Depuis l'annonce des résultats du référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, le thème de la compétitivité des places financières fait l'objet d'une attention croissante, le Brexit étant susceptible de fragiliser la capacité de l'industrie financière britannique à déployer ses activités en Europe.
Dans ces conditions, j'ai souhaité mener un travail approfondi sur ce thème, avec un double objectif : d'une part, examiner l'incidence du Brexit sur le devenir et la stabilité des services financiers dans l'Union européenne, afin de tracer les « lignes rouges » susceptibles de constituer l'armature de la position française lors des négociations ; d'autre part, examiner les forces et les faiblesses de la place de Paris par rapport à ses principaux concurrents, afin de formuler des recommandations permettant de renforcer son attractivité.
Les conclusions de ce rapport ont été nourries par les deux tables rondes organisées par la commission en début d'année, par le déplacement du bureau à Hong Kong et à Singapour mais également par de nombreux déplacements dans l'Union européenne, à Luxembourg, Francfort, Amsterdam et Dublin, et des auditions à Paris, menées, pour leur grande majorité, conjointement avec la Présidente.
Posons-nous une question préalable : pourquoi vouloir développer une place financière domestique ? Depuis le déclenchement de la crise financière en 2008, le développement financier a principalement été appréhendé sous l'angle du risque. En outre, la technologie permet aujourd'hui de fournir la plupart des services financiers à distance. Pourtant, l'objectif de développer une place financière de référence en France me semble avoir conservé toute sa pertinence.
Cela tient d'abord à l'importance intrinsèque du secteur financier pour notre économie. En termes d'activité, la contribution du secteur financier au produit intérieur brut (PIB) est dix fois plus importante que celle de l'industrie automobile. En termes d'emplois, les effectifs de la banque et de l'assurance sont estimés à 750 000 équivalents temps plein (ETP). En termes budgétaires, les prélèvements acquittés chaque année par les entreprises du secteur financier représentent 40 milliards d'euros, soit 11 % du total des prélèvements sur les entreprises.
Au-delà de sa contribution directe à l'activité et à l'emploi, l'importance que revêt le développement d'un centre financier de référence tient également à ses effets d'entraînement sur l'attractivité et le dynamisme du territoire. Comme l'ont mis en évidence différentes études, l'existence d'une place financière active et innovante représente un argument important pour attirer les centres de décision des grands groupes, qui sont les principaux consommateurs de services financiers élaborés. Le développement d'un centre financier favorise également l'allocation efficace de l'épargne et de l'investissement au sein des zones économiques auxquels elle est adossée.
L'existence d'une place financière de premier plan présente donc un intérêt majeur pour l'économie française.
D'après les travaux économiques les plus récents, quatre principaux facteurs jouent un rôle déterminant pour expliquer le succès des places financières : le capital humain, les infrastructures, le niveau d'activité potentiel et l'environnement des entreprises. Au regard de ces critères, la place de Paris présente d'indéniables atouts pour jouer les premiers rôles.
S'agissant du capital humain, les écoles et les universités françaises ont la capacité de pourvoir aux besoins de l'industrie financière, puisqu'elles forment chaque année environ 8 000 étudiants aux métiers de front office et 18 000 étudiants aux métiers de middle et back office. L'excellence des formations offertes en France est reconnue à l'international. En 2016, cinq écoles françaises figurent ainsi aux dix premières places du classement des masters en finance publié par le Financial Times.
Un constat identique peut être dressé concernant la qualité de vie et les infrastructures - même s'il reste des choses à améliorer, les sénateurs franciliens le savent bien. Un grand cabinet d'audit a récemment classé Paris à la quatrième place des métropoles les plus attractives et dynamiques à l'échelle mondiale. Paris arrive même en tête du classement pour les critères de la qualité de vie et de la couverture des transports. Il peut être noté que Francfort, Dublin et Luxembourg ne figurent pas parmi les trente premières métropoles mondiales identifiées par le cabinet. Pour les entreprises, s'installer à Paris permet en outre d'éviter les problèmes de congestion liés aux prix de l'immobilier, comme à Londres, et au manque d'espace disponible, comme à Dublin, Luxembourg et, dans une moindre mesure, Francfort.
Si une place financière est susceptible de croître de façon autonome par rapport à son « arrière-pays », le dynamisme de la zone économique à laquelle elle est adossée constitue un atout pour son bon développement. À cet égard, la situation de la place de Paris est doublement favorable. Son développement peut tout d'abord s'appuyer sur l'abondante épargne des Français, dont le taux d'épargne reste significativement plus élevé que la moyenne de la zone euro. Surtout, la place de Paris est susceptible de bénéficier de la présence de nombreuses grandes entreprises en Île-de-France, qui constituent autant de clients potentiels. À titre d'illustration, 29 des 500 plus grandes entreprises mondiales ont leur siège dans la région, ce qui place Paris au premier rang européen et au troisième rang mondial, loin devant Francfort, qui pâtit de la dispersion des activités géographiques sur le territoire allemand.
Enfin, Paris peut s'appuyer sur des régulateurs efficaces et reconnus au plan international. Là encore, la situation de Francfort est plus contrastée, les Länder ayant conservé leur compétence de contrôle des bourses.
L'ensemble de ces atouts expliquent qu'à l'exception de Londres, Paris apparaît comme la seule place européenne « globale » capable de jouer les premiers rôles dans l'ensemble des secteurs d'activité du système financier. À l'inverse, les principaux concurrents de la place de Paris demeurent des centres financiers spécialisés sur certains métiers et activités.
S'agissant du secteur bancaire, cinq établissements français figurent ainsi parmi les quinze premières banques européennes. Les activités de marché de gré à gré qu'ils développent permettent à la place de Paris de figurer à la deuxième place des classements européens sur les marchés des changes et des taux.
S'agissant des infrastructures de marché, la place de Paris peut s'appuyer, contrairement à Dublin, Luxembourg ou Amsterdam, sur la présence d'entreprises de référence de la phase de négociation au post marché - au premier rang desquelles figure Euronext.
Dans le secteur de la gestion d'actifs, la place de Paris figure à la deuxième place en Europe pour le montant des actifs sous gestion et à la troisième place pour la domiciliation des fonds.
Un constat analogue peut être dressé s'agissant du secteur de l'assurance. En effet, la place de Paris compte quatre représentants parmi les vingt premiers assureurs européens - dont le premier assureur mondial, Axa. Si l'Allemagne compte trois représentants parmi les vingt premiers assureurs européens, ces derniers ont fait le choix d'installer leur siège à Munich et à Hanovre plutôt qu'à Francfort, illustrant ainsi la dispersion géographique des activités financières sur le territoire allemand.
Enfin, la place de Paris s'est progressivement dotée d'un écosystème favorable au développement du secteur des fintech. Trois entreprises françaises figurent désormais au classement mondial des cent premières fintech, contre quatre pour l'Allemagne et les Pays-Bas mais zéro pour l'Irlande et le Luxembourg.
Si la place de Paris apparaît ainsi comme le centre financier de référence en Europe après Londres, elle n'est toutefois pas parvenue à tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.
Comme nous avons eu l'occasion de le constater lors de nos différents déplacements, dans un monde ouvert, la localisation des activités à forte valeur ajoutée telles que les services financiers fait l'objet d'une vive concurrence entre les États, qui n'hésitent pas à prendre des mesures fiscales ad hoc ou à adapter leur cadre réglementaire pour attirer les marchés et les acteurs. Pour ne prendre qu'un exemple, les autorités de Hong Kong nous ont annoncé vouloir modifier la fiscalité applicable au financement et à la location d'avions afin de concurrencer l'Irlande, qui est parvenue en quelques années à attirer 55 % du marché mondial du leasing.
Dans cet environnement international concurrentiel, la place de Paris n'apparaît pas la mieux armée. Dans le classement international de référence sur la compétitivité des places financières, Paris a en effet perdu dix-huit places en moins de dix ans. Le développement de la place de Paris apparaît désormais davantage lié à l'importance de son marché domestique et à la présence historique de grands groupes français qu'à sa capacité à attirer, dans un monde ouvert, les entreprises et les capitaux étrangers.
La France n'attire pas suffisamment les entreprises étrangères, ce que l'on constate pour l'implantation des principales banques d'investissement américaines qui, pour la plupart, choisissent Londres, pour des raisons qui ne sont pas seulement linguistiques.
Cette difficulté à tirer parti de l'ouverture financière se manifeste également par une moindre capacité à capter l'épargne internationale. Si l'industrie française de la gestion d'actifs est la deuxième en Europe, elle repose essentiellement sur une base domestique. Les épargnants internationaux font davantage confiance à des gestionnaires situés à Londres pour investir leurs capitaux, tandis que les gérants choisissent Dublin et Luxembourg pour domicilier leurs fonds.
Ces tendances font naturellement craindre une érosion progressive des parts de marché de la place de Paris au profit de ses concurrents pour les activités les plus mobiles. Ce phénomène peut déjà être observé sur certains marchés. De façon plus préoccupante, certains acteurs français semblent avoir fait le choix de localiser différentes activités à forte valeur ajoutée hors du territoire national. C'est notamment le cas dans le secteur de l'assurance-vie : quatre des six premiers assureurs luxembourgeois sont des filiales de groupes français, tandis que la France est devenue depuis 2010 le premier marché pour l'assurance-vie luxembourgeoise.
Ces signaux d'alerte imposent de s'interroger sur les freins rencontrés par la place de Paris pour tirer pleinement parti de ses atouts dans la compétition internationale.
De l'avis de l'ensemble des acteurs rencontrés, le principal handicap concurrentiel de la place de Paris tient au niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés. Ainsi, le montant des prélèvements payés par un employeur pour un salarié rémunéré à hauteur de 250 000 euros - soit environ 18 000 euros net par mois - est neuf fois supérieur en France à ce qu'il est en Allemagne. Pour un salaire annuel brut de 250 000 euros, le coût total pour l'employeur, c'est-à-dire la somme du salaire brut et des prélèvements sur le travail, s'élève ainsi à 265 000 euros en Allemagne, contre 387 000 euros en France, soit un écart de 46 %. Autrement dit, pour le coût de recrutement de deux banquiers français, un employeur allemand peut en embaucher un troisième à Francfort.
La décomposition de l'écart de coût total avec l'Allemagne conduit à mettre en évidence trois principaux facteurs explicatifs. La taxe sur les salaires, qui n'a aucun équivalent chez nos concurrents, explique près d'un tiers de l'écart entre la France et l'Allemagne. L'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires constitue le deuxième facteur déterminant : elle explique environ un quart de l'écart de coût total pour l'employeur. L'importance de ce facteur peut toutefois être relativisée, dans la mesure où les employeurs allemands abondent généralement à titre volontaire les plans de retraite de leurs salariés. Enfin, le déplafonnement des cotisations sociales versées par les employeurs opéré à partir des années 1980 en France constitue le dernier facteur pénalisant, à hauteur d'un tiers de l'écart de coût. En Allemagne, les cotisations sociales demeurent plafonnées.
Comme le résume l'économiste Gilles Saint-Paul, « les politiques de l'emploi des dernières décennies », qui ont « reposé largement sur la baisse du coût du travail peu qualifié au moyen de baisses de charges », ont conduit à ce que les travailleurs qualifiés français figurent « parmi les plus chers du monde », au risque de provoquer une « accélération de l'exode des cerveaux et, à terme, une délocalisation des centres décisionnels et intellectuels des entreprises »
Contrairement à ce que l'on aurait pu penser - j'ai systématiquement posé la question à nos interlocuteurs - la fiscalité pesant sur les bénéfices des entreprises et sur les personnes n'apparaît en revanche pas particulièrement pénalisante. Elle est également élevée en Allemagne. Dans ces domaines, le problème tient moins au niveau de taxation qu'à l'instabilité qui caractérise la fiscalité française, comme l'ont illustré plusieurs épisodes récents que nos concurrents ont su exploiter - je pense au cas des actions gratuites. S'agissant du secteur financier, cette instabilité apparaît d'autant plus problématique qu'elle s'accompagne d'une véritable « inventivité » fiscale : le secteur a ainsi été soumis à quatre nouvelles taxes spécifiques depuis 2010, pour un rendement de près de 900 millions d'euros. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que certaines places financières aient fait de la stabilité fiscale un véritable argument de promotion : voyez le Luxembourg ou l'Irlande.
S'agissant du droit du travail, la situation française apparaît intermédiaire. Grâce aux réformes entreprises ces dernières années, le droit français est désormais plus flexible qu'en Allemagne, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministre des finances du Land de Hesse. Il reste en revanche significativement plus rigide que dans les pays anglo-saxons : cela tient à une différence de culture. Des marges de progrès importantes me semblent exister sur deux points. Tout d'abord, la faible prévisibilité du coût d'un licenciement, liée à l'absence de barème encadrant les indemnités prononcées par le juge. J'anticipe sans doute sur un débat prochain...
Dans le secteur financier, il est arrivé que la cour d'appel octroie au salarié licencié une indemnité de deux millions d'euros, voire, dans un cas, de six millions... En outre, la durée des procédures demeure significativement plus élevée en France que chez nos principaux voisins.
Mais la concurrence entre les places ne concerne pas seulement le cadre fiscal et social : elle touche l'ensemble du système juridique. Or la France n'a pas toujours fait preuve d'une réactivité suffisante pour remédier aux faiblesses du droit français, obligeant parfois les acteurs à développer hors de France certaines opérations. Pour ne donner qu'un exemple, le Sénat recommandait dès 2007 d'introduire les actions à droit de vote multiple en droit français. Cela ne coûte rien ! Faute de l'avoir fait, nous avons vu des sièges sociaux transférés aux Pays-Bas.
Dans ce contexte, l'enjeu ne se limite pas à essayer d'attirer les emplois et capitaux qui seraient transférés de Londres vers le continent en raison du Brexit, mais bien de développer le potentiel de croissance de la place financière de Paris dans une perspective de moyen terme, à l'image de ce qui a été réalisé dans les années quatre-vingt pour moderniser notre place financière.
Le Brexit constitue toutefois un levier unique pour renforcer la dimension internationale de la place de Paris, par le rééquilibrage du paysage financier européen qu'il est susceptible d'entraîner. En effet, la place financière de Londres est actuellement la première place financière européenne, sinon mondiale. Fort logiquement, la plupart des acteurs financiers internationaux ont donc fait le choix de s'y installer pour servir leurs clients européens. Au total, un quart des revenus du secteur financier britannique serait ainsi lié à l'Union européenne.
Cette concentration des services financiers à Londres a été facilitée par la mise en place d'un système d'agrément unique, aussi appelé « passeport européen », qui permet aux établissements d'exercer leurs activités dans l'ensemble des États membres dès lors qu'ils ont obtenu un agrément dans leur pays d'origine. Alors que la perte d'accès au « passeport européen » semble désormais actée suite au choix du gouvernement britannique de sortir du marché intérieur, le Brexit pourrait ainsi entraîner d'importants transferts d'activités et d'emplois vers le reste de l'Union européenne. Si les estimations produites sont à considérer avec une grande précaution, le volume d'emplois susceptibles d'être relocalisés à court terme serait compris entre 30 000 et 100 000 dans le scénario d'un Brexit « dur ».
Les effets de la perte du « passeport européen » sont toutefois susceptibles de différer sensiblement selon l'issue des négociations sur les services financiers. En effet, certains services financiers pourraient continuer d'être fournis depuis le Royaume-Uni après le Brexit dans le cadre des « régimes d'équivalence », qui permettent aux pays tiers dont le droit applicable est considéré comme équivalent par la Commission européenne de proposer librement leurs services dans l'Union européenne, sous la seule supervision de leur régulateur local.
En l'état, le système d'équivalence ne constitue toutefois pas une alternative crédible au « passeport » pour les acteurs britanniques. En effet, de nombreux textes européens relatifs aux services financiers ne prévoient aucun régime d'équivalence. En outre, lorsqu'il existe, le système d'équivalence n'offre pas une prévisibilité suffisante aux entreprises, notamment parce que la Commission peut revenir à tout moment sur ses décisions. La City et les autorités britanniques évoquent désormais la mise en place d'un régime « avancé » d'équivalence couvrant l'ensemble du secteur financier et dont les caractéristiques garantiraient aux acteurs une prévisibilité suffisante - par exemple en prévoyant l'intervention d'une autorité indépendante de résolution des différends.
Il peut être noté que le Royaume-Uni disposera de moyens de pression non négligeables dans la négociation. En effet, les conditions d'accès des acteurs européens au marché britannique ne sont pas garanties. Or, dans certains secteurs tels que l'assurance, les acteurs européens ont davantage à perdre avec le Brexit que leurs homologues britanniques.
Dans ce contexte, il me semble nécessaire de formuler quatre recommandations susceptibles de constituer l'armature de la position française lors des négociations de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Pour des raisons de stabilité financière, il me semble tout d'abord que les infrastructures cruciales au bon fonctionnement des marchés européens ne sauraient être soumises à un régime juridique et à une supervision distincts de ceux de l'Union européenne. En effet, ces activités engagent de facto la Banque centrale européenne en tant que prêteur en dernier ressort. Cela concerne au premier chef les activités de compensation libellées en euro, qui devront être relocalisées dans l'Union européenne ou faire l'objet d'une supervision extraterritoriale par les régulateurs européens.
Du point de vue de la stabilité financière, une relocalisation serait préférable à la mise en place d'une supervision extraterritoriale. En effet, il existe un risque, en cas de crise exigeant des décisions rapides et lourdes de conséquences, qu'une supervision extraterritoriale des infrastructures systémiques ne puisse garantir que la stabilité financière de l'Union européenne soit pleinement prise en compte. Toutefois, ces activités s'insèrent dans un écosystème financier complexe et reposant sur des économies d'échelle qu'il apparaît difficile de dupliquer à très court terme. En outre, la fragmentation excessive de cette activité pourrait se traduire par une hausse substantielle des appels de marge auprès des entreprises. Aussi, quand bien même l'option de la relocalisation apparaît plus satisfaisante en première analyse, une étude approfondie des bénéfices et des risques associés à cette solution doit être menée.
S'agissant des activités ne présentant pas de caractère systémique pour l'Union européenne, le Brexit doit conduire à une révision des régimes d'équivalence existants, qui présentent d'importantes faiblesses. La principale tient au risque de divergence réglementaire une fois l'équivalence accordée, en l'absence de tout mécanisme de réexamen régulier. En outre, les régimes d'équivalence ne sont pas systématiquement assortis d'une condition de réciprocité garantissant aux acteurs européens un niveau d'accès équivalent aux marchés des pays tiers. La révision engagée par la Commission européenne du règlement Emir (European Market Infrastructure Regulation) doit être l'occasion de repenser l'ensemble du dispositif d'équivalence.
Enfin, il existe un risque de contournement de la perte du « passeport européen » par la mise en place d'entités « boîtes aux lettres » dans certains pays peu regardants. C'est particulièrement le cas dans le domaine de la gestion d'actifs, où des « délégations de gestion » sont possibles au profit de pays tiers, sans réel encadrement. Nous l'avons constaté à Hong Kong, où opèrent des gestionnaires de fond dont l'activité est théoriquement localisée à Luxembourg - en réalité, ils n'y ont qu'une plaque en cuivre et un bureau où se tiennent deux réunions par an... On observe un phénomène analogue dans le secteur des jeux en ligne, où des sociétés enregistrées à Chypre vendent leurs produits dans toute l'Union européenne.
C'est pourquoi il me semble indispensable, d'une part, d'harmoniser l'interprétation de la notion de substance minimale devant être exigée par les autorités nationales délivrant les agréments ; d'autre part, de renforcer les pouvoirs et la gouvernance de l'autorité européenne des marchés financiers (ESMA), afin de lui permettre de contrôler plus efficacement le respect de ces exigences par les autorités nationales.
Dans ce cadre, l'Autorité bancaire européenne actuellement située à Londres pourrait être relocalisée à Paris, ce qui faciliterait la nécessaire coordination de la réglementation des établissements bancaires et des marchés financiers.
La dernière partie du rapport rassemble des propositions susceptibles de permettre à la place de Paris de tirer pleinement parti du Brexit et de se développer à l'international.
Au préalable, je souhaite revenir brièvement sur les initiatives bienvenues prises depuis le référendum de l'an dernier. Certaines relèvent d'une stratégie de valorisation de la place de Paris auprès des entreprises britanniques. J'y rattache les actions concrètes visant à faciliter les relocalisations - par exemple la mise en place d'un guichet unique et de procédures accélérées de délivrance d'agréments. Les initiatives prises en ce sens me semblent tout à fait satisfaisantes. Comme le reconnaît d'ailleurs le Financial Times, « la campagne la plus agressive pour la relocalisation d'activités a été menée par Paris ». Le Gouvernement, la maire de Paris, la présidente de la région Île-de-France ont su travailler de concert, toutes tendances politiques confondues.
Si ces actions doivent être saluées, elles ne sauraient néanmoins se substituer à des réformes plus structurelles pour attirer les entreprises et les capitaux internationaux. Or, en la matière, les réformes adoptées ne me semblent pas à la hauteur des ambitions affichées.
Trois mesures, bien que tardives, sont allées dans le bon sens. Tout d'abord, la sécurisation du financement du Charles-de-Gaulle-Express, dix-huit ans après les premières études de faisabilité. Les acteurs du secteur financier voyagent beaucoup, et la desserte actuelle du principal aéroport francilien, par le RER ou l'autoroute, est catastrophique.
Autre mesure opportune : la réforme du régime des impatriés dans la dernière loi de finances, avec un allongement de cinq à huit ans de sa durée d'application et une exonération des primes d'impatriation de taxe sur les salaires. Enfin, l'engagement d'une diminution progressive de l'impôt sur les sociétés, qui ne sera toutefois effective qu'à compter de 2019 pour les grandes entreprises.
Cependant, ces mesures sont insuffisantes pour remédier aux faiblesses françaises, notamment en matière de prélèvements sur les employeurs et de droit du travail. Elles ne traitent pas non plus la question de la concurrence entre les systèmes juridiques. Enfin, elles ont été en partie contrebalancées par des signaux contradictoires : le renoncement du Gouvernement à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui n'a pas contribué à renforcer la crédibilité des engagements français en matière fiscale, et le durcissement de la taxe sur les transactions financières et du régime des actions gratuites, à l'initiative de nos collègues députés.
Les premières mesures doivent donc être relayées par des réformes de plus grande ampleur. Mes propositions s'articulent autour de quatre grands objectifs : renforcer la compétitivité du cadre fiscal ; rénover le cadre juridique applicable au secteur financier ; moderniser le système de régulation ; adapter le droit du travail. Je me contenterai d'évoquer les principales recommandations.
En matière de fiscalité, il me paraît indispensable de réduire le différentiel de coût du travail avec nos principaux concurrents. Pour cela, je propose de concentrer les efforts sur la taxe sur les salaires, qui n'a aucun équivalent en Europe. Si sa suppression ne saurait bien évidemment être envisagée à court terme pour des raisons budgétaires, il serait tout à fait possible de supprimer la tranche marginale à 20 % introduite en 2013. Le coût est estimé à 137 millions d'euros, mais les emplois ainsi créées produiraient des rentrées fiscales. Les effets d'aubaine pour les autres secteurs seraient très limités, dans la mesure où le secteur financier bénéficierait de cette suppression à hauteur de 79 %.
En complément, une mesure ciblée sur les impatriés pourrait être décidée, dans le contexte du Brexit, avec une exonération de l'ensemble de leur rémunération de taxe sur les salaires, ce qui réduirait d'un tiers l'écart de coût avec l'Allemagne pour les employeurs. Dans une perspective de moyen terme, une réflexion plus générale devrait être engagée sur le coût du travail très qualifié en France, incluant la question du déplafonnement des cotisations sociales.
Je propose en outre de ramener le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,2 % et de supprimer son extension aux transactions intrajournalières. En effet, le durcissement opéré l'an passé anticipait de manière très inopportune l'issue du débat, d'ailleurs légitime, sur la mise en oeuvre d'une taxe européenne. Dans un tel domaine, on ne peut agir seul. Abstenons-nous à l'avenir de créer unilatéralement des taxes spécifiques à la place de Paris, l'intégration des marchés de capitaux européens justifiant de privilégier le cadre de l'Union européenne. Car rien n'est plus liquide que les capitaux, rien ne traverse plus facilement les frontières...
Enfin, il me semble souhaitable de modifier la fiscalité des stock-options, délibérément pénalisés par rapport aux actions gratuites, alors même qu'ils sont plus contraignants que ces dernières pour leurs bénéficiaires. L'objectif serait ainsi de rapprocher le niveau de la fiscalité des stock-options de celui observé aux Pays-Bas et en Allemagne, comme l'a récemment recommandé l'inspection générale des finances.
La concurrence entre les places financières ne concernant pas seulement le droit fiscal, il est également nécessaire de moderniser certains éléments du cadre juridique applicable aux services financiers. Je recommande notamment d'assouplir le droit des titres en introduisant les actions à droit de vote multiple, qui existent déjà dans la moitié des pays de l'Union européenne.
En matière d'assurance-vie, le rapport comprend plusieurs propositions pour garantir des conditions de concurrence équitables aux assureurs français et lever les rigidités du code des assurances. Il est ridicule de laisser une si grande part du marché français de l'assurance-vie nous échapper.
S'agissant du système de régulation, qui constitue un de nos points forts, deux pistes d'amélioration peuvent être formulées. Tout d'abord, mettre en place un « bac à sable » réglementaire pour les fintech, aussi appelé sandbox. Concrètement, il s'agit de permettre aux régulateurs d'octroyer à certaines fintech des assouplissements individuels aux réglementations nationales, afin de tester une idée innovante dans un périmètre réduit, comme cela se pratique au Royaume-Uni, mais aussi en Suisse, au Luxembourg, en Australie, à Singapour ou encore à Hong Kong.
En complément, il me semble nécessaire de diversifier les recrutements et les parcours au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) afin de recruter davantage de profils dotés d'expériences reconnues dans le monde de la finance, et de formation scientifique, juridique ou comptable.
Enfin, s'agissant du droit du travail, je propose d'instaurer un barème encadrant les indemnités prononcées par les juges en cas de licenciement. Ce barème comprendrait un maximum mais aussi un minimum, ce qui garantira davantage de prévisibilité tant aux employeurs qu'aux salariés.
Le rapporteur général vous a présenté ses principales conclusions et recommandations. Ce sujet a structuré nos travaux, avec les deux tables rondes organisées en février, ainsi que des déplacements dans différentes places financières européennes et asiatiques.
Le vote des Britanniques, il y a bientôt un an, nous a plongés dans l'inconnu. Redoutée mais peu anticipée, cette issue est regrettée par l'ensemble des Européens que nous sommes. Elle alimente depuis l'actualité, et n'est pas étrangère à l'organisation d'élections anticipées cette semaine outre-Manche. Je veux d'ailleurs, en cet instant, exprimer notre sympathie à l'égard de nos amis Britanniques dans le malheur qui les frappe.
Certains appréhendent aujourd'hui les conséquences du Brexit de manière plus concrète que d'autres. Je pense en particulier aux continentaux installés au Royaume-Uni, aux Britanniques vivant sur le continent, ou encore à l'Irlande, qui a une frontière commune avec le Royaume-Uni. Michel Barnier, négociateur au nom de la Commission européenne, a reconnu cette priorité due aux personnes.
Le Sénat a déjà analysé en profondeur les enjeux de la sortie du Royaume-Uni et je veux saluer les rapports du groupe de suivi mis en place par les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes. Dans le prolongement de leurs travaux, nous avons souhaité, avec le rapporteur général, nous intéresser aux effets du Brexit pour le secteur financier. L'histoire récente nous a en effet enseigné que la stabilité financière peut influer sur la marche normale de nos économies et de nos sociétés.
Première place financière européenne, Londres joue un rôle central dans le financement de l'économie européenne. Depuis que la perspective d'une sortie « dure » du Royaume-Uni est actée, il semble acquis que le « passeport européen » ne sera pas maintenu. Devenu pays tiers, le Royaume-Uni relèvera donc des règles du commerce international, ainsi que des divers « régimes d'équivalence » prévus par les textes européens en matière financière. Plus qu'un régime unique, il s'agit d'une mosaïque qui n'offre pas une alternative crédible au passeport. Certaines activités devront donc être transférées en Europe continentale.
Il nous revient d'éclairer les termes de ce débat afin que chacun soit pleinement informé, en particulier les acteurs économiques. Ce travail est indispensable, car nous avons pu constater en Asie la manière dont les Britanniques diffusent l'idée selon laquelle le statu quo va perdurer. Tel ne sera pourtant pas le cas. La mission confiée à Christian Noyer par le Premier ministre Manuel Valls répondait précisément à cet objectif d'explication.
Le changement doit être correctement négocié pour prévenir toute rupture préjudiciable à notre économie. C'est ainsi que je comprends le rapport du rapporteur général.
Dans ce changement, la place de Paris doit se conforter comme pôle majeur au sein de l'Union des marchés de capitaux qui se dessine. Au milieu des années quatre-vingt, les gouvernements successifs, en particulier sous l'impulsion de Pierre Bérégovoy, avaient réussi à solidement installer la place de Paris dans un monde financier en plein bouleversement. Le défi que nous devons relever aujourd'hui est du même ordre, voire encore plus ambitieux car les places européennes sont désormais en concurrence directe avec les places du monde entier.
Pour cela, une démarche a été engagée dès le vote britannique, sous l'impulsion du Premier ministre Manuel Valls lors des journées de Paris Europlace en juillet 2016. Des mesures ont été prises par le Gouvernement précédent pour accroître l'attractivité de la France, comme le renforcement du régime des impatriés. Les propositions du rapporteur général participent de ce même objectif.
En conclusion, ce rapport nous éclaire à trois égards. D'abord, sur l'importance d'une place financière puissante et dynamique pour l'ensemble de notre économie. Ensuite, sur les grandes lignes des positions que la France doit faire valoir afin de négocier au mieux la sortie du Royaume-Uni. Enfin, sur les débats qui doivent se tenir pour conforter Paris comme pôle financier de l'Europe continentale.
Le Brexit est, à mes yeux, une faute géopolitique majeure, qui incombe à nos amis britanniques et à eux seuls. Nous devons le considérer comme une opportunité, non comme une fatalité. La place de Paris a des atouts, parmi lesquels les nombreux jeunes Français qui s'inscrivent en master de finance. Elle a cependant des points faibles, dont le principal est l'ambiance faite d'instabilité législative.
La commission des affaires européennes ne manquera pas, dans le cadre du dialogue politique avec les institutions de l'Union européenne, de relayer vos préoccupations, en particulier sur la localisation des chambres de compensation dans la zone euro. Je reste amer de la décision rendue à ce sujet par la Cour de justice de l'Union. Ne tombons pas dans le piège qu'essaient de nous tendre nos amis britanniques. On sait ce qu'il adviendrait d'une supervision extraterritoriale.
Je veux insister sur le développement de l'intelligence artificielle, domaine dans lequel la France n'est pas en retard. J'ai eu des discussions à ce sujet avec Charles-Édouard Bouée, du cabinet Roland Berger. Il nous faut un encadrement soft, si nous ne voulons pas laisser ce secteur entre les mains des Américains, comme c'est le cas pour les GAFA.
Je retiens la notion de « bac à sable » réglementaire, qui me rappelle les écosystèmes transversaux chers à Benoît Potier : nous devons être capables de créer un environnement souple pour certaines filières, qui puisse faire l'objet de déclinaisons dans les États membres.
Je le répète, nous nous inspirerons largement de votre travail dans le cadre du dialogue politique avec la Commission européenne.
J'ai noté la prudence du rapporteur général sur la question de la localisation des chambres de compensation. Pourtant, il y va selon moi de la souveraineté de l'Union européenne sur sa monnaie. Rien ne dit que, si ces chambres demeurent en dehors de la zone euro, les monnaies seront traitées équitablement, en cas de crise notamment : la livre sterling pourrait bien être protégée plus que d'autres. Nous devons nous garder du piège du discours technicien, et être fermes sur ce sujet. La voie d'un régime d'équivalence me paraît devoir être exclue. Ce point est crucial : n'oublions pas que les chambres de compensation représentent 200 000 emplois, qui certes ne seront pas tous relocalisés.
Un mot sur la taxe sur les transactions financières. Il est vrai qu'un pays ne peut pas seul mettre en oeuvre une telle politique. La France, comme souvent, a donné l'impulsion, et cette impulsion doit se traduire dans les faits. Un groupe d'une dizaine de pays décidés à avancer avait été mis en place, mais les discussions semblent s'être encalminées. Notre pays doit continuer à jouer un rôle moteur dans ce domaine, ce n'est pas parce que des difficultés existent qu'aucune solution ne peut être trouvée.
Je félicite à mon tour la présidente et le rapporteur général pour ce rapport très documenté.
Il est entendu, dites-vous, que les Britanniques ne conserveront pas le « passeport européen ». Pourtant, lors d'un déplacement à la City du groupe de suivi sénatorial sur le Brexit, en février, nos interlocuteurs nous ont assuré que huit ou neuf États membres avaient tellement besoin des produits financiers britanniques qu'ils plaideraient pour le maintien du « passeport ». Voilà une brèche bien ennuyeuse dans l'unité des Vingt-Sept... Le lobbying de la City est extraordinairement efficace. Le représentant de la City que nous avons rencontré est d'ailleurs français !
Je m'inquiète aussi du rapprochement entre les bourses de Londres et Francfort. Je crains que des transactions ne puissent être considérées comme ayant lieu dans la zone euro, alors même que le personnel resterait à Londres. Il nous faut travailler sur le contenu de l'obligation de localisation.
Enfin, quelles actions de lobbying imaginez-vous pour attirer les acteurs financiers à Paris ? La présidente de la région Île-de-France sait user d'arguments qui font mouche sur l'attractivité de Paris comparée à Francfort. Elle insiste aussi, bien entendu, sur la concentration d'activités stratégiques en région parisienne.
Les rapports sont utiles, encore faut-il avoir la capacité d'agir. La City se défend ? Nous ferions la même chose ! Les bourses de Londres et de Francfort se rapprochent ? Que pouvons-nous y faire ? Ne perdons pas de temps à nous plaindre de ce que nous ne pouvons empêcher, agissons plutôt dans la mesure de nos moyens.
Je ne crois pas aux miracles. Baisser la fiscalité et les charges sociales serait évidemment bienvenu, mais il faut aussi renforcer l'attractivité de l'Île-de-France et, pour cela, ne pas entraver les initiatives de la région. Celle-ci demande depuis longtemps de pouvoir expérimenter un régime fiscal et social spécifique dans certains secteurs. De même, nous souhaitons que le réseau de transport soit développé plus rapidement en direction des centres financiers.
Le vrai problème que rencontrent les investisseurs, lorsqu'ils veulent s'installer en France, c'est l'illisibilité de notre administration. Nous sommes incapables de leur offrir un guichet unique. À cela s'ajoute l'insuffisance des transports publics, l'insécurité qui y sévit, le manque de logements... Pourtant, si les gens se convainquent qu'il est plus agréable de vivre à Paris qu'ailleurs, ils viendront s'installer chez nous ! À supposer, bien sûr, que nous nous soyons dotés de règles fiscales et sociales plus stables.
Comment baisser les charges qui pèsent sur les employeurs ? Pas avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), que nous finançons par l'emprunt... Comment les Allemands font-ils donc pour financer leur système de protection sociale, et pourquoi faisons-nous différemment ? Voilà les questions qu'il faudrait poser.
Un an après le référendum sur le Brexit, le cataclysme annoncé ne s'est pas produit. Les indicateurs de conjoncture sont au beau fixe, et plusieurs grands groupes étrangers comme MacDonald's, Apple et Google viennent même de renforcer leur implantation outre-Manche. Il est vrai que Google, un peu inquiété par la Commission européenne, aura désormais encore moins de comptes à rendre au Royaume-Uni...
La crise financière que l'on nous promettait à la City a duré vingt-quatre heures. D'ailleurs, dans le secteur financier, les frontières ont-elles encore un sens ? Le rapporteur général a mentionné les pratiques observées à Hong Kong. Je suis convaincu, pour ma part, que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne n'aura aucune incidence sur l'activité financière.
Jean Bizet a parlé, à propos de cette décision souveraine du peuple britannique, de « faute géopolitique majeure ». Cela me rappelle ce passage de Brecht : « Le peuple a par sa faute perdu la confiance du gouvernement, et ce n'est qu'en redoublant d'efforts qu'il peut la regagner. Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? »
Quant à la taxe sur les transactions financières, elle n'est pas pour demain : la France a demandé le report de la réunion prévue le 22 mai à ce sujet...
Faut-il encourager l'innovation financière, comme je l'ai entendu dire ? Le secteur n'a pas attendu les sénateurs français pour innover... Je vous mets en garde : dans un bac à sable, on construit des châteaux de sable !
Le déplacement à Singapour a été particulièrement instructif sur le regard porté dans le monde sur la place de Paris. Outre les pouvoirs publics, les acteurs privés ont aussi leur rôle à jouer pour soutenir sa compétitivité : il n'est que de rappeler la part qu'ont prise les compagnies luxembourgeoises dans les investissements français dans le secteur de l'assurance vie...
Je m'étonne des chiffres cités par le rapporteur général s'agissant des prélèvements sur le travail payés par l'employeur. Diffuser de tels chiffres est-il, d'ailleurs, de nature à valoriser la place de Paris ? Je reconnais en revanche qu'il faut faire évoluer le régime des impatriés.
Le rapporteur général peut-il nous en dire davantage sur les problèmes de recrutement à l'ACPR ?
Quel est le sens, enfin, des recommandations du rapport au sujet de la gestion d'actifs ? J'avais cru comprendre, lors de nos travaux sur le shadow banking, qu'il importait de préserver l'outil français de régulation du secteur.
Le meilleur allié de la place financière de Londres n'est-il pas... elle-même ? Personne n'aime déménager ni changer d'habitudes. En outre, l'Union européenne ne représente qu'un quart du marché londonien. Paris et Francfort ne sont en compétition que pour récupérer ce qui peut l'être - c'est-à-dire le moins possible, souhaitent les Britanniques. La France n'aurait-elle pas intérêt à s'allier à l'Allemagne pour imposer des règles strictes et protéger le marché européen contre les tentatives destinées à contourner sa réglementation ?
Ensuite, les acteurs financiers s'implanteront dans la ville qui aura, à leurs yeux, la meilleure image. La France, sous l'effet de pressions internes, a pris des mesures plus idéologiques qu'économiques.
Notre intérêt premier est aujourd'hui de jouer dans la même équipe que l'Allemagne.
Outre la dimension législative du sujet, il y a les questions d'aménagement du territoire, que vous n'abordez pas. Paris et l'Île-de-France sont en première ligne : tant mieux, car nous avons besoin, en province, d'une métropole de niveau mondial.
Mais il faudrait que sa réussite s'intègre à une politique d'aménagement du territoire concernant tout le grand bassin parisien. Par exemple, une meilleure articulation entre le réseau TGV et celui des transports régionaux élargirait le rayonnement des activités financières de la capitale. Et il faut mettre un terme à l'incohérence entre les politiques de circulation automobile à l'intérieur et à l'extérieur de Paris. L'on n'est pas impunément une capitale ! Paris doit organiser la circulation automobile non en se repliant sur soi mais de manière à faciliter les allées et venues. Il est insupportable qu'il devienne de plus en plus difficile d'accéder à Paris pour les provinciaux qui ont l'obligation d'y aller pour rencontrer leurs interlocuteurs administratifs. Au-delà d'une courbe isochrone de deux heures, ils prennent le TGV - si les horaires s'y prêtent. Mais en-deçà, la souplesse que permet le véhicule individuel est une condition essentielle de la qualité de nos services.
Vous n'avez pas évoqué la domination inchangée de l'anglais dans les activités financières. Et il est regrettable que nos grandes écoles, dont les mastères de finance figurent aux premières places des classements mondiaux, n'irriguent pas davantage l'administration française.
Nous reconnaissons là le rapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire »...
En effet ! Nous formons les meilleurs, mais ceux-ci partent se mettre au service de banques étrangères.
La question des chambres de compensation est des plus complexes. L'impact sur l'emploi est limité : un millier de personnes travaillent chez LCH Clearnet à Londres. Mais il y a un enjeu de souveraineté. Ainsi, en 2014, BNP Paribas s'est vu infliger aux États-Unis une amende de 8,974 milliards d'euros pour ses transactions en dollars avec le Soudan et Cuba, la justice américaine s'étant déclarée compétente parce que la banque avait utilisé une chambre de compensation à New York.
La dernière réunion sur la TTF a été reportée à la demande de la France. Nous aurons donc à revenir sur le sujet. Oui, le Brexit ne représente pas le même enjeu pour tous les pays, et le volume des transactions avec le Royaume-Uni compte beaucoup. L'intérêt de la France et de l'Allemagne est de s'unir sur la question car leur point de vue diffère de celui de petits pays vivant de ce que leur laisse Londres.
Un guichet unique, pourquoi pas ? Mais face à des financiers, qui connaissent leurs chiffres, les discours ne suffiront pas, il faut des preuves d'amour : adaptation du droit, réduction des charges, etc.
Paris a la chance d'être l'une des deux ou trois grandes capitales mondiales, avec Londres et New York. Francfort a beau disposer d'un très grand aéroport, l'on n'y trouve que les autorités de niveau régional. Mais l'Île-de-France peine à adopter une vraie stratégie.
Quand on sait que le Luxembourg est le premier employeur en Lorraine, avec 90 000 travailleurs frontaliers français, cela pose directement la question de l'aménagement du territoire.
Pour le Grand Est, si l'Île-de-France ne fait rien en sa faveur, mieux vaut que le Luxembourg l'emporte. Et vous ne parlez pas de la Suisse. Vu le nombre de travailleurs frontaliers qui exercent à Genève, le rôle de cette ville importe aussi.
Genève concentre essentiellement des activités de gestion d'actifs, peu concernées par le Brexit.
Sur les charges, le problème est que tous les mécanismes de soutien à l'emploi ont consisté à réduire les charges sociales sur les bas salaires. Le plafonnement des charges en Allemagne bénéficie aussi bien à l'industrie qu'à la finance.
La localisation compte, bien sûr : Hong Kong se développe car c'est la porte de la Chine, et Singapour ouvre sur l'Asie du Sud. Et la vente de produits financiers nécessitant une autorisation, elle ne se délocalise pas aussi facilement qu'un siège social.
Les acteurs privés doivent réagir. Quant à l'écart entre la France et l'Allemagne pour le coût total d'un salarié, les chiffres proviennent de la direction de la législation fiscale : il est bien de 46 %.
Quant à l'articulation entre les réseaux d'Île-de-France et ceux du reste de la France, le contraste est saisissant lorsqu'on entre en Île-de-France, sur des routes mal connectées, des autoroutes sales, mal entretenues...
La langue est un sujet : l'Irlande a une grande facilité à travailler avec les États-Unis. Nous devons donc favoriser l'enseignement bilingue et les lycées internationaux, comme celui de Noisy-le-Grand. De plus, l'enseignement est gratuit en France. Il est paradoxal que nous formions les meilleurs diplômés pour les voir partir travailler à l'étranger.
Nous connaissons la qualité de notre réseau d'établissements français à l'étranger, aussi. Merci pour cette présentation. Au cours de nos déplacements en Europe, nous avons mieux compris les intérêts de chacun. Les pays de petite taille connaissent bien leurs atouts.
On peut dire que rien ne s'est passé depuis le référendum - mais c'est que rien n'a commencé ! Tout reste à écrire.
En Irlande, la question de la frontière inquiète, et les Irlandais sont sensibles au fait que Michel Barnier en a fait l'un des trois sujets principaux. On pourrait aussi parler de Chypre. La méthode consistant à commencer par ces priorités, en tous cas, empêche que l'unité des vingt-sept ne se fissure d'emblée.
La commission donne acte de sa communication à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Notre rapport s'inscrit dans la continuité des travaux que nous avons effectués en 2015 sur les écoles de la deuxième chance. La jeunesse ayant été désignée comme la priorité du quinquennat précédent, il nous a paru important de nous pencher sur les dispositifs qui ont été mis en oeuvre ou renforcés dans ce cadre. Et, trente-cinq ans après leur création, les missions locales sont un acteur majeur de l'accompagnement des jeunes. Leurs responsabilités ont été considérablement accrues au cours des dix dernières années, et notamment depuis 2012. C'est pourquoi nous avons souhaité établir un bilan de leur action, des résultats qu'elles enregistrent et des difficultés qu'elles peuvent rencontrer.
Les missions locales sont issues des recommandations du rapport sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes remis en 1981 au Premier ministre Pierre Mauroy par Bertrand Schwartz. Leur création part du constat de la persistance d'un très fort taux de chômage chez les jeunes, trois fois supérieur à celui des adultes, et d'une précarisation de plus en plus importante des 16-25 ans. Initialement envisagées comme des structures temporaires, elles ont été pérennisées par la loi du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle. Leur réseau compte à présent 445 missions locales et plus de 6 560 sites, ce qui offre une couverture quasi complète du territoire. Chaque structure couvre un territoire comprenant en moyenne 17 400 jeunes. Des disparités importantes existent cependant selon les territoires, celui de la mission locale d'Ambert dans le Puy-de-Dôme ne comptant que 2 000 jeunes, quand celui de la mission locale de Paris en comprend 322 500, soit un écart de 1 à 160. Les missions locales emploient près de 12 000 personnes.
Elles ont été pensées dès l'origine comme des organes fédérateurs de l'ensemble des acteurs locaux compétents en matière d'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Leur originalité réside dans la polyvalence de leurs missions. Le code du travail leur assigne ainsi quatre fonctions principales. D'abord, elles doivent proposer aux jeunes accueillis un accompagnement global, c'est-à-dire destiné à les aider à résoudre leurs difficultés en matière de santé, de logement, d'insertion sociale et professionnelle, de formation, etc. Deuxièmement, il s'agit de favoriser la concertation entre les différents acteurs de l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. À ce titre, les missions locales font partie du service public de l'emploi et entretiennent des relations avec Pôle emploi ainsi qu'avec les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Troisièmement, il leur incombe de participer à la détermination d'une politique locale concertée en faveur de l'insertion et de l'emploi des jeunes. Enfin, elles doivent participer au repérage des situations qui nécessitent un accès aux droits sociaux, à la prévention et aux soins.
Les services qu'elles proposent comprennent différents degrés d'intensité. Au cours d'un premier accueil, un conseiller fournit au jeune une information générale relative à l'offre de service de la structure. Elles réalisent ensuite un diagnostic global de la situation du jeune et une aide à la détermination d'un projet professionnel. Enfin, elles peuvent proposer au jeune un accompagnement personnalisé dans le cadre de dispositifs nationaux ou locaux.
Leur rôle dans l'accompagnement économique et social des jeunes a été peu à peu renforcé, l'État leur confiant le portage à titre principal de certains dispositifs de la politique de l'emploi. Ainsi, en 2005, elles ont été chargées de la mise en oeuvre du contrat d'insertion dans la vie sociale. Par ailleurs, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 7 avril 2011, les partenaires sociaux ont confié à Pôle emploi, à l'Association pour l'emploi des cadres et aux missions locales la mise en oeuvre d'un accompagnement socioprofessionnel renforcé.
Depuis 2012, le rôle des missions locales s'est considérablement accru, l'État leur ayant confié la mise en oeuvre de différents dispositifs nationaux, en particulier des emplois d'avenir et de la garantie jeunes. L'article 46 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a créé un parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), qui doit constituer l'unique cadre contractuel de l'accompagnement des jeunes. Dès lors, la garantie jeunes, généralisée depuis le 1er janvier 2017, ne constitue plus qu'un instrument parmi d'autres pouvant être mobilisé par les missions locales dans le cadre du PACEA.
Outre l'accompagnement direct assuré par les missions locales dans le cadre de dispositifs nationaux, celles-ci peuvent également être prescriptrices de contrats aidés et orienter les jeunes accueillis vers des dispositifs de la deuxième chance - écoles de la deuxième chance ou établissement pour l'insertion dans l'emploi - des formations ou un parrainage.
En 2015, les missions locales ont été en contact avec près de 1,4 million de jeunes. Entre 2007 et 2015, ce nombre a ainsi crû de près de 30 %. En moyenne, les missions locales ont donc accueilli plus de 3 000 jeunes par structure. Pour autant, comme le rappelle l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), une forte disparité peut être constatée autour de cette moyenne. La mission locale d'Autun - ville bien connue par son ancien évêque, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, dit Talleyrand - a ainsi accueilli 737 jeunes en 2015, quand celle de Paris a été en contact avec plus de 28 000 jeunes.
De manière assez logique, l'évolution du nombre de jeunes accueillis par les missions locales est étroitement corrélée à l'évolution de la situation du marché de l'emploi des 15-24 ans. Les publics ayant recours aux services des missions locales sont en moyenne faiblement qualifiés. La proportion de jeunes peu qualifiés en premier accueil s'élevait à un peu plus d'un tiers du total en 2013. Ils rencontrent en outre des difficultés en matière de logement, puisque seuls 20 % des jeunes en premier accueil disposaient d'un logement autonome, et de transport - 60 % d'entre eux n'ont aucun moyen de transport individuel motorisé.
En trente-cinq ans, les missions locales se sont donc imposées comme des acteurs incontournables et indispensables du service public de l'emploi. Il convient désormais d'en conforter le positionnement.
Habitant moi-même l'Autunois, je prends la suite avec plaisir. J'ai créé une mission locale en 1991, sur un territoire rural qui comptait treize cantons. Les missions locales ont un rôle irremplaçable pour les quelque 1,4 million de jeunes qui s'y rendent chaque année. Elles sont des acteurs absolument indispensables du service public de l'emploi, aucune autre structure n'étant en capacité, ne serait-ce que matérielle, d'accueillir un tel flux. Au-delà de l'aspect quantitatif, avec une expérience de plus de trente-cinq ans, les missions locales ont su développer une réelle expertise et enregistrent des résultats globalement positifs. Saluons donc leur immense travail d'écoute et d'accompagnement des jeunes.
Le taux de sorties positives, c'est-à-dire le nombre de jeunes en emploi ou en formation à l'issue d'un accompagnement en mission locale rapporté au nombre de jeunes reçus en entretien individuel, s'élevait, en 2016, à 46 %. La qualité des emplois occupés par les jeunes sortis de parcours d'accompagnement nationaux apparaît en outre très satisfaisante puisque, selon un rapport de l'Igas, il s'agit pour 84 % d'entre eux d'emplois durables. Ces résultats doivent en outre s'analyser au regard du public accueilli par les missions locales et dont Jean-Claude Requier vous a présenté les principales caractéristiques. Au total, tant du point de vue quantitatif que qualitatif, l'action des missions locales apparaît donc positive. Il nous semble par conséquent nécessaire de conforter ces structures en y apportant des améliorations.
Parmi les points de vigilance que nous avons identifiés, il y a d'abord la question de leur financement. Celui-ci présente en effet la double caractéristique d'être à la fois éclaté et très fluctuant. Il fait intervenir plus d'une dizaine de sources différentes : l'État, les communes, les régions, les départements, les fonds européens, etc. Les procédures sont lourdes et les délais de paiement peuvent être longs. En outre, la part représentée par chaque financeur varie fortement selon les régions et les structures.
Avec 455 millions d'euros en autorisations d'engagement et près de 377 millions d'euros en crédits de paiement inscrits en 2017, l'État constitue le premier contributeur au budget des missions locales. Mais, sur ces montants, 205 millions d'euros seulement sont consacrés au financement du réseau et de l'animation régionale, et leur budgétisation ne semble pas réellement prendre en compte le niveau d'exécution de l'année précédente - malgré un effort pour l'exercice 2017. La part restante finance la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement nationaux tels que la garantie jeunes ou les emplois d'avenir.
Le financement des missions locales est en outre fluctuant. La baisse des dotations aux collectivités territoriales a pu se traduire par un désengagement de certaines d'entre elles, pouvant atteindre jusqu'à 10 % dans certaines régions comme l'Île-de-France ou la région Rhône-Alpes, alors que l'activité des missions locales n'a jamais été aussi importante. Par ailleurs, le fait que la majeure partie de leur financement soit liée à la mise en oeuvre de dispositifs dont la durée de vie peut être limitée, comme cela a été le cas du dispositif prévu par l'accord national interprofessionnel de 2011, se traduit par un manque de visibilité. Les missions locales qui avaient redimensionné leurs équipes afin de faire face à l'accroissement de leur activité lié au déploiement de ce dispositif ont ainsi pu se retrouver en difficulté lors de sa suppression fin 2015. Enfin, les financements de l'État accordés au titre de la mise en oeuvre de la garantie jeunes sont conditionnés, d'une part, à la réalisation d'objectifs quantitatifs et ambitieux et, d'autre part, au respect de procédures administratives très lourdes. Ainsi, selon la mission locale de Paris, sur les 1 600 euros de crédits d'accompagnement devant être versés par jeune bénéficiaire de la garantie jeunes, seuls 70 % en moyenne sont effectivement perçus par la structure.
Au total, la situation financière des missions locales semble équilibrée au niveau national, le bilan du réseau laissant apparaître en 2015 un excédent de plus de 9 millions d'euros. Néanmoins, au niveau local, certaines structures présentent d'importantes fragilités.
Un autre point de vigilance que nous avons identifié réside dans le positionnement des missions locales par rapport aux autres acteurs du service public de l'emploi, et notamment par rapport à Pôle emploi. Malgré la répartition des compétences prévue par un accord cadre de partenariat, la mise en place d'un « accompagnement intensif jeune » par Pôle emploi crée un risque de doublon alors que, d'une part, Pôle emploi doit déjà répondre aux attentes des demandeurs d'emploi et que, d'autre part, les missions locales semblent mieux armées pour proposer ce type de services aux jeunes.
Enfin, nous avons constaté que la mesure de la performance des missions locales, faite de manière globale et non dispositif par dispositif, était insuffisante. Pris dans une réforme de la gouvernance du réseau qui ne s'est achevée qu'à l'automne 2016, le Conseil national des missions locales, dont les missions comprenaient l'établissement des rapports d'activité, n'a ainsi été mesure de produire de bilan au titre des années 2014 et 2015 qu'en avril 2017. Les données produites pourraient en outre être plus synthétiques afin d'être mieux exploitables. Les taux de sorties positives par type de sortie pourraient ainsi être davantage détaillés et les évolutions mieux expliquées.
Nos recommandations s'organisent autour de trois axes. D'abord, sécuriser les financements. Nous préconisons un assouplissement des conditions de versement des crédits consacrés à l'accompagnement de la garantie jeunes par la fixation d'objectifs plus réalistes, notamment en termes de sorties positives. C'est indispensable si nous voulons éviter l'essoufflement du système. Il nous semble en outre que la mise en place au niveau local de conférences des financeurs, comme c'est le cas au niveau national, permettrait à l'ensemble des parties prenantes de connaître l'évolution des financements de chaque structure et donc de mieux corréler le niveau de financement à leur activité et aux résultats enregistrés. Comme président de région, j'aurais aimé disposer d'une telle structure.
Deuxième axe : il faut procéder à une nouvelle clarification de la répartition des compétences entre Pôle emploi et les missions locales.
Nous recommandons aussi d'améliorer la qualité du suivi de l'activité des missions locales. Un bilan annuel de l'activité des missions locales doit être établi par le délégué ministériel aux missions locales. Celui-ci devra comporter la synthèse et l'analyse de quelques indicateurs pertinents : nombre de jeunes accueillis, taux de sorties positives par type de sorties au niveau global et par dispositif, évolution de chaque source de financement, difficultés rencontrées par le réseau, etc.
Enfin, il faut poursuivre la rationalisation du réseau. Celle-ci peut passer par un renforcement de l'échelon régional et par la mutualisation de certaines fonctions telles que les ressources humaines, les finances ou encore l'immobilier. Le délégué ministériel aux missions locales doit constituer une véritable tête de pont du réseau permettant de développer encore davantage les échanges de bonnes pratiques et la mise en place de référentiels communs.
Vu les résultats des missions locales, nous devons encourager leur activité en simplifiant le dispositif autant que possible.
Président d'une mission locale, je souhaite compléter votre rapport, dont je partage largement les conclusions. Les missions locales sont indispensables. Alors que Pôle Emploi s'adresse aux demandeurs d'emploi, c'est-à-dire à des personnes ayant déjà travaillé, et a pour mission de leur retrouver un emploi, les missions locales s'occupent de jeunes qui n'ont jamais travaillé, qui ne savent rien faire et qui échouent dans les quartiers au sortir de l'école ou du collège. Elles les reprennent en main, leur donnent une formation, leur apprennent à se tenir bien et à se présenter convenablement, sans casquette ni baskets. C'est indispensable dès lors que l'Éducation nationale ne forme pas les jeunes à un métier, ce qui est la conséquence inexorable du collègue unique : tant que nous aurons un collège unique, nous aurons des chômeurs ! Aussi l'action des missions locales est-elle fondamentale. Il est exact que celles-ci ne sont pas assez bien financées, faute de revenus permanents, et le président d'une mission locale passe le plus clair de son temps à chercher de l'argent. Celle de Corbeil-Essonnes récupère environ 600 jeunes par an. Sur une décennie, cela fait 6 000 délinquants de moins. Je souhaite donc que nous garantissions aux missions locales un financement plus assuré. L'État devrait donner moins d'argent à Pôle Emploi, dont le rôle est administratif, et davantage aux missions locales, qui suivent les jeunes en direct. L'urgence pour la France est d'avoir moins de délinquants et plus de sécurité. Pour cela, il faut apprendre aux jeunes à travailler, donc développer l'apprentissage. Tout se tient !
Dans mon intercommunalité, je préside une mission locale tous les deux ans par rotation et me suis bien reconnu dans le tableau que vous nous en avez fait. Vous déplorez la mauvaise santé financière des missions locales mais, chaque année, ce sont les budgets communaux qui servent de variable d'ajustement. Leur budget est donc toujours équilibré. Je comprends toutefois que le manque de visibilité sur le financement amène à piloter à vue. En revanche, je pense comme vous que nous manquons d'outils pour apprécier l'efficacité des missions locales, qu'il faudrait pouvoir comparer entre territoires comparables. Quelle est la bonne échelle pour leur gouvernance ? La région est peut-être encore pertinente en certains endroits, mais les régions sont devenues des mastodontes... Il est vrai qu'il y a un lien avec la formation professionnelle ; cela dit, les communes ont aussi leur mot à dire. Je m'interroge.
Ce rapport est très intéressant, vu les difficultés qu'ont les jeunes à trouver de l'information et un emploi. Il existe aussi un bureau d'information jeunesse (BIJ), et des centres régionaux information jeunesse (CRIJ). Ne pourrait-il y avoir des rapprochements entre ces structures et les missions locales ? Dans le Tarn, le département contribue au financement des permanences des missions locales en zone rurale. Nous finançons également des rapports d'évaluation de leur activité. Votre recommandation sur la conférence des financeurs est excellente.
Lors de la mission Schwartz, j'étais déléguée régionale aux droits des femmes. Il y avait à l'époque l'équivalent d'une conférence des financeurs dans ma région. Cette structure a-t-elle disparu ? N'est-ce pas l'âge qui détermine si l'on relève de Pôle Emploi ou d'une mission locale ? Quelle est la proportion entre garçons et filles parmi les jeunes accueillis ?
Il y a une courte majorité de garçons. Les missions locales sont le seul interlocuteur réel des jeunes, vers lequel les renvoient les élus. Oui, le budget communal sert de variable d'ajustement, mais dans une mesure limitée. Certaines missions locales n'ont qu'un mois d'avance en trésorerie. Il est vrai que les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle, ainsi que d'emploi. Mais elles peuvent déléguer à un niveau inférieur, par convention, la gouvernance des missions locales.
La commission donne acte de leur communication à MM. François Patriat et Jean-Claude Requier et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
La conférence des présidents avait organisé en janvier 2017 un débat sur l'application des lois emblématiques de la législature qui s'achève. Nous nous livrons aujourd'hui à notre exercice classique de contrôle de l'application des lois examinées au fond par la commission des finances au cours de la session précédente, et plus particulièrement des lois promulguées entre le 1er octobre 2015 et le 30 septembre 2016. Je précise que les compteurs des statistiques ont été arrêtés au 31 mars 2017, soit six mois plus tard.
Claude Bérit-Debat, chargé par le bureau du Sénat de suivre l'application des lois, devrait présenter à la conférence des présidents une synthèse des analyses des différentes commissions.
Nous avons étudié moins de lois que l'année précédente mais nous attendions plus de mesures d'application : 114 contre 103 ; 75 % d'entre elles ont été prises, contre 80 % l'année précédente. Moins de 30 % ont été prises dans le délai de six mois prescrit par une circulaire du Premier ministre du 29 février 2008, contre 39 % l'année dernière et 75 % en 2012-2013.
Nos statistiques et nos investigations portent sur les cinq projets de loi que nous avons examinés au fond au cours de la période - dont deux ne prévoyaient pas de mesures d'application. Je pense que nous devrions porter également notre attention sur la législation par ordonnance, très importante en matière financière. En cette fin de législature, douze ordonnances intervenues dans le domaine financier depuis 2015 sont en vigueur sans avoir été ratifiées, et huit projets de loi de ratification sont en instance : quatre sur le bureau de l'Assemblée et quatre sur le bureau du Sénat.
Nous suivons également la remise des rapports au Parlement. Au cours de la période, douze rapports ont été demandés et sept ont été remis. On peut observer que le Gouvernement avait lui-même demandé, en loi de finances pour 2016, un rapport sur le crédit et la réduction d'impôt en faveur du logement social outre-mer, qui n'a pas été rendu.
Dans l'ensemble, les textes réglementaires attendus sont publiés et sont conformes à leur objet, qui est de préciser les modalités d'application de mesures voulues par le législateur.
Nous mesurons l'application des textes par l'administration mais la mise en oeuvre de certaines mesures peut aussi relever d'autorités indépendantes. À cet égard je salue la réactivité avec laquelle l'Autorité des marchés financiers (AMF) a mis en oeuvre une mesure introduite par Albéric de Montgolfier à l'article 79 la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 », même si cette loi est trop récente pour être incluse dans le champ de notre contrôle d'aujourd'hui. L'AMF a en effet modifié son règlement général le mois dernier pour organiser le contrôle des investissements dits « atypiques » (manuscrits, métaux précieux, terres rares etc) qu'elle n'effectuait pas jusqu'à ce que notre commission ait l'idée de lui confier cette mission, et ce alors même que 40 % des Français ayant réalisé ce type de placements se déclarent avoir été victime d'une « arnaque ».
Le pouvoir réglementaire a vocation à préciser les modalités de mise en oeuvre des mesures votées par le Parlement. Il est parfois tenté d'aller au-delà, comme notre rapporteur spécial du logement, Philippe Dallier, en a fait l'expérience en 2016, lorsqu'il a pris connaissance d'un projet de décret qui prévoyait des règles de vote au sein du conseil d'administration du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) contraires à l'esprit de l'article 144 de la loi de finances pour 2016.
Philippe Dallier a alors rencontré l'administration et fait connaître sa désapprobation, qui rejoignait celle d'autres acteurs de la politique du logement. Le décret finalement publié est plus conforme à l'intention du législateur.
Nous n'avons pas toujours les moyens d'être vigilants en amont de la prise des textes réglementaires et nous découvrons parfois que le pouvoir réglementaire est effectivement allé au-delà de ce que le législateur a souhaité, comme en témoigne le décret pris pour mettre en oeuvre les dispositions de l'article 111 de la loi de finances pour 2016 relatif au crédit d'impôt cinéma. Cet article a modifié le régime de ce crédit d'impôt dans le but de favoriser la relocalisation de tournages en France. Pourtant, le décret crée une possibilité qui n'existait pas jusqu'ici et dont il n'a jamais été question dans le débat parlementaire : celle d'accorder aux films d'animation, sous certaines conditions, le bénéfice du crédit d'impôt même lorsqu'ils ne sont pas réalisés sur le territoire national.
Une telle possibilité existait pour les oeuvres cinématographiques et son extension aux films d'animation aurait été concevable. Elle a cependant été décidée sans consultation du législateur.
Nous attendions également cette année les choix du Gouvernement pour mettre en oeuvre la disposition de l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015, introduite encore une fois à l'initiative d'Albéric de Montgolfier et qui visait à plafonner les frais facturés par des intermédiaires dans le cadre du dispositif ISF-PME, qui pouvaient atteindre 50 % des montants investis et donc reprendre 100 % de l'avantage fiscal. Le seuil retenu pour le plafond global reste élevé - 30 % - mais l'économie générale du dispositif prévu dans le décret devrait permettre de mettre fin aux pratiques les plus abusives.
Dans le souci d'encadrer le développement du shadow banking, notre rapporteur général avait également souhaité, à l'article 27 de la loi de finances rectificative pour 2015, fixer dans la loi les grands principes devant être respectés par les fonds d'investissement alternatifs lorsqu'ils octroient des prêts aux entreprises. Ces grands principes ont été déclinés dans un décret de novembre 2016 et doivent sur certains points, et en particulier les conditions dans lesquelles ces fonds peuvent s'endetter, être précisées par un arrêté à venir.
Les textes réglementaires ne correspondent pas toujours à ce que nous attendions mais ils ont le mérite d'exister.
Au contraire, certains dispositifs ne sont pas appliqués depuis plusieurs années faute de textes d'application.
La plus ancienne disposition législative relevant de notre contrôle qui reste toujours en attente de texte d'application est l'article 126 de la loi de finances pour 2011 relatif au régime juridique de déduction des redevances de concession de brevet. Un décret doit fixer les conditions d'établissement de la documentation présentant l'économie générale de la licence et, malgré un premier projet rédigé en 2013, aucun texte n'a vu le jour.
Un autre exemple de ce type peut être trouvé dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de juillet 2013. Un seul article de ce texte n'est toujours pas appliqué. Il s'agit de l'article 63 dont les dispositions étaient pourtant présentées dans le projet de loi du Gouvernement comme une mesure importante pour la compétitivité de la place de Paris, sujet qui nous a déjà beaucoup occupés ce matin. Il s'agit de la création d'un « référentiel de place » qui permettrait de faciliter et de sécuriser les échanges d'informations entre les intervenants de la gestion financière, ainsi que de favoriser la commercialisation des fonds français à l'étranger.
De même, plus récemment, le dispositif Malraux de réduction d'impôt au titre d'opérations de restauration immobilière doit être étendu à certains quartiers relevant de la politique de la ville. Il ne l'est toujours pas et la loi de finances rectificative pour 2015 a repoussé la date d'expiration du dispositif du 31 décembre 2017 au 31 décembre 2019. Mais aujourd'hui, à deux ans et demi de son expiration, le dispositif n'est toujours pas en vigueur, alors qu'il était censé s'appliquer pendant quatre ans.
Pour conclure, j'évoquerai l'application des lois en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, sur trois points en particulier.
Le premier est l'article 121 de loi de finances pour 2016, relatif au reporting pays par pays en matière fiscale, que la France a inséré très rapidement dans sa législation, conformément aux prescriptions de l'OCDE et du projet BEPS. Le décret précisant le contenu des informations devant figurer dans la déclaration a été publié en septembre 2016, mais nous sommes toujours dans l'attente de l'arrêté qui dresse la liste des pays avec lesquels nous avons conclu un accord d'échange automatique. Or cet arrêté est indispensable pour parachever le mécanisme. Sur la base de cette liste, nous pourrons en effet requérir des filiales d'un groupe dont le siège est établi dans un territoire ne procédant pas à l'échange de déposer une déclaration pour le compte de l'ensemble du groupe. La quantité d'informations collectée en sera accrue, et les conditions de concurrence entre groupes, mieux assurées.
Le deuxième concerne la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC), qui doit en principe être actualisée chaque année. Vous vous en souvenez, celle-ci avait été par une heureuse coïncidence modifiée par l'arrêté du 8 avril 2016 pour y ajouter le Panama - cinq jours après les révélations des Panama Papers, et alors que notre commission avait mis en garde le Gouvernement dès 2011 sur le manque de transparence de ce pays. Cette année, au début du mois de juin, l'arrêté n'a pas été publié. En revanche, au niveau européen, les négociations se poursuivent en vue de l'élaboration d'une liste européenne des juridictions non coopératives.
Le troisième est le « jaune » annexé au projet de loi de finances de chaque année sur l'échange d'informations fiscales entre la France et ses partenaires. Il s'agit d'un document important, qui permet notamment au législateur de se faire une opinion sur le bien-fondé de l'ajout ou du retrait d'un pays de la liste des ETNC. Or ce document n'a pas été publié pour l'année 2015, ni pour l'année 2016, ni à ce jour pour l'année 2017, en dépit des demandes répétées de notre commission et de l'engagement pris ici même par les représentants de la direction de la législation fiscale. Cette situation est d'autant plus regrettable que le passage à l'échange automatique d'informations à compter de 2018 modifie profondément la donne.