Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 7 mars 2018 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Mes chers collègues, notre commission a décidé au début de l'année la création d'un groupe de travail pluraliste, d'une quinzaine de membres, pour réfléchir à l'évolution de la fiscalité locale dans le contexte de la suppression progressive de la taxe d'habitation.

Ce groupe de travail s'est réuni à plusieurs reprises pour dresser un bilan de la fiscalité locale et envisager les scénarios de remplacement de la taxe d'habitation.

La semaine dernière, le comité des finances locales a adopté une première délibération, et la semaine prochaine se tiendra une nouvelle instance de dialogue de la conférence des territoires (CNT). Les conclusions de la mission confiée à notre collègue Alain Richard et au Préfet Dominique Bur, sont attendues pour le mois d'avril.

Dans ce contexte, le rapporteur général a jugé utile de faire le point sur les pistes de réflexion du groupe de travail relatif à la fiscalité locale, dont il assure l'animation, afin que chacun d'entre nous puisse s'exprimer sur ce sujet ô combien essentiel pour les finances locales. Je lui cède la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Comme vous le savez, la loi de finances pour 2018 a créé un dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des Français. Le Sénat s'est opposé à cette initiative - qui ne répondait à aucun souhait ou préconisation des collectivités territoriales. Néanmoins, il nous appartient de veiller à ce qu'elle ne conduise pas à réduire les recettes des collectivités territoriales, ni à diminuer leur dynamisme, a fortiori après les annonces du Président de la République, qui laissent envisager la suppression totale de cette imposition. Je souligne que la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2018 - qui est un peu passée sous silence - a des conséquences importantes : si le Conseil constitutionnel n'a pas censuré le dégrèvement, il émet des réserves sérieuses et cette décision implique de supprimer totalement la taxe d'habitation, et donc de trouver des ressources de substitution.

C'est dans ce contexte que notre commission a souhaité créer un groupe de travail chargé de réfléchir à une évolution de la fiscalité locale, afin notamment de compenser la suppression de la taxe d'habitation. Au cours de ses réunions, celui-ci a identifié plusieurs pistes de réflexion, que j'ai souhaité vous présenter aujourd'hui.

Outre notre groupe de travail, plusieurs instances se sont penchées sur cette problématique.

Le Gouvernement a ainsi mis en place, en octobre dernier, une mission présidée par Alain Richard et Dominique Bur « relative au pacte financier entre l'État et les collectivités territoriales ». Celle-ci a notamment été chargée de préciser les contours du mécanisme de contractualisation qui était inscrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et de réfléchir à une évolution de la fiscalité locale. Ses conclusions sur ce deuxième point devraient être rendues très prochainement, au début du deuxième trimestre 2018.

Par ailleurs, le comité des finances locales a également travaillé sur ce sujet et a présenté ses conclusions le 27 février dernier. J'y reviendrai.

Si l'on examine les principales ressources des collectivités territoriales, l'on constate que la suppression de la taxe d'habitation se traduira par un montant à compenser s'élevant à près de 22 milliards d'euros. Ce montant atteint même 23 milliards d'euros si l'on inclut les compensations d'exonérations et même 27 milliards d'euros, en prenant en compte la dynamique de la taxe. Vous pouvez également noter que peu d'impositions locales ont un produit du même ordre de grandeur que celui de la taxe d'habitation aujourd'hui.

À l'heure actuelle, l'État prend déjà à sa charge 4 milliards d'euros au titre des dégrèvements et des compensations d'exonérations. Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prend déjà en compte le coût pour l'État du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages, estimé à 10 milliards d'euros. Au total, le coût pour l'État d'une suppression complète de la taxe d'habitation s'élèvera à 20 milliards d'euros par an environ, soit 10 milliards d'euros supplémentaires au minimum par rapport à la loi de programmation, à partir de 2020.

S'agissant de la compensation, je rappelle que le Gouvernement a exclu la création d'un nouvel impôt ; dès lors, je considère que ce n'est pas à nous de proposer la mise en place d'une nouvelle taxe. Ainsi, compte tenu des montants en jeu et dès lors que l'on souhaite compenser la perte de recettes pour le bloc communal par de la fiscalité locale, l'hypothèse la plus crédible semble donc être celle d'un transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) vers le bloc communal. Nous avons a contrario exclu le transfert des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) car ils sont extrêmement volatiles.

Cette solution, à laquelle est également parvenu le comité des finances locales, n'est pas sans soulever des difficultés : elle ôte avant tout une recette aux départements sur laquelle ils disposent d'un pouvoir de taux ; ensuite, et c'est le principal inconvénient à mon sens, elle concentre l'impôt local sur les propriétaires fonciers, dans la mesure où les habitants non propriétaires n'acquittent pas la taxe foncière. Cette solution présente néanmoins plusieurs avantages : elle permet au bloc communal de conserver un pouvoir de taux, elle maintient un lien entre le contribuable et la commune et elle assure au bloc communal une ressource dont la dynamique est proche de celle de la taxe d'habitation. C'est donc cette piste qui a été privilégiée par le groupe de travail, car elle apparaissait la plus crédible.

Cette solution, adoptée à l'unanimité par le comité des finances locales, à l'exception des trois voix des représentants des départements, ne permet cependant de répondre qu'à une partie de la problématique. En effet, le transfert intégral de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements au bloc communal ne suffirait pas à compenser la suppression de la taxe d'habitation et il serait nécessaire de compenser la perte de recettes des départements. Au total, ce sont 10 milliards d'euros qui devront être compensés au bloc communal et 14 milliards d'euros aux départements.

Le groupe de travail a réfléchi dans l'optique de maintenir l'autonomie financière des collectivités territoriales et en excluant la création d'un nouvel impôt. Il serait donc nécessaire de transférer une fraction d'impôts nationaux aux collectivités territoriales. Le groupe de travail a donc étudié trois scénarios : un transfert de contribution sociale généralisée (CSG), de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou d'impôt sur le revenu.

S'agissant tout d'abord de la CSG, elle peut certes être affectée par des décisions prises au niveau national, mais elle constitue néanmoins une ressource très dynamique. En outre, un transfert de CSG apparaîtrait particulièrement pertinent dans le cas de la compensation aux départements du transfert de la taxe sur le foncier bâti au bloc communal, compte tenu des compétences exercées par ces derniers dans le champ social. Une telle solution soulèverait certes une question juridique, quant à la nature de ce prélèvement, mais celle-ci ne nous semble pas dirimante.

J'en viens à l'hypothèse du transfert d'une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Là encore il s'agit d'une recette dynamique, bien que sensible à la conjoncture et pouvant aussi être affectée à la hausse comme à la baisse par des décisions prises par l'État. L'affectation d'une fraction de TVA à une catégorie de collectivités territoriales ne poserait en outre pas de problème juridique, dans la mesure où ce schéma existe déjà pour les régions et n'a pas été remis en cause par le Conseil constitutionnel.

Enfin, dernier scénario, celui de l'attribution d'une fraction d'impôt sur le revenu. Une telle solution permettrait plus facilement, en théorie, de donner aux collectivités attributaires un pouvoir de taux. Cette solution est mise en oeuvre en Italie, au niveau communal. Elle comporte cependant d'importantes limites. En premier lieu, les décisions de l'État auront des conséquences sur les ressources des collectivités territoriales ; or les modifications en la matière sont fréquentes et il y a donc un risque non négligeable pour les finances des collectivités. En second lieu, l'éventuel pouvoir de taux laissé aux collectivités territoriales nécessiterait pour l'administration fiscale et les entreprises, après la mise en place du prélèvement à la source, de gérer 36 000 taux communaux et près de 1 300 taux intercommunaux. Il en résulterait une concurrence fiscale qui pourrait pousser les contribuables à se domicilier par exemple chez leur grand-mère... Enfin, le pouvoir de taux serait en fait assez fictif : étant donnée la concentration des revenus, il serait nécessaire de mutualiser une partie de la ressource, ce qui limiterait très fortement ce pouvoir.

J'ajoute que les dynamiques spontanées de la TVA et de la CSG sont très proches : leurs taux de croissance annuel moyens se sont ainsi élevés à un peu plus de 2 % entre 2013 et 2018, même si la TVA est plus sensible à la conjoncture, comme on a pu le voir lors de la crise de 2009.

Compte tenu des différents éléments que je viens de vous exposer, le scénario privilégié par le groupe de travail serait donc celui du transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties au bloc communal, complétée par le transfert d'une fraction de CSG aux départements et de TVA au bloc communal.

Il nous apparaît cependant indispensable que cette réforme de la fiscalité locale s'accompagne d'une révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, sur lesquelles continueront d'être assises la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Cette révision devra naturellement s'accompagner de mécanismes de lissage et de plafonnement pour éviter des effets trop brutaux. Doit-on repartir de l'expérimentation de 2015 ? Nous entendrons le ministre de l'action et des comptes publics cet après-midi, ce sera l'occasion de l'interroger sur les intentions du Gouvernement à ce sujet. Le groupe de travail a évoqué plusieurs hypothèses : une révision sur une base déclarative, éventuellement département par département, etc. Quoiqu'il en soit, il me semble que nous devons insister sur la nécessité de réviser les bases. Je rappelle néanmoins que nous ne sommes pas les seuls à avoir des valeurs locatives vétustes : les autres pays européens ont parfois recours aux valeurs vénales, mais la plupart du temps il s'agit des valeurs historiques, sans qu'aucune révision n'ait vraiment été menée. Parfois les valeurs de référence ont été fixées en 1941 ! Il n'y a pas de solution miracle pour réviser les valeurs locatives...

Par ailleurs, il est nécessaire de prévoir une compensation réelle des exonérations de fiscalité locale. Je pense en particulier à l'exonération des logements sociaux pour la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Le scenario que je vous ai présenté est donc celui qui a été adopté par le bureau de l'association des maires de France et par le comité des finances locales, à l'unanimité des suffrages exprimés mais avec l'abstention des trois représentants des départements. En effet, ceux-ci négocient en parallèle avec le Gouvernement sur le sujet de la compensation du financement des allocations individuelles de solidarité et craignent qu'en combinant ces deux négociations, le Gouvernement n'essaye de leur transférer « deux fois » la même fraction de CSG...

Ce scenario n'est pas le « grand soir » fiscal que nous pouvions espérer, ni une mise à plat de l'ensemble des rapports financiers entre l'État et les collectivités territoriales. Il faudrait également réformer le système fou des dotations et des fonds de péréquation. Mais dans le délai imparti, nous n'étions pas en mesure de révolutionner l'ensemble des finances locales. Cette solution n'est sans doute pas la meilleure... mais au moins la moins mauvaise. Elle me semble satisfaisante car les communes conservent un pouvoir de taux et récupèrent une ressource dynamique, tandis que les départements pourront financer la solidarité nationale à partir d'une ressource nationale, la CSG. Je suis par ailleurs convaincu que la taxe sur le foncier bâti n'est pas la meilleure ressource pour les départements : les plus pauvres d'entre eux ayant des bases fiscales foncières assez limitées...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Mon intervention ne surprendra pas ceux qui me connaissent. Je regrette que le groupe de travail soit rentré dans le jeu, ce qui est une erreur, de considérer comme acquise la suppression de la taxe d'habitation. Il s'agit, selon moi, d'une mauvaise mesure car elle laisse croire aux citoyens que les services qu'ils demandent n'ont pas de conséquences sur la fiscalité. Il aurait mieux valu que le groupe de travail cherche à contrarier le rêve de Bercy consistant à proposer aux collectivités territoriales des dotations sur lesquelles il conserve la main.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je ne serai pas aussi critique que Philippe Adnot, même si je regrette la coupure du lien entre citoyen et commune. Cela pourra déresponsabiliser les acteurs, ce qui n'est pas une bonne chose. Ce qui se dégage me semble néanmoins rassurant pour le bloc communal. Il est cependant en effet nécessaire d'engager la révision des valeurs locatives. Cela suppose aussi que le « marronnier », que je présente chaque année et qui est adopté à l'unanimité par le Sénat consistant à en finir avec les exonérations de taxe foncière en faveur des bailleurs sociaux adoptées pour vingt ans ou vingt-cinq ans et qui sont en fait financées par les communes, aboutisse enfin. Dès lors que celles-ci n'auraient plus que la taxe foncière, le maintien de ces exonérations serait pénalisant pour les communes auxquelles on demande de construire des logements sociaux et qui n'auront plus de recettes en contrepartie.

Je m'interroge également sur la soutenabilité pour le budget de l'État de cette réforme. Le Conseil constitutionnel nous a en partie donné raison, la taxe d'habitation a vocation à être supprimée. Mais cela aura un coût supplémentaire de 10 milliards d'euros, voire de 14 milliards d'euros. La trajectoire financière pluriannuelle est donc caduque.

Jacqueline Gourault avait évoqué la possibilité de créer un impôt nouveau avant d'être démentie par Bruno Le Maire. L'État devra donc prendre en charge cette somme. Comment va-t-il trouver les moyens de financer cette mesure ?

Cet après-midi, la commission entendra Gérald Darmanin. Je ne pourrai malheureusement pas être présent, présidant la séance au même moment. Néanmoins, je souhaiterais que le rapporteur général puisse l'interroger sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je m'interroge également sur la soutenabilité pour le budget de l'État de la suppression de la taxe d'habitation, dont je pense qu'il s'agit d'une erreur. Mais dès lors qu'elle est décidée, nous devons réfléchir à des scénarios alternatifs. À cet égard, je partage le souhait de ne pas créer d'impôt nouveau. En tout état de cause, une fois la taxe d'habitation supprimée, il sera difficile de revenir en arrière.

Le schéma proposé me semble être une étape plutôt qu'un scénario définitif, car des discussions doivent se poursuivre au sein du groupe de travail, notamment sur la question de la répartition des ressources au sein du bloc communal. Les 13,8 milliards d'euros de taxe foncière pourraient ainsi être entièrement transférés aux communes, ce qui compenserait une partie des 15 milliards d'euros de moindres recettes liées à la suppression de la taxe d'habitation. La fraction de TVA serait quant à elle affectée aux intercommunalités et les écarts de compensation avec les intercommunalités pourraient être pris en charge via des attributions de compensation.

La question posée par Philippe Dallier sur les exonérations de taxe foncière en faveur des logements sociaux est évidente. Si la taxe foncière est transférée au bloc communal - ou aux seules communes, comme nous le souhaitons - cette question devra être résolue, ou plus aucun logement social ne sera construit.

Enfin, la révision des valeurs locatives est en effet indispensable dans la mesure où la taxe foncière est assise sur ces valeurs. Or la suppression de la taxe d'habitation a été justifiée par le caractère injuste de ces bases. Je réitère ma proposition de réévaluer ces valeurs au fur et à mesure des mutations et de laisser la possibilité pour le bloc communal de les réviser de manière volontaire, avec la mise en place d'une forme d'intéressement, l'éventuel surcroît de recettes fiscales pouvant faire l'objet d'un partage entre le bloc communal et l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Je souhaiterais tout d'abord indiquer aux collègues qui ne sont pas membres du groupe de travail que notre marge de manoeuvre était très réduite dans la mesure où le Gouvernement ne souhaitait pas créer de nouvel impôt. Il n'y avait par conséquent qu'une seule solution, celle proposée par le groupe de travail, qui est la moins mauvaise.

Je pense également que le budget de l'État aura du mal à supporter la suppression de la taxe d'habitation.

Au sein du groupe de travail, je suis souvent intervenu sur la question du logement social. Je ne suis pas concerné directement, habitant dans une commune rurale. Mais dans les villes où il existe un nombre important de logements sociaux, les locataires ne paieront plus la taxe d'habitation et les bailleurs seront exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties, l'État ne compensant cette exonération que de manière infime. Il y aura donc tout un pan de la population, souvent jeune et ayant des enfants, qui bénéficiera de services et qui n'aura pas de lien fiscal direct avec la commune. Il me semble indispensable que l'État compense réellement le coût des exonérations en faveur du logement social. Je suis moins optimiste que Philippe Dallier sur une éventuelle suppression de ces exonérations, l'État ayant déjà diminué le montant des aides personnalisées au logement (APL), au mécontentement des bailleurs sociaux...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je précise ma pensée : je ne demande pas une suppression de ces exonérations mais simplement que l'État les compense en totalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Nous sommes donc d'accord.

Par ailleurs, étant moi-même issu du Trésor Public, je ne pense pas que l'administration fiscale, dont les effectifs diminuent régulièrement, sauf en administration centrale, soit en mesure de mettre en oeuvre la révision des valeurs locatives. Au début de ma carrière de conseiller général, j'ai travaillé sur cette question pendant un an alors que l'administration fiscale en avait encore les moyens humains, et cela n'a pas abouti. Aujourd'hui, elle ne les a plus, cela sera par conséquent matériellement compliqué à mettre en oeuvre alors que cela est indispensable. Les propriétaires de résidences secondaires continueront certainement à acquitter une taxe d'habitation, il faudra donc que les bases soient réactualisées.

Enfin, je suis un peu gêné de voir qu'il est fait mention, dans le document distribué, de la taxe sur la consommation finale d'électricité alors que celle-ci vise à financer des opérations très spécifiques et il n'est pas possible d'envisager d'utiliser cette ressource pour des compensations.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Selon la référence que l'on a, l'exercice auquel nous nous livrons relève du Sapeur Camember ou des Shadoks. La compensation sans impôt nouveau me semble surréaliste. Je veux bien que l'on dise qu'il n'y aura pas d'impôt nouveau, mais si c'est pour augmenter les impôts anciens, cela ne me semble pas plus productif.

Par ailleurs, vous faites référence à un principe auquel nous sommes tous attachés, celui de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, mais je suis au regret de vous dire que, dans la pratique, lorsqu'il n'y a rien à prélever, l'autonomie fiscale est d'un intérêt limité. Un bon impôt doit avoir une base large et un taux faible, or nous risquons d'avoir des impôts avec une base étroite et des taux élevés. Il est donc temps de revenir sur nos poncifs sur l'autonomie fiscale.

Enfin, je n'ai pas compris si les transferts de fiscalité nationale prendront la forme d'une redistribution des recettes nationales ou seront fonction des impôts payés localement. Cela n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Il s'agit d'une quote-part des impositions nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Non, car les collectivités territoriales bénéficieront de la dynamique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Parmi les trois hypothèses évoquées, il semble en effet que le transfert d'une fraction de CSG aux départements soit la plus cohérente au regard des compétences qu'ils exercent.

Il me semble que la question du pouvoir de taux laissé aux départements est un faux problème. Dans des territoires en difficulté, avec des revenus par habitant très faibles, avoir la liberté de taux n'apporte rien. Cela pourrait donc renforcer les inégalités territoriales. Pouvoir répartir un impôt national permet une forme de péréquation.

Je partage ce qui a été dit par Vincent Delahaye, le groupe de travail doit approfondir la question de la répartition des ressources au sein du bloc communal entre communes et intercommunalités.

Je partage également ce qui a été dit sur la question de la révision des valeurs locatives ainsi que sur la compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties en faveur des logements sociaux. Sur les dix dernières années, la compensation effective des exonérations est inférieure à 10 %.

Enfin, pour répondre à Philippe Adnot, je pense que nous devons être pragmatiques et efficaces. La décision de supprimer la taxe d'habitation étant prise, il nous faut réfléchir à des solutions pour avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

J'ai participé aux travaux du groupe de travail : j'estime qu'il faut s'interroger de façon pragmatique sur les meilleurs moyens de faire face aux évolutions en cours plutôt que de refuser tout débat. C'est une position d'ailleurs proche de celle du comité des finances locales qui estime désormais que l'opposition pure et simple ne porte pas ses fruits.

Nous avons donc cherché des solutions, et le scénario finalement retenu faisait partie des options envisagées depuis longtemps : l'affectation d'une fraction de taxe sur la valeur ajoutée paraît préférable à celle de l'impôt sur le revenu. Concernant les taxes sur le foncier bâti, il paraît logique de les recentrer au profit du niveau communal dans la mesure où, sur ces sujets, ce sont toujours les maires qui sont en première ligne. Il apparaît donc souhaitable que les maires soient pleinement en responsabilité de l'impôt qu'ils lèvent.

La TVA est fortement corrélée à l'activité économique : il semble logique que cet impôt revienne au niveau intercommunal. D'ailleurs, la taxe d'habitation avait été affectée aux intercommunalités à la suite de la réforme de la taxe professionnelle, qui présentait elle-même une forte dimension économique. Certes, la TVA a tendance à évoluer dans le même sens que la croissance, mais il peut être sain d'imaginer que les collectivités territoriales devront modérer leurs dépenses lorsque la conjoncture est moins bonne, et qu'elles bénéficieront au contraire de la croissance lorsque celle-ci repartira. En outre, on peut tout à fait imaginer de mettre une fraction des recettes affectées de côté, dans un fonds de garantie, pour faire face à une ou deux mauvaises années : ce sont des mécanismes que nous connaissons bien et dont nous savons assurer la gestion.

Je souhaiterais appeler l'attention sur un point de vigilance : la bataille est loin d'être gagnée ! Pour Bercy, la TVA est précieuse : il s'agit d'un impôt de rendement. Il va falloir que nous soyons très déterminés pour obtenir l'affectation d'une part de TVA exprimée en pourcentage du produit total, et non en euros. Cela nécessitera d'ailleurs une modification de la loi de programmation des finances publiques adoptée à l'automne.

Enfin, n'oublions pas que tout cela repose sur un pari sur la croissance : si elle est plus faible qu'attendu, le sujet sera encore plus compliqué, avec le risque d'un report des charges sur les collectivités locales. Après tout, la première baisse des dépenses des collectivités territoriales annoncée par le Gouvernement, à hauteur d'environ 13 milliards d'euros, correspond à peu près à la diminution des recettes liée à l'élargissement des exonérations de taxe d'habitation. Désormais, le Gouvernement a tranché en faveur de la suppression pure et simple de la taxe d'habitation : soyons attentifs à ce qu'elle ne se traduise pas par une contrainte encore accrue sur le secteur local.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En tant que rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », j'ai participé à la fois aux réflexions de ce groupe de travail et aux travaux du comité des finances locales et j'ai été entendu par la mission d'Alain Richard et de Dominique Bur.

Sur la question de savoir s'il était opportun ou non de prendre part à cette réforme, je pense qu'il faut être clair : nous sommes certes rentrés dans cette logique, mais a minima. Nous proposons simplement la substitution de certaines ressources, ce en quoi nous sommes d'ailleurs rejoints par d'autres - c'est plutôt bon signe !

Nous avons volontairement écarté certains sujets, qui devront être traités dans le cadre d'une réforme globale de la fiscalité locale, comme la territorialisation des ressources, l'appréciation des charges réelles des collectivités territoriales ou encore la péréquation entre elles.

Concernant la réforme que nous proposons, pour beaucoup de départements, c'est presque une chance que l'on substitue une part du produit de la CSG aux taxes sur le foncier bâti, mais cela implique que l'échelon départemental n'aura presque plus de pouvoir de taux. D'ailleurs, les droits de mutation à titre onéreux sont souvent déjà poussés au maximum, il n'y a donc plus de pouvoir de taux à ce titre. Certains évoquent un impôt local additionnel à la CSG ? Il me semble, pour ma part, difficile d'imaginer que la CSG diffère d'un département à l'autre. On a déjà vu les effets de la concurrence fiscale avec la taxe professionnelle : veut-on retomber dans les mêmes travers ?

Trois problèmes subsistent. D'abord, la question du logement social n'est pas complètement résolue, comme plusieurs intervenants l'ont déjà souligné. Ensuite, la révision des valeurs locatives reste un chantier ouvert. Je suis moins pessimiste que d'autres et j'estime que l'expérimentation n'est pas si catastrophique que cela et que l'on progresse vers un début de solution. Enfin, la répartition des ressources entre communes nouvelles et intercommunalités doit être tranchée. Il me semble que ce serait une erreur de s'éloigner de la répartition actuelle.

Pour conclure, je dirais que nos propositions ne constituent pas un « grand soir » de la fiscalité locale, mais en esquissent peut-être le prélude. Nous nous situons, je crois, dans un système de transition. Est-il besoin, aujourd'hui, de tout révolutionner ? Je ne le pense pas et suis convaincu qu'une approche mesurée doit, pour l'heure, prédominer.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Plusieurs collègues ont souligné que, dans la mesure où ils étaient opposés à la réforme du Gouvernement, ils auraient préféré ne pas avoir à prendre acte de ses conséquences. Je partage leur point de vue sur le fait que la suppression de la taxe d'habitation, qui va conduire à un abandon complet du lien entre les habitants et le financement des services publics de proximité, n'est pas opportune. Mais cette réforme a été adoptée et va être mise en oeuvre : c'est un état de fait et de droit.

Il faut donc réfléchir pour trouver des solutions pour l'avenir et ne pas s'enfermer dans les débats du passé. Nous avons ainsi, collectivement, examiné de façon pragmatique ce qui nous paraissait acceptable. Étant réfractaires à l'idée de créer de nouveaux impôts, nous avons favorisé l'affectation de ressources fiscales additionnelles. Voilà l'esprit dans lequel nous avons travaillé.

Bernard Delcros, ainsi que d'autres collègues, ont demandé à ce que la question de la répartition au sein du bloc communal soit approfondie et ont évoqué le transfert de l'ensemble du foncier bâti aux communes. Mais quid des intercommunalités à fiscalité additionnelle ?

Claude Raynal a mis en exergue l'intérêt de l'affectation d'une quote-part du produit national de l'impôt, par opposition à une TVA locale - contrairement à ce qui existe dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, où la Sales Tax est assise sur la consommation locale, son taux variant d'un État à un autre. Il me paraît en effet qu'il est bien préférable de répartir localement un produit global afin d'éviter de renforcer les disparités territoriales.

La question de la révision des valeurs locatives n'est pas encore réglée. Certains ont d'ailleurs émis des doutes sur la faisabilité d'une telle révision. Nous pourrons interroger le ministre Gérald Darmanin à ce sujet cet après-midi. Il est certain que la révision ne pourra se faire que de façon progressive - mais il faudra bien s'y mettre un jour ou l'autre.

Concernant la nécessité de compenser intégralement les exonérations, notamment en ce qui concerne les logements sociaux, je partage pleinement les préoccupations que vous avez exprimées. Aujourd'hui, les taux de compensation sont ridicules et ne s'élèvent qu'à 8,4 % pour les logements sociaux. En d'autres termes, alors que la perte de recettes atteint 435 millions d'euros, elle n'est compensée qu'à hauteur de 36 millions d'euros !

N'occultons pas le problème majeur : tout ceci est financé par une hypothétique croissance ! En l'absence de création d'un nouvel impôt ou de hausse des impôts existants, une très forte reprise économique sera nécessaire pour que la fraction de TVA compense la totalité de la perte des recettes sans pour autant créer de tension excessive sur le budget de l'État. Il va falloir un miracle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Je suis surpris que l'on démissionne ainsi en rase campagne - même si le terme est sans doute un peu exagéré. Nous acceptons de renoncer à l'autonomie financière des départements, voire des intercommunalités : il s'agit en réalité d'un changement complet de notre modèle de gestion des collectivités territoriales.

Il ne sert à rien de pousser des cris d'orfraie au sujet de la limitation de la hausse des dépenses à 1,2 % par an, puisque nous allons de toute façon nous lier les mains sur les recettes - et donc sur les dépenses. Il aurait donc fallu, au préalable, poser quelques principes fondamentaux. Comme l'a dit Charles Guené, il était interdit de penser au sein de groupe de travail : sa feuille de route et son périmètre étaient limités. Dès lors, ses propositions devraient être seulement des propositions de transition, en vue d'une réflexion à plus long terme.

Enfin, je suis très inquiet de la concentration de l'impôt sur les propriétaires : c'est le cas pour la taxe d'habitation et la taxe foncière, comme du nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI). Je lance une idée : pourquoi ne pas rendre une fraction de la taxe foncière récupérable auprès des locataires ? Une petite fraction bien sûr : il ne s'agit pas de rétablir la taxe d'habitation. Cela permettrait en outre de recréer le lien entre le contribuable local et sa collectivité.

Nous venons de transférer un impôt fondé sur les stocks - de population et de logements - vers un impôt fondé exclusivement sur les flux, c'est-à-dire sur la croissance économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je partage les analyses précédentes : avec la suppression de la taxe d'habitation, c'est aussi le lien entre les citoyens et les services publics locaux qui disparaît. Je rappelle qu'en France, le taux de propriétaires, de l'ordre de 63 %, est parmi les plus bas d'Europe : il y a donc bien une concentration accrue de l'impôt. Certes, on peut objecter que tout le monde paie, par exemple, la TVA - mais il n'y a aucun lien avec les services publics locaux, pourtant nécessaire à l'acceptabilité de l'impôt.

Nous avons formulé une critique similaire lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 : prendre de l'argent aux agences de l'eau pour l'affecter au centre national pour le développement du sport (CNDS) n'a absolument aucun sens. De même, les recours en carence intentés par l'État contre certaines collectivités pour le non-respect du minimum de 25 % de logements sociaux vont produire une recette de poche pour l'État : il serait opportun que cela finance une certaine péréquation en matière de logement social à l'échelle du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Le tableau des ressources fiscales est basé sur l'année 2015 ou 2016 selon le type de recette. Je rappelle que désormais, les départements, notamment, ne bénéficient plus que de 23,6 % de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). De la même façon, le produit de CSG est celui de 2017, et les choses vont changer en 2018. Il faut garder ces éléments à l'esprit : nous demandons une compensation sur une fraction, et non pas seulement une compensation de produit à produit.

S'agissant de l'exonération de taxe d'habitation, que se passe-t-il pour les résidences secondaires ? Je rappelle qu'il y a 30 millions d'avis pour les résidences principales, et 3,3 millions d'avis pour les résidences secondaires.

Nous parlons beaucoup d'autonomie fiscale, mais la Constitution mentionne l'autonomie financière des collectivités territoriales. D'un strict point de vue constitutionnel, cela n'implique donc pas nécessairement des impôts dont les collectivités pourraient maîtriser les taux.

Enfin, je partage les doutes de Claude Raynal quant à la capacité de l'État à compenser la baisse de la taxe d'habitation. Je pense qu'il y aura inévitablement une pression bien plus forte sur les dépenses, maintenant détachées des recettes, dans le cadre de la contractualisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

À titre personnel, je pense que la disparition de la taxe d'habitation était une mauvaise idée. La situation financière des collectivités territoriales reste délicate aujourd'hui. Cela me rappelle la suppression de la taxe professionnelle en 2010 : le résultat, quelques années après, est-il au rendez-vous ? La réponse n'est pas simple. Je pense aussi à la « vignette automobile » qui, jusqu'aux années 2000, constituait une ressource pour les départements. En bref, l'État va devoir trouver des solutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Je suis visiblement l'un des seuls ici à ne pas regretter la disparition de la taxe d'habitation.

Je partage bien entendu le consensus qui se dégage sur la taxe foncière sur les propriétés bâties. Nous ne sommes d'ailleurs pas obligés de respecter la répartition de 70 % pour le bloc communal et de 30 % pour le bloc intercommunal. Pourquoi ne pas prévoir une affectation de 100 % aux communes et trouver une autre recette liée à l'activité économique pour les intercommunalités ?

Au-delà des grands équilibres - les 10 milliards d'euros et les 13 milliards d'euros évoqués -, il faudra être vigilant à ce qui se passe au niveau de chaque territoire, où les effets sur la taxe d'habitation, d'une part, et sur la taxe foncière, d'autre part, peuvent ne pas correspondre.

La révision des valeurs locatives des locaux d'habitation est indispensable. Souvenons-nous toutefois que la révision des valeurs locatives des locaux professionnels a pris dix ans, et qu'il a fallu prévoir des planchers et des coefficients. Le sujet devient extrêmement sensible dès qu'on rentre dans les détails, car les transferts de charges sont inévitables. Nous pourrons travailler sur le sujet.

Je partage également l'idée d'explorer la piste d'une affectation d'une part de la CSG aux départements. À titre purement personnel, je dois dire que j'ai toujours été extrêmement réticent au transfert des aides sociales obligatoires aux départements. Avec la mise en place du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la recentralisation de ces aides au niveau national serait beaucoup plus logique. La réforme à venir pourrait en être l'occasion : il serait dommage de ne traiter que des ressources, et pas des dépenses.

Enfin, je partage les propos qui ont été tenus sur les taxes adossées à la taxe d'habitation - et qui disparaîtront avec elle. Je pense notamment aux taxes sur les résidences secondaires, sur les logements non occupés et sur les logements vacants. Peut-être la suppression de la taxe d'habitation pourrait-elle constituer une occasion de réfléchir à la fiscalisation de ces logements inutilisés, qu'on appelle parfois les « lits froids ». Le sujet est aussi lié à celui des plateformes de type Airbnb dans les grandes villes. Les collectivités ne doivent pas perdre ces ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Pour paraphraser Alphonse Allais, on nous demande avec ce groupe de travail de « demander plus à l'impôt et moins au contribuable ».

Il me semble qu'il manque à notre réflexion la notion de prélèvement local global. Le produit des ventes de biens et services - les tarifs des services publics locaux - représente environ 15 milliards d'euros de recettes, ce qui n'est pas négligeable par rapport aux 80 milliards d'euros de l'ensemble. Il faut les intégrer à notre réflexion, d'abord parce que cela peut représenter des recettes importantes - entre 20 % et 28 % des recettes locales, souvent davantage pour les collectivités rurales -, et ensuite parce que c'est l'un des derniers liens entre les contribuables et les services publics locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cette ressource figure bien dans le document distribué, sous la rubrique « autres ressources ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Derrière la question du lien entre le contribuable et les services publics locaux, c'est la question de l'enjeu démocratique qui est posée. C'est un élément fondamental, qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main.

J'accueille favorablement l'idée de lier les nouvelles recettes à la nature des compétences exercées - par exemple la CSG pour les compétences en matière sociale.

En revanche, je ne me satisfais pas du maintien de l'ordre établi, permis par le principe de compensation exacte des ressources existantes. La réforme de la fiscalité locale doit être l'occasion d'aller plus loin en matière de péréquation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

On ne peut que regretter la suppression de la taxe d'habitation, mais une fois la décision prise, il faut trouver une solution pour compenser la perte de recettes du bloc communal. Je note d'ailleurs que l'hypothèse d'une croissance de 4 milliards d'euros en cinq ans du produit de la taxe d'habitation semble excessive...

Je ne suis pas très favorable au transfert de fractions d'impôts nationaux au bloc local. Je souscris au transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, à condition de réviser les valeurs locatives ; mais pour l'intercommunalité, il pourrait leur être attribué la part départementale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dans la mesure où les départements n'ont plus la compétence économique. L'architecture globale serait ainsi simplifiée. Le groupe de travail pourrait étudier cette hypothèse.

Enfin, il me semble qu'il faut également se pencher sur la question de la redevance audiovisuelle, qui figure aujourd'hui sur la feuille d'imposition de la taxe d'habitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je rappelle tout d'abord que le transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties au niveau communal ne pose pas de difficulté importante techniquement, il en a déjà été fait ainsi en 2010 pour la taxe d'habitation.

Le travail que je vous ai présenté est un rapport d'étape, qui présente un scenario pragmatique. Les finances locales dans leur ensemble sont à bout de souffle : les exonérations se multiplient, les dotations sont réparties d'une façon qui interroge et la péréquation est censée corriger cela à la marge. On n'y comprend plus rien ! Il faut tout revoir, tout remettre à plat. Mais à ce stade, dans le temps imparti, le seul objectif du groupe de travail a été de trouver une modalité satisfaisante de compensation. La perte du lien entre le citoyen et le financement des services publics me semble le principal inconvénient. Faut-il, comme le propose Jérôme Bascher, remettre une partie de la taxe foncière à la charge des locataires, comme c'est le cas aujourd'hui pour la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ? Tout est possible, mais cela revient malgré tout à recréer une forme de taxe d'habitation.

Christine Lavarde évoquait la lisibilité pour le contribuable : aujourd'hui, quand il achète des pommes, le contribuable finance déjà les collectivités territoriales, en s'acquittant de la TVA qui finance la dotation globale de fonctionnement. Je rappelle en effet que la fiscalité directe locale ne représente que la moitié des ressources du bloc communal.

Je le répète, ce scenario n'est pas le meilleur, mais le moins mauvais. Ce que nous devons absolument exclure c'est une compensation par des dotations. Il vaut mieux une fraction d'impôts nationaux. Il y a encore des sujets à travailler et j'ai bien entendu le souhait d'étudier la répartition de la compensation entre communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le transfert de la part départementale de la CVAE n'a pas été étudié à ce stade, les départements perdant déjà le foncier bâti. Dans le cadre d'une refonte totale des finances locales, nous pourrions étudier cette piste, mais aujourd'hui la solution la plus acceptable me semble être celle que je vous ai présentée. Les communes conservent un lien direct avec le contribuable à travers le foncier bâti et une augmentation de la population qui implique par exemple de construire des écoles - et impliquera bien une hausse des ressources fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Les 19 et 20 février derniers s'est tenue à Bruxelles la conférence interparlementaire semestrielle sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l'Union européenne - que nous appelons plus communément « conférence de l'article 13 » du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Fabienne Keller et moi-même étions présents pour représenter le Sénat français.

La création de cette conférence visait à permettre un contrôle par les Parlements nationaux des modalités de la mise en oeuvre des règles de gouvernance budgétaire en Europe. Cependant, les discussions abordent plus largement les sujets financiers et institutionnels d'actualité de l'Union européenne.

Je voudrais souligner l'importance des échanges entre représentants des parlements nationaux, ainsi que la qualité des rencontres avec les membres des institutions européennes. Des membres de la Commission européenne sont en effet intervenus lors de plusieurs tables rondes pour présenter l'action conduite par la Commission. C'est ainsi que nous enrichissons notre réflexion et que nous construisons ensemble le projet européen.

Cependant, je rappelle les interrogations déjà exprimées par notre commission des finances s'agissant de la portée réelle de cette conférence. Les travaux sont organisés de telle manière que l'on assiste, à quelques exceptions près, à une succession d'interventions sans véritables échanges tandis que le message politique de la conférence est amoindri faute d'adoption de conclusions au terme des deux jours de réunions.

Quel est le bilan de la conférence de Bruxelles, où une centaine de parlementaires nationaux étaient présents ?

Le Parlement européen et l'Assemblée nationale de la République de Bulgarie, chargés de l'organisation, avaient inscrit quatre thèmes à l'ordre du jour : les priorités politiques du semestre européen, l'avenir de la politique fiscale de l'Union européenne, l'avenir de l'Union économique et monétaire et le prochain cadre financier pluriannuel post-2020. Fabienne Keller et moi-même sommes intervenus en séance, respectivement sur les priorités politiques du semestre européen et sur l'union bancaire.

À l'occasion de la séance plénière inaugurale sur les priorités politiques du semestre européen, il a été souligné le caractère charnière de l'année 2018. Marianne Thyssen, commissaire européenne chargée de l'emploi et des affaires sociales a en effet rappelé que si plusieurs indicateurs macroéconomiques témoignaient d'une reprise, la situation de l'emploi reste hétérogène et dégradée par rapport à 2008.

Les discussions se sont ensuite orientées sur la nécessité de conduire des réformes structurelles de façon coordonnée pour améliorer la résilience de l'Union européenne. Cette question a soulevé des débats à propos de l'accompagnement des États membres dans la mise en oeuvre de ces réformes. Dans son examen annuel de croissance sur le « paquet d'automne » du semestre européen publié en novembre 2017, la Commission européenne recommandait une orientation budgétaire globalement neutre au niveau de la zone euro. Elle relevait également la nécessité de réduire les déséquilibres entre États membres. Cette recommandation a suscité des prises de position divergentes de plusieurs représentants de parlements nationaux, certains parlementaires espagnols et portugais en particulier regrettant le manque de réalisme des ajustements demandés par la Commission européenne.

À cette occasion, notre collègue Fabienne Keller a insisté sur la nécessité, pour la France, de sortir du volet correctif de la procédure pour déficit public excessif dès le printemps 2018, ainsi que sur l'opportunité conjuguée du fin de cycle électoral et de reprise économique pour mener à bien plusieurs projets, à commencer par l'approfondissement de l'union des marchés de capitaux et la finalisation de l'union bancaire.

C'est sur ce projet que je suis intervenu, rappelant les travaux de notre commission pour concilier la définition d'un cadre commun et la préservation des spécificités françaises. J'ai en particulier indiqué que l'union bancaire ne peut fonctionner que si la réduction et le partage des risques vont de pair. Cet indispensable équilibre guidera les négociations en cours sur le système européen de garantie des dépôts.

Cette intervention faisait suite aux propositions de la Commission européenne de décembre 2017. La feuille de route présentée envisage un calendrier résolument ambitieux, fixant le cadre de l'action de la Commission européenne d'ici la fin de son mandat.

S'agissant de l'union bancaire, les échanges à Bruxelles ont toutefois montré que de nombreuses difficultés persistent, tant pour la question des créances douteuses que pour la mise en place d'un système européen de garantie des dépôts.

S'agissant plus largement de la résilience et de la coordination au sein de l'Union économique et monétaire, les débats se sont principalement cristallisés autour de la transformation du Mécanisme européen de stabilité (MES) en un Fonds monétaire européen (FME). Cette évolution a fait l'objet d'une proposition législative de la Commission européenne en décembre dernier. Le Fonds monétaire européen pourrait intervenir, comme le Mécanisme européen de stabilité, en cas de difficultés financières d'un État membre de la zone euro. Surtout, il assurerait la fonction de filet de sécurité du fonds de résolution unique, le deuxième pilier de l'union bancaire. À ce stade, les échanges sont restés très généraux, et ont surtout mis en évidence les divergences entre les parlements nationaux sur la question du transfert au Fonds monétaire européen (FME) de la capacité de surveillance budgétaire actuellement assurée par la Commission européenne.

Les sujets fiscaux ont également occupé une place importante dans nos échanges. Plusieurs dossiers ont été abordés : la lutte contre l'évasion fiscale, les propositions de refonte du régime TVA, la fiscalité du numérique et l'évolution des discussions sur le projet d'assiette commune, puis consolidée, d'impôt sur les sociétés.

Je me concentrerai plus particulièrement sur ces deux derniers sujets. Comme vous le savez, un débat existe entre États membres sur la manière d'appréhender fiscalement les géants du numérique. L'été dernier, à l'initiative de la France, quatre États membres (France, Allemagne, Italie et Espagne) ont appelé à la création d'une taxe sur le chiffre d'affaires, recevant ensuite le soutien de quinze autres États membres. Cette proposition n'est pas partagée par l'ensemble des États, en particulier l'Irlande et les Pays-Bas qui ne souhaitent pas la mise en place d'une taxation spécifique. Telle est également la position du Parlement européen. La commission ECON s'apprêtait à adopter la même semaine les rapports des deux rapporteurs sur les propositions de directives ACIS/ACCIS. Des amendements au projet d'ACCIS visant à compléter la définition d'établissement stable pour prendre en compte les activités numériques ont été adoptés par la commission.

C'est dans ce cadre que j'ai interrogé Valère Moutarlier, responsable de direction générale de la fiscalité et des douanes de la Commission européenne en charge de ces dossiers. La Commission européenne présentera le 28 mars prochain une proposition relative à la fiscalité des entreprises du numérique. Il m'a confirmé que deux axes devraient être retenus. D'abord, une solution de court terme avec une taxation spécifique qui pourrait reposer sur les revenus tirés par ces entreprises de l'utilisation des données personnelles des utilisateurs. Ensuite, une solution de moyen terme, consistant en un amendement du projet ACCIS, avec la définition d'un critère spécifique permettant d'appréhender les activités numériques. Nous suivrons avec attention ces propositions. Nul doute que nous y travaillerons très prochainement.

En dernier lieu, les discussions ont porté sur les priorités politiques et les grands équilibres du prochain cadre financier pluriannuel.

Deux facteurs doivent être pris en compte. Le retrait du Royaume-Uni des contributeurs modifie les équilibres, tandis que l'apparition de nouvelles priorités au cours du cadre financier pluriannuel 2014-2020 montre la nécessité d'une flexibilité accrue du cadre financier.

Ainsi, la Commission européenne a rappelé son souhait de parvenir à un accord politique avant les élections européennes de mai 2019. Elle devrait présenter un premier projet en mai prochain. Les discussions ont toutefois mis en évidence l'âpreté des négociations qui s'ouvrent, en particulier concernant l'évolution des montants consacrés à la politique agricole commune et à la politique cohésion. Je vous rappelle qu'un groupe de travail commun à notre commission des finances et à la commission des affaires européennes, dont sont membres Patrice Joly, Fabienne Keller, Jean-François Rapin et Claude Raynal, a été créé pour suivre ces négociations.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous avons arrêté le 31 janvier dernier notre programme de contrôle pour 2018. Depuis lors, Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux de la mission « Action extérieure de l'État » ont souhaité engager des travaux sur le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Jacques Genest, rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » a quant à lui souhaité engager des travaux sur la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques.

Je vous propose d'ajouter ces sujets à notre programme.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11 h 20.