l'Allemagne continuent sur la route du rapprochement et de la convergence, le rapport suggère trois voies : tout d'abord, faire progresser la convergence au quotidien, en identifiant puis en résolvant les problèmes pratiques qui subsistent pour ceux qui exercent une activité dans les deux pays, en particulier les chefs d'entreprise. On pourrait ainsi harmoniser les délais de déclaration fiscale ou les modalités d'évaluation des biens en cas de succession ou de transmission d'entreprises, qui sont aujourd'hui sources de complexité et de difficultés. Ensuite, il faudrait parvenir à la définition d'éléments d'assiette commune en matière d'impôt sur les sociétés. Les deux pays devraient pouvoir s'accorder sur l'essentiel, voire la totalité de ces règles. Ce serait un pas important dans la perspective d'une assiette commune au niveau de l'Union européenne dont la Commission vient de relancer le projet. Le couple franco-allemand, dans ce domaine comme bien d'autres, peut avoir un rôle d'entraînement.

Enfin, il faut veiller à mieux inclure les politiques fiscales dans la coordination économique renforcée dont la France, l'Allemagne et, au-delà, la zone euro, ont besoin. Le Conseil économique franco-allemand pourrait naturellement en être le pivot.

J'espère vous avoir convaincus que nous avons besoin d'une stratégie fiscale de moyen terme. La Cour souhaite par ce rapport contribuer à éclairer le débat fiscal des mois et des années à venir, débat dont chacun mesure l'importance pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Merci pour cette communication alors même que ce rapport vient tout juste d'être rendu public. La France a une politique fiscale, mais elle est implicite et elle gagnerait à être présentée sous forme de stratégie. D'après votre analyse, si la convergence portait sur les dépenses publiques, la France économiserait 150 milliards d'euros, ce qui faciliterait l'équilibre de nos comptes publics.

Vous souhaitez interdire le déficit de la protection sociale, mais chaque année, des recettes fiscales passent du budget de l'État à celui de la sécurité sociale. Ne serait-il pas préférable de consolider les prélèvements obligatoires et d'étatiser certaines recettes de la protection sociale ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Une grande partie des réponses vous appartient ! C'est le Parlement qui vote l'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet exercice est extrêmement utile : il apporte le recul dont nous avons besoin pour éviter des débats trop parcellaires, techniques, circonstanciels.

Après avoir rappelé l'importance d'une stratégie fiscale globale, j'en viens à la TVA. D'après vous, un alignement sur le régime allemand des taux et des périmètres de la TVA aboutirait à un surcroît de recettes de plus de 15 milliards d'euros et vous précisez que le taux réduit dans les secteurs du logement et de la restauration représente à lui seul les deux tiers de l'enjeu total. Comment êtes-vous parvenu à ce chiffre ? Résulte-t-il d'un calcul macroéconomique ou d'une définition produit par produit, service par service ?

Suggérez-vous d'abroger le taux réduit applicable aux travaux dans les logements et à la restauration ? Comme la Cour préconise de réduire l'imposition du travail, fait-elle partie de ceux qui sont convaincus des bienfaits d'une TVA sociale ?

Avez-vous examiné les conséquences d'une fiscalité environnementale sur la compétitivité industrielle et sur l'efficacité énergétique ?

Concernant l'impôt sur les sociétés, un travail d'analyse en partenariat avec le ministère fédéral des finances allemand se poursuit. Il devrait aboutir au premier semestre dans la perspective des discussions relancées par la Commission européenne en matière d'assiette commune consolidée pour l'imposition sur les sociétés. Pourriez-vous développer ce point en relation avec la question de la converge économique et fiscale dans la zone euro ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Une stratégie fiscale globale est souhaitable. Pour y parvenir, il faut des lois de programmation qui aient force contraignante sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

La Cour ne rentre pas dans le débat sur la TVA sociale : elle formule un certain nombre de constats à partir de la comparaison de ce qui se passe en Allemagne et en France s'agissant de la TVA. Quand nous évoquons 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires, nous prenons en compte à la fois le taux réduit de TVA pratiqué en Allemagne et son champ d'application. Nous observons que la France use et abuse du taux réduit, ce qui fait perdre du rendement à cette imposition, ce qui n'est pas dans la culture allemande. Sur le transport intérieur, nous avons un taux à 5,5 % alors que les Allemands ont un taux à 19 %. Même remarque pour les services de restauration, les services à la personne, les travaux sur les logements... Pour les Allemands, la TVA n'est pas obligatoirement l'outil le plus adapté pour faire de la redistribution et de la justice fiscale. Pour eux, la TVA doit apporter du rendement et moins il y a de niches, mieux c'est.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

En tout cas, cela mérite réflexion. Pierre Méhaignerie nous disait ce matin que la France avait sans doute un des régimes de protection sociale les plus efficaces en Europe mais que, paradoxalement, son impôt sur le revenu était plus faible que dans bien d'autres pays. Les pays nordiques ont un régime substantiel de protection sociale, mais aussi un impôt sur le revenu plus progressif et une TVA plus importante qu'en France. Tout cela doit nous pousser à réfléchir sur la répartition des impositions entre le travail, la consommation et le patrimoine.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, la comparaison avec les Allemands est intéressante : ils ont fait des réformes qui ont réduit à deux reprises les taux mais, parallèlement, ils en ont élargi sensiblement l'assiette. Au-delà de quelques différences que nous avons identifiées, lorsqu'on additionne le taux national et le taux local, on se retrouve assez près de celui pratiqué en France. Des convergences ne seront pas trop difficiles à obtenir sur cet impôt. Il reste quand même de grandes différences : ainsi, une grande partie des entreprises allemandes relèvent de l'impôt sur le revenu. De plus, nous avons en France, à côté de l'impôt sur les sociétés, un nombre impressionnant de taxes et de prélèvements qui pèsent sur les coûts de production, c'est-à-dire sur le travail, de façon beaucoup plus prononcée qu'en Allemagne. La France fait payer un certain nombre de politiques publiques par des prélèvements qui pèsent sur le travail, alors que nombre d'autres pays ont recours à des prélèvements de type universel. Tout cela mérite réflexion et devrait inciter le Parlement et le Gouvernement à y travailler.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, les Allemands souhaitent avancer sur la définition d'une assiette commune possible qui pourrait faire l'objet d'une initiative franco-allemande à l'occasion de prochains sommets. Le sujet nous paraît plutôt mûr, étant entendu que, s'il y a une proposition franco-allemande, celle-ci doit recueillir l'accord de tous les pays membres.

Sur la fiscalité environnementale, nous constatons que la France et l'Allemagne sont plutôt en deçà de ce que font d'autres pays, mais les Allemands expriment une préoccupation plus forte à propos de l'environnement, ce qui se traduit par une fiscalité qui se « verdit » en substitution d'autres prélèvements. Les Allemands ont réussi ce que nous avons échoué à faire pour la TGAP et pour la taxe carbone.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

S'il demeurait le moindre doute quant à l'utilité de cet important travail, votre exposé l'écarterait, monsieur le premier président, et l'on est impressionné par la simplicité du système allemand, en regard de notre inextricable fiscalité ! Nous avons combattu âprement, lors des derniers débats budgétaires, pour obtenir le retour au taux de TVA de 19,6 % sur la restauration. Le Gouvernement nous a fait chaque fois une réponse fallacieuse, alors que rien n'est technique dans cette affaire et que tout est politique. En Allemagne, le taux réduit ne s'applique à aucun secteur de la restauration. Mais nous avons perdu 3 milliards d'euros en abaissant le taux sur la restauration traditionnelle - et nous perdions déjà des recettes considérables sur la restauration rapide, à 5,5 % !

Pourquoi le seul fait d'envisager une hausse de la TVA comme une réponse aux déficits ou un allègement du coût du travail produit-il en France une tétanie immédiate ? Nos voisins comprennent-ils de tels blocages ? On redoute par-dessus tout de freiner ainsi la consommation, dans laquelle nous mettons tous nos espoirs de croissance. Ailleurs, on n'hésite pas à augmenter la TVA, non d'un point, ni de deux, mais de trois - sans conséquence notable sur les prix.

La CRDS est un impôt destiné à financer la dette sociale. La commission des finances s'est battue pour l'augmenter, afin de ne pas laisser le fardeau s'accumuler sur les générations futures. En Allemagne, une réforme a réglé le problème des déficits des dépenses maladie. Chez nous, 6,5 milliards d'euros sont prélevés mais ils ne règlent rien ! Et l'on va ajouter 132 milliards de dette jusqu'en 2021.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il n'y a pas de déficit en Allemagne, car les comptes doivent être à l'équilibre.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Le déficit est comblé par une subvention du budget fédéral.

Les Allemands ne s'interrogent pas sur la TVA, ils n'ont aucun doute à son sujet, quelle que soit leur sensibilité politique. Ils réfléchissent même à la façon de réduire encore le champ du taux réduit, pour le réserver aux produits alimentaires et à la culture.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Ils n'envisagent pas de taux intermédiaires. Enfin, on n'a pas observé chez eux de hausse des prix due à la hausse du taux de TVA, mais il est vrai que la conjoncture ne prête guère à des renchérissements de prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je remercie les équipes de la Cour qui ont mené un travail fort utile. Je félicite M. le premier président pour sa prudence quand il présente ses conclusions en tenant compte de la conjoncture. Les grands fondamentaux sont différents en France et en Allemagne, nos voisins ayant des finances publiques saines, un tissu industriel solide, qu'ils ont su préserver, et une culture de la négociation. Ces trois caractéristiques font défaut chez nous.

C'est une habitude bien française que de rechercher des modèles. C'est à raison que l'on reste prudent, car nous en sommes à notre énième modèle en quinze ans... Nos philosophies en matière d'impôt sur les sociétés sont très différentes. Nombre de sociétés allemandes acquittent l'impôt sur le revenu. Or, il est indiqué page 162 que les statistiques disponibles ne permettent pas de déterminer le montant d'impôt sur le revenu acquitté par les sociétés de personnes. C'est ennuyeux ! Est-ce dû à un manque de temps pour approfondir votre étude ? Ou bien la lecture des statistiques pose-t-elle problème ? Le travail va se poursuivre : pensez-vous pouvoir obtenir cette donnée ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Elle n'existe pas ! On nous a donné un ordre de grandeur, entre 12 et 15 milliards d'euros. Mais nous avons interrogé des chefs d'entreprise, tous nous disent que le régime fiscal est neutre sur le plan économique ; ce n'est visiblement pas un handicap de payer l'un plutôt que l'autre de ces deux impôts. Les entreprises françaises qui ont des unités en Allemagne estiment que la fiscalité n'est pas déterminante dans la décision d'implantation : si elles préfèrent s'installer en Allemagne, c'est plutôt en raison d'une culture de la négociation. Les développements que notre rapport public annuel consacre au Grand port maritime de Marseille montrent que c'est l'absence de dialogue et la multiplicité des blocages qui ont finalement provoqué les difficultés économiques que l'on sait.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Quelle est votre position sur le maintien de l'ISF en France, alors qu'il a été supprimé en Allemagne ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Il n'appartient pas à la Cour de répondre à cette question ! L'ISF n'a pas été supprimé mais suspendu par les Allemands, car les bases de calcul ont été considérées comme inéquitables, fondées sur les seules valeurs cadastrales - autrement dit sur les seuls biens immobiliers.

Ce n'est pas l'imposition du patrimoine qui détermine la compétitivité d'un pays mais s'il y a chez nous un problème d'assiette et de taux de l'ISF, on peut envisager d'appliquer des taux différents... La décision relève du seul politique. La comparaison avec l'Allemagne est-elle pertinente ? Les Allemands taxent très peu la détention de capital, les Français beaucoup : mais entre les deux il y a les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

L'ISF fait partir ceux qui le paient, il n'y aura bientôt plus personne pour le payer...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Depuis 1975, année lors de laquelle nous avons mené une grande comparaison franco-allemande, la situation de notre pays s'est beaucoup dégradée !

Avez-vous pris en compte le travail dissimulé, c'est-à-dire l'ensemble des secteurs qui oublient de payer l'impôt ? Quels sont les mécanismes de contrôle et de vérification ? Quelle importance revêt la fraude dans chacun des deux pays ?

Pour établir des comparaisons internationales, ajoutez-vous la CSG à l'impôt sur le revenu, ainsi qu'ont tendance à le faire de jeunes économistes, M. Piketty par exemple ? Ou la considérez-vous comme un impôt sur la consommation, affecté au champ social ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Nous n'avons pas pris en compte le travail dissimulé, qui par définition n'est pas visible dans les statistiques. Nous avons envisagé la CSG sous ces deux aspects, à la fois comme impôt direct sur le revenu et comme financement de la protection sociale.

La totalité des actifs patrimoniaux en France - après déduction des passifs - se monte à 9 200 milliards d'euros, dont 3 800 d'actifs financiers. Les actifs ont plus augmenté en France, malgré l'ISF, qu'en Allemagne où l'on n'applique plus l'impôt sur la fortune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Mais la hausse pour l'essentiel est due aux plus-values immobilières latentes. Il suffit que les taux d'intérêt baissent pour que les prix de l'immobilier s'envolent ! Il s'agit d'une inflation des actifs.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

C'est là qu'apparaît la limite des comparaisons.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le document est très précis et sera très utile pour la réflexion sur la fiscalité. J'en remercie toute l'équipe. M. Migaud a souligné l'importance de disposer de statistiques fiables. On en a fait l'expérience ces dernières semaines. Rexecode a utilisé des chiffres qui n'étaient pas exacts pour établir des comparaisons avec l'Allemagne. Les chiffres de l'Insee ne sont pas clairs non plus. L'impôt sur le revenu fondé sur une progressivité réelle a du sens. Les Allemands ont le sentiment que leur fiscalité est juste.

L'impôt sur les sociétés est comparable dans les deux pays, mais en France les niches ont une large place et les dispositifs dérogatoires sont étendus. Nous présenterons une proposition de loi sur le sujet.

Avez-vous des éléments sur les sources de minoration de l'impôt ? En France le taux légal de l'impôt sur les sociétés est de 33 1/3 % mais les entreprises du CAC 40 payent en moyenne 8 % et Total presque rien ! Observe-t-on une marge de variation similaire en Allemagne ? Il en résulte une vraie inégalité devant cet impôt. Et ce sont les PME qui sont pénalisées.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

L'écart est moins important en Allemagne puisque le taux est moins élevé et l'assiette plus large. On ne constate pas de tels écarts. Vous trouverez des éléments à l'annexe 6 sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes

La principale différence tient dans les reports en avant des déficits, qui ne sont pas limités dans le temps.

Debut de section - Permalien
Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes

Pas en Allemagne. Il existe, par année, un système de quotas, mais le report est illimité. Il se traduit par 500 milliards d'euros de dette latente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Si ses comptes devaient être certifiés, l'État allemand devrait passer une provision équivalente...

Debut de section - Permalien
Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes

Cela représente 376 milliards d'euros en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

On ne pense qu'harmonisation par le haut, mais où sont les minorations d'impositions ? Nous avons par rapport aux Allemands trois points de plus de prélèvements obligatoires, or la croissance allemande est de 3 % et la nôtre de 1 %. Quel est le taux d'imposition raisonnable pour conforter la compétitivité d'un pays ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

On réduit le déficit lorsque l'on agit à la fois sur les dépenses et les recettes. Les Allemands n'ont pas hésité à comprimer certaines dépenses et à augmenter les prélèvements. Si des réformes de la fiscalité doivent intervenir en France, je recommande qu'elles aient lieu à rendement constant. Il faut aussi agir sur une période suffisamment longue pour parvenir à combler les déficits.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Votre document est remarquable et précieux pour nous. En France, avez-vous rappelé, on conçoit l'autonomie des collectivités locales comme fiscale avant tout. Quel est l'effet de cette autonomie sur la distorsion observée entre la France et l'Allemagne ? Y a-t-il un effet répulsif de la fiscalité locale, lorsque les entreprises ont à faire un choix d'implantation ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Le pilotage est plus facile en Allemagne puisque tout est fait au niveau de l'État fédéral. C'est un paradoxe pour un pays fédéral mais c'est ainsi ! Et l'on ne considère pas l'autonomie fiscale comme la condition de fortes responsabilités locales. Donc, en Allemagne, le pilotage est plus intégré.

Le facteur important pour les entreprises, c'est la taxe commerciale, à peu près l'équivalent de notre ancienne taxe professionnelle. La Gewerbesteuer varie fortement d'un Land à l'autre.

Debut de section - Permalien
Raoul Briet, conseiller-maître à la Cour des comptes, rapporteur général du rapport

Avec un taux plancher pour éviter le dumping...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

La contribution économique territoriale française et la taxe commerciale sont-elles du même ordre ? Ont-elles le même type d'assiette ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Pas du tout : la taxe allemande pèse, comme l'impôt sur les sociétés, sur les bénéfices. En général, les taxes françaises s'imputent avant résultat ! C'est une différence fondamentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Pouvez-vous nous dire un mot de la fiscalité sur la transmission des entreprises, des fonds de commerce et des droits sociaux ? En Allemagne, on assure la fluidité en n'imposant pas la transmission, mais ce régime est assorti de conditions quant au maintien des emplois et de l'activité, me semble-t-il. La France pourrait s'en inspirer pour une réforme...

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

La fiscalité est faible mais la conditionnalité forte, en termes de masse salariale et d'emplois.

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Oui ! Le régime est favorable, mais sous conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En cas de délocalisation, on subit une taxation. Voilà une imposition anti-délocalisation ! Nous pourrions tous cosigner une proposition de loi, qui illustrerait en outre un changement de mentalités et un progrès du consensus !

Votre étude a sans doute passionné les Allemands ?

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Ils en attendent la traduction ! Nous vantons la simplicité du modèle fiscal allemand, mais les Allemands, eux, le jugent peu clair, trop complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le système français est compliqué parce que les Français sont très intelligents ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Alors ils devraient avoir l'intelligence de le simplifier !

Debut de section - Permalien
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

Au moins une culture du dialogue entre les forces politiques, entre patronat et syndicats...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le premier président, nous vous remercions.