Parmi l'ensemble des amendements examinés par la commission spéciale, celui qui nous réunit aujourd'hui est certainement l'un des plus substantiels. Je laisse la parole à M. le ministre pour qu'il nous en précise les contours.
Le Premier ministre a annoncé à la sortie du conseil des ministres du 8 avril 2015 un dispositif de « sur-amortissement » afin de relancer l'investissement.
Aussi, la question de la traduction législative de la mesure proposée s'est immédiatement posée. En réalité, la période d'éligibilité annoncée - la déduction s'applique aux biens acquis ou fabriqués par l'entreprise à compter du 15 avril 2015 et jusqu'au 14 avril 2016 - et la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs nous laissaient deux options. Le Gouvernement pouvait soit publier une instruction fiscale avant une validation législative, soit déposer un amendement dans le cadre de la discussion du présent projet de loi. Cette dernière option nous a semblé préférable, tant dans un objectif de transparence que pour démontrer notre bonne volonté à l'égard du Sénat.
Sur le fond, l'objectif n'est pas de permettre un amortissement dégressif accéléré, à l'image de l'amendement adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Il s'agit en réalité de subventionner les investissements en permettant un « sur-amortissement » de 40 %. Concrètement, pour une entreprise imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés, la mesure assurera une réduction d'impôt de plus de 13 % de la valeur de l'investissement.
Concernant le périmètre, la liste des équipements éligibles vise principalement à exclure l'investissement immobilier, comme c'est traditionnellement le cas pour les mesures de ce type.
Par ailleurs, le coût budgétaire de la mesure s'élève à 2,5 milliards d'euros sur cinq ans. Pour l'année 2015, il est inférieur à 500 millions d'euros. Toutefois, le dispositif s'inscrit pleinement dans la trajectoire prévue dans le cadre du programme de stabilité et du pacte de responsabilité pour l'impôt sur les sociétés.
Le dispositif présenté aujourd'hui constitue la première grande mesure pour l'activité de ce projet de loi. Je m'interroge néanmoins sur trois points.
Tout d'abord, l'estimation du coût est fondée sur les liasses fiscales de 2013, année basse de l'investissement des entreprises. N'y a-t-il pas dès lors sous-estimation, en particulier si le dispositif a l'effet incitatif escompté ?
Par ailleurs, certaines catégories d'investissement productif sont éligibles au dispositif, mais d'autres ne le sont pas. Quels sont les critères ayant présidé à ces choix ? En particulier, s'agissant des installations productrices d'énergie, il semble que les installations des centrales nucléaires seraient éligibles, tandis que ne le seraient pas les installations des barrages hydroélectriques ou des éoliennes. Comment expliquer cette distinction ?
Enfin, le dispositif bénéficierait à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Ce choix se justifie-t-il par la volonté que la mesure soit exemptée du contrôle effectué par la Commission européenne au titre des aides d'État ?
Concernant le coût de la mesure, les chiffrages sont toujours effectués de manière statique. Toutefois, tout effet incitatif conduirait à des rentrées fiscales supplémentaires au titre de l'impôt sur les sociétés, ce qui constitue une bonne nouvelle. Aussi, le chiffrage me semble raisonnable.
Au sujet des installations productrices d'énergie, l'exception concernant les installations utilisées dans le cadre d'une activité bénéficiant de l'application d'un tarif réglementé d'achat de la production s'explique par la volonté d'éviter le risque d'une nouvelle notification à la Commission européenne.
L'absence de ciblage en fonction de la taille de l'entreprise procède du même objectif car seul un allègement général ne nécessite pas de notification à la Commission européenne. L'analyse juridique menée par les services suggère qu'un double ciblage - en fonction de la taille de l'entreprise et de l'équipement concerné - aurait vraisemblablement conduit à entrer dans un processus de notification.
Ce dispositif me semble aller dans le bon sens, comme en témoignent les réactions recueillies par la délégation aux entreprises dans le cadre de ses déplacements et des tables rondes organisées avec les entrepreneurs.
Je regrette néanmoins l'absence de ciblage sur les PME.
Par ailleurs, je m'interroge sur la période d'éligibilité annoncée : les délais de livraison, qui sont particulièrement longs pour les investissements lourds, seront-ils pris en compte ?
Enfin, comment garantir que les investissements effectués bénéficient principalement aux entreprises françaises ?
Le dispositif qui nous est soumis me semble globalement lisible pour les entreprises.
Je souhaite néanmoins faire deux remarques. Tout d'abord, ce dispositif devrait être associé à des mesures d'assouplissement sur le marché du travail. Par ailleurs, il me semble indispensable qu'il s'accompagne d'une réflexion sur l'Autorité de la concurrence, qui constitue bien souvent un frein pour les entreprises.
Je soutiens pleinement le dispositif.
Je m'interroge toutefois sur son ciblage. Les critères fixés au 3° et au 4° concernant les catégories d'investissement ne risquent-ils pas d'être assimilés à un ciblage indirect des entreprises, ce qui se traduirait par une obligation de notification à la Commission européenne ?
Par ailleurs, le coût budgétaire pour l'année 2015 s'explique-t-il par la possibilité d'imputer la déduction prévue dans le cadre des acomptes ?
Cela ne vous étonnera pas : je serai aujourd'hui la seule voix discordante au sein de la commission spéciale. Je souhaite néanmoins faire deux remarques.
Tout d'abord, que vont penser les députés de cet amendement, sachant que nous sommes en procédure accélérée ?
Par ailleurs, je tiens à dénoncer la méthode du Gouvernement, qui consiste à examiner un amendement aussi important en une demi-heure, juste avant la séance publique.
Je soutiens pleinement la mesure annoncée par le ministre. Toutefois, je m'interroge sur le devenir des annonces du Premier ministre concernant la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, que j'appelle de mes voeux depuis longtemps. La mise en place de cette mesure est-elle de nature à remettre en cause cette baisse ?
Je salue la mesure annoncée, qui permettra de donner un coup de fouet à l'investissement. Je m'interroge toutefois sur son ciblage. Par ailleurs, les entreprises dont les bénéfices sont imposés à l'impôt sur le revenu pourront-elles également bénéficier du dispositif ?
Concernant la période d'éligibilité, la prise en compte des délais de livraison ne pose aucun problème. L'instruction fiscale précisera que le point de départ de l'investissement correspond à l'accord sur le prix et la chose.
Concernant le ciblage, il n'est évidemment pas possible sur le plan juridique de cibler uniquement les investissements effectués au sein des entreprises françaises. L'organisation par filière jouera néanmoins un rôle décisif pour répondre à cette interrogation. S'agissant du risque de requalification lié au ciblage de certaines catégories d'investissement, les analyses juridiques menées par les services confirment ce que je vous ai déjà indiqué.
Concernant la méthode, la remarque d'Annie David me surprend. En effet, nous avons fait le choix non seulement de ne pas passer par une instruction fiscale mais également de présenter cet amendement substantiel devant le Sénat. La procédure accélérée n'empêchera en rien les députés d'examiner cet amendement par la suite.
S'agissant du coût de la mesure, l'impact budgétaire en 2015 s'explique par la possibilité, pour les entreprises, d'imputer la déduction prévue dès le troisième et le quatrième acompte.
Concernant l'articulation de ce dispositif avec les différentes annonces relatives à l'impôt sur les sociétés, je vous confirme que cette mesure s'inscrit dans le cadre du programme de stabilité et du pacte de responsabilité. Elle viendra s'imputer pour 2015 et 2016 sur les mesures relatives à l'impôt sur les sociétés déjà prévues dans la trajectoire budgétaire, soit 2,5 milliards d'euros en 2016 au titre à la suppression de la surtaxe et 4,5 milliards d'euros en 2017 au titre de la baisse progressive du taux de l'impôt sur les sociétés.
Enfin, je vous confirme que les entreprises dont les bénéfices sont imposés à l'impôt sur le revenu pourront également bénéficier du dispositif, y compris au titre des bénéfices agricoles et des bénéfices industriels et commerciaux. Seul le secteur à but non lucratif en sera exclu - et notamment les structures relevant de l'économie sociale et solidaire.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1766.
La réunion est levée à 14 heures 30
La commission spéciale adopte les avis suivants :
AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE