Au cours d'une deuxième réunion tenue dans la matinée, la commission entend Mme Adeline Hazan, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2013-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Nous accueillons Mme Adeline Hazan qui a été proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je lui souhaite la bienvenue dans cette réunion publique de la commission des lois.
Je tiens à rendre à nouveau hommage à Jean-Marie Delarue, dont le mandat vient de s'achever, pour son action à la tête de cette institution.
Mme Hazan va nous présenter son parcours puis la façon dont elle conçoit la fonction de Contrôleur général.
Merci pour votre accueil. Je suis très honorée de la proposition du Président de la République et je veux rendre hommage au Parlement, notamment au Sénat, pour avoir créé cette importante institution par la loi d'octobre 2007. Les travaux parlementaires ont été essentiels et je salue le rapport de M. Hyest de mai 2000, fait au nom de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, qui posait déjà de multiples questions relatives à l'enfermement. Ce rapport a été à l'origine de la proposition de loi évoquant la création d'une instance de contrôle des lieux de privation de liberté et à la loi du 30 octobre 2007 créant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté - une institution de prévention mais aussi de contrôle des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
Je rends hommage aux sénateurs de votre commission, notamment à Mme Tasca qui, comme rapporteur de la loi du 26 mai 2014, a souhaité que le Parlement tire les conclusions des six années de vie de cette institution. Cette loi accroit les compétences du Contrôleur général, notamment en ce qui concerne les reconduites à la frontière et le droit d'accès à certains documents administratifs. Ce texte a réaffirmé que la prison était un espace de droit et la personne privée de liberté un sujet de droit.
La création du Contrôleur général a permis à la France de se mettre en conformité avec les textes internationaux, notamment le protocole facultatif des Nations unies de 2002.
Je suis devant vous pour vous convaincre que mon parcours professionnel, politique, électif, syndical et associatif m'a préparée à l'exercice de cette mission. La thématique des droits fondamentaux a été le fil conducteur de tout mon engagement jusqu'à aujourd'hui.
J'ai débuté ma carrière de magistrat en 1980 comme juge de l'application des peines dans la Marne. Entre 1983 et 1990, j'ai été juge des enfants. Ces deux fonctions sont à la frontière du droit, du champ social et de la psychologie. J'ai ensuite été chargée de mission pendant un an auprès de M. Hubert Prévot, secrétaire général à l'intégration, puis j'ai été responsable du pôle prévention de la délinquance et citoyenneté à la délégation interministérielle à la ville de 1990 à 1995 où j'ai eu l'immense honneur de travailler aux côtés de Jean-Marie Delarue.
De 1997 à 1999, j'ai été chargée des questions d'intégration et de la politique de la ville au cabinet de la ministre du travail et des affaires sociales. Ces fonctions m'ont familiarisée avec les rouages de l'action ministérielle et interministérielle. J'ai ensuite été élue députée européenne en 1999 et je le suis restée jusqu'en 2008, ayant démissionné après mon élection à la mairie de Reims. Au Parlement européen, j'ai toujours siégé au sein de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures. J'ai participé à la construction de l'espace judiciaire européen, j'ai été en 2006 rapporteure d'une recommandation du Parlement européen au Conseil sur l'évaluation du mandat d'arrêt européen et j'ai été rapporteure pour mon groupe politique de la directive « retour ».
De 2008 à 2014, j'ai été maire de Reims et présidente de l'agglomération rémoise ; ces deux mandats m'ont donné l'expérience de la gestion d'une grande collectivité : 190 000 habitants pour la ville, 220 000 pour l'agglomération, environ 2 500 agents à diriger. Ces fonctions m'ont permis de travailler en étroite collaboration avec les autorités judiciaires et policières sur toutes les questions touchant à la sécurité et à la prévention de la délinquance. Nous avons réussi à mettre en place des groupes d'études de la délinquance dans certains quartiers et nous avons doté les femmes victimes de violences de téléphones portables d'alerte.
La fonction de maire m'a également conduite à être présidente du conseil de surveillance du CHU de Reims, ce qui m'a permis de mieux connaître ce milieu, notamment les personnes hospitalisées sous contrainte. J'ai également dû prononcer quelques hospitalisations sous contrainte en urgence pour 24 heures.
Cet itinéraire, dont le fil conducteur a été la défense des droits, m'a préparée, je crois, à l'exercice du mandat de Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Je veux rendre hommage à l'immense travail effectué par Jean-Marie Delarue lors de ce premier mandat de Contrôleur général. Je connais ses qualités professionnelles, sa rigueur, son intégrité, son obstination aussi, car il en faut à ce poste. Il a su être à la fois l'interlocuteur des personnes privées de liberté, des pouvoirs publics, mais aussi « donner à voir l'invisible », montrer en quoi il fallait trouver un équilibre entre le nécessaire respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et les exigences de la puissance publique. Grace à lui, l'enfermement est à nouveau part intégrante du débat public. Il a également su dénoncer certains scandales de notre démocratie comme l'état de nos prisons, avec des actions spectaculaires aux Baumettes ou dans certains centres éducatifs fermés. Un seul regret : il n'a pas toujours été entendu, mais je ne désespère pas que ses recommandations, et celles que je prendrai si vous m'accordez votre confiance, seront prises en compte par les pouvoirs publics.
Jean-Marie Delarue a été extrêmement présent sur le terrain : il a effectué 150 visites par an. Au bout des six ans, il a visité l'ensemble des établissements pénitentiaires, un nombre important de commissariats, de centres éducatifs fermés, de centres de rétention et un certain nombre d'hôpitaux psychiatriques. Ce travail de terrain différencie donc la mission du Contrôleur général de celle du Défenseur des droits qui a plutôt un rôle de médiation. Ces deux missions sont donc complémentaires et non pas concurrentes comme certains le disent.
Pour les années à venir, il faudra se pencher sur l'état indigne de nos prisons et sur la surpopulation carcérale : 68 500 détenus en juin pour 57 740 places. Hier, Mme Taubira a visité la maison d'arrêt de Bois d'Arcy dont le taux d'occupation s'élève à 170 %, ce qui est inacceptable. Seules 14 000 personnes bénéficient aujourd'hui d'un aménagement de peine : il est possible de faire davantage. Il convient de développer les peines alternatives à la prison et je salue les travaux du Sénat sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines avec l'instauration de la contrainte pénale et la suppression des peines planchers, ce qui permettra de réduire le nombre de personnes incarcérées et de sorties sèches. Je salue également les dispositions de ce projet de loi imposant un entretien avec chaque détenu aux deux-tiers de la peine pour préparer sa sortie.
Les conditions matérielles des détenus sont indignes au regard des droits fondamentaux. En outre, plus un séjour en prison est difficile, plus les risques de récidive sont élevés. Je salue votre travail : la commission mixte paritaire d'hier est parvenue à un accord difficile, mais équilibré, qui va permettre le vote de la réforme pénale dans quelques jours.
Le Contrôleur général doit être vigilant sur les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire. Leur mission est encore plus difficile, parfois même intenable, du fait de la surpopulation carcérale. La garde des sceaux a annoncé hier 200 nouveaux recrutements dès cette année et la création de 100 postes supplémentaires en 2015.
J'en viens à l'hospitalisation sous contrainte : il s'agit de lieux de soins, mais aussi de privation de liberté et la situation des patients qui s'y trouvent doit s'améliorer. Certains patients ont du mal à connaître leurs droits et les recours possibles. Les mesures de contention et de contrainte sont parfois utilisées de façon abusive. Après un passage en unité pour malades difficiles (UMD), les patients ont parfois du mal à être réorientés dans leur établissement d'origine. La notion d'altération du discernement est parfois utilisée par les juges comme une circonstance aggravante.
Enfin, environ 30 % des détenus souffriraient de troubles psychiatriques. Il convient donc d'accroître le nombre de personnels soignants et de mieux former le personnel pénitentiaire à la détection de ces maladies.
Il faut également se pencher sur la situation des détenus en situation de handicap, des personnes retenues en centre de rétention administrative et des mineurs en centres éducatifs fermés. Dans ce dernier cas, il faudra veiller à l'élaboration de projets éducatifs car ces lieux ne doivent pas simplement servir à retenir des mineurs difficiles. Enfin, il faudra que les personnes retenues dans les commissariats et les étrangers en prison soient mieux informés de leurs droits.
Je veux saluer à nouveau la parfaite collaboration entre le Sénat et le Contrôleur général : grâce à vous, cette institution s'est ancrée dans notre démocratie. Parmi toutes les autorités administratives indépendantes, le Contrôleur général a eu l'honneur d'être le plus entendu par votre commission. Si vous confirmez ma nomination, je ne doute pas que cette collaboration continuera dans les mêmes conditions.
Merci pour cet exposé complet.
L'accord conclu hier en commission mixte paritaire sur la réforme pénale a notamment retenu la version du Sénat sur la question des aménagements de peine.
Merci pour cet exposé complet qui montre que vous avez regardé de très près l'action de Jean-Marie Delarue. L'indépendance est un aspect fondamental de la fonction. Comme magistrat, vous y êtes prédisposée, mais votre parcours politique peut amener à s'interroger sur cette indépendance. Comment l'affirmerez-vous ?
Comptez-vous poursuivre les visites qu'effectuait Jean-Marie Delarue ?
Une éventuelle extension des responsabilités du Contrôleur général aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a été évoquée lors de l'examen de la loi de mai 2014. Nous y avons renoncé pour ne pas « charger la barque » mais, compte-tenu du vieillissement de la population et du fait qu'un nombre croissant de nos concitoyens se retrouve dans des lieux où leur liberté est limitée, ne pensez-vous pas qu'il faudra que vous vous préoccupiez de cet aspect ?
Enfin, il a été très peu question du travail et de l'éducation en prison, deux domaines dans lesquels notre système carcéral est loin d'être un modèle. Que comptez-vous faire ?
Compte tenu du temps limité dont nous disposons, je me bornerai à une seule question.
Nous devons beaucoup à Jean-Marie Delarue qui a privilégié l'univers carcéral. Cependant, n'oublions pas les hôpitaux psychiatriques ni les lieux d'internement sous contrainte. Aujourd'hui, ces internements sont judiciarisés, ce qui pose de nombreux problèmes. Président d'une association qui gère la psychiatrie sur la Haute-Saône, à Belfort et à Montbéliard, je suis confronté au hiatus entre médecins et magistrats. Comment le juge peut-il s'intégrer dans cet univers médical ?
Nous avons tous beaucoup apprécié le travail de Jean-Marie Delarue : l'homme a fait la fonction. Mme Tasca a dit à juste titre que son indépendance était fondamentale. Il faut pour cette fonction infiniment de liberté par rapport à sa famille politique et au Gouvernement. Or, vous êtes secrétaire nationale d'un important parti et vous avez été présidente du syndicat de la magistrature. Il est indispensable de couper les liens : sont-ils coupés ? Comment envisagez-vous vos relations avec les directeurs d'établissements et le personnel pénitentiaire ?
Enfin, je vous remercie d'avoir rendu hommage au travail du Sénat, ce qui n'est pas toujours le cas chez un certain nombre de responsables politiques que vous connaissez bien.
Cette audition, comme la précédente, nous montre que l'on peut à la fois être engagé politiquement et faire preuve de hauteur de vue, de pragmatisme et de conviction. Vos propos sont pleins de justice et de justesse, et vous saurez couper, je n'en doute pas, le cordon ombilical avec le monde politique.
Vous avez évoqué la prison comme « l'école de la récidive ». Pensez-vous qu'elle le soit par essence ou que cela résulte de ses carences actuelles ? Ne voyez-vous comme remède à la surpopulation carcérale que les peines de substitution ? La construction de places supplémentaires est-elle une question taboue ?
Vous évaluez la proportion de détenus présentant des troubles psychiatriques, sans pour autant nécessiter une hospitalisation, à 30 %. La détention peut aggraver ces troubles, et les codétenus ainsi que le personnel pénitentiaire, qui n'a évidemment pas la compétence pour les prendre en charge, en supportent les conséquences. Que faire ? Développer les services psychiatriques en prison ? Créer une catégorie intermédiaire de centres de détention ? Vous semblez regretter que, dans l'hospitalisation, l'aspect sécuritaire prenne le pas sur les soins et souhaitez que l'objectif de soin soit privilégié. Qu'est-ce à dire ?
Vous vous êtes enfin prononcée en faveur de l'utilisation du téléphone portable en prison. À quelles conditions ? Certes, cela peut prévenir la dépression et le suicide. Mais il convient d'empêcher la poursuite d'activités délinquantes depuis la prison et l'organisation de tentatives d'évasion !
Ce sont moins les 30 % de détenus souffrant de troubles psychiatriques qui m'inquiètent que les 10 % si atteints que la peine n'a aucun sens pour eux. Leur discernement était plus aboli qu'atténué, et ils ont été incarcérés faute d'alternative. Cela fait des prisons, en un sens, le plus grand hôpital psychiatrique de France. À l'inverse, des personnes extrêmement dangereuses - pousseurs de métro, schizophrènes... - sont en liberté, car les lits manquent en hôpital psychiatrique fermé. L'assassinat récent d'une institutrice dans le sud de la France nous rappelle cette réalité... On attend qu'ils commettent l'irréparable pour les condamner et les enfermer.
Un article publié dans Le Monde d'hier consacré aux prisons américaines indiquait qu'en France, 60 % des détenus étaient de confession musulmane. Comment ces chiffres ont-ils été obtenus, puisque les statistiques ethniques sont interdites en France ? Si ce chiffre correspond à une réalité, n'impose-t-il pas de réfléchir à ce problème ?
La fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté doit être exercée avec indépendance et en toute liberté, avec une autorité de nature non hiérarchique mais morale : les recommandations du Contrôleur doivent s'appliquer naturellement. M. Delarue nous avait dit avoir rencontré des réticences de la part de l'administration pénitentiaire. Comment allez-vous acquérir la stature nécessaire pour disposer de l'autorité morale sans laquelle vos recommandations resteront des voeux pieux ?
L'indépendance est en effet indispensable ; votre parcours peut conduire à s'interroger. Combien de prisons, de centres éducatifs fermés, de locaux de garde à vue, de commissariats avez-vous visités au cours de votre carrière ? Quand ? Dans quelles circonstances ? Que pensez-vous du bracelet électronique ?
Vous avez indiqué que des prisons anciennes et indignes étaient l'école de la récidive. L'administration pénitentiaire fait ce qu'elle peut, avec les moyens qu'on lui donne. Les centres de rétention sont rarement aux normes, souvent gérés au fil de l'eau, sans respecter de procédures. Il s'agit de véritables « centres de désintégration ». Qu'allez-vous faire ? Notre République est laïque, mais chacun doit pouvoir pratiquer sa religion. Les repas servis dans ces centres ne le permettent pas.
Une indépendance totale est absolument indispensable à l'exercice de ces fonctions. C'est d'elle que naît l'autorité. Mme Assassi et moi-même sommes chargés d'une mission sur l'état des centres de rétention administrative : nous rendrons notre rapport le 23 juillet. Quel est votre point de vue sur cette question ?
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peut-il également s'intéresser à la situation, souvent difficile, des familles de détenus ?
Mon parcours professionnel m'a préparé à cette mission, puisque je me suis intéressée aux droits fondamentaux comme aux prisons, notamment dans mon premier poste de juge de l'application des peines. Je suis engagée en politique, je ne m'en cache pas. Mais être élue locale ou européenne empêche-t-il l'impartialité ou l'indépendance ? Il y a plusieurs moments dans une vie. L'engagement partisan, qui était au premier plan dans la mienne, fera place à l'indépendance, qui est l'essence même de la fonction à laquelle j'aspire. Je ne ferai aucun compromis avec aucune autorité, de quelque bord politique qu'elle soit. Je formulerai mes propositions, recommandations, avis et, le cas échéant, je dénoncerai de la même manière quelle que soit la couleur politique du Gouvernement. Il va aussi de soi - la loi l'impose - que si le Président de la République me nomme Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je démissionnerai de mes fonctions de conseillère municipale et de conseillère d'agglomération - d'opposition - à Reims, ainsi que de mes fonctions de secrétaire nationale du PS. L'exercice de cette fonction requiert en effet la plus grande indépendance. Il m'est du reste arrivé de ne pas suivre la position du Gouvernement. Je n'aurai donc aucun problème pour dénoncer une situation ou une politique publique.
Madame Tasca, M. Delarue s'était fixé comme méthode de réaliser 150 visites d'établissements par an. Je continuerai dans cette voie. Je commencerai par retourner dans les prisons visitées pour vérifier que les recommandations faites après la première visite ont été mises en oeuvre. Les équipes du Contrôleur ont d'ailleurs un rythme de travail qui les conduit sur le terrain deux semaines sur quatre.
Faut-il étendre la compétence du Contrôleur général aux EHPAD ? La question est sensible. Il a été décidé que, puisque les pensionnaires de ces établissements ne s'y trouvaient pas par décision de la puissance publique, ils ne devaient pas relever du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le vieillissement de la population ne manquera pas de remettre cette question à l'ordre du jour car ces établissements exercent des contraintes sur leurs pensionnaires. Ce dossier n'est donc pas fermé. M. Delarue a d'ailleurs récemment évoqué avec la secrétaire d'État aux personnes âgées le principe d'une expérimentation.
Les questions du travail et de l'éducation en prison ne sont pas assez évoquées dans le débat public. Le travail en prison est insuffisamment développé, alors qu'il s'agit d'une condition essentielle de la réinsertion à la sortie. Lorsqu'il est effectué, il n'ouvre pas les mêmes droits qu'à l'extérieur.
Monsieur Michel, la question des lieux d'hospitalisation sous contrainte a donné lieu à d'abondants débats. La loi de 2011 a fait intervenir le juge des libertés et de la détention, même si son appellation ne s'y prête guère. Une QPC a conduit à la loi de 2013, qui prévoit que ce juge vérifie dans un délai de 15 jours, puis dans un délai de 10 jours, la nécessité du placement. Il fallait instaurer un meilleur suivi, même si ni les psychiatres ni les juges n'y étaient favorables. En pratique, les auditions ne se font plus dans les tribunaux mais, le plus souvent, dans les hôpitaux. Une meilleure formation des magistrats sur cette question est souhaitable.
Monsieur Mézard, vous avez dit en parlant de M. Delarue que l'homme avait fait la fonction. J'espère que la femme le pourra aussi ! Je m'inscrirai, avec ma personnalité et mon expérience, dans la continuité de ses méthodes.
Les relations avec les directeurs d'établissements pénitentiaires sont capitales. Je sais la difficulté des missions exercées par le personnel pénitentiaire, surtout dans l'état actuel des prisons. Les directeurs d'établissements pénitentiaires que j'ai rencontrés sont des personnes extraordinaires, avec lesquelles je pense pouvoir bien travailler.
M. Grosdidier m'a demandé si la prison était l'école de la récidive. La formule est connue. Tout détenu ne va pas récidiver, mais en l'absence d'éducation, de formation, de travail et de préparation à la sortie, oui, la prison est l'école de la récidive. La loi pénitentiaire de 2009 a eu le mérite d'affirmer que, si le temps en prison correspond à une nécessité de préservation de l'ordre public, il a aussi pour finalité de préparer la sortie, par l'éducation, la formation, le travail... La loi qui a fait l'objet de la commission mixte paritaire d'hier s'inscrit dans le même esprit. Le recours à la prison doit être le dernier recours : les juges doivent de préférence prononcer des peines alternatives.
La construction de nouvelles prisons est-elle un sujet tabou ? La prison doit être la dernière solution, et les juges doivent donner la priorité aux peines alternatives à la prison. L'urgence, en France, est de mettre aux normes les prisons actuelles. Avec 110 à 180 % de surpopulation carcérale, la situation est insupportable, alors même que la loi pénitentiaire avait rappelé le principe de l'encellulement individuel, qui aurait dû devenir réalité en novembre 2014.
Il faut améliorer les services psychiatriques en prison. L'hospitalisation sous contrainte doit être d'abord considérée comme un moment de soin, non comme un moment de contrainte. Faute de personnel, il est parfois fait usage de mesures de contention ou d'isolement qui ne sont pas fondées sur des motifs médicaux mais répondent à des exigences disciplinaires. À cet égard, la plus grande vigilance s'impose.
M. Delarue avait abordé la question des téléphones portables en prison. C'est un sujet sensible. Je souhaite d'abord me pencher sur l'utilisation des téléphones fixes. La réinsertion, on le sait, est grandement favorisée par le maintien des liens familiaux. La manière dont les détenus sont autorisés à se servir des téléphones, dans les coursives ou les cours de promenade, à des horaires restreints, sans intimité, n'est pas de nature à favoriser ce maintien. La question des téléphones portables doit être abordée avec pragmatisme. Nous savons que certains détenus en ont, en toute illégalité. Ne vaudrait-il pas mieux une utilisation réglementée, restreinte à certains numéros par exemple ?
Je félicite M. Lecerf pour son engagement. Je ne sais pas comment la proportion de 60 % de musulmans a pu être évaluée. Certes, l'intégrisme pose problème, mais moins en prison qu'à l'extérieur, tous les observateurs le disent.
J'ai déjà répondu à M. Cointat sur l'autorité. Les réticences de l'administration pénitentiaire dénoncées par M. Delarue ont conduit à la loi de mai 2014 qui crée le délit d'entrave à l'exercice des missions du Contrôleur général.
Je n'ai pas compté les prisons visitées, mais en tant que juge d'application des peines à Châlons-sur-Marne, je passais trois jours par semaine en établissement pénitentiaire. J'ai visité la prison de Reims, effectué des missions sur des centres de détention en tant que députée européenne, j'ai visité des commissariats de police... Bref, je crois connaître assez bien les lieux de privation de liberté.
Le bracelet électronique est une des alternatives à la prison, mais n'en faisons pas la panacée : certains condamnés ont indiqué que c'était parfois plus dur que l'enfermement !
La situation des centres de rétention n'est pas satisfaisante. Les droits des personnes retenues ne sont pas assez protégés. Si possible, les repas qui y sont servis doivent respecter les exigences confessionnelles de chacun.
Monsieur Desplan, le rôle des familles est essentiel ; il fait partie de la mission du Contrôleur général de s'assurer que les lieux d'accueil des familles - qui se multiplient - fonctionnent correctement.
Merci d'avoir répondu à chacun dans le délai imparti.
La réunion est levée à 12 h 05
La séance est ouverte à 12 h 10