La commission procède à l'audition de M. Sébastien Soriano, candidat proposé aux fonctions de président de l'Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep).
La réunion est ouverte à 19 heures.
Nous entendons, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Sébastien Soriano, dont le président de la République envisage la nomination comme président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). À l'issue de cette audition publique et ouverte à la presse, nous procèderons à un vote à bulletin secret. Le président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs représentait au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Monsieur Soriano, vous êtes ancien élève de l'École polytechnique et diplômé de l'École nationale supérieure des télécommunications. Ingénieur en chef du corps des Mines, vous avez été directeur de cabinet de Fleur Pellerin lorsqu'elle était chargée du portefeuille de l'économie numérique. Vous êtes ensuite devenu son conseiller spécial lorsqu'elle a été nommée ministre de la culture. Vous connaissez bien l'Arcep pour y avoir effectué l'essentiel de votre carrière, entre 2004 et 2009. Vous avez notamment été chef de l'unité « marchés mobiles », puis directeur de la régulation des marchés haut et très haut débit, et directeur des relations avec les collectivités territoriales.
L'Arcep est une autorité administrative indépendante (AAI), créée en 1997 et dont les compétences ont été étendues au secteur postal en 2005. Parmi ses missions principales, elle accompagne l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications et veille à l'exercice d'une concurrence effective et loyale au bénéfice des consommateurs.
Quelle est votre vision stratégique de l'Arcep ? Les enjeux à court et moyen termes sont considérables, qu'il s'agisse du déploiement du très haut débit fixe ou mobile, de la qualité de la couverture et des services mobiles sur l'ensemble du territoire, ou encore de la restructuration du secteur des télécoms. Qu'en est-il du rapprochement, régulièrement évoqué, entre les opérateurs ? Comment comptez-vous faire respecter les règles de concurrence au sein du secteur des télécommunications ?
Quels réseaux numériques à la fin 2020 ? C'est la date à laquelle le mandat que je sollicite s'achèvera. La France est un grand pays d'infrastructures, comme le montrent les différents classements internationaux, auxquels les pouvoirs publics se montrent attentifs - ils ont ainsi réactivé le Conseil stratégique de l'attractivité et se sont proclamés pro-business. Ses réseaux électrique, autoroutier, ferroviaire ou de télécommunication font la force de notre pays. Les infrastructures numériques ont une importance particulière car elles sont le socle de la transformation numérique, à la fois sociale et économique, que nous sommes appelés à vivre. Déjà, l'accès à l'information, à la culture, et même le débat démocratique, se sont profondément transformés.
Pour réussir cette évolution, il nous faut respecter cette devise : compétitivité, accessibilité et neutralité. Les acteurs économiques qui réalisent les réseaux de télécommunications - investisseurs publics ou privés, équipementiers, sous-traitants - ont besoin d'un environnement compétitif. Gendarme du secteur des télécoms, l'Arcep devra manifester aussi de l'empathie. L'accessibilité constitue une exigence forte : il est nécessaire que tous nos concitoyens aient accès à ces réseaux, dont l'usage devient si indispensable qu'il s'agira bientôt d'un droit essentiel. En assurant une connectivité très ouverte, nous garantirons que n'importe quelle start-up puisse se lancer sur internet, que n'importe quel point de vue puisse s'y exprimer. La neutralité sera l'une des valeurs principales d'internet, qui est bien commun ouvert à tous. À cet égard, je rends hommage à son dernier président en date, M. Jean-Ludovic Silicani, qui a su mobiliser l'Arcep très tôt sur ce thème.
Nous arrivons à la fin d'un cycle de régulation, dix-huit ans après la création de l'Arcep. La concurrence a été instaurée pour les téléphones fixes, et le dégroupage a assuré un développement compétitif du haut débit. Il y a désormais quatre opérateurs de téléphonie mobile, dont les bases d'abonnés et les infrastructures sont considérables, même si ces dernières sont parfois encore en construction. Saluons ce bilan positif de l'ouverture à la concurrence décidée en 1997.
L'étape suivante sera de donner un nouveau souffle à la régulation, en terminant le travail engagé - l'effervescence du secteur ne doit pas entraver les investissements - et en préparant l'avenir de manière à remettre les télécoms au coeur de la grande histoire du numérique. À cet effet, l'Arcep devra fixer clairement un cap : le régulateur n'est pas simplement un arbitre. La direction à suivre sera l'investissement dans le très haut débit fixe et mobile, tout en accompagnant le secteur postal qui connaît une mutation profonde, du fait de l'affaiblissement brutal, exogène, de son activité de courrier. Voilà à quoi sert un régulateur indépendant : il est le gardien du long terme, face à des autorités publiques ou à des opérateurs privés soumis à des échéances plus courtes. Pour exercer son rôle, l'Autorité a besoin d'un consensus politique.
L'Arcep devra ensuite entraîner les acteurs. La concurrence représente un instrument très puissant de stimulation du secteur. Sa formidable dynamique doit s'exercer de manière équitable. Le renforcement des indicateurs de couverture et de qualité éclairera les consommateurs et récompensera les opérateurs qui auront investi. Il faudra donner suite à l'avis de l'Autorité de la concurrence sur l'itinérance et la mutualisation.
Au-delà de la concurrence, il faut accepter d'intervenir pour structurer le marché par de grands projets lancés par la puissance publique, comme le plan France très haut débit ou la bande des 700 MHz. Si le collège de l'Arcep en est d'accord, nous nous préoccuperons de la « trappe à débit », en coordonnant mieux la tarification des réseaux de cuivre à haut débit et celle des réseaux à très haut débit, afin d'assurer de bonnes incitations lors du passage du premier au second.
Le gendarme des télécoms agitera le bâton aussi bien que la carotte, si la neutralité d'internet n'est pas assez respectée : la manière dont les réseaux sont interconnectés est discriminatoire et les géants d'internet profitent de la situation aux dépens de plus petits opérateurs.
Quoiqu'indépendante, l'Arcep n'est pas un électron libre. Elle devra coopérer avec les acteurs de la filière. Je souhaite qu'elle réalise chaque année un bilan de l'impact de sa régulation sur ceux-ci. Elle coopérera aussi avec les autres AAI, comme l'Autorité de la concurrence ou le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ainsi qu'avec les collectivités territoriales, qui sont des acteurs structurants.
L'Arcep fait partie de l'État ; aussi doit-elle être à l'écoute des priorités de la nation. Sans être aux ordres - elle est la gardienne du long terme -, il convient qu'elle articule son action avec les grands projets fixés par les pouvoirs publics. À cet égard, travailler avec le Parlement, dont émanent des commissions spécialisées, telle la commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE), est un bon moyen de construire les consensus transpartisans dont nous avons besoin.
Ne nous enfermons pas dans une vision statique des télécommunications. Ce qui se limite aujourd'hui aux téléphones ou aux ordinateurs concernera demain des milliards d'objets connectés, que nos start-up contribuent à inventer. Les réseaux de télécommunications seront un enjeu de souveraineté : déjà, les États ont parfois du mal à y faire respecter leurs règles.
J'aurai à coeur, enfin, d'être présent sur les enjeux européens, puisque c'est à ce niveau que la régulation de demain s'élabore. Régulation, territoires, numérique, Europe : ces mots résument à la fois mon parcours et un projet respectueux du caractère collégial de l'Arcep.
Le paysage actuel est bouleversé ; les grands opérateurs se mobilisent-ils vraiment pour installer la fibre optique et équiper rapidement la France en téléphonie mobile à très haut débit ? Quelle place le spécialiste que vous êtes entend-il donner aux collectivités territoriales ? Sans ces dernières, la fracture numérique est inéluctable. Or, elles n'ont qu'un strapontin à l'Arcep, comme dans bien d'autres instances...
Les collectivités doivent pouvoir intervenir sur les territoires de leur choix. Appartient-il vraiment à l'Arcep, qui n'est, disent certains, qu'un démembrement de l'État, de donner le cap ? J'estime que le cap doit être donné par le Parlement et le Gouvernement. D'ailleurs, ses avis sont formulés dans un tel jargon et avec une telle suffisance technocratique et technique que les élus ont bien du mal à discerner les orientations que vous fixez. Enfin, que pensez-vous de la vente prévue de la bande des 700 MHz ? Deux milliards d'euros de recettes sont prévues à ce titre dans le budget de cette année. Est-ce réaliste, sachant que les opérateurs n'ont pas les moyens financiers et que cette opération est très complexe sur le plan technique.
Nous constatons un écart considérable entre la réalité et les cartes de couverture. L'Arcep ne pourrait-elle pas définir des niveaux de qualité de couverture ? L'attribution des licences pour la fréquence des 700 MHz pourrait en être l'occasion. Pourquoi ne pas utiliser la tarification actuelle pour financer la maintenance du réseau de téléphone fixe ? Dans certaines zones, elle n'est plus assurée par France Télécom. Cela favoriserait aussi la transition vers la fibre optique, qui demeure, je l'espère, la priorité. Vous attacherez-vous à combler le fossé entre les territoires ruraux, ainsi que les territoires d'outre-mer, et les autres ? Les moyens de l'Arcep vous paraissent-ils adéquats ? Ne concentre-t-elle pas trop de brillants diplômés ? Cela ne correspond pas à la culture de terrain nécessaire pour construire un réseau national, surtout quand les collectivités territoriales ont à se substituer aux opérateurs nationaux. Une institution de régulation comme l'Arcep ne devrait-elle pas se doter de budgets d'études, dont la carence a justifié la création de la mission Champsaur ?
Bien sûr, les opérateurs vont d'abord là où la population est dense... Ailleurs, les collectivités territoriales sont obligées de mettre la main à la poche. Une péréquation, au moins financière, ne serait-elle pas souhaitable ? Il y a quelques années, l'on m'expliquait que le haut débit n'irait pas jusqu'à la dernière ferme... qui l'utilise maintenant pour les dossiers PAC. Il y a encore des endroits où soeur Anne ne voit rien venir : comment accélérer le déploiement du haut débit ? L'article 27 de la loi « NOTRe » ne suffira pas.
On publie n'importe quoi sur les réseaux sociaux. Quand même ! Les juridictions ? Les procédures sont longues et coûteuses. Avez-vous une idée des dispositions à prendre ?
Compétitivité et accessibilité, avez-vous dit. Le plan très haut débit est capital. Les opérateurs s'empressent d'équiper les villes, laissant les bourgs et les zones rurales aux collectivités territoriales. Comment éviter la fracture numérique ? Travaillerez-vous avec les collectivités territoriales pour boucler ce plan très haut débit et tirerez-vous parti des fréquences qui seront occupées en décembre prochain ?
Le Sénat est attentif à l'accessibilité. Je l'ai encore constaté lors de la dernière campagne sénatoriale, il est parfois impossible d'utiliser le mobile dans certains cantons ruraux. En dépit des schémas ou des nouveaux pylônes, des pans entiers de territoire ne sont pas couverts. La problématique de l'itinérance ne figurait pas dans le cahier des charges initial de la vente des fréquences. La bande des 700 MHz doit être utilisée en priorité pour régler ce problème. La 4G peut aider aussi. En tous cas, si nous attendons tous la fibre optique, nous ne serons pas au rendez-vous de 2020. De même, la maintenance des lignes fixes laisse à désirer : il m'est arrivé à plusieurs reprises de perdre ma connexion parce qu'un opérateur avait débranché ma ligne pour la brancher sur une autre maison. Le Fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT), dont le Sénat a fait voter le principe, sera-t-il alimenté ? Sans le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ), certaines fermes n'auraient sans doute toujours pas l'électricité.
Que pensez-vous de la mutation que connaît La Poste ? Ses ressources humaines jouent un rôle considérable, notamment dans les territoires ruraux, où les personnes âgées auraient besoin de services mobilisant de nouvelles technologies - je suis concerné par une des expérimentations en cours.
L'Arcep peut-elle contraindre les opérateurs de téléphonie mobile à opérer des péréquations afin d'assurer un accès équivalent à tous les citoyens, où qu'ils vivent ? Les petites agglomérations ont bien du mal à faire effectuer le câblage FttH dans tous leurs quartiers.
Je suis un sénateur ultramarin. La continuité numérique est déterminante pour lutter contre l'isolement et indispensable au développement touristique. Dans la santé et l'éducation, les visioconférences se multiplient. Nos collectivités territoriales sont donc engagées dans la politique du très haut débit. Malheureusement, le coût d'exploitation des câbles reste très supérieur à celui que connaît la métropole : 50 euros le Mbit de location contre 1 euro, voire 90 centimes, en France métropolitaine. Cela tient à la liaison entre Porto Rico et Miami. L'Arcep ne pourrait-elle pas intervenir ? J'espère que l'outre-mer ne sera pas oublié. L'itinérance, qui nous coûte des fortunes, devrait disparaître : techniquement, c'est possible. Allez-vous vous y attacher ?
Pouvez-vous nous préciser le calendrier d'attribution des fréquences dans la bande des 700 MHz ? Le plan très haut débit implique une multitude d'opérateurs : comment comptez-vous en assurer la régulation ? Le niveau d'investissement, qui s'est établi en 2014 à 7 milliards d'euros, sera-t-il maintenu ? Dans un contexte tendu, la fusion entre SFR et Numéricable devra être suivie attentivement, notamment en ce qui concerne l'emploi.
Les opérateurs privés ont tendance à multiplier les annonces optimistes, qui ne sont pas suivies d'effets mais paralysent les initiatives des collectivités territoriales. Une véritable contractualisation mettrait chaque acteur devant ses responsabilités, le non-respect de la feuille de route entraînant des sanctions.
Effectuer une étude d'impact annuelle des décisions de l'Arcep me paraît une très bonne idée. Je regrette que nous n'ayons pas financé la totalité de nos infrastructures avec des fonds publics, à l'instar de l'Australie, qui a ensuite mis en concurrence leur usage. Les objets connectés seront peut-être le vecteur d'une nouvelle révolution économique. Que pensez-vous de l'évolution du coût marginal zéro ? L'Arcep jouera forcément un rôle central : votre philosophie m'importe.
Je ne sais si je voterais aujourd'hui pour l'actuel président de l'Arcep : il y a désormais quatre opérateurs de téléphonie mobile, et ils sont tous ou ruinés ou en voie de l'être, et n'investissent plus. Y en a-t-il un de trop ? La bande de fréquence des 700 MHz sera très utile en milieu rural. J'ai été l'auteur d'une loi sur l'itinérance locale, votée à l'unanimité. Mais les députés ont ensuite prévu un décret d'application... Y aura-t-il itinérance pour la 4G ? Les opérateurs prétendent n'avoir pas les moyens de traiter les zones mal couvertes. Proposez-vous de supprimer certaines taxes pour leur redonner les moyens d'investir ?
Mon département mène une politique très volontariste : fin 2015, 95 % des lignes auront le triple play ; mon objectif est qu'avant mon départ chaque clocher ait son sous-répartiteur fibré. Pour cela, il faut amener la fibre aux répartiteurs, puis aux sous-répartiteurs. Or, l'Arcep a mené une politique de blocage des sous-répartiteurs pour des raisons de concurrence. Laissez donc aller la fibre, tant que les collectivités territoriales la financent !
Dans l'Aude, des pans entiers de territoire ne sont pas couverts : entre 50 et 60 communes n'ont pas accès à la téléphonie mobile. Le conseil général va lancer une étude pour disposer d'un chiffrage précis. SFR avait été chargée de réaliser les travaux ; nous nous sommes tournés vers Numéricable, qui ne se reconnaît aucune obligation en la matière. Que faire ?
Le Sénat est bien la caisse de résonnance des collectivités territoriales, et je m'associe à tous les propos qui ont été tenus. L'électrification rurale a été un succès parce qu'il y a eu un fonds d'amortissement auquel ont participé tous les consommateurs bénéficiant du service de l'électricité.
Qu'en est-il du rapprochement de l'Arcep avec le CSA, qu'a évoqué le président de la République ? Dans le projet de loi Macron, un amendement du groupe socialiste, inspiré par le rapport des députés Corinne Erhel et Laure de La Raudière sur la régulation des télécoms, propose de clarifier, hiérarchiser et rééquilibrer les objectifs et compétences du ministre de tutelle et du régulateur. Qu'en pensez-vous ?
Oui, l'Arcep est le gardien du long terme : elle fixe le cap en s'appuyant sur des consensus transpartisans. Alors que le CSA traite de sujets sensibles pour la démocratie, l'Arcep se focalise sur les questions économiques et s'abstrait des intérêts particuliers et immédiats, qu'ils soient publics ou privés, d'où sa nécessaire indépendance.
L'Arcep, qui fait partie de l'État, doit être à l'écoute des priorités de la nation, notamment en ce qui concerne le plan France très haut débit. Celui-ci traduit l'équilibre entre l'initiative publique et les opérateurs privés. Les réseaux télécoms sont déployés par des opérateurs dont la liberté d'établissement est garantie. Laissons les opérateurs réaliser leurs choix technologiques et marketing. Parallèlement, l'accessibilité pour tous est indispensable. Le plan France très haut débit distingue les zones d'intervention des opérateurs de celles qui dépendent de la puissance publique. Ce plan est porté par le Gouvernement et non pas par l'Arcep, même si cette dernière a contribué à son élaboration.
Les réseaux d'initiative publique (RIP) sont-ils soumis à la régulation ? M. Leroy m'a demandé si les collectivités devaient se contenter d'un strapontin. Il convient de sortir de cet entre-deux. Pour moi, elles sont des acteurs majeurs des investissements numériques de demain. Les conseils généraux et régionaux consacrent des crédits considérables au très haut débit. Je souhaite que les collectivités soient pleinement associées aux décisions et qu'elles respectent un certain nombre de règles, tout comme les opérateurs privés. Pour l'instant, nous pâtissons d'un « trou dans la raquette », notamment dans les départements d'outre-mer (DOM), quand régulation et délégation entrent en contradiction. Lorsqu'un exécutif local signe un contrat avec un acteur privé et lui verse une subvention en contrepartie d'un service, le régulateur sectoriel a-t-il légitimité à se prononcer sur le tarif ? Nous sommes confrontés à un conflit de légitimité entre la libre administration des collectivités et le développement de l'économie numérique, qui passe par la régulation. Je ne peux qu'encourager le législateur à s'emparer de cette question.
Je vous invite à me donner des cartons jaunes ou rouges si je cède à la tentation de la suffisance technocratique. Il incombe au président d'une autorité indépendante de faire le lien entre les techniciens de l'Arcep et les partenaires institutionnels, les collectivités et les associations. J'aurai à coeur de rappeler aux agents de l'Autorité d'être attentifs aux réalités.
Le malaise actuel en matière de téléphonie mobile tient au hiatus entre la réalité des zones blanches et les cartes théoriques. Commençons par réconcilier les discours et les faits. Reconnaître les problèmes, c'est commencer à les résoudre. Ensuite, nous ferons respecter les engagements pris, surtout pour les réseaux mutualisés en 3G. Il n'est pas acceptable que les opérateurs ne soient pas au rendez-vous.
Enfin, il nous faut regarder plus loin, avec l'itinérance 4G, mais aussi en associant la concurrence à la mutualisation. Admettons-le, dans les zones rurales, la mutualisation doit être massive et porter sur toutes les technologies. Il va falloir modifier les textes et les licences en conséquence.
L'Arcep n'a pas à dire si la bande des 700 MHz servira à la couverture des territoires ou à la concurrence. Voilà un sujet où le politique doit s'exprimer en premier : au gouvernement et au Parlement de définir leurs priorités ! Je suis très favorable à un consensus transpartisan.
Nous sommes parvenus à un équilibre entre opérateurs et collectivités : si les engagements des opérateurs devenaient obligatoires, nous risquerions de décourager les investisseurs. Néanmoins, certains régulateurs en Europe obligent les opérateurs à respecter leurs engagements volontaires. L'Arcep pourrait avoir ce pouvoir, mais il est surtout important d'avoir créé les conditions de l'investissement dans les zones denses. Le câble, s'il pose des problèmes de régulation, dynamise le déploiement des réseaux à très haut débit. Ne négligeons pas cet effet accélérateur.
Le plan France très haut débit équivaut à un fonds de péréquation alimenté, non par une contribution sur les abonnements téléphoniques, mais grâce aux revenus dégagés par la bande de fréquences des 1 800 MHz : les opérateurs participent bien au financement du très haut débit.
Sans être alarmiste, je ne suis pas en mesure de vous rassurer sur les moyens de l'Arcep, qui fait face à des défis importants, comme l'accompagnement des collectivités locales : nous allons passer d'un marché avec quatre acteurs régulés à un marché en comprenant 40, voire 80. Des moyens supplémentaires seront nécessaires. Nous devons également préparer l'avenir, surtout pour les objets connectés. Enfin, les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) ne sont pas assez numérisées : l'Autorité doit rendre le marché des services télécoms aux entreprises plus compétitif et accessible.
Certes, l'Arcep doit participer au redressement des finances publiques, mais ses particularités n'ont pas été prises en compte dans la loi de finances. Avec sa pyramide des âges, l'Arcep n'utilisera pas les départs à la retraite pour réduire ses effectifs parce que cela reviendrait à faire partir des jeunes. Jean-Ludovic Silicani a voulu être exemplaire : en cinq ans, il a réduit de 40 % le budget de fonctionnement de l'Arcep, hors immobilier, de 50 % les frais de mission, de 60 % les frais de représentation, de 90 % le parc automobile. A ce niveau, les coûts de fonctionnement de l'Autorité ne peuvent guère diminuer. Un dialogue va s'instaurer avec Bercy pour trouver une solution, et j'espère que nous y parviendrons.
L'Arcep n'a pas à gérer les réseaux sociaux. Les dispositifs qui figurent dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique permettent d'intervenir : peut-être un opérateur aurait-il sa place, aux côtés des juges. Le CSA serait sans doute mieux placer pour le faire que l'Arcep.
Le président de la République a bien distingué la légitimité du CSA, qui touche à l'intimité des enjeux démocratiques, de celle de l'Arcep, qui traite des questions économiques et d'aménagement du territoire. Des coopérations seront néanmoins indispensables : si vous me faites confiance, je me rapprocherai bien sûr d'Olivier Schrameck, même si ces deux autorités doivent rester distinctes. J'espère que le projet que je vous ai présenté vous aura convaincu et que votre vote confirmera la nécessité de cette autorité indépendante.
En effet, si vous êtes nommé demain en conseil des ministres, nous comprenons que vous ne plaidiez pas pour la fusion de l'Arcep avec le CSA ... Nous vous remercions ; nous allons à présent procéder au vote.
Puis la commission a procédé au dépouillement du vote intervenu sur la candidature de M. Sébastien Soriano, candidat proposé aux fonctions de président de l'Arcep.
Le résultat du dépouillement est :
- 14 voix en faveur de cette candidature ;
- 11 bulletins blancs ;
- 1 abstention.