Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 30 janvier 2019 à 14h10

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 14 h 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

C'est un vrai plaisir d'accueillir aujourd'hui parmi nous Stéphane Bern pour qu'il nous présente le bilan de la mission que lui a confié le Président de la République sur le patrimoine.

Nous tenons exceptionnellement notre réunion dans la salle de la commission des finances du Sénat, ce qui est tout à fait symbolique. Déjà, parce que c'est une salle qui met à l'honneur le patrimoine français, avec six tapisseries des Gobelins datant du XVIIIe siècle, quatre provenant de la série des Portières des Dieux et deux faisant partie de la tenture de l'histoire de Don Quichotte. Mais aussi parce que c'est à l'initiative de la commission des finances que le Sénat a voté en novembre dernier un amendement au projet de loi de finances pour 2019 exonérant le Loto du patrimoine des taxes habituellement prélevées par l'État sur les jeux et loteries de la Française des jeux, disposition sur laquelle l'Assemblée nationale est malheureusement revenue en nouvelle lecture.

Nous nous félicitons que vous soyez parvenu à mettre en place ce jeu de loterie pour le financement du patrimoine. Des ressources complémentaires sont nécessaires. Notre commission sollicitait la création d'un tel jeu depuis plus d'une dizaine d'années. Nous entendrons d'ailleurs la semaine prochaine Guillaume Poitrinal pour tirer avec lui également le bilan de cette première édition. Vous savez que notre commission a à coeur de sauvegarder notre patrimoine. Nous avons joué un rôle actif en ce sens, tant au cours de l'examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dont Jean-Pierre Leleux fut l'un des rapporteurs, que de celui du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Je vous cède la parole sans plus attendre.

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre invitation, à laquelle j'ai répondu d'autant plus volontiers que je sais qu'il n'y a parmi vous que d'ardents défenseurs du patrimoine, dans l'exercice de votre mandat au Sénat comme dans vos territoires. Votre combat récent pour obtenir l'exonération des taxes applicables au Loto du patrimoine ne m'a pas échappé. Ma ténacité me laisse espérer que les lignes puissent encore bouger.

La cause du patrimoine est essentielle. Elle va bien au-delà d'une simple question culturelle. Le patrimoine constitue une part de notre identité - une identité, qui plus est, sereine, non-hystérisée. Il contribue à la cohésion sociale et au développement économique de nos territoires. C'est pourquoi j'ai accepté avec beaucoup d'enthousiasme la mission que le chef de l'État m'a confiée. J'y ai aussi vu une occasion de rééquilibrer le décalage actuel dans le montant des crédits octroyés, d'une part, aux projets menés à Paris et dans les grandes villes et, d'autre part, à ceux conduits dans les zones rurales. Je ne remets pas en cause la nécessité de lancer des travaux de modernisation du Grand Palais, par exemple, mais il faut avoir à l'esprit que la décision d'octroyer 460 millions d'euros de crédits étatiques pour ce projet n'est pas toujours aisément comprise dans les territoires, auxquels on oppose la difficulté à réunir 20 millions d'euros pour la restauration des églises rurales.

La première partie de ma mission consistait à recenser le patrimoine en péril. Forts de l'idée que tous les Français sont les dépositaires du patrimoine, nous avons décidé de réaliser ce recensement en nous appuyant, non sur les services des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) qui en sont traditionnellement chargés, mais sur la création d'une plateforme participative. Nous avons reçu 2 000 signalements, qui nous ont permis d'identifier 269 sites auxquels apporter une aide. Plusieurs signalements portaient sur les mêmes sites. Nous n'avons pas soutenu les sites signalés dont les propriétaires se sont révélés défaillants, car nous ne pouvons pas aider les propriétaires qui ne veulent rien faire en faveur de leur patrimoine.

Nous avons privilégié dans la sélection les projets portés par des collectivités territoriales. Les députés nous invitent, pour la prochaine édition, à accroître la part de projets sélectionnés appartenant à des propriétaires privés dans le cadre de la mission flash sur la première évaluation du Loto du patrimoine, dont les conclusions ont été rendues la semaine dernière. Mais, je me suis rendu compte des problèmes d'ingénierie administrative rencontrés par les communes dans les zones rurales. Beaucoup de collectivités territoriales n'avaient pas sollicité les DRAC pour leur patrimoine en péril, faute soit de connaître les aides existantes ou soit de parvenir à constituer un dossier de subvention. Il y a un vrai besoin de développer l'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour les petites communes. Il faut soutenir les collectivités dans la protection de leur patrimoine.

Les projets sélectionnés représentent toute la diversité du patrimoine de la France. Nous ne nous sommes pas limités aux églises et aux châteaux, mais avons également sélectionné des projets qui sont des témoignages du patrimoine vernaculaire, du patrimoine du XXe siècle, du patrimoine industriel. Les sites archéologiques ou les maisons des illustres n'ont pas été oubliés.

Évidemment, nos propositions ont été soumises aux DRAC pour nous assurer que rien ne nous avait échappé. Je ne me suis pas caché d'avoir eu, dans les premiers temps de ma mission, des relations difficiles avec les services du ministère de la culture, qui craignaient sans doute une volonté de ma part de me substituer à la puissance publique. Les conflits se sont ensuite apaisés.

Les propositions ont ensuite été soumises à un comité de sélection. À l'origine, il nous avait été demandé de ne retenir parmi elles que 100 à 150 monuments. Compte tenu des besoins, je me suis battu pour que tous les dossiers qui nécessitaient une aide puissent l'obtenir.

Je crois fermement que le patrimoine doit redevenir une cause nationale. Notre pays est le plus visité au monde : il est important que ses trésors soient en bon état. L'objectif de mes propositions est de créer un choc pour montrer aux Français que nous sommes tous les dépositaires du patrimoine : ce n'est pas seulement à l'État et aux propriétaires d'agir. Chacun d'entre nous peut compléter leur action.

Les niches fiscales sont régulièrement pointées du doigt. Mais que peuvent défiscaliser les propriétaires quand ils n'ont de toute façon pas le premier euro pour lancer des travaux de restauration, même s'il est vrai que ceux-ci peuvent ouvrir droit à la possibilité d'en déduire le montant. Sans compter que la mise en place du prélèvement à la source s'est traduite par une véritable année blanche, qui a conduit de nombreux propriétaires à différer leurs travaux. Les effets sur les entreprises de restauration du patrimoine s'en sont fait sentir. J'ai d'ailleurs apporté mon soutien au Groupement des monuments historiques (GMH) sur ce point.

Les propriétaires sont exsangues.

Nous avons soumis notre liste au comité de sélection et privilégié volontairement les petites collectivités qui ne savent plus comment restaurer leur patrimoine : 64 % des projets sélectionnés relèvent de collectivités publiques, 25 % de propriétaires privés et 11 % d'associations.

J'ai travaillé en étroite collaboration avec le chef de l'État, son épouse, la Fondation du patrimoine mais surtout avec la Française des jeux. Nous nous sommes inspirés de la National Trust Lottery britannique mais aussi d'exemples historiques français : Louis XV avait eu cette intuition et je rappelle que le musée des Beaux-Arts de Valenciennes a été édifié grâce à un loto local. Nous avons heureusement dépassé les vieux débats séculaires sur les jeux d'argent !

Aujourd'hui, 86 % des Français adhèrent à l'idée d'un loto dédié au patrimoine et notre tirage a connu un véritable succès avec 30 % de tickets supplémentaires vendus par rapport à un tirage normal. Les tickets de grattage ont connu également un beau succès. J'ai personnellement rencontré l'une des gagnantes qui avait souhaité faire un geste pour le patrimoine de son pays et qui peut désormais financer ses études grâce au million et demi d'euros qu'elle a empoché. Quant au gagnant des 13 millions d'euros, il s'agit d'un homme qui a consacré sa vie à restaurer des églises locales et qui n'était jamais monté à Paris !

Sachez que 73 % des sommes collectées sont reversées aux joueurs. Sur les 15 euros que vaut un ticket à gratter, 1,5 euro est destiné à la Fondation pour le patrimoine. Mais, par ailleurs, 1,04 euro alimentent les caisses de l'État via les taxes. J'aurais souhaité que toute la « part de l'État » soit affectée au patrimoine et je remercie le Sénat d'avoir voté l'exonération des taxes sur ce loto exceptionnel et philanthropique. Malheureusement, l'Assemblée nationale ne vous a pas suivis. Je tiens toutefois à rendre hommage à Franck Riester qui a permis de compenser ce manque à gagner par un dégel de 21 millions d'euros de crédits via les DRAC. Mais le dispositif n'est pas vraiment équivalent et les circuits sont plus longs et plus complexes. Certains propriétaires s'en plaignent.

J'observe par ailleurs qu'au Royaume-Uni, c'est cette exonération qui a permis de pérenniser le jeu de loterie mis en place en faveur du patrimoine ; c'est donc, à mon sens, une erreur de les maintenir.

Je peux désormais vous donner les résultats de la première année de la mission patrimoine. Au total 47 millions d'euros ont été récoltés dont 21 millions provenant des crédits dégelés, 22 millions du Loto du patrimoine et 5 millions du mécénat. Cette somme a été allouée à des monuments de tous types : des églises, des ponts, des lavoirs, des fontaines, etc. Je vais désormais me déplacer en France pour constater les rénovations amorcées grâce à la mission patrimoine et soutenir les personnes engagées dans la restauration de nos monuments.

La couverture médiatique importante de la mission est également à souligner, la presse quotidienne régionale a été très attentive à notre travail et jamais on n'a autant parlé du patrimoine que durant le Loto du patrimoine. Un véritable élan a été donné, il s'agit désormais de ne pas le laisser retomber. Si plusieurs questions se posent concernant la part du coût du ticket revenant réellement au patrimoine ou bien le prix du ticket, il est important de souligner ces points très encourageants.

Le Loto du patrimoine a également rapporté à la Française des jeux et je rappelle que je suis le seul à n'avoir rien gagné. Je suis d'autant plus objectif devant vous que je ne suis pas rémunéré pour ce travail, si ce n'est par la reconnaissance du public et la relation de confiance que j'ai établie avec les maires que j'ai rencontrés.

Pour 2019 - année 2 du Loto du patrimoine - je souhaite tout d'abord encourager le mécénat en allant directement rencontrer les entreprises et je vous demande d'envisager une augmentation du plafond du mécénat d'entreprise, surtout celui des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire. En agissant sur le territoire, les entreprises gagnent en visibilité grâce à la presse quotidienne régionale et la fierté des salariés.

Enfin, les besoins en financement sont encore importants, de nouveaux monuments en péril sont régulièrement inscrits sur la plateforme, tandis que certains propriétaires de monuments ayant reçu le financement demandé en 2018 pour une première tranche, demandent en 2019 le financement pour une deuxième tranche et nous n'allons pas les abandonner.

D'autres idées peuvent également être développées : avec Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, nous avons initié un comité de pilotage afin d'essayer de transformer des bâtiments historiques, appartenant à l'État ou à des collectivités territoriales, de centres-villes et centre-bourgs en Relais de France. En effet, selon moi il ne s'agit pas seulement de sauver les murs mais de leur donner une nouvelle vocation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci pour votre enthousiasme contagieux. Vous avez parlé des dispositifs de défiscalisation encourageant les entreprises à investir dans le patrimoine. Alain Schmitz interviendra plus tard sur ce sujet ; il a rédigé au nom de notre commission un rapport faisant un état des lieux des questions de mécénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nachbar

Je voudrais faire une remarque qui complète les propos déjà tenus. Il y a une quinzaine d'années, Philippe Richert et moi-même avions remis un rapport sur le financement du patrimoine et avions déjà proposé la création d'un loto du patrimoine à l'instar de ce qui existait déjà en Angleterre et en Italie à l'époque. Les services de l'État avaient alors reconnu l'intérêt de la mesure tout en la jugeant irréalisable. Je vous félicite donc d'avoir réussi à imposer la mise en place de ce Loto du patrimoine. Mes questions porteront sur son avenir. D'une part, j'ai lu que son champ d'application pourrait être élargi au patrimoine mobilier. Est-ce vraiment réaliste ? Par ailleurs, ne serait-il pas opportun d'associer davantage les assemblées régionales qui financent déjà le patrimoine classé et non classé ? Enfin, permettez-moi de vous féliciter pour cette initiative qui a permis, cette année, de financer de belles opérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Schmitz

Je voudrais apporter deux témoignages. D'abord, vous avez évoqué l'importance de l'ingénierie départementale : c'est ce que j'ai pu mettre en place dans les Yvelines. En effet, les communes n'ont pas les moyens suffisants pour monter les dossiers. Il faut donc inciter chaque département à développer cette ingénierie au service des communes. Dans les Yvelines, nous avons innové en instaurant un « carnet de santé » pour chaque monument qui décrit la nature des travaux nécessaires à sa pérennité et qui est pris en charge par le département.

Ensuite, je souhaite vous rendre hommage pour votre capacité non seulement à mobiliser les citoyens français autour de leur patrimoine, mais également à débloquer des dossiers jugés jusqu'à présent inextricables. L'un des exemples emblématiques est la villa Viardot, dans laquelle vous vous êtes déplacé à plusieurs reprises, notamment avec le Président de la République et son épouse à l'occasion des journées du patrimoine en 2018. Or, cette villa était au coeur d'un imbroglio politico-administratif dans la mesure où elle est la propriété de la commune de La Celle-Saint Cloud mais est située sur la commune de Bougival. Or, vous avez réussi à débloquer la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Je voulais vous remercier pour l'action que vous menez en faveur du patrimoine et en profite pour rendre hommage à tous les bénévoles de la Fondation du patrimoine qui ne comptent pas leur temps pour défendre nos monuments et qui aident les communes et les propriétaires à monter des dossiers. Je voudrais évoquer les directions générales des affaires culturelles (DRAC) qui concentrent leurs efforts sur les bâtiments classés, ce qui fait qu'un certain nombre de monuments échappe à leur attention. Par ailleurs, si j'ai bien compris, 47 millions d'euros ont été collectés, pour des besoins évalués à 54 millions d'euros. Au-delà des 269 projets retenus, d'autres projets ne risquent-ils pas d'être mis de côté ? Enfin, quand aura lieu la prochaine sélection et quelle sera la composition de la commission ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Je partage tout à fait votre opinion quant au rôle des assemblées territoriales. Il faut qu'on revienne vers le local. D'ailleurs, le but de ma mission était de réconcilier les Français avec leur ruralité ; il ne faut pas oublier que la moitié du patrimoine se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants. C'est ce qui fait vivre des villages entiers, avec l'ouverture d'une auberge et de commerces autour de ce monument. Les assemblées territoriales ont donc leur rôle à jouer en nous aidant à convaincre les maires de l'importance de valoriser le patrimoine de leurs communes. C'est la raison pour laquelle je me suis opposé à certaines dispositions de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) qui s'en remettait au « bon goût » du maire. Il est trop facile de dire « le monument était vétuste, il a fallu le détruire ». Habiter dans un immeuble historique rénové, cela ne doit pas être réservé aux « bobos ». C'est ce message que doivent passer les assemblées territoriales aux maires : les lotissements, c'est bien, mais il faut également préserver vos centres-villes et vos centres-bourgs. Cela signifie aussi leur apporter l'aide administrative dont ils ont besoin pour monter les dossiers de subvention.

En ce qui concerne la subvention au mobilier, il revient plutôt à l'État d'assurer la sauvegarde des biens mobiliers. Toutefois, je souhaiterais attirer votre attention sur ce que je considère comme une anomalie. En France, les oeuvres d'art sont exonérées de toute taxe, mais on ne tient pas compte de leur environnement. Or, les oeuvres d'art sont souvent exposées dans des châteaux, qui ne bénéficient d'aucune exonération. Ce n'est pas un hasard si la France est le pays d'Europe où il y a le plus de châteaux à vendre. Les familles n'arrivent plus à les entretenir. Il y aurait donc des dispositions à prendre - exonération de droits de succession et de taxe d'habitation - au bénéfice de certains patrimoines. Bien sûr, il faudrait fixer des critères, telles que l'ouverture au public ou la présence en zone rurale, afin d'éviter que les propriétaires d'hôtels particuliers parisiens bénéficient également de ce dispositif. Mais une telle disposition permettrait de faciliter l'entretien de notre patrimoine national. Il revient à l'État d'assurer l'entretien du patrimoine. Comme il n'y parvient pas, il fait porter cette charge sur les familles et cette exonération est en quelque sorte une compensation de la part de l'État de ne pas assurer son rôle.

Il me semble également qu'il faudrait davantage se tourner vers les présidents des entreprises de taille intermédiaire. Non seulement ils ont de l'argent, mais en outre ils ont ce sens de la transmission. Ils seraient donc prêts à faire plus pour le patrimoine.

En ce qui concerne le comité de sélection qui se tiendra en 2019, la plateforme internet est déjà ouverte sur laquelle peuvent être déposées toutes les candidatures. Ensuite, une première sélection sera réalisée par les DRAC et le ministre de la culture puis transmise pour examen au comité de sélection. Celui-ci est composé du ministre de la culture, du directeur général du patrimoine, du président de la fondation du patrimoine, de sa directrice générale et de la Française des jeux. La Monnaie de Paris pourrait également en faire partie. En effet, celle-ci m'avait demandé de créer une collection de pièces de monnaie qui rappelle les grandes dates de l'histoire de France. Au dos de ces « pièces d'histoire », il a été prévu de mettre en valeur le patrimoine numismatique de la Monnaie de Paris (sesterces, louis, etc). En contrepartie de ma collaboration, j'ai demandé à ce que pour la vente de toute pièce, un euro soit reversé au profit de la mission sur le patrimoine, ce qui permettrait de récolter près d'un million d'euros.

Le comité de sélection devrait se réunir fin février, puis présenter les dossiers qu'il a retenus au Président de la République. Je tiens à souligner que la procédure de sélection est très rigoureuse : chaque monument fait l'objet d'une fiche dans laquelle sont décrits son état de péril ainsi que les besoins de financement. Par conséquent, la sélection est toujours très consensuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous avons été plusieurs au Sénat à afficher notre préoccupation concernant la fiscalité du patrimoine bâti. J'ai moi-même, comme Vincent Éblé, président de la commission des finances, déposé un amendement visant à prévoir une exonération partielle de l'impôt sur la fortune immobilière pour les propriétaires de monuments historiques. Ces amendements n'ont finalement pas été retenus. Il nous faudra y revenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Merci pour votre action en faveur du patrimoine. Si vous en avez l'occasion, pourriez-vous attirer l'attention du Président de la République sur la situation des architectes des bâtiments de France (ABF) qui se trouvent démunis face à la charge de travail qui pèse sur eux ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Je l'ai fait, publiquement et en privé ! J'ai dit au chef de l'État ainsi qu'à son épouse à quel point les ABF remplissaient un rôle important et aidaient les maires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Merci également pour votre position sur la loi ELAN.

La protection du patrimoine est un enjeu majeur pour les collectivités territoriales, en particulier pour les communes rurales. Le patrimoine représente pour elles un atout essentiel notamment du point de vue économique.

Le premier loto du patrimoine a été un succès. Ne craignez-vous pas que la polémique sur la part des gains de ce loto captés par l'État sous forme de taxes ne dissuade les joueurs à l'avenir ? Par ailleurs, la privatisation de la Française des jeux prévue par le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) peut-elle selon vous remettre en cause le loto du patrimoine ?

Un rééquilibrage entre la part des gains versée aux joueurs et celle qui va au patrimoine peut-il être envisagé ? Au-delà du loto, d'autres idées ou solutions innovantes en faveur du patrimoine ont-elles émergé dans le cadre de votre mission ? Enfin, quelles ont été les réactions au versement des premières sommes issues du loto, trop réduites aux yeux de certains ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Sur ce dernier point, je peux vous préciser qu'il est possible de bénéficier de crédits supplémentaires. La déception de certains peut donc être momentanée.

Nous avons l'assurance que les taxes prélevées par l'État dans le cadre du Loto du patrimoine 2019 seront bien reversées au profit du financement de la protection du patrimoine. En revanche, nous allons devoir mener bataille pour que cette opération soit renouvelée à partir de 2020, car actuellement l'engagement du ministère des finances sur le loto ne porte que sur les années 2018 et 2019.

Le rééquilibrage entre gains des joueurs et fonds versés au profit du patrimoine pourra faire l'objet de discussions. Il dépend de la Française des jeux qui a le souci de maintenir l'attractivité de sa loterie.

Outre le loto, je me suis efforcé de faire converger vers la mission d'autres projets qui contribueront au financement du patrimoine : les pièces de collection de la Monnaie de Paris dont j'ai déjà parlé, la vente d'un carnet de timbres spéciaux par La Poste, enfin un livre qui réunira les textes de trente grands écrivains dont les droits d'auteur seront reversés.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le patrimoine industriel du XIXe et du XXe siècles est paradoxalement le plus fragile et le moins protégé. Dans le département des Hauts-de-Seine dont je suis l'élu, plusieurs sites comme l'ancienne école d'architecture modulaire de Nanterre ou la Gare Lisch située à Asnières sont quasiment voués à la destruction car trop endommagés. Au contraire de l'Allemagne ou du Royaume-Uni, la France ne valorise pas suffisamment ce patrimoine. Quelle est votre perception de cette question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur Bern, j'ai rajeuni grâce à vous... Je suis en effet un ancien conservateur du patrimoine et les problématiques que vous évoquez sont les mêmes que celles que j'appréhendais lorsque j'étais étudiant à l'École nationale du patrimoine. Par votre démarche, vous participez à l'approfondissement de la culture patrimoniale française.

Je m'interroge sur la capacité de l'État et des collectivités à développer des outils de recensement efficaces du patrimoine. La base « Mérimée » existe ; elle compte environ 200 000 fiches mais beaucoup de monuments n'y sont pas inscrits. Je me souviens que le service de l'État dédié à l'inventaire des monuments historiques a été confié aux régions. Continuent-elles ce travail essentiel voulu à l'origine par André Malraux ? Je voudrais également savoir si les services de la DRAC à partir des déclarations effectuées auprès de la mission ont pu identifier quels types de patrimoine étaient évoqués par rapport à ce qui est déjà connu ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

J'ai un égal intérêt pour le patrimoine des XIXe et XXe siècles et le plus ancien. Je me suis ainsi battu pour la Maison du peuple à Clichy ou le château Rothschild à Boulogne qui date du XIXe siècle.

La constitution des nouvelles régions, plus vastes, complique la tâche des DRAC en matière d'inventaire : elles doivent couvrir un territoire plus étendu alors même qu'elles connaissent une baisse d'effectifs. Certes, nous n'en sommes plus à l'époque de Mérimée qui parcourait la France à cheval. Nous disposons aujourd'hui, avec les plateformes participatives, de moyens modernes pour faire remonter l'information. Le travail réalisé dans le cadre de la mission autour des signalements qui nous ont été adressés ne doit pas échapper aux services de l'État. Il ne doit pas y avoir de substitution ! De la même façon que le ministère de la culture a sanctuarisé le budget du patrimoine, celui-ci doit réactiver d'urgence les services de l'inventaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

On peut se réjouir que plus de 40 millions d'euros soient consacrés à une cause déterminée. Grâce à vous et à ce Loto du patrimoine on n'a jamais autant parlé du patrimoine. Il y a des petites communes qui ont de petits budgets. Je regrette la disparition de la dotation d'action parlementaire qui permettait d'aider ces petites communes dans le cadre de procédures simplifiées. Certains maires ont fait grise mine fin décembre en découvrant le montant des aides. Il faut faire preuve de pédagogie. C'était une première expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Vous nous apportez un rayon de soleil. Je salue votre passion pour défendre le patrimoine ainsi que vos « coups de gueule » afin d'obtenir l'exonération des taxes sur le Loto du patrimoine. Vous vous êtes rendu en avril dernier à la collégiale Notre-Dame de Vernon dans l'Eure qui doit bénéficier des crédits qui ont été alloués aux sites normands. Le maire de Beauficel-en-Lyons a pour sa part été déçu de ne pouvoir bénéficier que de 12 000 euros pour rénover l'église dont le montant total de la rénovation s'élève à 1 million d'euros. L'église de Saint-Martin qui a entrepris des travaux pour 73 000 euros bénéficiera quant à elle de 37 000 euros d'aide.

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette différence. Concernant les bâtiments qui sont classés au titre des monuments historiques, une part des aides peut être versée sur les crédits « dégelés ». Par ailleurs, une règle a été établie qui conditionne l'attribution de l'aide au montant qui aura pu être déjà mobilisé par les élus. Peut-être que cette règle n'a pas été comprise. Mais sachez que nous ne laisserons pas tomber ce maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Certains dossiers ont été aidés à la fois par le Loto du patrimoine et par la DRAC. Mais il n'y a effectivement pas eu de communication officielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Les maires sont très conscients de leur patrimoine. En Essonne, par exemple, de nombreux panneaux ont été érigés dans le département afin de permettre aux habitants de s'approprier leur patrimoine. Concernant la Française des jeux, dans la perspective de sa privatisation totale avez-vous obtenu des garanties concernant l'avenir du Loto du patrimoine ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Les représentants de la Française des jeux ont signé une convention de deux ans. Par ailleurs, il faut rappeler que le Loto du patrimoine a eu un impact très positif sur les résultats de la Française des jeux en 2018.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Il s'est vraiment passé quelque chose cette année dans la conscience de nos concitoyens. Après les journées du patrimoine, le Loto du patrimoine a donné une dimension collective à cette préoccupation qu'il va falloir amplifier. Nous pouvons avoir beaucoup d'espoir pour l'avenir, alors que les ressources de la Fondation du patrimoine étaient en baisse, suite à la transformation de l'ISF en IFI et à la mise en place du prélèvement à la source.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je suis, pour ma part, très inquiète des propos tenus par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur le Loto du patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Manable

Je partage le souci des collègues concernant la privatisation de la Française des jeux. Je vous adresse mes remerciements pour l'aide de 12 000 euros dont a pu bénéficier le château de Pont-Rémy dans la Somme.

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

Le Président de la République a compris l'importance du patrimoine. Brigitte Macron joue un rôle important car elle est convaincue que « le lieu crée du lien ». Le patrimoine peut réconcilier les Français, créer des emplois et de l'activité. Je salue l'action de Catherine Morin-Desailly qui a fait beaucoup et dont j'ai pu voir les effets de sa volonté.

J'ai été très choqué par les propos du rapporteur général de l'Assemblée nationale. Je ferai valoir mon opposition s'il tente de revenir sur le Loto du patrimoine et les dispositifs en faveur du mécénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Vous êtes un observateur avisé des institutions locales et vous n'ignorez pas que bien souvent, l'ingénierie des projets est très complexe à mener pour les petites communes. Sur 21 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans l'Oise, un seul, Les Sablons, a souhaité exercer la compétence du patrimoine. Les résultats ont été probants puisque tout le patrimoine a été rénové, un musée créé et de nombreuses initiatives menées, entrainant un cercle vertueux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Je souligne la pertinence de vos propos sur les ruralités qui constituent des espaces très divers. Vous avez identifié 269 sites à rénover, avez-vous une idée du coût des opérations ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

54 millions d'euros seront nécessaires pour mener à bien les opérations prévues. Nous devrions y parvenir alors même que dans le même temps les DRAC commencent à débloquer les fonds. L'émission sur le patrimoine que j'ai présentée après le journal de 20 heures sur le service public et a été vue par plus de 3 millions de personnes chaque soir. Cela participe de la connaissance du patrimoine, notamment en milieu rural. En ce qui concerne la complexité des dossiers à monter, je suis persuadé de l'intérêt d'associer localement toutes les initiatives sans oublier les régions. Il faut trouver de nouveaux moyens et de nouvelles idées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Avez-vous pu avoir des contacts avec le ministère de l'éducation nationale ?

Debut de section - Permalien
Stéphane Bern

J'ai pu rencontrer le ministre Jean-Michel Blanquer, qui est très sensibilisé à cette question de la culture « à portée de tous » qui est une manière d'appréhender la beauté, la culture de l'histoire. A titre d'exemple, ma fondation a financé il y a deux ans des « kits patrimoine » pour les élèves de l'enseignement primaire. Cette initiative a rencontré un grand succès qui traduit l'attachement des Français à leur patrimoine, leurs villages, leurs lieux de vie. Je m'insurge quand on parle de coût de la culture alors qu'il s'agit d'un investissement amplement couvert par la hausse du tourisme et l'amélioration de la qualité de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Notre commission reste mobilisée autour de ces sujets et va engager une mission sur la question des nouveaux territoires de la culture.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La commission désigne M. Max Brisson rapporteur sur le projet de loi n° 1481 (AN) sur l'école de la confiance (Procédure accélérée) (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).

La réunion est close à 16 heures.