La réunion est ouverte à 14 h 30.
En application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous procédons à l'audition de M. Patrick Jeantet, candidat proposé aux fonctions de Président délégué du directoire de la SNCF.
Cette audition, publique et ouverte à la presse, sera suivie d'un vote à bulletin secret, sans délégation de vote. M. Jeantet sera entendu à 17 h 15 par l'Assemblée nationale. Le dépouillement sera effectué simultanément dans les deux assemblées à l'issue de cette audition. La nomination ne sera effective que si l'addition des votes négatifs dans chacune des commissions ne dépasse pas les trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Monsieur Jeantet, nous sommes heureux de vous accueillir. Vous avez un riche parcours professionnel : après des études à l'École polytechnique, vous avez assuré différentes fonctions dans les infrastructures de transport routières et aéroportuaires, dans l'assainissement et la distribution d'eau. Vous avez travaillé pour Keolis, filiale de la SNCF, dont vous avez été directeur général délégué pour la France jusqu'en 2013. Cette expérience est un atout pour le poste auquel vous postulez, qui comprend de nombreux défis à relever.
Nous sommes d'abord préoccupés par la sécurité du réseau ferroviaire. L'état du réseau, avec des infrastructures parfois presque centenaires, a été la cause de nombreux incidents, dont quelques-uns dramatiques. La situation financière nous inquiète également : fin 2015, la dette atteignait 42 milliards d'euros. Elle a augmenté de 3 milliards d'euros en 2015, alors que la réforme ferroviaire visait sa stabilisation. La refonte de la tarification a opposé SNCF Réseau et l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Tout cela est au coeur du contrat de performance qui aurait déjà dû être signé entre l'État et SNCF Réseau. Comment envisagez-vous cette négociation ? Plus globalement, quelle vision du réseau ferroviaire français et quel projet d'entreprise portez-vous ?
C'est un grand honneur d'être entendu par le Sénat pour le poste de président délégué du directoire de la SNCF, qui emporte également la présidence et direction générale de SNCF Réseau. L'onction parlementaire me donnerait une légitimité certaine dans le management de SNCF Réseau et dans celui de l'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) de tête de la SNCF. C'est important puisque la SNCF est un service public, et que SNCF Réseau gère le patrimoine ferré national. Je vais ainsi vous expliquer mon parcours, mon état d'esprit et ma vision des grands enjeux.
J'ai dirigé d'abord durant treize ans de grands projets d'infrastructure en France et dans le monde, chez Bouygues et Vinci, deux grands groupes de bâtiment et de travaux publics mais aussi deux grands succès français à l'international. SNCF Réseau est un grand groupe d'infrastructures avec 30 000 kilomètres de voies et 600 000 caténaires. Après ces années de formation, j'ai travaillé durant dix-huit ans dans des services publics d'eau et d'assainissement, de transport public terrestre chez Keolis et je suis depuis deux ans et demi directeur général délégué d'Aéroports de Paris. Le groupe SNCF est d'abord un groupe de services publics. En tant que directeur général délégué de Keolis pour la France, j'ai acquis une bonne connaissance de la délégation de service public à la française, modèle de partenariat entre les collectivités territoriales et les délégataires, ce qui me sera utile pour des relations les plus proches possibles avec les régions, nos clients pour les trains express régionaux (TER). Je connais bien le secteur ferroviaire : chez Keolis, durant six ans, j'ai supervisé les concessions ferroviaires au Royaume-Uni et en Allemagne, deux modèles différents, dont je connais bien les avantages et les inconvénients.
SNCF Réseau est un groupe d'ingénierie. J'ai profondément remodelé l'ingénierie à Aéroports de Paris, qui était focalisée sur le passé, nostalgique d'un âge d'or d'il y a vingt ans... J'ai essayé de convaincre que cet âge d'or était devant nous, avec la construction des aérogares du futur. Depuis deux ans et demi, j'ai développé à Aéroports de Paris des relations quasi quotidiennes avec l'État dans le cadre d'un contrat de régulation économique - et donc de performance - et par la mise en place du standard 3 de sûreté, contre le terrorisme. Depuis deux ans, je préside la société d'étude du projet Charles de Gaulle-Express.
Face aux défis de la modernisation, la capacité à mener un groupe industriel de 52 000 personnes doit s'articuler à une vision pour que chacun s'engage ; le facteur humain est la clef de voûte de tout succès. Chez Keolis, j'ai vécu, avec le président Michel Bleitrach, la fusion entre Cariane et VIA-GTI. Vous avez voté la loi réunifiant Réseau ferré de France (RFF), SNCF Infra et de la Direction de la circulation ferroviaire au sein de SNCF Réseau. Après la décision, il faut passer aux actes.
Vous avez adopté la réforme ferroviaire du 4 août 2014. Un important travail de mise en oeuvre a été engagé par Guillaume Pepy et Jacques Rapoport : faire plus simple, plus efficace, plus économe. Si vous acceptez ma candidature, je reprendrai cette mission à mon compte, et m'inscrirai dans la continuité du travail de M. Rapoport. La loi doit se concrétiser, pour améliorer la qualité de la réforme. Le premier bilan qui sera réalisé par MM. Savary et Pancher aidera utilement SNCF Réseau à progresser.
La sûreté est l'exigence première et une valeur cardinale de la SNCF. À la suite des drames de Brétigny et d'Eckwersheim, tous les efforts doivent converger pour que le réseau ferroviaire français reste l'un des plus sûrs du monde. Nous devons cette sécurité à nos clients, qui nous font confiance, et à nos employés.
Sous réserve de la confirmation de ma nomination, voici les grands axes prioritaires de mon mandat : SNCF Réseau est d'abord une entreprise industrielle, délivrant des sillons pour que des entreprises puissent les utiliser. Malgré la priorité donnée à la maintenance, ce n'est pas suffisant : il y a de multiples retards, des problèmes de caténaires ou de signalisation... En tant qu'élus de la Nation, vous entendez souvent des récriminations. J'y serai particulièrement attentif car la satisfaction des clients appartient à la culture professionnelle que j'ai développée depuis trente ans.
Un réseau vieillissant n'est pas un gage de qualité : l'âge moyen des voies est de 32 ans contre 20 en Allemagne ; sur 600 000 caténaires, 60 000 sont en mauvais état, 6 000 en très mauvais état ; les caténaires du RER C ont 90 ans, celles du RER D 70 ans ; un tiers des tunnels sont dans un état médiocre ou très dégradé. Un travail énorme de rénovation - au-delà de la simple maintenance - est à réaliser. Un réseau en bon état est une condition pour développer des services aux voyageurs et le fret, ce n'est pas qu'une question financière. Le projet d'entreprise Excellence 2020 modernisera l'outil industriel SNCF Réseau ; on ne peut pas faire des travaux au XXIe siècle comme au XIXe siècle.
Cette transformation reposera sur deux grands piliers : redéfinir nos processus et automatiser le réseau, via des systèmes informatiques modernes et robustes. Nous accroîtrons le recours aux partenariats industriels, en redéfinissant le pilotage partenarial. Je l'ai fait à Aéroports de Paris où les investissements étaient en très forte croissance, et nous gérerons les emplois et les compétences. Appeler des partenaires extérieurs n'est pas renoncer à diriger : nous devons contrôler. Deuxième défi, la création d'une filière industrielle est oeuvre de longue haleine, qui donnera de la lisibilité à nos partenaires pour procéder aux investissements humains et matériels nécessaires. C'est pourquoi le contrat de performance avec l'État est indispensable. Prévu par la loi, il est en cours de négociation. Il est essentiel que le personnel s'engage sur son avenir, condition de l'amélioration et du succès.
Les enjeux financiers sont au coeur de la discussion. La loi prévoit un rapport sur la dette de SNCF Réseau. Un prochain décret aidera à atteindre l'objectif de juguler la dette. Le levier principal, c'est la productivité. Je m'engage à réaliser 500 millions d'économies dans les cinq ans à partir de 2020, via l'amélioration des achats et l'augmentation de l'efficacité du plan industriel. J'ai une grande expérience de réalisation des plans d'amélioration et je mettrai en oeuvre toute cette expertise.
Pour mobiliser les équipes, rien de tel qu'un transport ferroviaire en plein développement, avec la prochaine mise en service de quatre lignes à grande vitesse, de nombreux contrats de plan comportant des projets ferroviaires importants. Je veillerai à une relation de confiance, à une écoute attentive, à la prise en compte des préoccupations des élus, au coeur du système ferroviaire : ce lien est essentiel pour un fonctionnement harmonieux des politiques de transport.
Le président de SNCF Réseau occupe une place particulière et autonome dans le groupe SNCF, sous le contrôle de l'Arafer, pour la tarification des péages, source substantielle de financement de SNCF Réseau. Nous devons trouver des financements pour la modernisation du réseau. Je m'engage à toute la transparence envers l'Arafer, les autorités organisatrices et l'État afin de trouver un juste équilibre entre les niveaux de péages et les subventions.
Un égal accès aux infrastructures ferroviaires est important pour une bonne concurrence. Il est assuré pour le fret et le transport international de passagers. Un quatrième paquet ferroviaire est prévu pour le transport national de passagers. Je serai particulièrement vigilant pour que SNCF Réseau traite équitablement toutes les entreprises dans l'attribution des sillons, d'autant plus que l'Arafer a donné un avis favorable à ma candidature et que vous avez voté une loi qui me garantit d'exercer cette fonction en toute indépendance. J'espère que ces orientations amélioreront la performance du service rendu. SNCF Réseau est un élément de l'identité et du rayonnement de la France, dépositaire d'un bien national précieux, élément essentiel du service public ferroviaire. Nous partageons une grande ambition pour le transport ferroviaire, magnifique service public auquel nos concitoyens sont profondément attachés et qui fait l'admiration des visiteurs étrangers. C'est pourquoi je me présente devant vous pour servir cette ambition, et m'en remets à votre appréciation. Je vous remercie de votre attention.
Je commencerai par les choses agréables : l'Arafer a émis un avis favorable après examen de votre projet et de votre parcours professionnel, gages d'indépendance suffisants. Vous avez travaillé durant quinze ans à l'extérieur de la France, dans de grands groupes privés internationaux. Vous y avez acquis une vision différente et, chez Keolis, pu comparer notre système avec les modèles britannique et allemand. Ingénieur et ouvert d'esprit, cela nous convient pour s'occuper du réseau ferroviaire. Vous avez, par ce parcours diversifié, un profil d'entrepreneur, et êtes qualifié.
Vous avez eu l'honnêteté de regarder où vous mettez les pieds : le réseau est dégradé, avec des voies vieilles en moyenne de 33 ans, soit le double de l'Allemagne, d'après nos précédentes auditions, et des caténaires de 90 ans. Malgré l'argent injecté, le réseau continue à vieillir. Qu'allez-vous faire pour mettre un terme à ce vieillissement et pour que le réseau retrouve un statut normal ? Durant trente ans, on a laissé à l'abandon 25 000 kilomètres de lignes sur 30 000 ! Nous en arrivons à la même conclusion que M. Rapoport : c'est un patrimoine en danger. Selon l'exposé des motifs de la loi portant réforme ferroviaire, étaient prévus des contrats de performance, une règle rétablissant l'équilibre financier et la maîtrise de l'endettement ; or, cette année, la dette a encore augmenté de 3 milliards d'euros. Il y a des paroles et il y a les actes...
Je ne doute pas un instant de vos compétences et de vos qualités, mais je m'interroge sur l'engagement de « l'État stratège » à vos côtés. Il n'y a pas d'État stratège depuis 2014.
Avant les accidents à Brétigny et en Alsace, la SNCF était reconnue pour la qualité de sa sécurité. Deux accidents, c'est beaucoup trop, d'autant que nous décriions alors les accidents mortels au Royaume-Uni. Désormais, ce sont eux les meilleurs en Europe !
Vous avez effleuré la situation financière. L'Arafer a émis un avis favorable sur les conditions techniques d'accès au réseau et les horaires de service 2017, appelant cependant à une vigilance accrue sur les travaux ; mais elle a émis un avis défavorable sur la tarification des péages ferroviaires sur les trains de voyageurs prévue pour 2017. Cet avis est juridiquement contraignant. Comment bouclerez-vous votre budget avec moins de recettes et plus de dépenses ? Vous demandez un contrat de performance, une règle d'or qui explose sous nos yeux, un projet d'entreprise qui est de bon augure. M. Solard évoquait un partenariat augmenté avec l'industrie. Comment passer d'une simple regénération du réseau à sa véritable modernisation ? Quelle marge de manoeuvre estimez-vous avoir en tant que vice-président du directoire ?
Merci de cette présentation claire et rapide. Si l'on suit la vision pessimiste de M. Nègre, vous n'auriez que trois choix : tenir le coup, vous en aller ou vous suicider. Que de défis à relever ! Votre parcours confirme que vous êtes à la hauteur de la belle entreprise de service public qu'est la SNCF, tout en identifiant toutes les situations dangereuses à corriger.
Comment entraîner l'adhésion de syndicats qui se radicalisent dans une négociation sur le décret socle afin de préparer une mise en concurrence ? Quels moyens mettre en oeuvre ?
Dans les années 2000, nous aurions pu trouver une solution à l'endettement. La prochaine étape, c'est 60 milliards en 2025, sachant qu'on a 3,5 milliards d'euros par an d'endettement supplémentaire. Comment comptez-vous tenir la règle d'or, pertinente, dans les circonstances actuelles et les nouvelles perspectives de TGV ?
Vous avez 2 milliards d'euros par an pour la sécurité des réseaux, en particulier en Île-de-France, qui sont manifestement insuffisants. Comment trouver les moyens financiers pour aller plus vite et être plus pertinent ?
Dans le rapport de la mission sur les trains d'équilibre du territoire, nous avions constaté que la mise en route d'un train en France coûte 30 % plus cher qu'en Angleterre ou en Allemagne. C'est un sujet décisif pour l'avenir de la SNCF.
J'ai été ravi de l'avis favorable de l'Arafer. Vous souhaitez externaliser certains services, pouvez-vous être plus explicite ? Cela vient peut-être de votre expérience passée ?
Je ne suis pas aussi pessimiste que M. Nègre sur la SNCF ; je prends le train deux fois par semaine pour Poitiers. Nous avons le TGV, meilleur train du monde pour sa vitesse et sa précision. Mais les contrôleurs d'État et autres énarques qui s'occupent du réseau n'écoutent jamais les élus : ils répondent surtout au politique qui veut du TGV, se moquant de l'entretien des lignes. Des emprunts sont souscrits mais le réseau part en quenouille.
Avec François Bonhomme, de la commission des finances, j'ai écrit un rapport sur la sécurité dans les transports. Où en est-on de nos préconisations ? Les caméras piéton seront-elles généralisées ? La décision de Mme Royal sur les portiques a été catastrophique : les portiques de la gare du Nord ne servent que pour Lille, pas pour Amsterdam ou l'Allemagne ! Il faudrait d'autres systèmes, plus légers, aléatoires, pour vérifier le contenu des bagages. Y-a-t-il davantage d'agents de police dans les trains ? Nous n'avons pas seulement entendu les dirigeants de la SNCF, mais aussi ceux qui travaillent dans les trains. Or il apparaît que le travail est parfois mal distribué, avec quatre contrôleurs dans un TGV de jour peu rempli, tandis qu'une contrôleuse seule travaille dans un TGV de nuit. Envisagez-vous de mieux gérer cette mission ?
Le train doit arriver à quai fermé ; à la gare Montparnasse il arrive souvent ouvert, trente minutes avant le départ. N'importe qui peut y déposer une bombe, même si le contrôleur y fait un tour.
Comment répondre à toutes ces difficultés ?
Je rappelle que nous procédons à l'audition du candidat à la présidence de SNCF Réseau, sur l'entretien et la remise en état du réseau, et non du candidat responsable de la partie transport de voyageurs ou de marchandises. Depuis la réforme de 2014, SNCF Réseau et SNCF Mobilités sont deux Epic distincts, réunis dans un Epic de tête.
Vous avez un parcours professionnel remarquable et vous avez travaillé dans le privé. C'est une bonne chose car cela vous donne une vision extérieure à la SNCF, du recul, une idée du travail potentiel... Vous êtes attendu sur la sécurité du réseau, une priorité. Quand on recrute un dirigeant de votre niveau, ce n'est pas uniquement pour faire de l'entretien ! Il faut aussi une vision d'avenir.
À Aéroports de Paris, vous avez été en concurrence avec la SNCF. Êtes-vous prêt à concurrencer le transport aérien en favorisant les lignes à grande vitesse ? Je n'en réclame pas partout mais des territoires sont oubliés. Pour plus d'égalité territoriale, il en faudrait de nouvelles, en particulier Est-Ouest. Cela redonnerait aux voyageurs l'envie de prendre le train, moyen de transport le plus vertueux selon les préconisations de la Cop 21, mais qui est aujourd'hui en perte de vitesse.
Que pensez-vous du nouveau tube révolutionnaire, l'Hyperloop ? Il faut se projeter en 2030-2050.
Le 30 mars dernier, nous avons entendu M. Rapoport. Selon lui, SNCF Réseau est dépositaire d'un « patrimoine national en danger », avec 20 à 25 000 kilomètres de voies sur un réseau de 30 000 kilomètres qui n'ont pas bénéficié des investissements nécessaires depuis plus de vingt ans. On pourrait évidemment fermer des voies, solution pratique et sans risque ! Comment rattraper trente ans de non investissement sur un réseau en sommeil ?
L'attribution des sillons, vous le soulignez, est délicate. Que comptez-vous faire ? Les différents donneurs d'ordre, les autorités organisatrices - du fret, des TET, des TER... - sont en concurrence. Comment conciliez-vous les besoins de rentabilité et les aménagements ? Quels critères appliquer ?
De nombreuses lignes sont désaffectées, et vous en désaffecterez d'autres. Elles sont souvent à l'abandon, avec de nombreux ouvrages d'arts. Certaines pourraient être aménagées en voies vertes. Seriez-vous prêt à les mettre à disposition des collectivités qui souhaiteraient les remettre en état ? Que faire, sinon, des ouvrages d'art en perdition ?
Les négociations sont toujours très longues dans les projets d'acquisition...
La sécurité est ma priorité, à la suite des accidents dramatiques, notamment de Brétigny. La SNCF a mis en place plusieurs mesures : le plan Vigirail de maintenance et d'amélioration des infrastructures et le plan Prisme sur le management. La sécurité est d'abord une affaire de management, la technique vient après. Toute la hiérarchie, du président au technicien, doit être mobilisée. Comme l'ensemble des cadres dirigeants, j'assisterai à deux jours de formation à la sécurité ferroviaire. À Aéroports de Paris, j'ai mis en place un comité de prévention et de sécurité que je présidais et qui se réunissait une fois par mois. Une bonne sécurité passe par de la prévention et une analyse des « presqu'accidents ». Je m'impliquerai moi-même dans la sécurité en tant que président de SNCF Réseau et président délégué du directoire. L'ensemble du personnel y consacre toute son attention, même si ce n'est jamais gagné.
Les finances sont un sujet partagé entre plusieurs partenaires : les collectivités territoriales, l'État, la SNCF. Le levier est double : des plans pour être plus efficace et moins cher - l'un est en cours - et davantage de transparence dans les chiffres. Je l'ai vu à Aéroports de Paris : ce n'est pas simple. Cela dépend des systèmes d'information, qui doivent être considérablement développés sur le terrain. C'est une facette du plan industriel préparé par Claude Solard. L'informatique robuste donnera des chiffres plus clairs pour mieux analyser et prendre les bonnes décisions. Un nouvel équilibre entre les subventions et les péages est à trouver, décision collective compliquée qui ne relève pas seulement de SNCF Réseau. Je ne suis pas encore un sachant sur les péages, qui ont fait l'objet d'un avis défavorable de l'Arafer, mais je reviendrai vous en parler si ma candidature est confirmée.
Le plan industriel de modernisation est plus tourné vers le curatif et pas assez vers le préventif. Il y a place pour la régénération. Il faut investir beaucoup plus afin de pouvoir changer quantité de rails et de caténaires. Entre maintenance et régénération, c'est environ 4,9 milliards d'euros, une somme considérable ; 5 % d'augmentation sont prévus pour la maintenance en 2016 par rapport à 2015. Avec quelle mise en oeuvre ? Les moyens financiers sont-ils suffisants pour renouveler le réseau ? Je suis incapable de le dire actuellement, mais vais m'y employer.
Si l'on augmente les investissements de 10 à 20 %, les ressources humaines doivent suivre. L'expertise de la SNCF est grande mais pas extensible à l'infini. C'est pour cela que je souhaite faire appel à des partenaires privés, qui devront aussi s'équiper. Il faut trouver un équilibre interne avec la gestion des emplois et des compétences, avec des métiers beaucoup plus automatisés. Le numérique n'est pas seulement du marketing ou de la relation client. À Aéroports de Paris, des agents sont auprès des clients, munis d'une tablette afin, par exemple, de pouvoir déclencher l'ouverture d'un point d'enregistrement. Nous serons plus efficaces, même si cela ne se fera pas en deux ans.
Avoir des partenaires extérieurs donne plus de souplesse mais présente aussi l'avantage de susciter cet esprit d'émulation qui fait défaut en situation de monopole. Quand il y a concurrence, le personnel est prêt à agir, au lieu de se demander pourquoi changer. La modernité technologique est un autre levier, qui passionne les ingénieurs et ouvre des possibilités de projection dans le futur.
Le décret socle et l'accord de branche sont la pierre angulaire de la possibilité d'ouvrir à la concurrence. Il faut y arriver sans cristallisation des tensions, c'est vital pour que la loi d'ouverture à la concurrence se concrétise. La SNCF passe d'un exercice social réglementaire à une négociation contractuelle. Ce changement de modèle doit se faire avant le 1er juillet prochain.
Selon la règle d'or, si la dette nette est supérieure à dix-huit fois la marge d'exploitation, les nouveaux projets ne pourront plus être financés par SNCF Réseau mais par d'autres acteurs. En creux, cela signifie que SNCF Réseau doit faire moins cher et être plus efficace.
Monsieur Fouché, de nombreux points sur la sûreté relèvent de la responsabilité de SNCF Mobilités, mais l'Epic de tête a aussi des attributions dans ce domaine - je suis donc concerné en tant que futur président délégué du directoire. Le risque terroriste impose de prendre des mesures supplémentaires. Je ne connais pas la situation dans le secteur ferroviaire, mais à Aéroports de Paris, nous avions multiplié les caméras, afin que toute zone d'une aérogare soit couverte. Nous avions renforcé nos moyens humains pour faire du profiling. Ce serait évidemment plus difficile à faire dans les gares. Les caméras piéton font partie des réflexions actuelles, qui déboucheront peut-être sur des actions. Je reviendrai vous en parler.
M. Pointereau a évoqué ma vision de l'avenir. On ne peut demander aux équipes de SNCF Réseau d'accroître leur productivité sans leur dire pour quoi faire, c'est-à-dire préciser notre vision de l'avenir. Le ferroviaire doit rester l'armature du transport en France, malgré la concurrence de l'aviation low cost - dont les tarifs baissent quand ceux du TGV augmentent. Les deux modes de transport ont leur place ; nous pourrions réfléchir à des alliances ou à un fonctionnement complémentaire. Il faut développer le ferroviaire. Si je me suis félicité de la construction de quatre lignes à grande vitesse et de la signature de contrats État-régions dans mon propos liminaire, la question du financement demeure posée. Pour les motiver, je rappellerai aux 52 000 cheminots de SNCF Réseau que le réseau ne pourra être développé que s'ils sont plus productifs.
Hyperloop est une entreprise d'Enlon Musk, à l'origine de SpaceX et de Tesla, dont j'ai rencontré le directeur général il y a quelques mois. La SNCF y a investi. Enlon Musk a commencé par l'embauche d'une trentaine d'ingénieurs pour concevoir un tube rempli de vide, dans lequel une capsule circule à 1 000 kilomètres/heure pour un coût représentant la moitié ou le tiers de celui du TGV. Il a organisé une opération de crowdfunding en demandant non de l'argent mais de l'expertise, rémunérée en actions de l'entreprise. Ce type de projet est à étudier pour le plus long terme.
M. Longeot a parlé du renouvellement. La modernisation et la maintenance du réseau doivent être la priorité numéro un des équipes de SNCF Réseau. Le basculement vers des méthodes de travail différentes de celles d'hier doit être amplifié pour remettre le réseau à niveau le plus rapidement possible. Mais il faut être conscient que ce sera au plus tôt pour 2025.
M. Raison a évoqué les critères d'attribution des sillons. Ceux-ci doivent favoriser l'équité de traitement des acteurs. Puisqu'ils sont différents de ceux du secteur aérien, je devrai les étudier davantage. J'espère pouvoir revenir devant vous pour vous en parler plus en détail.
La question qui doit être posée à propos des lignes désaffectées et des voies vertes, évoquées par M. Miquel, est : est-on susceptible de les réutiliser plus tard ? Si la réponse est non, la voie verte est une solution. Je ne suis toutefois pas assez spécialiste aujourd'hui pour en parler.
Je reviens sur une de mes interrogations. De quelle marge de manoeuvre disposez-vous ?
La loi donne des garanties d'autonomie et d'indépendance en matière de péages, de sillons et de maintenance. Reste à savoir ce qu'il en est pour leur mise en application.
Pouvez-vous préciser votre pensée sur les pistes d'externalisation ? Certains évoquent le développement d'une filière industrielle de travaux ferroviaires ; qu'en pensez-vous ? Quels sont les volumes financiers pour la remise à niveau du réseau ? Quels sont les engagements de l'État en la matière, et leur évolution ? Vous semblez minimiser le désaccord entre la SNCF et l'Arafer sur les péages, or ils font l'objet d'un contentieux juridique.
Quand les équipes internes ne peuvent faire face et qu'il y a un volume important de travail à effectuer, il faut bien faire appel à une externalisation, ce qui a aussi pour effet positif de susciter l'émulation. La question est de savoir si la filière privée dispose d'assez de matériel et d'expertise humaine pour pouvoir le faire. Sans doute pas...
Il faut un contrat de performance qui donne de la visibilité pour convaincre le privé d'investir dans la maintenance ferroviaire. Actuellement, le budget de la maintenance et de la rénovation est de 4,9 milliards d'euros, en hausse de 5 % par rapport à 2015, mais on ne connaît pas sa trajectoire dans le temps.
J'ai bien compris que la question des péages était conflictuelle. L'équilibre péages-subventions doit être trouvé : si l'on diminue le montant des péages, il faudra augmenter les subventions.
Merci. Si votre nomination est confirmée, je vous souhaite bon courage dans cette tâche difficile et vous inviterai à revenir dans quelques mois devant notre commission.
La commission procède au vote sur la candidature de M. Patrick Jeantet, proposé aux fonctions de président-directeur général délégué du directoire de la SNCF, en application de l'article 13 de la Constitution.
Voici les résultats du scrutin : 24 voix pour sur 24 votants.
La réunion est levée à 15 h 45.