La commission examine le rapport pour avis de MM. Jean-Marc Pastor et Robert del Picchia sur le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission Action extérieure de l'Etat du projet de loi de finances pour 2014.
Les crédits du programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires », augmentent en 2014 de 5%, à 375 millions d'euros, au sein d'une mission « Action extérieure de l'état » aux crédits contraints.
Les priorités sont les mêmes que l'année dernière : sécurisation de nos implantations consulaires, augmentation des bourses scolaires, maintien de l'action sociale.
Les crédits consacrés à l'aide sociale sont cette année encore préservés : leur enveloppe s'élève à 19,8 millions d'euros, dont 16 millions consacrés aux plus démunis et aux handicapés. La France est l'un des seuls pays à mettre en oeuvre une telle solidarité. En 2012, plus de 5 000 Français à l'étranger ont bénéficié de l'aide consulaire, bien au-delà du chiffre des seuls rapatriements sociaux et sanitaires (400 par an).
L'année 2014 sera riche en échéances électorales. Les Français de l'étranger pourront participer aux élections européennes et seront pour ce faire rattachés à la circonscription « Île de France ». La dotation du programme 151 est abondée au total de 6 millions pour les élections : 2 millions pour l'organisation des élections européennes dans les consulats ; 4 millions pour couvrir les dépenses liées aux élections des 444 conseillers consulaires, en application de la loi de juillet dernier.
L'administration des Français de l'étranger continuera à se moderniser, c'est une obligation compte-tenu non seulement de l'augmentation des demandes de visas mais aussi de celle de la population des Français de l'étranger, dont le nombre a augmenté de 50% en 10 ans. Le portail « Mon Consulat » offre des services électroniques, qui pourraient être étoffés, en rajoutant la possibilité de joindre des pièces numérisées pour faire toute la procédure en ligne, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Plusieurs pistes sont évoquées pour alléger les tâches du réseau consulaire, comme la rationalisation des procédures de contrôle des mariages et de transcription des actes d'état-civil, ou encore la suppression du notariat consulaire.
La Cour des Comptes a récemment confirmé ce que nous savions tous : la France offre, à l'étranger, à ses ressortissants, des services consulaires parmi les plus étendus au monde. D'où l'importance de la directive sur la protection consulaire, qui se négocie à Bruxelles, et pour laquelle la France continue de demander un mécanisme de financement entre États membres qui aille au-delà des procédures complexes de remboursement a posteriori, ainsi qu'une participation accrue du service européen d'action extérieure. N'oublions pas que nous sommes présents, plus que les autres pays européens, notamment en Afrique de l'Ouest et du centre, c'est-à-dire dans des zones de crise où nous pourrions avoir la responsabilité des autres ressortissants de l'Union.
Avec 118,8 millions d'euros, l'aide à la scolarité représente 75 % des crédits hors dépenses de personnel. L'augmentation des bourses, aux modalités d'attribution réformées, est de 8,5 millions d'euros en 2014, conformément aux engagements du Président de la République.
Alors que le nombre d'élèves augmente sans cesse et que les droits d'écolage se renchérissent, en 2013, 12 % de familles de plus ont perçu une bourse. 16 000 familles environ perçoivent une aide de l'État pour la scolarisation de leurs enfants. Pour plus de justice, la progressivité a été renforcée dans les quotités de bourse accordées, mais 43 % des élèves boursiers bénéficient toujours d'une prise en charge à 100%. Vous connaissez les principes de cette réforme, et les limites de l'ancien mode de calcul, qui prenait en compte, pour la définition du revenu, des « points de charge » reflétant le train de vie des familles, comme le loyer par exemple. La réforme a donné davantage de responsabilités aux commissions locales des bourses pour distribuer les enveloppes, qui sont désormais budgétairement maitrisées, car une telle réforme devait être soutenable financièrement et ne pouvait être menée uniquement depuis Paris.
Sur la réforme de l'aide à la scolarité, je rappelle que nous n'avons pas encore atteint les niveaux budgétaires totaux consacrés à l'aide à la scolarité avant la fameuse suppression de la PEC, ce qui ne sera le cas qu'en 2015, mais avec un nombre d'élèves plus grand puisque chaque année environ 3000 nouveaux sont accueillis. Je ne reviens pas sur le passé. Au contraire, il faut donner toutes ses chances à la réforme en cours. Nous formulons dans le rapport 4 suggestions d'amélioration, issues des remontées du terrain :
D'abord, les enveloppes budgétaires sont définies par un dialogue en deux temps, entre les consulats et Paris, puis distribuées par les commissions locales des bourses. Mais certains consulats s'autocensurent et sous-estiment les enveloppes nécessaires ;
Ensuite, comme le nombre de familles disposant d'une bourse à 100% a baissé avec la réforme, à revenus inchangés, les commissions ont « redéployé » les quotités, pour atténuer le choc, en prenant les crédits dans les enveloppes des familles à revenus intermédiaire, disposant de quotités de bourse de 10% et moins, qui du coup n'ont pas compris la réforme. Elles sont 8% à avoir vu leur quotité baissée de la sorte ;
Troisième point, il y a des redistributions géographiques inattendues, ainsi l'Allemagne, l'Espagne ou les États-Unis sont nettement « perdants », alors que l'Algérie ou le Liban, par exemple, ont des croissances importantes de leurs bourses, qui ont même conduit les commissions locales à diminuer les quotités théoriques. L'indice MERCER, qui établit la parité des pouvoirs d'achat entre les pays, devrait peut-être être corrigé sur ce point ;
Enfin, il y a un point de vigilance pour les familles monoparentales, dont certaines pourraient avoir perdu avec la réforme, compte tenu du poids notamment pour elles du loyer ou de la garde d'enfants, qui ne sont plus pris en compte dans le calcul : les services sont attentifs à ce point que nous leur avons signalé.
Quelques mots sur le réseau consulaire. Il est soumis à une demande croissante, en particulier pour les visas, (2 millions de visas sont délivrés chaque année), activité économiquement rentable qui finance les emplois qui lui sont consacrés et dégage même un produit net de près de 80 millions d'euros chaque année. Je me félicite d'ailleurs de la hausse de 75 en trois ans des emplois pour les visas, soit 28 postes de plus en 2014.
Le réseau consulaire évolue : le redéploiement vers les pays émergents et l'allègement de la présence en Europe se poursuit. Des consulats « à gestion simplifiée » seront adossés à l'Institut français, aux missions économiques, à Ubifrance, aux Alliances françaises, à Stuttgart en 2014, à Düsseldorf, Turin et Naples en 2015. Un simple guichet consulaire sera maintenu.
Je termine en vous disant un mot des élections qui auront lieu en 2014 pour les Français de l'étranger. Les 24 et 25 mai prochains, il faudra procéder à la fois à l'élection des représentants au Parlement européen, comme dans l'ensemble de l'Union européenne, mais aussi à l'ensemble des 444 nouveaux « conseillers consulaires », échelon local de représentation auprès des ambassades, compétents dans les domaines éducatif, culturel, économique et social.
Ce sont les consulats qui ont la lourde charge d'organiser les scrutins pour les Français résidant à l'étranger. Ils tiennent pour ce faire les listes électorales consulaires (LEC), pour plus d'un million d'électeurs inscrits. Comme le relève la Cour des Comptes dans un récent rapport, aucun autre État n'offre de telles possibilités à sa communauté expatriée, puisque le vote depuis l'étranger, lorsqu'il existe, prend, au mieux, la forme d'un vote par correspondance. Les services consulaires britanniques par exemple, à qui l'on nous compare souvent, n'organisent aucune élection.
Les difficultés sont nombreuses, surtout en cas de pluralité d'échéances, comme en 2012, 2014 ou 2017. Il faudra cette année dupliquer les bureaux de vote car les scrutins sont distincts, et les listes électorales sont différentes.... Rien qu'à Montréal, par exemple, il faudra tenir 40 bureaux de vote au lieu de 20.
L'organisation des élections a un coût, non seulement pour le ministère de l'intérieur, qui prend en charge certains postes de dépenses, mais aussi pour le ministère des affaires étrangères : 6 M€ sont inscrits au total en 2014.
Les taux de participation sont faibles : pour les législatives, d'après la Cour des Comptes, le coût par votant à l'étranger était donc de 61 euros, contre 5 euros en France. Ce ne sera pas mieux, hélas, pour les élections européennes...
J'ai déposé une proposition de loi visant à permettre le vote par Internet pour les électeurs à l'étranger pour les élections européennes. Cela facilitera les choses matériellement, cela réduira les coûts -exorbitants- de l'envoi postal de la propagande électorale, qui, postée depuis Paris, n'arrive pas toujours dans les temps, puisqu'on pourra la mettre à disposition en ligne. Le gouvernement a l'air ouvert ; je compte sur votre soutien.
On ne peut que se féliciter de l'augmentation des crédits des bourses, et de celle du nombre d'élèves accueillis dans le réseau français à l'étranger. L'opinion publique en France ne se rend plus toujours compte de la grande qualité de notre pédagogie. Pour les visas je déplore que certaines personnes, notamment âgées, aient à multiplier les démarches suite à des refus, ce qui est coûteux et risque parfois de rompre leurs liens familiaux.
Sur la dernière décennie la population française à l'étranger a augmenté de 4% par an, les inscriptions au registre sont plus fortes lors des années électorales : souhaitons que ce soit le cas en 2014. J'approuve votre initiative sur le vote à distance, en particulier pour les personnes éloignées de leurs consulats. Comment être plus actifs pour accompagner les communautés françaises dans les zones les plus attractives aujourd'hui ?
L'administration électronique est un impératif. On devrait d'ailleurs pouvoir suivre en ligne sur « monconsulat » l'état d'avancement de chaque dossier, cela éviterait bien des sollicitations auprès des consulats sur ce point.
Les crédits pour les consuls honoraires ont baissé en 2013, ils stagnent cette année, ce qui n'est pas cohérent avec les recommandations de la Cour des Comptes, non plus qu'avec l'accroissement des besoins.
Sur la réforme des bourses, je suis toujours en attente de réponses précises sur la déscolarisation des enfants, qui aurait touché 1939 enfants potentiellement boursiers à la dernière rentrée, dont 60% des familles « pour raisons inconnues », donc sans doute pour des motifs financiers.
On ne peut qu'être favorable a priori au vote par Internet, à condition naturellement qu'il garantisse la sincérité du scrutin...
J'ai interrogé le directeur de l'ANSSI, qui avait en effet des doutes à ce sujet. D'ailleurs, la récente suppression du vote par correspondance a pénalisé les retraités, qui ne sont pas familiers d'Internet, en particulier ceux éloignés du consulat. Vous connaissez sans doute le coût du vote par Internet pour les élections législatives....
1,8 million d'euros. La sécurisation du vote a été une préoccupation majeure des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger : certains estiment que le vote a même été « sur-sécurisé » et plusieurs électeurs se sont plaints de n'être pas arrivés à voter de ce fait. Ce ne serait pas la première élection pour laquelle le vote électronique serait autorisé : pourquoi ce qui est valable pour l'élection des députés français ne le serait pas pour l'élection des députés européens ?
La question de la sécurisation du vote est naturellement très importante ; elle sera centrale dans les débats sur votre proposition de loi.
Nous devons garder en tête les masses financières : 2 millions d'euros pour organiser les élections européennes, plusieurs millions versés par le ministère de l'intérieur pour le seul envoi de la propagande électorale...
Sur la scolarité, n'oublions pas que seulement le tiers des enfants français à l'étranger sont dans le réseau français, un autre tiers ayant choisi délibérément un autre système, le dernier tiers étant soit trop loin d'un lycée, soit n'a pas les moyens de s'y inscrire. Pour les visas, le taux de rejet est stable, à 9 ou 10%, et je crois que nous pouvons faire confiance aux personnels en charge de leur instruction ; le seul fait qu'un formulaire soit mal rempli ne justifie pas, en général, un rejet. Les taux de participation des Français aux élections à l'étranger varient de 20 à 40% (pour l'élection présidentielle). Les jeunes Français qui partent à l'étranger aujourd'hui sont nombreux à aller au Canada : on y dénombre près de 3 000 nouveaux arrivants ces derniers mois. Nous n'avons pas beaucoup de structures pour les aider, à part quelques volontaires internationaux. J'ai d'ailleurs suggéré à la directrice de l'AEFE, lors de son audition, de faire revivre, à l'instar de ce qui existait au moment du service national, le système antérieur de jeunes enseignants volontaires auprès des lycées français à l'étranger, qui me paraissait très profitable de part et d'autre. Il faut développer l'administration électronique et la suggestion de pouvoir « tracer » en ligne l'état de traitement de son dossier m'apparait excellente.
Les quelque 600 consuls honoraires, bénévoles, ne sont de nationalité française que pour la moitié d'entre eux. Héritage du temps de la marine marchande, ils sont « brevetés » ! Ils ne peuvent pas tout faire, à la fois l'appui politique et économique -raison pour laquelle ils sont bien souvent choisis et proposés par les ambassadeurs- et le soutien à la communauté française. J'ai récemment posé une question écrite afin de mettre à l'étude la possibilité d'une délivrance des passeports biométriques par les consuls honoraires : l'obligation d'une double présentation au consulat, à la fois lors du dépôt et lors du retrait, est en effet très lourde pour nos concitoyens éloignés de leur consulat de rattachement.
Certains consuls honoraires ont démissionné face à une trop lourde charge de travail. On a mis des années à les remplacer. C'est un problème qui se pose par exemple au Royaume Uni.
Cela ne semble pas être le cas partout : j'entends souvent dire qu'il y a des candidats. La directrice de l'AEFE que nous avons auditionnée n'a pas confirmé de phénomène de déscolarisation massive à la suite de la réforme des bourses. Elle nous a indiqué que les taux de non réinscription étaient semblables à ceux des autres années.
La commission donne ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires » au sein de la mission « Action extérieure de l'État ».
La commission examine le rapport pour avis de M. André Vallini et Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le programme 115 - Action audiovisuelle extérieure - de la mission Medias du projet de loi de finances pour 2014.
Le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » regroupe les crédits nécessaires au financement de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, désormais dénommée France Médias Monde (FMM), et à la chaîne francophone TV5 Monde. Ces crédits sont complétés par ceux du programme 844 du compte de concours financier « Avance à l'audiovisuel public » alimenté par le produit de la redevance.
Le programme 115 comprend désormais deux actions, l'une portant sur les crédits de France Médias Monde, la seconde, nouvelle, ceux de TV5 Monde que vous présentera Joëlle Garriaud-Maylam.
Avant de vous présenter nos observations sur les crédits, je souhaiterais rappeler quelques éléments de contexte. France Médias Monde traversait en 2012 une crise profonde. À la suite d'un rapport confié à M. Jean-Paul Cluzel, il a été décidé de renoncer à la fusion des rédactions, de parachever le regroupement de l'ensemble des entités sur le site d'Issy-les-Moulineaux et de nommer Mme Marie-Christine Saragosse à la tête de l'entreprise. C'est donc dans le cadre d'une entité unique qui administre trois médias dotés de rédactions autonomes et exerçant sous leur marque, RFI, France 24, MCD, que la société a poursuivi son activité.
En outre, la société a bénéficié en loi de finances rectificative pour 2012 d'une dotation complémentaire de 10,7 millions d'euros qui lui a permis d'éviter, comme nous le redoutions, d'entrer dans l'exercice 2013 avec un report de charges qui aurait compromis son redressement.
Le projet de contrat d'objectifs et de moyens attendu depuis la constitution de la société en 2008 a été transmis pour avis aux commissions parlementaires le 13 novembre. Nous aurons donc l'occasion de l'examiner prochainement, mais naturellement nous nous réfèrerons largement dans notre rapport à ses dispositions et notamment à sa trajectoire financière.
Ce projet est fondé sur le plan stratégique élaboré par l'entreprise au premier trimestre 2013 au terme d'une démarche participative qui a mobilisé une grande partie du personnel des trois entités de la société, ce qui a apaisé les tensions et permis un travail commun très constructif.
Il prévoit des améliorations sensibles en matière de programmes comme la création d'un décrochage en bambara sur RFI, ce qui est justifié par les derniers développement au Mali, une modernisation de MCD qui doit cibler davantage les jeunes et les femmes et se développer au Maghreb, un renforcement des programmes de France 24 pour assouplir le strict parallélisme entre des antennes francophone, anglophone et arabophone afin de mieux s'adapter au public, la mise en place d'une véritable stratégie marketing pour consolider la position des médias français dans leur aire traditionnelle d'influence et conquérir de nouveaux marchés, et enfin une stratégie offensive de développement sur les nouveaux médias.
S'agissant des crédits du programme 115, nous voulons faire, avec Joëlle Garriaud-Maylam, six observations.
La première : FMM voit ses crédits progresser alors que les autres entreprises du secteur public audiovisuel voient les leurs diminuer. Il est proposé d'allouer à la société une dotation totale de 240,3 millions d'euros (75,4 millions au titre du programme 115 et 164,9 au titre du programme 844). La progression est certes modeste, 1,6 million d'euros (+ 0,6%) mais, par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable. Elle est en adéquation avec la trajectoire financière proposée par le projet de contrats d'objectifs et de moyens.
Je vous rappelle que la dotation représente 95% des ressources de la société. Compte tenu de leur faible progression, la réalisation des objectifs attendus dans le projet de contrat d'objectifs et de moyens passé avec l'Etat et celle de ses propres projets de développement, notamment la mutation en HD de son outil de production, reposent donc sur la capacité de l'entreprise à dégager des marges de manoeuvre suffisantes. C'était notre deuxième observation.
Or, troisième observation, le niveau des ressources propres dans le compte de résultat prévisionnel est apprécié de façon plus juste et plus réaliste qu'en 2013 puisqu'il est attendu 9,5 millions d'euros à ce titre. Néanmoins il reste très ambitieux compte tenu de l'atonie du marché publicitaire, sauf à permettre à FMM de développer sa diffusion sur le territoire national dès le courant de l'année 2014.
J'ajoute que nous avons observé que les médias de FMM sont soumis aux mêmes règles applicables en matière de publicité et de parrainage que les radios et télévisions publiques nationales, ce qui ne paraît pas toujours justifié s'agissant de médias diffusés principalement à l'étranger et qui sont en concurrence avec des chaînes étrangères qui elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes et drainent plus facilement des ressources commerciales. Nous souhaiterions que s'engage rapidement une réflexion sur les spécificités des médias publics internationaux en la matière.
Un moyen de développer des ressources de publicité et de parrainage ou d'amortir les coûts de fabrication de certains programmes serait d'assurer une visibilité des productions de FMM sur les réseaux nationaux. Ce sera notre quatrième observation. Cela suppose toutefois un investissement en moyens de diffusion, de l'ordre de 0,3 à 1,2 million d'euros pour une extension de la diffusion en FM de RFI ou la diffusion de MCD dans certaines agglomérations, de l'ordre de 8 millions d'euros (ce qui est inabordable actuellement) pour France 24. A tout le moins, cette chaîne devrait-elle être autorisée à faire diffuser certains de ces programmes sur des chaînes hôtes dans certains créneaux horaires L'originalité de son offre éditoriale apporterait un service supplémentaire intéressant pour le public français qui finance en partie ces programmes par la redevance. S'agissant de la diffusion de MCD et de RFI, leur message laïc pourrait participer au renforcement de la cohésion sociale et républicaine, notamment en s'adressant à toutes les diasporas présentes dans les grandes agglomérations et à la diversité de l'offre. Sur ce créneau, le développement d'une offre privée concurrente, parfois orientée politiquement ou religieusement, laisse une place évidente pour une radio de service public en langue arabe porteuse de valeurs de la République.
Cinquième observation : s'agissant du troisième gisement de ressources : les économies susceptibles d'être réalisées, il y a peu à attendre d'une décroissance de la masse salariale qui, en 2014, avec 128,3 millions d'euros pour un effectif de 1 714 ETP (permanents et non permanents), représentera 51% des charges d'exploitation. En effet, la société a connu deux plans sociaux au cours des dernières années qui ont abouti à une suppression nette de 250 postes ce qui a, en grande partie, épuisé la capacité de l'entreprise à trouver dans une réduction des emplois permanents une nouvelle source d'économies sauf à impacter ses programmes.
En outre, plusieurs chantiers sociaux sont en cours dont l'entreprise essaie de limiter l'impact sur la masse salariale : une politique de réduction de la précarité qui a été initiée en 2013 pour substituer aux pigistes des emplois permanents et l'harmonisation des statuts, conséquence de la fusion juridique des sociétés
Des économies sont malgré tout attendues de la rationalisation du mode d'exploitation des régies de télévision (1,4 million d'euros sur la durée du COM), de l'optimisation de la planification des personnels (1,5 million d'euros), de la poursuite de la baisse des frais de fonctionnement (1,3 million d'euros).
Je terminerai par une sixième observation sur le passage en HD de l'outil de production. Il est nécessaire à moyen terme afin de répondre aux nouveaux standards exigés par les distributeurs européens et ainsi maintenir la couverture de France 24. On rappellera que près de 40% de ses recettes publicitaires sont issues de la diffusion en Europe.
Selon le projet de COM, la diffusion en HD du signal France 24 sur les opérateurs câble et satellite est reportée à 2016, mais la migration de la production en HD s'impose au cours de la période 2014-2015 en profitant du renouvellement des équipements.
Cet investissement de l'ordre de 11 millions d'euros devra être autofinancé. On peut estimer qu'en recourant à un emprunt, comme l'a fait TV5 Monde pour conduire cette transition, la charge de remboursement de l'entreprise serait acceptable pour l'entreprise à hauteur de 2 millions d'euros par an.
En conclusion, mieux dirigée, France Medias Monde est train de réaliser les objectifs qui lui sont assignés et de conduire parallèlement la modernisation de son outil de production. Toutefois, des aléas demeurent tant sur la réalisation du montant des ressources propres que sur les conséquences des négociations sociales qui s'annoncent et montrent que l'exercice sera difficile D'autant que, comme vous le dira Joëlle Garriaud-Maylam, la concurrence se renforce notamment en Afrique.
Pour ce qui concerne TV5 Monde, en portant sa participation au capital à 49%, France Télévisions est devenue son principal actionnaire en lieu et place de l'AEF. En conséquence, son président s'est substitué à celui de l'AEF à la tête de TV5 Monde. M. Yves Bigot a succédé comme directeur général à Mme Marie-Christine Saragosse, nommée présidente de France Média Monde.
La chaîne francophone demeure le principal outil télévisuel de rayonnement mondial de la France, disponible dans plus de 243 millions de foyers TV répartis dans 198 pays, soit une progression de 3,5% par rapport à 2012.
Un nouveau plan stratégique de la chaîne pour la période 2014-2016 a été soumis à la conférence des ministres de TV5 à Québec le week-end dernier.
Sept grands chantiers ont été définis :
1. la recherche des pistes de synergie avec FMM en évitant les effets d'éviction par des redondances de programmes ;
2. le développement des synergies avec France Télévisions, actionnaire de référence : association aux appels d'offres du groupe, alimentations en programme, rapprochement avec la régie publicitaire pour optimiser la commercialisation des antennes et des offres numériques ;
3. le développement des productions propres,
4. dont une grande émission évènementielle mensuelle ;
5. le recentrage des productions autour de la culture et des valeurs de TV5 Monde et pas seulement sur l'information, de manière à présenter une offre généraliste unique ;
6. le lancement d'une chaîne enfant en Afrique afin d'accroître l'attractivité du français et de conforter l'avenir de la francophonie ;
7. la perspective d'un partenariat plus équilibré et une collaboration plus étroite avec les chaines et les Etats africains.
La dotation de TV5 Monde progresse légèrement à 76,2 millions d'euros (soit 1,2 million de plus qu'en 2013). Cela permet un rééquilibrage de la contribution française (70% des ressources) mais limitera nécessairement les ambitions de la chaîne.
Le compte de résultats prévisionnels se fonde donc sur cette progression, sur une amélioration attendue des ressources propres et sur une politique volontariste de réduction des dépenses qui doivent permettre l'autofinancement de la hausse inéluctable de certaines charges et d'une partie des nouveaux développements (1,6 M€).
Ceci nous amène, avec André Vallini, à formuler quelques remarques :
Première remarque, de 2011 à 2013, la subvention française est restée stable à 73,5 M€, alors que les partenaires francophones ont augmenté leurs contributions de près de 65% entre 2008 et 2013. Pour 2014, la France prévoit une augmentation de sa contribution afin de corriger un déséquilibre en sens inverse.
Deuxième remarque : les perspectives de croissance du marché publicitaire de référence pour TV5 Monde sont faibles pour plusieurs raisons. Le chiffre d'affaires publicitaire de TV5 Monde est réalisé pour moitié sur la France, or celui-ci a été particulièrement impacté par le passage à la TNT et la création de nouvelles chaînes gratuites qui ont entraîné une hausse de la concurrence. Les bonnes performances en Afrique (34 % du chiffre d'affaires publicitaire total en 2012) seront difficiles à réitérer du fait de la concurrence accrue des chaînes, nationales en langue locale, panafricaines ou internationales. J'attire d'ailleurs votre attention sur la stratégie très efficace de la Chine en ce domaine qui finance les infrastructures de diffusion, contrôle ainsi les opérateurs ce qui lui permet de diffuser des programmes et sur le lancement prochain d'Al Jazeera, de Sky et de BBCWorld en langue française sur ce continent. Enfin le climat atone du marché publicitaire international engendre un déplacement des budgets vers les marques « leaders », les chaînes d'information et les chaînes anglophones.
Troisième remarque : TV5 Monde s'est dotée en 2013 d'un nouvel outil de production, postproduction et diffusion en norme HD - un investissement de 17 millions d'euros - financé par une opération de cessions-bails d'une durée de 5 ans avec rachat des matériels à l'euro symbolique en fin de contrat. Les émissions comme les signaux seront produits en haute définition.
Cette migration va toutefois obliger TV5 Monde à orchestrer une stratégie complexe de diffusion, dont on mesure encore mal l'impact en termes d'audience. Les signaux sortant de la régie de diffusion en HD devront être reconvertis, dans un premier temps, pour être acheminés et livrés aux opérateurs de diffusion. En effet, la chaîne n'est pas en mesure, pour le moment, d'acquérir les capacités supplémentaires nécessaires, en termes de liaisons et de flotte satellitaire, pour transporter de la HD, qui nécessite des débits beaucoup plus importants.
De plus, il conviendrait, pour répondre aux attentes et besoins de ses distributeurs, de disposer d'une flotte mixte, susceptible d'acheminer les programmes à la fois en SD et HD, les deux normes pouvant être exigées sur un même signal, voire dans un même pays, selon le degré de maturité des marchés et l'organisation des plans de service de chacun des distributeurs.
La chaîne devra donc se livrer à des arbitrages permanents qui feront intervenir les coûts techniques, la nécessité de conserver les gros bassins d'audience et de limiter les pertes de recettes commerciales, mais aussi des considérations en lien direct avec sa mission de promotion de la francophonie, sans compter les considérations diplomatiques qui ne manqueront pas d'interférer dans ces choix.
Nous nous demandons avec André Vallini, si un effort temporaire ne pourrait pas être assumé par les partenaires pour permettre à TV5 Monde de sécuriser sa diffusion au cours de cette période. J'ajoute que France 24 se trouvera soumise au même aléa lorsqu'elle aura effectué sa migration.
Quatrième remarque : les effectifs comme la masse salariale qui représente 30 % des dépenses totales de l'entreprise sont maîtrisés. Cette politique se poursuivra en 2014 avec une perspective de baisse des effectifs.
Cinquième remarque : pour faire face aux glissements annuels inéluctables des dépenses, TV5 Monde a dû mettre en place une série de mesures d'économies. Engagées dans le budget 2013, elles ont touché toutes les activités de la société et de manière plus pérennes sa politique de distribution (abandon du sous-titrage en polonais et la réduction de la distribution en Allemagne), et les frais techniques. L'année 2013 a également été l'occasion de rationaliser certaines opérations de sous-titrage, jusqu'ici sous-traitées auprès de TV5 Québec Canada, à des tarifs supérieurs à ceux du marché.
Le retour de France Télévisions, comme actionnaire de référence, permet à TV5 Monde de bénéficier de la puissance du groupe en s'associant à ses appels d'offres.
Enfin, sixième et dernière remarque : en 2013, le réajustement à la hausse des ressources publicitaires et le décalage de certains investissements ont permis de redonner des marges de manoeuvre en matière de programmes.
Pour 2014, le montant affecté au financement de la grille des programmes hors coûts techniques devrait progresser de 2,1 millions d'euros (+ 3,74%).
En conclusion, TV5 Monde devrait ainsi pouvoir aborder l'année 2014 de manière plus sereine qu'en 2013 pour poursuivre son activité et commencer à mettre en oeuvre les principaux objectifs de son plan stratégique. Reste à savoir si elle pourra dégager les marges de manoeuvre suffisantes pour les mener tous à bien. Le besoin de financement de ce plan (hors chaîne enfant) est évalué 1,3 million d'euros en 2015 et 4,55 millions en 2016.
Vous soulignez l'effort de nos partenaires francophones, mais sur quelle part du financement de TV5 Monde s'applique cet effort ? Les sociétés développent-elles leurs programmes sur de nouveaux supports ?
Les partenaires francophones financent un petit quart des ressources publiques (23,50 millions d'euros). Ils fournissent également leurs programmes libres de droit, ce qui représente un apport de 7,5 millions d'euros hors budget.
FMM, comme TV5 Monde, développent de façon significative leurs programmes sur les nouveaux supports en ligne, soit pour les diffuser, soit pour les enrichir, soit pour créer des programmes spécifiques. Ils les adaptent aux nouveaux supports : mobile, tablettes, télévision connectée et introduisent de l'interactivité, notamment sur les réseaux sociaux. Cela constitue des axes forts du contrat d'objectifs et de moyens de FMM et du plan stratégique de TV5 Monde.
J'ajoute que TV5 Monde a développé une méthode de qualité pour l'apprentissage du français.
Je partage les analyses et les conclusions des rapporteurs. La volonté de développer l'usage du français est en phase avec les conclusions du rapport du groupe de travail sur l'Afrique qui vient d'être adopté par la commission.
Nous avons une présence de proximité en Afrique grâce à nos médias. Dans l'avenir, la concurrence sera plus rude avec les Chinois qui contrôlent tous les canaux de diffusion. Faut-il renforcer les chaînes thématiques pour faire la différence avec la Chine ?
La priorité donnée à l'Afrique est essentielle, car j'observe le recul du français dans beaucoup de pays. J'attire notamment votre attention sur le projet de chaînes enfant qui me paraît important. Lorsque j'ai eu l'occasion de visiter les locaux d'Al Jazeera, j'avais été étonnée de les voir investir sur des chaînes destinées aux enfants, en langue anglaise, pour une diffusion internationale. L'un des risques sur ce continent, c'est un retour aux langues locales, notamment dans l'enseignement, alors que le français est une langue partagée. Il faut faire preuve de patriotisme linguistique et culturel et se battre pour la francophonie.
Nous constatons et déplorons une montée du nationalisme, du populisme et du séparatisme en Europe. Une façon de combattre ces tendances néfastes est de faire en sorte que les Européens se connaissent davantage et se rendent compte qu'ils ont plus de points communs que de différences. J'ai déposé une proposition de résolution en faveur de la création d'une radio, Radio France Europe, destinée à faire mieux connaître la vie quotidienne de tous les pays de l'Union européenne. La construction de l'Europe ne peut se faire qu'avec un rapprochement des peuples. La proposition de résolution a été examinée en séance publique et elle a été votée de façon assez large. J'ai noté un très fort consensus. Le gouvernement a été contre, car je pense qu'il considérait que cela n'était pas financièrement possible. Il y a sans doute des problèmes de financement et d'allocation de fréquences mais ce projet rassemble une large majorité. Je ne souhaiterais pas que cette volonté s'affadisse et je voudrais savoir comment avancer en termes de faisabilité.
Ne serait-il pas envisageable de réaliser à partir de quelques auditions, une sorte d'étude de faisabilité afin de le porter, ce qui permettra peut-être de convaincre le gouvernement ?
Le coût ne devrait pas être excessif. Est-ce une radio diffusable sur toute l'Europe ? L'une des questions va être de trouver des fréquences disponibles.
L'idée est bonne, mais elle n'intervient peut-être pas au bon moment car nos sociétés de l'audiovisuel extérieur n'ont pas encore suffisamment de solidité et je crains que cela se fasse à leur détriment.
S'agit-il d'une radio européenne ? Peut-être faut-il songer à un financement par l'Union européenne car les crédits du programme 115 et de la redevance sont limités.
S'agissant du financement, on peut imaginer des solutions multiples, mais je rappelle qu'il ne s'agit en aucun cas d'une radio institutionnelle qui serait la voix de Bruxelles ou de Strasbourg mais d'une radio qui s'intéresserait à la vie quotidienne des Européens. Aujourd'hui, il y a des chroniques, mais pas de chaînes qui portent ce projet.
L'idée est belle, mais je crains qu'on ne dispose pas de financements publics à court terme pour la réaliser.
Je me demande si le gouvernement n'est pas réservé en raison de la rareté des fréquences.
Il y a eu un vote positif du Sénat. Il serait paradoxal d'en rester là. On ne peut pas opposer ce qui se fait en Europe et ce qui se fait en Afrique. Pourrons-nous demain soutenir la francophonie si l'Europe s'est effondrée.
Je remercie les co-rapporteurs de réaliser cette étude qui nous permettra d'expertiser plus avant la faisabilité de ce projet.
La commission donne ensuite un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Action audiovisuelle extérieure » au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».