La commission auditionne M. Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS à l'Université de Montpellier I sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
Nous entendons aujourd'hui M. Emmanuel Négrier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), spécialiste des politiques culturelles, dans le cadre d'une visioconférence qui nous permettra d'échanger avec Montpellier, où il exerce.
Je voudrais rappeler en quelques mots le contexte dans lequel se déroule cette audition : notre commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'est saisie pour avis du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).
Ce texte nous concerne à plus d'un titre. Si je mets de côté les dispositions relatives à l'éducation, qui prévoient le transfert aux régions des collèges et des transports scolaires, notre commission est avant tout concernée par des compétences que la loi n'attribue pas spécifiquement à un niveau de collectivité. Au contraire, sport et culture - et, en creux, vie associative - sont des compétences partagées. Le projet de loi prévoit par ailleurs la possibilité de confier à un guichet unique l'instruction et l'octroi d'aides et de subventions.
Ces concepts de compétence partagée, de guichet unique ainsi que ceux qui en découlent, telle la notion de chef de filât, sont très discutés. Les personnes que nous avons entendues jusqu'à présent - je pense en particulier aux grandes associations d'élus - n'ont pas manqué d'exprimer leurs divergences. Certaines adhèrent, semble-t-il, à la notion de partage sans condition particulière, quand d'autres souhaitent que la compétence partagée soit également obligatoire.
Si j'ai bien compris, monsieur Négrier, c'est à cette conclusion que vous êtes vous-même parvenu. Vous expliquez qu'à l'impasse d'une compétence générale mais facultative, le transfert des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) aux régions, que vous appelez de vos voeux, constitue « une perspective [qui] oppose la force d'une compétence obligatoire et partagée ».
J'ai bien noté qu'à vos yeux, ce nouveau partage présente le mérite de mettre fin à la fragilité actuelle, dans laquelle chacun intervient sans bien connaître le sens global de l'action publique et chaque collectivité n'exerce qu'une compétence facultative, et à ce titre, forcément fragile, surtout dans un contexte général de très grandes difficultés budgétaires.
Avant de vous laisser la parole pour nous présenter votre démarche et vos conclusions, je voudrais que vous nous disiez quels sont selon vous les préalables à la mise en oeuvre éventuelle de cette nouvelle organisation territoriale dans le secteur culturel. Pour le dire autrement, quelles compétences devraient rester du domaine exclusif de l'État, car ce n'est qu'une fois que cette question aura été tranchée que la répartition des compétences entre collectivités territoriales prendra tout son sens.
D'emblée, je me place dans une position libérale et critique sur les politiques culturelles. L'action publique est déterminante pour la culture, selon une logique qui oppose une option libérale - où l'intervention publique ne se justifie que par la défaillance absolue du marché - et un point de vue keynésien toujours d'actualité. Si l'intervention publique se justifie, ce n'est pas tant parce que le marché ne peut pas fournir le bien ou le service, mais parce qu'il est dans l'incapacité de le faire de façon favorable du point de vue de l'accès social, de l'intérêt général et de la créativité.
J'examine ainsi le bilan des politiques culturelles, les relations entre l'État et les collectivités dans le domaine de la culture, les aspects positifs et plus critiques de ce bilan.
Je constate que l'État, en jouant le rôle de grand instituteur des politiques culturelles territoriales, a parfaitement réussi dans son rôle. Selon certains observateurs, les politiques culturelles territoriales seraient même aujourd'hui excessivement calquées sur les modèles de l'action publique de l'État.
Les politiques régionales en matière de culture, extrêmement divergentes entre elles dans les années 1990, sont aujourd'hui beaucoup plus convergentes. L'écart en euro culturel par habitant qui était de 1 à 16 est passé, de nos jours, de 1 à 3. Il y a un processus de convergence qui s'est traduit sur le plan financier et en termes de qualité des politiques culturelles. Par ailleurs, le nombre d'opérateurs culturels soutenus par l'action publique a augmenté.
Nous sommes loin, aujourd'hui, du « désert culturel » caractéristique des années 1970. Les publics sont bien présents : ils ont un rapport à la culture à la fois plus éclectique et plus informé, n'en déplaise à ceux qui pensent que la démocratisation de la culture serait un échec structurel.
Pour autant, il existe aujourd'hui plusieurs éléments de fragilité :
- la première fragilité réside dans l'évolution des dépenses culturelles des collectivités territoriales, notamment à l'échelle départementale. À l'issue des dernières élections, le changement d'équipes municipales a parfois entraîné une réduction des dépenses culturelles.
- j'ai également noté, du point de vue des professionnels de la culture, un certain essoufflement de l'action publique en matière culturelle. La réussite de la professionnalisation des politiques culturelles a peut-être été trop importante d'une certaine façon : un certain nombre de créateurs ne se posent même plus la question de savoir s'ils sont éligibles à des aides faute d'en connaître l'existence ;
- une autre difficulté réside dans la situation de l'action déconcentrée de l'État. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sont dans une situation de double contrainte : sous l'effet d'une certaine forme de reconcentration dans les domaines du patrimoine, de la création ou des industries culturelles, et sous la contrainte du rôle croissant des préfets dans la gestion des affaires culturelles régionales.
Je me suis donc posé la question du transfert des attributions des DRAC vers les régions. La France est l'un des rares exemples en Europe où il existe une concurrence d'interventions publiques à l'échelle régionale. Est-il toujours aussi nécessaire pour l'État de continuer d'exercer une action territorialisée en matière culturelle, en fragmentant le dispositif d'action publique plutôt qu'en réfléchissant à sa concentration ?
Je propose de maintenir les attributions de l'État, qui échappent à toute intervention régionale, comme par exemple les relations internationales, l'élaboration des grands textes cadres législatifs et réglementaires, la définition stratégique d'une politique publique culturelle à l'échelon national et la mise en oeuvre des instruments propres qui en découlent, comme les labels. Mais pour la mise en oeuvre des politiques culturelles, est-il nécessaire d'avoir toujours un maillage territorial de l'État ? Je ne le pense pas, mais certaines conditions doivent être réunies. Je vais maintenant les détailler.
La justification de ce transfert tout d'abord : à la lecture du rapport Malvy-Lambert (2014) sur l'évaluation correcte des ressources transférées, il me semble que la question n'est pas tant la compétence que la capacité d'action. Ainsi, d'après les chiffres de 2010, la DRAC du Languedoc-Roussillon bénéficie de 50 % de ressources de plus que la politique culturelle du conseil régional, et en Alsace c'est trois fois plus. Si elles sont transférées aux régions, les capacités d'action peuvent faire l'objet de compensation et obligent les destinataires de ce transfert à agir dans ce domaine.
Une fois actée la question de la sanctuarisation des budgets aujourd'hui importants, au profit de régions qui n'ont pas ou peu de compétence obligatoire dans ce domaine, il convient de s'interroger sur la traduction de ce transfert du point de vue de l'action culturelle. Le transfert des DRAC aux régions doit entraîner une mutation de l'action culturelle à l'échelle des collectivités territoriales ou, au moins, des régions.
Si la région devient la principale bénéficiaire des capacités d'action de l'État et des compétences des conseils généraux - s'ils disparaissaient, le volume d'intervention culturelle publique de la part des régions correspondrait au tiers des interventions publiques en régions des collectivités territoriales, les deux autres tiers relèvent du bloc local-intercommunal.
Cette organisation nécessite une organisation beaucoup plus collective de la compétence culturelle et de la capacité à définir les projets culturels au niveau régional.
C'est pourquoi je plaiderai en faveur d'une conférence territoriale de l'action publique « plus » (CTAP+), c'est-à-dire qui non seulement soit interinstitutionnelle mais qui associe également les acteurs de l'action culturelle - professionnels, représentants du monde associatif et citoyens -, en vue d'une discussion collective régionale d'élaboration d'un projet pour la culture. Avec tout le respect que je dois au Sénat, il s'agit d'une forme de parlementarisation des politiques culturelles régionales. Je pense que c'est la garantie de dépasser les tendances à l'entre soi des politiques culturelles, les clivages et les frontières entre les sous-secteurs de la culture. Il s'agit de mener des actions concertées, permettant d'élaborer des projets politiques de la culture, sans les réserver à un dialogue entre les professionnels et les élus. Il faut éviter enfin que la croissance des capacités d'action régionale n'entraîne une instrumentalisation politique ou marchande.
Merci M. Négrier pour cet exposé liminaire. Je vais, dans un premier temps, proposer à un représentant de chaque groupe de réagir.
Je me fais la porte-parole de Mme Corinne Bouchoux, trop éloignée du micro, pour vous demander si des dispositifs de sécurité ou de contre-pouvoirs sont prévus, afin d'éviter qu'une région contrôlée par un parti extrême, par exemple d'extrême droite, ne prenne en otage la conférence territoriale d'action publique (CTAP) chargée de favoriser l'exercice concerté des compétences des collectivités ? Ces garanties sont-elles comparables à celles de l'État-garant aujourd'hui ?
Il vrai que les préfets vont voir certaines de leurs responsabilités s'accroître, mais ma collègue Maryvonne Blondin et moi-même ne partageons pas l'appréciation selon laquelle on assisterait à une reconcentration.
Par ailleurs, il est encore trop tôt pour affirmer que les départements vont disparaître et que les régions vont reprendre leurs compétences. Il y aura une organisation en subdélégation de l'action publique qui pourra revenir à des métropoles ou à des intercommunalités importantes. Le transfert des crédits des DRAC aux régions reste une question en discussion. La récente loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) donne la possibilité de créer des CTAP et des conventions de délégation du type de ce qui se pratique en Bretagne.
Nous disposons déjà des outils de gouvernance et le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République sera l'occasion de clarifier les choses.
Le Sénat a souhaité que la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'État, qui a créé l'Institut Français, prévoie la participation des collectivités. Quelle est votre appréciation de l'effectivité de cette participation ?
Je répondrai à Mme Bouchoux que je peine à trouver des arguments qui justifieraient d'envisager des mesures destinées à restreindre l'action de responsables dont on ne partagerait pas les opinons, mais qui auraient été élus démocratiquement. Dans ce genre de situation, il me semble que le débat public et démocratique constitue le moyen le plus approprié de s'opposer à une politique, notamment dans le cadre de la CTAP+ que j'appelle de mes voeux.
Les remarques de Mme Robert et de Mme Blondin me conduisent à nuancer quelque peu mon propos comme je le fais dans mes articles. Il est vrai que l'on assiste certes pas à une reconcentration généralisée dans tous les domaines : les questions liées, par exemple, au patrimoine ne sont pas concernées par le phénomène. Cela dit, alors que la période 1990-2014 peut globalement être considérée comme une période de déconcentration, un focus sur les années allant de 2010 à aujourd'hui permet d'observer certains mouvements contraires. On constate par exemple que, de par ses capacités de financement, la direction générale de la création artistique a repris langue avec les acteurs de terrain en court-circuitant les collectivités territoriales.
Par ailleurs, j'ai observé que ce sont les petites structures qui ont le plus pâti des restrictions budgétaires ayant diminué les possibilités d'intervention des DRAC.
En outre, le préfet, s'il n'est pas autant devenu une sorte de potentat, occupe aujourd'hui, sur les questions culturelles, une place qu'il n'avait pas il y a quelque temps.
Je suis parfaitement d'accord avec Sylvie Robert pour dire qu'une partie des compétences des conseils généraux qui seront supprimés devrait naturellement revenir aux métropoles et aux intercommunalités : on pourrait citer, par exemple, l'organisation des festivals. Notre réflexion ne doit pas être par trop binaire et il est important de prendre en compte l'action de l'État et l'action de l'Europe, dont on connaît l'importance en matière culturelle, non pas tant au titre d'une politique strictement culturelle qu'au titre de sa politique régionale.
Sur l'existence d'outils de gouvernance au travers des CTAP actuelles, je mettrais volontiers un bémol, dans la mesure où ces conférences sont trop polarisées sur les institutions publiques et mal adaptées à la définition et à la mise en oeuvre d'actions culturelles. Pour l'heure, les collectivités territoriales sont victimes d'une sorte de crispation sur la question de leurs compétences et ne sont pas prêtes à débattre, comme on le ferait au sein d'un parlement, sur les questions culturelles.
M. Duvernois n'ignore pas qu'en matière d'action extérieure, la collaboration des collectivités territoriales avec les organismes qui ont précédé l'Institut français date des années 1990. Sous l'impulsion, notamment, de M. Jean Digne, directeur de l'Association française d'action artistique à l'époque, un certain nombre de conventions ont été signées, par exemple dans les régions de Nantes ou de Marseille, qui se sont avérées très fructueuses et très profitables. Je ne dispose malheureusement pas d'éléments suffisants pour vous répondre sur la situation actuelle.
L'éventualité d'un transfert des compétences des DRAC aux régions inquiète les milieux culturels, qui savent parfaitement qu'il existe des régions riches et des régions moins dotées. Par ailleurs, l'action de l'État concernant, par exemple, les scènes nationales, me semblait assez appréciée.
L'idée de CTAP+ que vous prônez a des aspects séduisants, mais ne pensez-vous pas que le fonctionnement de ces conférences risque de se heurter au principe, bien ancré dans les esprits des élus, que l'instance qui finance doit être celle qui décide ?
S'agissant des financements croisés, et bien que l'on sache que le dynamisme culturel d'un territoire est porteur de potentialités économiques, la situation budgétaire des collectivités les fera sans doute hésiter à s'engager financièrement.
Je voudrais rebondir sur la question de mon collègue Jacques Grosperrin en vous demandant votre appréciation sur le fonctionnement, l'organisation et l'efficacité des DRAC ?
Pouvez-vous nous donner des précisions sur la façon dont vous envisagez la notion de chef de filât au sein des CTAP ? Comment éviter que cette position ne se traduise par la mainmise d'une collectivité sur les autres membres de la conférence ?
Enfin, quels sont selon vous les avantages, et peut-être aussi les inconvénients du guichet unique ?
Concernant la première question de M. Grosperrin, j'entends les inquiétudes du milieu culturel qui reçoit les financements des collectivités territoriales mais il faut savoir que certains acteurs ne sont pas soutenus financièrement. En France, chacun considère que l'État doit corriger les inégalités de fait avec des politiques régulatrices. Mais l'État joue mal son rôle : son intervention est inégale sur le territoire. Il existe un clivage dans la répartition des financements entre Paris et le reste du territoire. Si l'on regarde la carte d'intervention des DRAC, les activités et les financements se concentrent là où se trouve la vie culturelle, c'est-à-dire à Paris et dans les autres métropoles. On ne peut pas réfléchir à partir du présupposé que la présence de l'État a créé une situation idéale et qu'un pouvoir plus important accordé aux collectivités territoriales biaiserait le modèle. Le pilotage par l'État lui donne un rôle plus correctif dans les régions. Cependant, rien n'empêcherait un État sans administration culturelle déconcentrée d'avoir un rôle d'homogénéisation.
C'est bien souvent la collectivité qui paye le plus qui décide. Le chef de file est donc tout désigné : il n'est pas nécessaire d'en définir un dans la loi. Ainsi, dans les CTAP+, le chef de file serait le coordinateur principal, pas le décideur. La CTAP+ court le risque de l'encombrement des débats mais c'est le prix de la démocratie. Cela aura un impact positif pour le partage culturel et évitera la crainte d'une région trop renforcée. Si l'essentiel des dossiers est géré au sein de ces CTAP+, cela réduira la sensibilité à l'égard du pouvoir régional.
Je me souviens d'une enquête que j'avais menée sur la naissance des DRAC dans les années 1970. Elles étaient alors à la recherche d'acteurs à soutenir et se trouvaient obligées d'aller les chercher dans le vivier de la jeunesse et des sports pour trouver un projet valable. Aujourd'hui, les DRAC sont encombrées. Les choix qu'elles effectuent sont de plus en plus contestables car, avec l'augmentation du nombre de projets éligibles, le risque d'arbitraire augmente. Actuellement, sur le plan des compétences professionnelles et des capacités d'action, les DRAC restent un acteur important. Il faut tirer parti de ces capacités et les régionaliser.
S'il s'agit d'une facilité de bureau, la question n'est pas vraiment importante. S'il est question d'économie, elles ne sont pas substantielles et représentent peu par rapport aux craintes que le guichet unique éveille. S'il s'agit d'un procédé de rationalisation, alors les craintes sont probablement légitimes. En revanche, s'il s'agit de la dernière décision d'une vaste discussion au sein des CTAP, que tout a été débattu sur l'engagement, qu'il soit pour un ou dix ans, alors le guichet unique sera l'instrument des CTAP et je n'y vois pas d'obstacle.
Je viens de Bretagne où nous sommes en avance dans ce domaine avec le Pacte d'avenir. La CTAP a déjà permis un dialogue entre la DRAC et la région mais ce, au détriment des grandes métropoles et des conseils généraux. Les choses vont maintenant être actées dans deux domaines importants alors que la métropole de Rennes et les départements n'ont pas pris part aux débats. Dans les CTAP+, il faudra plus de relation et plus de partage. Il faut associer tous les acteurs si l'on souhaite en faire un lieu de concertation. Les conseils généraux ont montré leur volonté de coopérer et ont permis de faire émerger un projet de danse contemporaine dans une petite ville de la région mais, sans cette volonté commune, ce projet n'aurait pas vu le jour.
Dans les échanges que nous avons eus, l'action de l'État figurait toujours en creux : quelle est selon vous la mission de l'État en matière culturelle. Comment devrait se caractériser une politique culturelle nationale structurante ?
Je sais que la question du guichet unique fait peur à un grand nombre d'acteurs habitués à la logique de remplacement. Car si une collectivité territoriale refuse, une autre peut accepter. C'est une peur de la rationalisation de l'attribution des aides.
Le rôle de l'État s'étend à tout ce qui concerne la règlementation du travail, la rémunération des droits d'auteur, la responsabilité des acteurs. L'État a également un rôle auprès des grandes institutions, une mission d'aménagement et de rectification des inégalités qu'il ne remplit d'ailleurs pas pleinement aujourd'hui.
Le Gouvernement doit donner une impulsion politique nationale en fonction de la majorité, il lui appartient par conséquent de dresser des priorités - on sait par exemple que la droite a plus tendance à augmenter les crédits du patrimoine que la gauche. C'est au Gouvernement d'assumer une responsabilité d'aménagement du territoire et de compensation des inégalités. Il s'agit, comme je le disais plus tôt, d'une mission qui n'est pas forcément bien remplie aujourd'hui. La confusion actuelle tient à la continuité entre les alternances. Sauriez-vous me dire quelle est la politique actuelle du Gouvernement ?
Pour conclure, je dirai que l'ensemble des compétences législatives, la représentation à l'international et les grandes institutions doivent rester dans le giron de l'État.
L'heure est arrivée de nous séparer. Merci d'avoir répondu positivement à notre invitation. Vos diverses appréciations nous seront utiles dans la poursuite de notre travail sur le projet de loi NOTRe.
Puis la commission examine les rapports pour avis de M. Jean-Pierre Leleux sur les crédits « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public » et de Mme Claudine Lepage sur les crédits « Audiovisuel extérieur » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2015.
L'année 2014 constitue assurément un tournant pour le paysage audiovisuel français.
L'arrivée de Netflix en France aura servi de déclic pour mettre sur la place publique des problématiques qui constituent autant de défis pour le secteur audiovisuel français. Quel avenir pour la télévision classique dite « linéaire » ? Quelle place pour les services « délinéarisés » (video on demand - VOD, subscription video on demand - SVOD) ? Quelles conséquences, enfin, pour le métier même d'éditeur de programmes qui consiste précisément à « recommander » des choix si les algorithmes se substituent au savoir-faire des chaînes de télévision ?
La révolution numérique qui s'accélère constitue un défi pour le service public de l'audiovisuel qui doit élaborer une réponse fidèle à ses valeurs tout en étant confronté à une réduction des moyens disponibles.
Avant aborder les problématiques propres à chacun des acteurs de l'audiovisuel public, je commencerai par évoquer l'évolution des moyens consacrés à l'audiovisuel public.
Le Gouvernement a annoncé en juillet dernier, lors du débat d'orientation budgétaire, son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires et de leur substituer la seule contribution à l'audiovisuel public (CAP). Dès 2015, l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public de 3 euros (dont 1 euro au titre de l'inflation) prévue par l'article 27 du projet de loi de finances permet de financer intégralement France Médias Monde et TV5 Monde ainsi que nous le verrons, dans un instant, avec le rapport de notre collègue Claudine Lepage.
Toutefois, cette hausse ne permet pas de répondre aux besoins de financement de l'ensemble de l'audiovisuel public comme l'illustrent le maintien d'une dotation de 160,4 millions d'euros pour France Télévisions et les incertitudes qui demeurent concernant le bouclage du budget 2015 de l'opérateur public.
Voilà pourquoi le débat sur la contribution à l'audiovisuel public est devenu une nécessité. Avant d'évoquer la question de son élargissement, il m'a semblé utile d'examiner son rendement actuel. Nous savons, en effet, que le produit de la contribution à l'audiovisuel public devrait être en 2015 de 3,67 milliards d'euros, soit une hausse de 3,3 % par rapport à 2014. Mais j'ai été étonné de constater à la fin du mois d'octobre que les questions sur le taux de recouvrement et la lutte contre la fraude n'avaient reçu aucune réponse du ministère de la culture et de la communication, celui-ci m'indiquant par écrit ne pas avoir recueilli d'éléments de la part de Bercy.
Plus étonnant encore, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) m'a répondu, par écrit, que la direction générale des finances publiques ne réalisait pas de mesure du taux de fraude.
Que doit-on penser de cette situation ? Faut-il en conclure que la politique de lutte contre la fraude à la contribution à l'audiovisuel public n'est pas une priorité et que son rendement serait si défaillant qu'il y aurait urgence à nous refuser ces informations ? Quelle serait, dans ces conditions, la légitimité de la hausse de 3 euros demandée cette année et du débat sur l'élargissement de l'assiette ?
Avant d'augmenter ce prélèvement, il convient d'abord de s'assurer - au nom de l'équité fiscale - que tout le monde le paye bien. C'est pourquoi nous avons décidé avec Mme la présidente d'écrire le 30 octobre dernier au secrétaire d'État chargé du budget pour lui demander des explications. Or, au 18 novembre, nous n'avons toujours pas reçu la moindre réponse, ni même un accusé de réception, ce qui ne me semble pas être le meilleur moyen de mener un dialogue constructif avec le Parlement sur ce sujet.
Ce qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que plus la fraude serait importante, moins un élargissement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) serait pertinente puisque le contrôle de la possession d'une tablette ou d'un smartphone ne sera pas moins difficile que celui d'un poste de télévision, bien au contraire. Une telle situation devrait alors nous amener à examiner d'autres fondements à la CAP comme l'ont fait nos voisins allemands.
Jusqu'au 1er janvier 2013, la redevance en Allemagne était prélevée par récepteur mensuellement à hauteur de 5,76 euros pour la radio, 12,22 euros pour un téléviseur et, on le sait moins, 5,76 euros pour un ordinateur ou un smartphone depuis le 1er janvier 2007. Elle était aussi due pour une résidence secondaire ou de vacances.
La réforme de 2013 a prévu la substitution d'un système de contribution (« Beitrag ») à un système de redevance dont le produit baissait du fait de l'accroissement du nombre d'ordinateurs (moins taxés que les téléviseurs) et du développement de la fraude.
La nouvelle contribution repose sur le fait que les contenus de l'audiovisuel public sont maintenant accessibles à tous sur tous supports et qu'il n'y a plus lieu de taxer les supports. Le nouveau prélèvement - 17,98 euros par mois soit 215 euros par an - est donc payé forfaitairement par résidence (principale ou secondaire), indépendamment du nombre de personnes y résidant ou du nombre d'appareils de radiodiffusion disponibles.
Cette réforme allemande doit nous interpeller. Faut-il, en effet, élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public sachant que nous ignorons à peu près tout des conditions de son recouvrement et que le risque de fraude ne fera que grandir ? Ou faut-il nous orienter vers un prélèvement forfaitaire par résidence qui aurait le mérite de la simplicité et de l'équité ? Je souhaite, pour ma part, qu'un vrai débat ait lieu avec le Gouvernement sur ce sujet car je ne trouve aucune raison convaincante de ne pas nous orienter, à notre tour, sur le chemin choisi par nos voisins allemands.
J'en viens maintenant à France Télévisions qui constitue l'autre grand sujet du moment. Les crédits prévus pour France Télévisions dans ce projet de budget pour 2015 s'élèvent à 2,48 milliards d'euros, soit une baisse de 0,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ils comprennent une part prédominante de crédits issus de la contribution à l'audiovisuel publique - 2,32 milliards d'euros HT inscrits au programme 841 du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » - et une dotation budgétaire de 160,4 millions d'euros en provenance du programme 313 du budget général. Cette dotation est inférieure de 4,6 millions d'euros HT au montant inscrit au plan d'affaires de l'avenant 2013-2015 au contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2011-2015.
Mais cette baisse de dotation ne constitue pas le seul motif de la précarité de la situation budgétaire de France Télévisions. L'objectif de retour à l'équilibre en 2015 prévu par l'avenant au COM risque, en effet, de ne pas être tenu compte tenu des aléas qui pèsent sur la trajectoire des ressources et des charges de l'entreprise.
Trois difficultés rentrent, en effet, en ligne de compte :
- les incertitudes fortes qui continuent à peser sur l'évolution du marché publicitaire ;
- la réduction de la dotation budgétaire de 7 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances rectificative a montré que le financement public de France Télévisions n'était pas pleinement assuré dans sa composante issue du budget de l'État ;
- la diminution de la trajectoire d'effectifs prévue par l'avenant au COM nécessite un plan de départs important.
Dans ces conditions, l'entreprise va devoir en 2015 finaliser le plan de départs volontaires ramenant l'effectif à 9 750 équivalents temps plein (ETP) fin 2015, poursuivre la politique de rationalisation induite par la fusion et rechercher avec l'État un nouveau schéma de financement.
Le groupe France Télévisions se trouve donc dans une situation compliquée à la veille de 2015 car les incertitudes identifiées fragilisent les dispositions du projet de loi concernant France Télévisions.
Face à cette situation, le président de France Télévisions a ouvert un débat sur le retour à la publicité de 20 heures à 21 heures et pendant la diffusion des grands événements sportifs afin de pouvoir augmenter les ressources publicitaires. Je ne vous cacherai pas ma circonspection face à cette perspective. Quel serait, en effet, le sens de maintenir la suppression de la publicité seulement après 21 heures ? Comment ne pas penser que, pour les mêmes motifs budgétaires, il nous sera proposé ultérieurement de rétablir la publicité entre 21 heures et 22 heures ? On le voit, la direction de France Télévisions est aujourd'hui réduite à trouver des expédients pour boucler son budget ce qui jette le flou sur le projet même de l'entreprise.
Or force est de constater que la réforme de 2013 sur les modalités de nomination du président de France Télévisions n'a pas arrangé la situation. Loin de moi l'idée de rouvrir le débat de l'année dernière et je prends acte du fait que la nomination par le Président de la République ne faisait pas l'unanimité entre nous, mais je crains aujourd'hui que la réforme adoptée n'ait, en fait, aggravé la situation.
Le budget de France Télévisions est négocié entre l'opérateur et son actionnaire, c'est-à-dire l'État. C'est donc à l'État de définir un projet, une vision, un modèle économique et de faire des choix. La désignation du futur président de France Télévisons par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) rend la situation extrêmement complexe puisque, comme le prévoit l'article 12 de la loi de du 15 novembre 2013 : « les candidatures sont présentées au CSA et évaluées par ce dernier sur la base d'un projet stratégique » et rien n'indique que ce projet sera celui de l'actionnaire.
Plus grave encore à mon sens, en confiant le pouvoir de nomination au régulateur, le Législateur a créé une situation de conflit d'intérêts qui affaiblit structurellement France Télévisions par rapport à ses concurrents. TF1, par exemple, n'hésite pas à contester en justice des décisions du CSA devant les tribunaux. Qui peut imaginer que le président de France Télévisions pourrait faire de même sachant que c'est le CSA qui a le pouvoir de le nommer et de le révoquer ?
On le voit, la situation de France Télévisions demande une vraie clarification qui passe par la définition d'un véritable projet. Une réflexion est nécessaire sur le périmètre de l'opérateur - et notamment sur la pertinence de France 4 et France Ô - mais aussi sur le modèle économique, ce qui nous ramène à la contribution audiovisuelle publique. Ces réflexions sont au coeur de la mission qui a été confiée par le Gouvernement à Marc Schwartz afin de définir une feuille de route pour l'actionnaire. Je proposerai à notre présidente que notre commission joue un rôle actif dans les prochains mois pour définir également sa propre vision de l'avenir du service public de l'audiovisuel et des réformes qui doivent être menées, ce qui pourra aussi concerner la gouvernance.
À cet égard, je propose que l'on étudie, pour l'avenir, la possibilité que les conseils d'administration des entreprises de l'audiovisuel public nomment eux-mêmes leurs présidents, ce qui constituerait, à mon sens, le vrai signe d'une normalisation de ce secteur.
La situation d'Arte est très différente de celle de France Télévisions. La clarté du projet de la chaîne culturelle franco-allemande coïncide avec des résultats de plus en plus satisfaisants.
Concernant les moyens, le projet de loi de finances prévoit de lui attribuer 261,8 millions d'euros HT soit une enveloppe en légère hausse de +0,5 % qui correspond à une quasi-stabilisation de la ressource publique, après une réduction exceptionnelle d'un million d'euros décidée par la loi de finances pour 2014.
Alors que le nombre de chaînes a augmenté sur la télévision numérique terrestre (TNT), la chaîne franco-allemande a accru son audience de 33 % en deux ans, passant de 1,5 % en 2011 à 2 % en 2013. La ligne éditoriale qui est devenue plus accessible sans rien céder sur le niveau de qualité constitue également une réussite qui doit être soulignée.
La situation d'Arte France reste cependant fragile financièrement. Malgré la hausse de la ressource publique, la chaîne devra prélever 7,5 millions d'euros sur son fonds de roulement. Arte compte à l'avenir retrouver des marges de manoeuvre avec l'arrêt de la diffusion en basse définition (SD) au printemps 2016 qui devrait lui permettre d'économiser 6,5 millions d'euros en année pleine et mise sur une augmentation de ses ressources propres qui comptent aujourd'hui pour 3 millions d'euros à travers, notamment, la commercialisation de programmes.
J'en viens maintenant à Radio France. Le montant de la ressource publique s'établit à 614,4 millions d'euros TTC (601,8 millions d'euros HT) soit un montant stable par rapport à 2014, mais en baisse significative par rapport à 2013. Depuis 2012, la contribution de Radio France au plan de retour à l'équilibre des finances publiques s'est élevée à 87,6 millions d'euros. Radio France s'est engagé dans un effort de contrôle de la masse salariale avec un objectif de stabilité des effectifs et a mis en place une nouvelle politique des achats et de contrôle des frais généraux.
Faute de marges de manoeuvre supplémentaires, Radio France ne devrait pas être en mesure en 2015 d'absorber la baisse attendue de ses ressources propres due, pour l'essentiel, aux moindres résultats du marché publicitaire ainsi que l'augmentation de ses charges incompressibles (hausse de la fiscalité locale, amortissements liés au chantier de réhabilitation, glissement sur la masse salariale...). La direction de la société prévoit ainsi un déficit de 15 à 20 millions d'euros. Pressée de trouver des solutions, la direction de Radio France en est à demander un élargissement de la publicité à travers une refonte de son cahier des charges permettant de diversifier les annonceurs. Je ne suis pas sûr que ce type d'expédients constitue, là encore, une solution durable et souhaitable.
Le nouveau président de Radio France, Mathieu Gallet, semble avoir pris la mesure des difficultés ainsi que l'urgence qu'il y a à adopter des mesures structurelles. Faut-il fusionner des antennes ? Faut-il ne garder qu'un seul orchestre au lieu des deux actuellement ? Faut-il engager un plan de départs volontaires ? Toutes ces questions ainsi que celle de la stratégie numérique de Radio France devront recevoir des réponses dans le nouveau COM qui devrait être adopté en décembre et soumis à notre examen au premier trimestre 2015.
Quelques éléments maintenant sur le chantier de rénovation dont le coût est passé de 333 millions d'euros à 584 millions d'euros. Cette « dérive » est liée au fait que le projet n'a pas été conçu, dès le départ, dans sa globalité et que les travaux ont été engagés tout en conservant l'activité dans le bâtiment. Mathieu Gallet m'a indiqué que l'incendie du 31 octobre dernier devrait reporter à 2018 la fin du chantier, alors que le coût des locations est estimé à 10 millions d'euros par an.
Un mot sur les crédits en faveur du Fonds de soutien à l'expression radiophonique qui s'élèveront à 29 millions d'euros en 2015. La réforme du Fonds prévue en 2015 devrait permettre de rendre plus exigeants les critères d'octroi des subventions et d'éviter l'effet de « saupoudrage ». Il convient d'être attentif à l'évolution de ce dispositif qui joue un rôle social et culturel important au niveau local.
J'en viens, enfin, à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) qui constituait l'année dernière un sujet de préoccupation pour notre commission compte tenu de la forte baisse de la dotation qui était intervenue au travers d'un prélèvement de 19,8 millions d'euros sur le fonds de roulement. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une dotation équivalente à celle de 2013, à hauteur de 90,9 millions d'euros.
L'INA est sans doute arrivé à un moment charnière de son histoire après l'achèvement du cycle engagé dans les années 1990 consacré au plan de sauvegarde du patrimoine et à l'ouverture des archives au public. La nouvelle présidente désignée en mai 2014, Agnès Saal, a compris qu'un nouveau projet était nécessaire pour motiver les équipes. Elle a également intégré la nécessité de développer un nouveau projet industriel privilégiant un accroissement des ressources propres. Agnès Saal est, en particulier, mobilisée pour proposer une démarche de sauvegarde à de nouveaux acteurs du monde culturel et de l'entreprise, en France comme à l'étranger. Elle a aussi une forte ambition dans le domaine numérique avec un projet d'offre de vidéo à la demande par abonnement.
Ces nouvelles priorités devraient figurer dans le prochain COM 2015-2019 que nous devrions être amenés à examiner au premier trimestre 2015. Ce COM présentera un nouveau projet immobilier qui devrait prévoir le maintien à Bry-sur-Marne avec la construction d'un nouveau bâtiment, les locaux de l'INA dans le 13e arrondissement à Paris devant, à terme, être abandonnés. Je crois, Mme la présidente, que notre commission pourrait utilement envisager un déplacement à l'INA, à nouveau, au premier trimestre 2015 dans le cadre de l'examen du COM pour examiner ce projet immobilier.
La situation de l'audiovisuel en 2015 est donc contrastée. Certes, à court terme, il peut sembler que les crédits ont été préservés mais, en fait, trop d'incertitudes demeurent notamment concernant France Télévisions et le flou qui entoure aujourd'hui la contribution à l'audiovisuel public n'est pas satisfaisant.
Je vous propose donc de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'audiovisuel.
Merci, monsieur le rapporteur pour cet examen très complet. Je cède la parole à Mme Claudine Lepage.
Comme vient de nous le rappeler notre collègue Jean-Pierre Leleux, cette année est marquée par une accélération de la convergence numérique qui touche tous les médias, transforme le paysage audiovisuel en favorisant l'émergence de nouveaux acteurs et rend indispensable l'élaboration de nouveaux services innovants.
L'audiovisuel extérieur n'échappe pas à ce phénomène puisque le numérique, par nature, se joue des frontières. Il est d'autant plus concerné par ces changements que l'actualité est redevenue brulante sur un certain nombre de fronts : en Ukraine, en Syrie et en Irak, au Mali. Dans ces conditions, tous les acteurs ont bien compris que l'information était devenue un instrument d'influence. La Russie vient ainsi de lancer un nouveau service multimédia international dénommé « Sputnik » qui intègre un nouveau site Internet et la nouvelle agence de presse « Russie d'aujourd'hui » qui comprend la radio « Voix de Russie » et un service en langues étrangères. Ce nouveau service diffusera ses informations sur Internet mais aussi à la radio dans une trentaine de pays - dont la France - afin de donner je cite « une interprétation alternative » des événements du monde.
Nous ne pouvons évoquer cette explosion du numérique dans les médias, sans mentionner, bien sûr, la douloureuse et toute récente actualité, et l'impact certain qu'elle a eu sur les dizaines voire les centaines de jeunes partis pour l'Irak et la Syrie qui ont tous muri leur projet au contact de médias étrangers - souvent arabophones ou anglophones - qui ont investi Internet et les chaînes d'information en continu.
Le temps n'est plus, où l'audiovisuel extérieur pouvait être considéré simplement comme un outil du développement de la francophonie. Plus que jamais, notre audiovisuel extérieur constitue un instrument d'influence au service aussi de la défense de nos valeurs. C'est le cas lorsque les Russes regardent France 24 en anglais pour s'informer sur la guerre de Crimée et d'Ukraine (avec des taux d'audience supérieurs à ceux de BBC - British Broadcasting Corporation - et CNN - Cable News Network). C'est aussi le cas lorsque Monte Carlo Doualiya (CMD), chaîne publique de radio arabophone diffuse à Marseille et propose une alternative aux médias étrangers dont la conception d'une information vérifiée, pluraliste et indépendante diffère de la nôtre.
Ces enjeux, effectivement particulièrement sensibles cette année, appellent une attention nourrie quant à la mission plus que jamais essentielle de l'audiovisuel public extérieur. Il me semble que dans le contexte difficile que nous connaissons, l'essentiel a été préservé et un certain nombre de clarifications bienvenues ont été opérées.
La première clarification concerne le financement de l'audiovisuel extérieur au travers de la seule contribution à l'audiovisuel public. Dans la perspective de la suppression de l'ensemble des dotations budgétaires à l'audiovisuel public à l'horizon 2017 une première étape importante a été atteinte cette année avec la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Le compte de concours financiers s'enrichit ainsi d'un nouveau programme 847 « TV5 Monde » doté de 77,8 millions d'euros TTC (soit 76,2 millions d'euros HT), un montant stable par rapport à 2014. Il voit ensuite croître les crédits du programme 844 « France Médias Monde » qui passent de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015 (242 millions d'euros HT) du fait du transfert de crédits du programme 115. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.
Dans le contexte budgétaire extrêmement contraint que nous connaissons, je tiens à saluer particulièrement la stabilité de ces crédits. Cependant, l'annulation de crédits de France Médias Monde à hauteur de quelques 612 000 euros en juillet dernier dans le collectif budgétaire m'enjoint à la plus grande prudence et les menaces n'ont pas disparu en cette fin d'année. Nous demeurons donc vigilants.
Pour autant, on ne peut que se féliciter que le financement des deux groupes publics repose dorénavant entièrement sur la contribution à l'audiovisuel public - CAP. Cela constitue un progrès en termes de stabilité de la ressource comme d'indépendance du financement. Mais cette louable situation d'un financement complet de l'audiovisuel extérieur par le contribuable met d'autant plus en exergue l'incongruité et même l'injustice d'un accès aussi limité à cette source d'information pour le contribuable en France. Je vous ferai quelques propositions pour combler cette lacune.
J'en viens maintenant aux détails de la situation des deux opérateurs.
Concernant France Médias Monde tout d'abord, comme vous le savez, mes précédents rapports n'ont jamais éludé mes interrogations sur les conditions de la fusion. J'évoquais, par exemple, l'année dernière, le fort sentiment de délaissement ressenti par Radio France internationale - RFI - et le manque d'objectifs de France 24. Le climat social constituait également un motif de préoccupation que nous étions nombreux à partager.
La fusion juridique a été engagée le 13 février 2012 tandis que Marie-Christine Saragosse a été désignée présidente de France Médias Monde (FMM) le 7 octobre 2012 avec pour mission de mener à bien le rapprochement et de restaurer la confiance au sein de l'institution.
Afin de pouvoir me rendre compte des progrès accomplis, j'ai rencontré cette année les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT - Confédération française démocratique du travail, CFTC - Confédération française des travailleurs chrétiens, CGT - Confédération générale du travail, FO - Force ouvrière - et SNJ - Syndicat national des journalistes) ainsi que sa présidente avec l'intention de leur poser, à chacun, les mêmes questions : la fusion a-t-elle été une bonne chose ? Comment s'est passé le rapprochement des structures et des personnels ? Où en est-on, enfin, de l'harmonisation des statuts ?
Concernant la fusion tout d'abord. C'est un point essentiel : aucun des syndicats de salariés ne demande le retour en arrière, la fusion constitue un acquis. Cela ne veut pas dire, pour autant, que tout est pour le mieux. Si la CFDT, 1er syndicat de France Médias Monde, reconnaît que la fusion était « une bonne chose » et que le rapprochement radio/télévision/Internet est positif, la CFTC, qui était contre la fusion, considère que les salariés ont envie maintenant de « passer à autre chose ». Pour le SNJ, « la nouvelle structure a le mérite d'exister ». FO rappelle qu'elle ne voulait pas la fusion mais qu'elle a joué le jeu et qu'il n'y a plus de retour possible. La CGT, quant à elle, estime qu' « il n'y a pas de culture commune » et s'inquiète d'une éventuelle future fusion des rédactions.
On le voit, au-delà des différences, le principe même de la fusion est aujourd'hui acquis. Ce sont plus les conditions de cette fusion et les nouvelles places de chacun qui font débat. Ces conditions de rapprochement font, en effet, l'objet de griefs plus nombreux même si rien ne semble irrémédiable. Tout d'abord - et je souhaite vivement lui en reconnaître le mérite - tous s'accordent à considérer que Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance nécessaire pour assurer le succès de l'opération de fusion juridique. La CFTC évoque ainsi des « améliorations concernant le dialogue social » et des relations plus « courtoises et détendues ». Mais dans le même temps, ce même syndicat considère que « les personnels vivent côte-à-côte » et qu'il n'y a « aucune synergie ni aucune ambition éditoriale commune ». Ce constat va souvent de pair avec des inquiétudes sur les moyens et la charge de travail. Le SNJ pointe que les journalistes sont plutôt « ouverts à se former à de nouveaux médias comme la vidéo et la photo » mais il insiste sur le fait qu' « un journaliste ne peut produire pour tous les médias ». Le SNJ déplore également que les journalistes doivent faire des tranches d'information plus longues, sans avoir suffisamment le temps de préparer leurs papiers. Cette surcharge de travail mise en avant par ce syndicat est aussi ressentie par la CGT qui évoque des « flux tendus à RFI ».
Il demeure donc des difficultés, peut-être inhérentes à toute fusion. Mais ce qui pose véritablement problème aujourd'hui concerne d'une part l'harmonisation des statuts et, d'autre part, le projet de développement de l'entreprise.
L'ensemble des syndicats des salariés redoute, en effet, le futur statut commun d'autant plus que la négociation a pris du retard, les réunions ayant été suspendues depuis juillet. Cette situation laisse tout autant place aux inquiétudes sincères qu'aux rumeurs pas toujours bien intentionnées. La coexistence de personnels pouvant avoir des statuts très différents - tout en exerçant le même emploi - ne peut pas perdurer. Pour autant, les syndicats estiment que l'enveloppe de 3,5 millions d'euros provisionnée pour financer l'harmonisation sera insuffisante pour réaliser un alignement par le haut ce qui leur fait craindre des remises en cause des acquis.
Mais plus encore, c'est bien l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde, dans un contexte de contraintes budgétaires accrues, qui fait débat. La diminution des départs en mission des journalistes pour couvrir les événements - pour des raisons budgétaires mais aussi pour des raisons de sécurité - le projet d'abandonner les ondes courtes en Chine, en Russie et en Iran, le report de la création de l'antenne en bambara qui a coïncidé avec la baisse des crédits dans le collectif budgétaire en juillet dernier, ont alimenté le pessimisme. FO s'interroge ainsi sur la stratégie de l'État pour l'audiovisuel extérieur et tous ont pris conscience de la concurrence accrue initiée par l'arrivée des nouveaux acteurs.
Paradoxalement, ces inquiétudes sont plutôt rassurantes puisqu'elles illustrent aussi l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information. Pour ma part, je suis particulièrement confiante dans l'avenir de France Médias Monde. Cela d'autant plus encore que beaucoup des inquiétudes que je viens d'évoquer recevront bientôt des réponses précises. Je ne doute pas, en effet, que Mme Saragosse mette tout en oeuvre pour parvenir non seulement au meilleur résultat possible mais aussi à un résultat accepté par tous. Ainsi, comme elle me l'a confirmé au cours des auditions, le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé et, sans vouloir divulguer des éléments de la négociation qui devraient être présentés très prochainement par la direction, il semble que la solution pourrait être trouvée au travers d'une convergence réciproque des temps de travail assortie, bien entendu, d'un effort financier pour ceux qui verront leur temps de travail augmenter. J'insiste sur le fait que les efforts demandés devraient être raisonnables et être source d'améliorations, par exemple, dans la prise des congés à RFI. Quant à la négociation sur les métiers, elle devra prendre en compte leur évolution très rapide aujourd'hui. Au regard de ces informations, il me semble que l'objectif de conclure un accord au premier semestre 2015, même s'il est ambitieux, est parfaitement crédible. Cet accord constituera une des fondations de la nouvelle société, il faut souhaiter qu'il permette aussi d'insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.
J'en viens maintenant à la stratégie de France Médias Monde. Celle-ci ne peut être appréciée que remise en perspective dans son cadre budgétaire. France Médias Monde devrait bénéficier en 2015 de 242 millions d'euros (HT). Cela correspond à une baisse de 10,7 millions d'euros des ressources publiques d'exploitation sur la période 2011-2015 soit, en cumulé, une économie pour les comptes publics de 54 millions d'euros par rapport à la dotation de 2011. Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l'effort de redressement des comptes publics.
Si l'on considère que les ressources propres ont augmenté de seulement 6,1 % entre 2011 et 2015 du fait de la mauvaise tenue du marché publicitaire, on comprend mieux pourquoi France Médias Monde a été dans l'obligation de réaliser d'importants gains de productivité. La mise en place de deux plans de départ volontaire (PDV) a eu pour conséquence une baisse nette des effectifs de 253 équivalents temps plein (soit une baisse de 20 % des effectifs) et une économie globale annuelle de 19 millions d'euros. Par ailleurs, un gros effort a également été fait sur les achats et les frais de fonctionnement, ce qui a permis de réduire ce poste de 16,7 millions d'euros par an. Enfin, 4,1 millions d'euros ont été économisés sur les dépenses de marketing et de communication avec le risque de limiter le développement de l'entreprise.
Ces économies n'ont pas empêché le développement de la version arabophone de France 24 et une migration de la production vers la haute définition (HD). Mais les moyens sont aujourd'hui extrêmement contraints ce qui limite le nombre des nouveaux projets. L'antenne en bambara de RFI est toutefois aujourd'hui sur les rails et devrait commencer à émettre au plus tard au second semestre 2015, c'est fondamental compte tenu des enjeux qui traversent la partie du continent africain où cette langue est pratiquée. Par ailleurs, France 24 sera bientôt diffusée au Québec et un projet existe d'une antenne hispanophone.
Comme je le disais en introduction, nous avons maintenant un bel outil, financé entièrement par la contribution à l'audiovisuel public. L'audience progresse d'ailleurs sensiblement : +5,4 % en un an pour RFI et +4,2% pour France 24.
Il me semble maintenant éminemment souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde ce qui passe, à mon sens, par une diffusion de France 24 sur la TNT, non seulement en Île-de-France, mais sur tout le territoire, comme je l'ai indiqué à la ministre de la culture et de la communication lors de son audition. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il semblerait également pertinent d'étendre la diffusion de ces radios au reste du territoire, tout au moins, aux grandes villes.
J'en viens maintenant à TV5 Monde, la grande chaîne francophone dont le capital est partagé entre la France (6/9e), la Suisse (1/9e), la Fédération Wallonie-Bruxelles (1/9e) et le Québec et le Canada (1/9e). Le total des ressources de la chaîne s'établira en 2015 à 108,76 millions d'euros dont 99,91 millions d'euros de contributions publiques et 8,85 millions de ressources propres. La quote-part de la France s'établira à 76,23 millions d'euros HT, soit le même niveau qu'en 2014. La nouveauté tient au fait que, ici aussi, ce financement sera intégralement assuré en 2015 par la contribution à l'audiovisuel public ce qui constitue une bonne nouvelle.
Un mot sur les ressources propres. Les recettes de publicité continuent à constituer une préoccupation depuis la fin du minimum garanti qu'assurait la régie de France Télévisions puisque les recettes sont passées de 4,2 à 2,5 millions d'euros. TV5 Monde considère ainsi qu'il y aurait moyen de mieux valoriser ses audiences en Afrique et en Asie, mais cela nécessiterait un plus grand investissement de la régie dans son démarchage local. C'est pourquoi l'essentiel des ressources propres continue à dépendre des recettes de distribution pour un montant en légère baisse de 6,18 millions d'euros en 2014.
Les grandes priorités de TV5 Monde concernent le basculement en HD qui a été opéré aux États-Unis, en Asie, dans le Golfe persique et qui reste à faire en Amérique latine et en Afrique. La chaîne est ensuite en négociation au Brésil afin de développer un quota de production locale. Mais les deux grandes priorités concernent surtout le lancement d'une chaîne enfant en Afrique pour lequel il manque encore 1,5 million d'euros et le projet d'une chaîne consacrée à l'art de vivre à destination de l'Asie.
TV5 Monde est également très présent sur le numérique avec des offres de replay et de streaming mais aussi une offre de vidéo à la demande par abonnement en Amérique latine. La société qui dispose d'une forte notoriété a aussi lancé une offre Internet d'accès à 200 grands classiques de la littérature francophone qui a reçu un excellent accueil du public.
J'évoquerai également, pour conclure, le lancement par Canal + de la nouvelle chaîne A+ destinée à l'Afrique francophone qui constitue à la fois une concurrence pour TV5 Monde mais aussi une opportunité pour développer des coproductions.
En définitive, mes chers collègues, je crois qu'il n'est plus possible de penser séparément la diffusion de TV5 Monde du service public de l'audiovisuel. Avec le financement intégral de la quote-part de la France par la contribution à l'audiovisuel public, le téléspectateur français est en droit de pouvoir accéder à ces programmes de qualité qui devraient avoir toute leur place sur la TNT.
En somme, ce dont nous avons besoin, c'est bien d'une vision globale du service public de l'audiovisuel. Nous savons que son avenir dépendra de deux critères, le niveau de la contribution audiovisuelle publique d'une part et son périmètre d'autre part. Plus il y aura de chaînes à financer, plus les ressources nécessaires seront importantes ; moins nous voudrons augmenter la contribution à l'audiovisuel public pour nous rapprocher des niveaux pratiqués au Royaume-Uni et en Allemagne, moins il nous sera possible de maintenir certaines chaînes qui n'ont pas trouvé leur public mais qui coûtent cher.
TV5 Monde constitue une belle fenêtre sur d'autres cultures francophones : belge, suisse, québécoise mais aussi africaine, arabe, asiatique. Le coût de sa diffusion sur la TNT serait de 13 à 15 millions d'euros du fait du surcroît de droits qui devrait être payé. Ce coût est à comparer, à mon sens, au budget de France 4 qui s'élève à 40 millions d'euros pour une audience très faible. À un moment où l'on s'interroge sur l'avenir de France Télévisions et notamment sur son périmètre, j'observe que la substitution de TV5 Monde à France 4 sur la TNT permettrait d'enrichir l'offre de programmes proposée aux téléspectateurs français et de réaliser plus d'une vingtaine de millions d'euros d'économies, cela mérite réflexion.
À l'issue de l'examen des crédits de l'audiovisuel extérieur, je vous propose de donner un avis favorable à leur adoption.
Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je vous rappelle que ces rapports s'inscrivent dans le cadre d'une mission plus large « Médias, livre et industries culturelles ». Nous examinerons les crédits « Presse » et « Livre et industries culturelles » la semaine prochaine. Le vote global sur l'ensemble de la mission aura lieu à ce moment-là. Aujourd'hui, s'ouvre plutôt une discussion.
Dans sa présentation du budget « Audiovisuel et avances à l'audiovisuel public », M. Jean-Pierre Leleux a mis en exergue plusieurs phénomènes, mais je pense qu'il adopte un point de vue qui reflète une vision artificielle de la réalité. Je vous entends dire que c'est la loi que l'on vient de voter sur l'indépendance de l'audiovisuel public qui est la cause des malheurs de France Télévisions. Mais, jusqu'à la loi de 2010, cette société connaissait une stabilité financière et le redressement opéré au cours de la décennie précédente était très net. Cette loi, que vous avez défendue avec Nicolas Sarkozy, a supprimé la publicité et a créé une instabilité. À cette époque nous dénoncions le fait que le budget ne dépendrait plus que d'une dotation de l'État, qui, selon les années, pouvait ne pas venir, notamment en période de vache maigre. Ce qui est exactement le cas aujourd'hui ; quand l'État a des difficultés, il peut décider d'autres priorités en ajustant le montant de sa dotation, surtout avec un taux de chômage élevé et des difficultés quotidiennes dans la vie de nos concitoyens.
Auparavant il y avait d'un côté la redevance, de l'autre, la publicité. On a enlevé la publicité, le système de financement est devenu bancal. Mais la ligne budgétaire choisie est la bonne - même si on peut peut-être réfléchir au rétablissement de la publicité sur la tranche 20 heures-21 heures. Globalement, le principe est que la redevance stabilise le budget de l'audiovisuel public. C'est la voie que prend ce budget. L'augmentation de la CAP assise sur le coût de la vie finance globalement l'audiovisuel, même si il y a besoin d'une petite rallonge. Une stabilisation est prévue d'ici 2017. Vous ouvrez un débat ; j'aimerais que notre commission le mène à son terme. Jusqu'à présent, il y avait une dynamique positive de l'assiette, notamment liée à l'évolution des modes de vie, les couples séparés multiplient les foyers fiscaux. L'émergence des nouvelles technologies peut entraîner une diminution du produit de la CAP ; la question de l'élargissement de l'assiette se pose.
M. Leleux a pris l'exemple de l'Allemagne, qui est un bon et un mauvais exemple. C'est un bon exemple : ce pays a décidé d'appliquer la redevance à tout foyer fiscal comme un impôt ; c'est ce à quoi nous aimerions arriver. Mais si nous faisons cela, cet impôt ira dans les caisses de l'État. Ce n'est plus une contribution directement affectée à l'audiovisuel public et on retombe dans le travers que je critiquais précédemment. Notre objectif est de réussir à ce que tout le monde paye, mais que l'assujettissement soit fondé sur un objet qui permette de recevoir la télévision. C'est pour cela que l'on parle de l'élargissement de l'assiette aux tablettes et smartphones.
Je suis très étonné de votre critique sur le Gouvernement qui cacherait le taux de recouvrement pour cacher la fraude à la CAP ; je comprends que vous vous adressiez à Bercy pour avoir des informations. Mais si les services fiscaux ne vous répondent pas en temps et en heure, il ne faut pas pour autant s'engager sur la voie de la théorie du complot et dire : « ils veulent nous cacher quelque chose ». C'est un procès d'intention. Je dispose des chiffres de 2012 ; ils sont à votre disposition. En 2012, le taux de recouvrement constaté de première année était de 91,7 % et le taux cumulé sur deux ans de 99,5 %, ce qui est remarquable pour un impôt déclaratif.
En conclusion, nous soutenons tout ce qui permet le débat cette année sur l'audiovisuel public. La ministre a annoncé que l'État allait établir une lettre de mission avant l'ouverture des candidatures au poste de président de France Télévisions ; ces dernières devront s'inscrire dans une stratégie pour le service public. Cela répond à votre demande, vous ne pouvez pas l'ignorer.
Sauf erreur de ma part, c'est la première fois qu'on entend à la suite les deux rapports pour avis relatifs, d'une part, à l'audiovisuel public national et, d'autre part, à l'audiovisuel public extérieur. Je trouve que c'est une très bonne chose, pour la raison très simple que c'est désormais une entreprise commune. On ne peut donc plus dissocier le national de l'international puisque le financement repose entièrement sur la contribution publique.
Rappelons que la réalisation de l'audiovisuel national n'a pas été facile, que des réticences à divers niveaux se sont manifestées. Il n'en demeure pas moins que cette intégration financière existe et nous ne pouvons que nous en réjouir, mais, puisqu'il s'agit d'un financement commun, les difficultés que rencontre l'audiovisuel national auront des conséquences sur l'audiovisuel extérieur.
Je tiens à rappeler l'effort substantiel de l'audiovisuel extérieur pour arriver à la situation d'aujourd'hui. Il a fallu se « délester » de 20 % des personnels, soit 240 personnes qui ont quitté volontairement l'entreprise, ce qui est considérable.
Nous sommes arrivés, en 2014 et dans le budget pour 2015, à la croisée des chemins en ce qui concerne le développement de l'audiovisuel extérieur sans le soutien de l'audiovisuel national. Les Français doivent pouvoir avoir accès à l'audiovisuel extérieur dans l'hexagone. Puisqu'il s'agit d'un financement public, quelle est la part apportée par l'audiovisuel national à l'audiovisuel extérieur, pour assurer notamment l'harmonisation des statuts, le développement de la diffusion, la multiplication de nos vecteurs de diffusion, ou la nécessité d'être davantage présent sur le territoire national ? La réponse à cette question permettra d'évaluer véritablement si le rapprochement entre les deux niveaux se fait dans les meilleures conditions et si l'un et l'autre contribuent à l'objectif de service public.
Ma question porte sur le soutien à l'expression radiophonique locale. Même si les radios libres d'antan ont beaucoup évolué, des radios associatives, qui jouent un rôle important sur notre territoire, disparaissent, d'autant que la presse a subi beaucoup de concentrations. Sauf erreur de ma part, le Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) a été bloqué à son niveau de 2010. Non seulement il n'y a pas eu une diminution du nombre des radios libres ces dernières années, mais de nouvelles sont apparues. Mécaniquement, cela va diminuer les ressources financières pour les différentes radios. Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait qu'un effort budgétaire important pesant sur ce fonds risque de fragiliser un certain nombre de radios associatives et, par conséquent, l'emploi et la liberté d'expression dans un secteur garant de la diversité démocratique.
Les radios nous alertent actuellement sur les conséquences très préjudiciables du gel des crédits, il faut qu'on puisse leur apporter une réponse.
Je voudrais contester l'organisation de nos débats qui attribue d'abord trois minutes pour un orateur de chaque groupe. Je ne suis pas sûr qu'elle repose réellement sur des fondements très orthodoxes. En commission, lors de l'examen de tels rapports, la parole est libre, même si on peut donner la primeur à l'expression des groupes, ce que vous faites d'ailleurs, madame la présidente, avant de donner la parole aux autres membres de la commission. La limitation à trois minutes de chaque intervention n'a pas été respectée parce que ce n'est pas tenable. Ou on n'a pas grand-chose à dire et on ne prend pas la parole, sauf pour se faire inscrire, ou on s'exprime dans le temps imparti. Confère la durée des interventions de M. Assouline et de M. Duvernois. Nous avons écouté aujourd'hui deux rapports pour avis, très intéressants au demeurant, et je reconnais à chacun le droit d'avoir des inflexions compte tenu des orientations politiques de nos rapporteurs pour avis. Ils donnent un avis intéressant et je m'étonne que vous ne nous fassiez pas voter. Votera-t-on rapport par rapport ou globalement ? Ou n'aura-t-on eu que des approches partielles, qu'elles soient favorables ou défavorables ?
Nous voterons sur l'ensemble de chaque mission, ce qui n'empêche pas que, au fur et à mesure des rapports examinés, ces avis soient commentés et que les groupes prennent position.
Le rapport de M. Leleux porte sur un des programmes de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Que le vote sur la mission se fonde sur des avis partiels, certes, mais ces derniers n'ont pas grand intérêt.
Cela a toujours été la règle. Je fais en sorte que chacun puisse s'exprimer. Le bureau de la commission a fixé un cadre sur lequel nous nous sommes tous mis d'accord pour les temps de parole permettant à chacun de s'exprimer. J'ai d'ailleurs veillé à ce que M. Assouline et M. Duvernois aient pu aller au terme de leur propos en parlant près de 5 minutes chacun.
Monsieur Assouline, loin de moi l'intention de rouvrir le débat sur la nouvelle gouvernance de l'audiovisuel public. Je n'ai pas l'intention de polémiquer sur la loi de 2013, mais m'est-il interdit de souligner une ambiguïté qu'il faudrait lever ?
Trois personnes morales : le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), l'État et le président de France Télévisions peuvent se contredire à un moment donné en ayant un accord à deux mais pas avec la troisième. C'est le CSA qui nomme le président, certes, dans le cadre d'un projet, lequel a été ou sera proposé sur la base d'une mission stratégique que lui confiera l'État. Ceci étant, l'État affecte les fonds. Il y a là matière à débat.
Sur la contribution à l'audiovisuel public, les statistiques de 2012 n'ont pas été communiquées par le ministère des finances. Nous attendons des précisions de Bercy. Le pourcentage de 99 % de recouvrement ne me paraît pas juste. Combien ne déclarent pas ? Et comment le sait-on ?
Plus les images seront reçues sur de multiples écrans, smartphones, tablettes audiovisuelles, téléviseurs, plus il sera difficile d'aller contrôler les « consommateurs » d'images. J'ai souvent préconisé, lors des débats en séance publique, suivant ainsi Mme Morin-Desailly sur ce sujet, un prélèvement à la réception de l'image ou éventuellement par écran. Étant donné la diminution progressive du nombre de téléviseurs traditionnels, une CAP basée sur la possession ou non d'un téléviseur au sein du foyer va présenter des difficultés. On pourrait réfléchir sur une redevance sur l'audiovisuel public, comme en Allemagne, sur la base du foyer. La multiplication des écrans et des usages liés au numérique rend les contrôles de plus en plus problématiques et nous conduit à envisager une redevance par foyer.
Le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) est maintenu et nous serons attentifs à ce que la réforme prévue en 2015 permette une nouvelle répartition visant à la survie des petites stations et luttant contre les concentrations.
Je remercie M. Duvernois pour son intervention relative à France Médias Monde (FMM) qui a effectivement dû consentir à de réels efforts, dans la mesure où les suppressions de postes ont représenté environ 20 % des effectifs globaux initiaux. Reste un important chantier d'harmonisation sociale - devant porter à la fois sur les rémunérations, sur le temps de travail et sur la nomenclature des professions - pour lequel une enveloppe de 3,5 millions d'euros a été débloquée.
L'éventualité d'une diffusion de France 24 sur la TNT est une piste de réflexion que nous avons souhaité indiquer à la ministre.
Une prochaine réunion interministérielle devait traiter de la question des radios locales : avons-nous des informations à ce sujet ?
De même, avons-nous des informations sur les suites données au rapport de Mme Anne Brucy sur France 3, qui est chaîne de service public de proximité ?
Nous sommes réunis aujourd'hui pour traiter des questions budgétaires, mais nous ne pourrons nous exonérer, notamment dans le cadre de cette commission, d'une réflexion relative à ce que doit être le service public de l'audiovisuel. Cette réflexion libre et profonde pourra être poussée jusqu'à envisager la suppression même du service public de l'audiovisuel et les conséquences qu'aurait une telle suppression pour mieux apprécier son intérêt. Elle conduira alors à nous interroger à nouveau sur la présence et l'importance de la publicité sur les antennes de l'audiovisuel public.
Ce type de réflexion, M. le rapporteur, relève en effet du domaine de compétence de notre commission. Nous vous remercions pour ce rapport qui contient un certain nombre de propositions ambitieuses, voire iconoclastes.
L'apparition du numérique entraîne de multiples changements, tant au niveau des usages que des supports de diffusion, qui nous obligeront à repenser les modèles économiques et la fiscalité. Certaines chaînes, comme Arte, prennent en compte ces évolutions et s'y adaptent rapidement, d'autres, comme les chaînes du groupe France Télévisions, semblent éprouver davantage de difficultés.
Par ailleurs, de nouveaux types d'opérateurs, tels Netflix, arrivent sur le marché et les réponses à donner tardent malgré nos alertes répétées : la contribution à l'audiovisuel public n'intègre pas encore ces nouveaux phénomènes.
Nous devons reprendre un travail de fond sur le financement de l'audiovisuel public, comme le faisait notre ancien collègue rapporteur spécial de la commission des finances M. Claude Belot. Je prendrais l'attache de la présidente de cette commission, Mme Michèle André, afin de coordonner les démarches de nos deux commissions dans ce domaine.
La réunion est levée à 17 h 20.