La commission désigne M. Mathieu Darnaud et Mme Françoise Gatel rapporteurs sur le projet de loi n° 677 (2018-2019) relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
La proposition de loi relative à la Polynésie française a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale le 1er juillet dernier par notre collègue député Guillaume Vuilletet. Il a souhaité ainsi réagir à la décision de non-conformité partielle du Conseil constitutionnel le 27 juin 2019 sur la loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française.
Le Conseil, saisi de cette loi ordinaire par le Premier ministre en même temps que de la loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française, a en effet estimé que certaines dispositions ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le projet de loi initial ; il a prononcé une censure d'office sur le fondement de l'article 45 de la Constitution.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a voulu rétablir rapidement les articles censurés en déposant cette proposition de loi, ce qui est une initiative louable. Toutefois, je regrette - et ce sentiment est partagé par nos collègues polynésiens - que cela ait été fait de manière quelque peu précipitée et incomplète.
Huit articles ont été censurés comme « cavaliers législatifs » par le Conseil constitutionnel. Seuls six ont été repris dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Ont été laissées de côté, sans que l'on comprenne pourquoi, les dispositions relatives aux crématoriums et à la dépénalisation du stationnement payant.
Je vous rappelle que, faute de base légale, la crémation des corps ne peut être effectuée en Polynésie française et qu'il s'agissait d'une demande présentée par l'assemblée de la Polynésie française dans son avis sur le projet de loi. Quant à la dépénalisation du stationnement payant opérée par la loi de 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam, elle empiète sur une compétence locale en matière de réglementation pénale et routière. Ces deux sujets méritaient donc d'être repris.
Toutefois, soucieux de permettre une adoption et une entrée en vigueur rapides du texte, en particulier pour les dispositions sur l'indivision successorale - elles sont attendues de longue date ! -, je vous proposerai une adoption conforme.
Le texte qui nous est soumis comprend cinq articles facilitant la gestion et la sortie de l'indivision foncière ainsi qu'un article précisant le cadre des concessions des aérodromes d'État ; nous avons déjà eu l'occasion de les examiner à l'occasion du texte censuré par le Conseil constitutionnel. Les dispositions relatives aux indivisions successorales s'inspirent, pour l'essentiel, des recommandations du rapport d'information de 2016 de la délégation aux outre-mer sur la sécurisation des titres fonciers dans les outre-mer.
L'article 1er vise à adapter aux spécificités polynésiennes, en particulier l'ancienneté des successions, la condition de résidence exigée du conjoint survivant ou d'un héritier copropriétaire pour bénéficier de l'attribution préférentielle d'une propriété, en application de l'article 831-2 du code civil.
L'article 2 prévoit un dispositif dérogatoire au droit commun permettant le retour à la famille du défunt sans descendants de la totalité des biens immobiliers qu'il détenait en indivision avec celle-ci.
L'article 3 vise à empêcher la remise en cause d'un partage judiciaire par un héritier omis.
L'article 4 prévoit, sous certaines garanties, un dispositif dérogatoire et temporaire, jusqu'au 31 décembre 2028, favorisant les sorties d'indivision.
L'article 5 institue une expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2028, du partage par souche tel qu'il est opéré par la cour d'appel de Papeete, qui accepte que l'un des membres d'une branche de la famille représente toute la branche, en interprétant de manière extensive la notion de représentation de l'article 827 du code civil.
Enfin, l'article 6 précise le cadre juridique dans lequel l'État peut concéder l'exploitation d'un aérodrome qui relève de sa compétence en Polynésie française.
Ces articles avaient tous été introduits par le Sénat, en commission ou en séance, dans la loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française. Ils reprennent à l'identique les rédactions issues du texte élaboré le 7 mai 2019 par la commission mixte paritaire et approuvé par nos deux chambres. La seule modification apportée par l'Assemblée nationale a été de simplifier le titre initial : la proposition de loi visant à faciliter la gestion et la sortie de l'indivision successorale et l'exploitation d'un aérodrome en Polynésie française est devenue « proposition de loi relative à la Polynésie française ».
Il me semble que nous devons être cohérents avec nos précédents travaux, tout en permettant une entrée en vigueur rapide des articles en discussion. C'est pourquoi je vous propose d'adopter la proposition de loi sans modification, même si elle est malheureusement incomplète.
Mais elle est certainement fort bien écrite, puisque ni le rapporteur ni aucun collègue n'ont jugé utile de déposer des amendements...
Ce texte est le révélateur du zèle avec lequel le Conseil constitutionnel applique l'article 45 de la Constitution, et nous sommes les victimes de ce phénomène. J'ajoute que notre assemblée contribue elle-même à accentuer ce problème, puisque de plus en plus d'amendements sont jugés irrecevables au moment même de l'examen des textes. Ainsi, le nombre d'amendements jugés irrecevables sur le projet de loi relatif à l'énergie et au climat qui est en débat cette semaine au Sénat est considérable. J'avais moi-même déposé des amendements relatifs aux éoliennes ; ils ont été déclarés irrecevables, ce qui est un comble pour un texte consacré à l'énergie et au climat... Le Sénat devrait vraiment se saisir de la question de l'application de l'article 45 de la Constitution.
Sur le fond, comme le rapporteur, je ne comprends pas bien pourquoi cette proposition de loi ne reprend pas tous les articles censurés, y compris ceux sur le stationnement payant et sur les crématoriums. Sincèrement, je suis tenté de déposer des amendements pour reprendre ces dispositions, ne serait-ce que pour manifester mon étonnement !
Il semblerait que la non-reprise de ces dispositions dans le texte résulte d'un défaut de coordination avec le ministère de la justice. Nos collègues polynésiens ne souhaitent pas que l'adoption de ce texte soit retardée. En effet, ces dispositions sont attendues de longue date. La rapidité et l'efficacité priment l'exhaustivité !
J'insiste sur le caractère ubuesque de la situation. Si nous réintroduisons un jour ces dispositions par voie d'amendement, elles risquent d'être de nouveau censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles n'auraient pas de lien avec le texte en discussion. Et si nous déposons une proposition de loi spécifique, son inscription à l'ordre du jour du Sénat, et encore plus à celui de l'Assemblée nationale, est aléatoire... Cet exemple nous montre bien les grandes difficultés auxquelles se heurte aujourd'hui l'initiative parlementaire.
Nous connaissons en effet très bien cette situation et je ne peux que partager les propos de Jean-Pierre Sueur. Les restrictions semblent s'ajouter les unes aux autres et constituent finalement une forme d'impasse parlementaire, alors même que notre régime démocratique a besoin de respiration. Je regrette d'ailleurs que le débat constitutionnel ait été reculé sous un prétexte fallacieux, puisque le Sénat a répété à de nombreuses reprises sa disponibilité pour discuter de ces sujets. Une assemblée ne peut s'opposer à une réforme qu'après en avoir débattu et avoir voté ! On ne peut pas dire avant cette étape qu'elle s'y oppose... Comme le disait justement Leonid Brejnev depuis Tbilissi au moment d'engager la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe : « À un moment, il faut goûter le vin pour voir s'il est bon ! »
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Nous examinons maintenant, en deuxième lecture, une proposition de loi relative aux communes nouvelles qui a bénéficié d'une forme de privilège : déposée au Sénat sur l'initiative de Françoise Gatel, puis adoptée par notre assemblée, elle a été inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée.
La proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires a en effet été adoptée par le Sénat le 11 décembre 2018, puis par l'Assemblée nationale le 10 juillet dernier dans une version renforcée. Elle nous revient donc en deuxième lecture et il me semble souhaitable que le Sénat l'adopte sans modification, afin qu'elle entre en vigueur au plus tôt. Je rappelle que ce texte a été préparé en collaboration avec les associations représentatives d'élus, puis travaillé avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi contient deux dispositions centrales.
Son article 1er concerne la diminution du nombre de conseillers municipaux des communes nouvelles lors du premier renouvellement après leur création. Cette mesure est très attendue par les élus concernés et justifie à elle seule un vote conforme du Sénat. En effet, les élections municipales approchent et la loi doit être stabilisée. Cet article définit le nombre de conseillers municipaux entre le premier et le deuxième renouvellement suivant la création de la commune nouvelle. Il prévoyait, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, que ce nombre ne puisse être inférieur au tiers de l'addition des conseillers municipaux élus lors du précédent renouvellement. L'Assemblée nationale a peaufiné ce dispositif, en prévoyant que le calcul était réalisé à partir de l'effectif théorique du conseil municipal de la commune nouvelle et que le nombre de conseillers ne pouvait être supérieur à soixante-neuf.
La seconde disposition importante de ce texte est celle souvent dénommée « commune-communauté ». Elle permet à une commune nouvelle issue de la fusion de toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI) de ne pas se rattacher à un nouvel EPCI.
Grâce à la ténacité de l'auteur de cette - lumineuse - idée, Françoise Gatel, l'Assemblée nationale en a accepté le principe ; elle a toutefois modifié la rédaction de l'article 4 du texte, mais sans en changer le sens. Les conseillers municipaux de la commune nouvelle devront décider à la majorité des deux tiers, au moment de la création de cette commune nouvelle, s'ils veulent ou non se rattacher à un EPCI. S'ils décident un tel rattachement, la procédure - complexe - garantit la liberté d'administration des collectivités territoriales. Il me semble que le système de « commune-communauté » n'est pas dénaturé par ces modifications et que nous restons dans l'esprit du texte initial.
L'Assemblée nationale a modifié à la marge les autres dispositions du texte. À l'article 2, elle a remplacé la délégation de compétences à une instance composée du maire et de ses adjoints par l'élargissement des possibilités dont dispose déjà la conférence municipale regroupant le maire et les maires délégués. C'est désormais l'article 2 bis.
L'Assemblée nationale a également validé plusieurs dispositions introduites par le Sénat. Cela concerne les règles de complétude fixées à l'article 3, la nécessité d'un rapport financier préalable à la constitution de la commune nouvelle et de son affichage en mairie prévue aux articles 4 bis et 4 ter - mesure adoptée à l'initiative de Jean-Pierre Grand -, les mesures de souplesse pour supprimer certaines communes déléguées seulement ou les annexes de la mairie qui leur sont affectées - ces mesures ont été adoptées à l'initiative de Hervé Maurey - ou encore la possibilité de délocaliser les réunions du conseil municipal, mesure adoptée à l'initiative d'Olivier Paccaud.
Deux propositions ont été profondément modifiées. D'une part, le principe du lissage des seuils est maintenu, mais son champ est réduit. D'autre part, l'Assemblée nationale a voulu revenir à la règle de droit commun en ce qui concerne les conditions de majorité de la commission départementale de la coopération intercommunale, lorsqu'elle se prononce sur le rattachement d'une commune nouvelle à un EPCI ; à l'initiative de notre ancien collègue Jacques Mézard, le Sénat avait ramené la majorité nécessaire pour s'opposer à une décision du préfet de deux tiers à la moitié.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 12 de la proposition de loi, qui visait à rattacher la commune de Saint-Palais-du-Né au département de la Charente-Maritime. Cet article posait la question des communes nouvelles interdépartementales. Le Gouvernement s'est cependant engagé à travailler sur cette question qui concerne plusieurs communes nouvelles dans l'optique du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.
Enfin, à l'initiative des députés Les Républicains Jérôme Nury, Patrice Verchère et Arnaud Viala, l'Assemblée nationale a ajouté deux dispositions. La première est de bon sens : elle permet aux maires des communes nouvelles de rester maire délégué de leur commune au-delà du premier renouvellement. La seconde est une demande de rapport sur l'évolution du dispositif de « commune-communauté » ; le Sénat n'est guère enclin à accepter ce type d'article, mais il ne modifie pas la substance du texte.
Dans ces conditions, je vous invite à adopter cette proposition de loi sans la modifier, car elle est très attendue par les maires.
Je salue la qualité du travail du rapporteur - et son talent de pédagogue ! -, ainsi que l'implication du président de notre commission. Il est vrai qu'au départ l'idée d'une « commune-communauté » inscrite dans l'article 4 du texte apparaissait aux yeux de certains comme un ovni audacieux, voire un fruit défendu... En tout cas, cette mesure n'est pas destinée à contrecarrer les intercommunalités. Les territoires ont besoin de liberté et de capacité d'initiative pour construire en toute responsabilité les organisations les plus efficientes.
Je remercie également le rapporteur pour cette synthèse. Notre groupe conserve à l'égard de ce texte les mêmes prévenances qu'en première lecture.
La solution prévue dans l'article 1er concernant le nombre de conseillers municipaux des communes nouvelles, quelle que soit la version du texte, ne nous semble pas optimale, car elle créera nécessairement des perdants et des gagnants - certains estiment que, dans la moitié des cas, les communes nouvelles y perdront. Or je crois que nous devons accompagner les communes nouvelles vers le droit commun. L'article 1er créera des distorsions dans la composition des conseils municipaux et une déconnexion entre le nombre de conseillers et celui des habitants.
En ce qui concerne la « commune-communauté », la proposition de loi instaure finalement une dérogation permanente pour un nombre limité de situations - seulement 6 % des communes nouvelles ont plus de 5 000 habitants. Il est vrai que la perspective d'adhérer à un EPCI « XXL » peut freiner la création d'une commune nouvelle, mais rien n'empêchera la création de « communes-communautés » défensives, comme on a pu le voir pour les intercommunalités. Pour autant, cette mesure va créer des inégalités entre les communes et les communes nouvelles. Nous aurions préféré que soit étudiée la mise en place de dérogations particulières plutôt qu'une disposition générale de ce type.
On le voit, ces deux dispositions posent des problèmes et leurs conséquences n'ont pas été estimées, ce que je regrette.
Ce texte pose au fond une question fondamentale : faisons-nous confiance aux élus des territoires qui possèdent toute l'expertise nécessaire ? Devons-nous fixer une architecture rigide ou donner de la plasticité, en autorisant des dérogations ? Je reprendrai l'exemple de la commune dont nous avons déjà parlé, Tinchebray-Bocage dans l'Orne : l'outil des communes nouvelles est adapté à certaines situations. Oui, il y aura peu de « communes-communauté », mais cela n'enlève rien à la pertinence de ce statut pour certaines situations.
Certaines dérogations au droit commun peuvent permettre de s'adapter au territoire et de répondre à des situations spécifiques. Les communes nouvelles et l'intercommunalité répondent finalement à la même finalité : mutualiser et mettre en place des projets. Faisons confiance au bon sens des territoires pour améliorer le service public local !
En permettant à des communes nouvelles d'exercer les compétences de la communauté de communes qui a finalement été le premier pas vers cette commune nouvelle, personne ne cherche à créer un modèle universel. C'est simplement un outil supplémentaire mis à la disposition des élus et des territoires. Il est vrai que cette mesure ne concernera pas un nombre extraordinaire de cas, car elle vise en fait les petites communautés de communes, celles qui sont encore à taille humaine...
L'Orne a une grande expérience des communes nouvelles et l'expérience de Tinchebray-Bocage marche très bien. Au départ, les communes nouvelles avaient pour objectif de réduire les charges et le nombre de communes. Or cet objectif disparaît, puisque se créent des mairies déléguées... Ne serait-il pas plus simple de permettre à ces communes de divorcer plutôt de créer de nouvelles règles spécifiques ?
Une autre question se pose. Récemment, une commune nouvelle a procédé à une élection partielle en raison de la démission du maire. Le conseil municipal est alors passé de 69 membres à 23. Certains maires délégués sont devenus minoritaires dans leur commune déléguée, mais ont conservé leur responsabilité, ce qui a entraîné une grande incompréhension dans la population. Dans leur propre commune déléguée, ces maires délégués sont finalement les représentants d'une minorité. Vous le voyez, la création de mairies déléguées peut engendrer de nouveaux problèmes. Ne serait-il donc pas plus simple de revenir à la situation communale antérieure ?
L'intercommunalité est un outil au service des communes pour faire mieux ensemble ; ce n'est pas une « supracommunalité » !
Ensuite, je constate que les maires ne comprennent pas bien le dispositif de l'intercommunalité. Souvent, ils ont l'impression de passer leur temps en réunions à seulement lever la main. Ils ont besoin de reconnaissance pour le travail de proximité qu'ils fournissent.
Je voterai ce texte, mais je rejoins les propos de Vincent Segouin. J'ai l'impression que nous tentons de régler des problèmes créés au moment de la création des communes nouvelles. Nous savons bien que ces communes nouvelles ont été créées pour des raisons totalement différentes les unes des autres, parfois exclusivement pour des considérations financières... Et elles se rendent compte a posteriori que d'autres problèmes apparaissent, comme la réduction du nombre de conseillers municipaux ou la nomination de maires délégués. D'ailleurs, je regrette que Pierre-Yves Collombat ne soit pas présent... Il nous aurait dit qu'à vouloir faire simple, on fait finalement très compliqué ! Tout cela revient à dire que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, mériterait vraiment d'être revue. Nous savions pourtant que ces imperfections allaient apparaître.
Il existe une grande différence entre les communes nouvelles et les intercommunalités : les premières sont créées par les élus, les secondes par les préfets. Or les élus agissent en toute connaissance de cause. Ils savent que la commune nouvelle n'est pas une association de communes, mais une commune unique qui dispose d'une fiscalité homogénéisée. Le premier objectif des communes nouvelles est non pas nécessairement de faire des économies, mais de mieux répartir les contributions financières entre les bourgs-centres et les communes avoisinantes, ce qui constitue une mesure de justice dans l'organisation de services publics ouverts à tous.
L'avantage de la proposition de loi que nous examinons est aussi de revenir à la notion de proximité : le statut de commune nouvelle peut être adapté pour certaines petites communautés de communes en zone rurale. L'expérience acquise au fil des années en matière de communes nouvelles ne vient pas invalider le dispositif qui est proposé ici. Je souscris d'ailleurs aux propos d'André Reichardt : les aspects financiers ne sont pas une bonne motivation pour créer une commune nouvelle. D'ailleurs, peu de communes nouvelles se sont constituées sur ce seul motif et, quand cela a été le cas, l'affectio societatis a beaucoup de mal à se créer au sein de la nouvelle commune.
En tout cas, c'est aussi le pendant de la liberté ! Oui, les élus peuvent commettre des erreurs, mais on ne peut pas se plaindre que des erreurs surviennent et, dans le même temps, critiquer le rôle du préfet et du Gouvernement dans la recomposition de la carte intercommunale ou dans celle des cantons.
Je veux simplement préciser que la loi NOTRe, qui sert souvent de bouc émissaire, n'a pas créé le statut de commune nouvelle. C'est la loi Pélissard qui l'a fait !
Je parlais de l'augmentation des seuils minimums de population pour les structures intercommunales !
Les propos de Vincent Segouin et d'André Reichardt montrent bien que des difficultés peuvent apparaître au sein des communes nouvelles. De la même manière, la création des « communes-communautés » ne manquera pas d'entraîner également des problèmes. Il ne s'agit pas d'une question de confiance, mais du fait que des erreurs peuvent être commises - il y en a d'ailleurs eu dans la construction intercommunale, en particulier lorsque les EPCI se sont constitués pour des raisons défensives.
Je le redis, nous ne sommes pas nécessairement opposés à cette proposition, mais nous estimons qu'elle peut créer de nouveaux problèmes. D'ailleurs, même si je ne suis pas non plus très favorable aux rapports demandés au Gouvernement, l'introduction par l'Assemblée nationale d'un tel rapport pour évaluer le dispositif des « communes-communautés » d'ici quelques années est en l'espèce intéressante.
On peut porter deux regards différents sur la manière dont on fait la loi et dont on organise le territoire, tout en se préoccupant de l'efficience de l'action publique : on donne aux élus locaux soit une liberté surveillée, avec un bracelet électronique - le législateur prend la responsabilité de fixer des critères -, soit toute liberté, en leur offrant une batterie d'outils, et il leur appartient alors d'exercer leurs responsabilités en choisissant tel ou tel outil.
Une loi, aussi parfaite soit-elle, est mise en oeuvre par des êtres humains, qui ont des convictions, dans des territoires, qui ont une histoire, une géographie. Il ne s'agit pas d'un exercice purement théorique. Il se peut donc qu'il y ait à certains moments non pas des effets pervers, mais négatifs. Je ne crois pas à l'instrumentalisation d'une disposition à caractère défensif : des élus revendiqueraient une « commune-communauté » pour se défendre et éviter de s'ouvrir vers l'extérieur. Quand bien même deux ou trois élus seraient tentés de le faire, quelle est la différence, cher collègue Éric Kerrouche, entre l'insuffisance d'un élu local et l'insuffisance d'un préfet ?
Je ne pense pas que la loi NOTRe, avec ses seuils, soit parfaite, ni que la recomposition des intercommunalités à laquelle les préfets ont procédé ne souffre aucune contestation.
Faisons-nous confiance aux élus locaux ou pas ? La « commune-communauté » n'est pas une invention d'une grande modernité. Les îles du Ponant ont le statut à la fois de commune et d'intercommunalité. Ce cadre correspond à leur réalité ; cela n'avait pas de sens de vouloir les faire entrer, au nom de principes, dans une intercommunalité. En revanche, il importe d'évaluer ce dispositif, et c'est tout le rôle du législateur.
Si la loi Pélissard a instauré la commune nouvelle, il n'en demeure pas que la « commune-communauté » répond, en termes de seuils, aux exigences fixées par la loi NOTRe. On ne s'éloigne donc pas trop de l'architecture intercommunale, voire communale.
Certaines communes nouvelles se sont constituées sur un modèle très défensif ; j'en veux pour preuve, par exemple, la commune nouvelle du Mont-Lozère-et-Goulet, en Lozère. Mais il ne faut pas avoir peur de l'expérimentation ; on pourra alors modifier certains périmètres. Pour les communes nouvelles, on en est encore aux balbutiements ; le législateur doit adapter les situations. Le législateur doit être animé par la volonté de redonner confiance en les élus, en les laissant prendre des initiatives, en vue d'éviter, à terme, les postures défensives ou de retrait face aux évolutions législatives.
J'adhère à l'ensemble des propos de l'auteur de cette proposition, la meilleure des avocates de la « commune-communauté ». Il s'agit non pas d'un moyen de résistance, mais d'un moyen de s'adapter aux particularités des territoires. Le regroupement doit avoir du sens. Il faut laisser les territoires respirer et redonner confiance en les élus.
Je le rappelle, cette proposition de loi vise à donner plus de souplesse, plus de graduations et plus de moyens pour conforter les communes nouvelles existantes.
Pour clore le débat sur l'origine de la loi, c'est la loi de 2010 de réforme des collectivités territoriales, sous l'ère de Nicolas Sarkozy, qui est à l'origine de la création des communes nouvelles.
Oui, mais c'est la loi de 2010 qui en est à l'origine.
Concernant l'organisation du nombre de conseillers municipaux, le dispositif prévu à l'article 1er fera forcément des mécontents. Il n'y a pas de solution optimale. Il y a autant de possibilités qu'il y a de communes nouvelles en France, mais l'objectif est de contenter le maximum de communes. On le sait, la situation sera complexe dans certaines communes. D'ailleurs, l'amendement de Mme Delattre, que nous allons examiner dans quelques instants, vise à remédier à ces difficultés.
Pour répondre à Vincent Segouin, l'objet de ce texte est précisément d'être plus souple pour s'adapter aux situations. Des communes nouvelles pourront se séparer de communes déléguées, contrairement à ce qui est autorisé aujourd'hui. La souplesse permettra de donner du temps pour procéder à ces mutualisations.
Concernant la question des maires délégués, le conseil municipal de la commune nouvelle décide de la représentation.
Je me suis mal exprimé. Concernant la commune nouvelle, figurent sur la liste majoritaire des représentants qui étaient minoritaires dans chacune des petites communes.
Ils se retrouvent minoritaires dans leur ancienne commune. Les habitants s'interrogent, car ils sont représentés par des personnes qui représentent la minorité.
La réponse est simple : l'ancienne commune n'existe plus. Soit on fait une commune nouvelle et on admet cette éventualité, soit on n'en fait pas. Une commune nouvelle est une vraie commune. D'ailleurs, lorsque des communes sont des coquilles vides, la commune nouvelle permet de revitaliser la vie communale. Je comprends que les électeurs ne connaissent pas cette réalité-là, mais une bonne information permettrait d'y remédier.
S'il s'agit d'une seule commune, pourquoi y a-t-il des maires délégués ?
Dans les villes, un certain nombre d'adjoints représentent les quartiers. Le pacte de gouvernance territoriale détermine s'il y aura des maires délégués. Dans certains cas, il arrivera que le maire délégué d'une ancienne commune réside dans une autre ancienne commune de la commune nouvelle.
Mais, dans le cadre de sa délégation, il sera chargé de s'occuper de l'ancien clocher.
Ce dispositif peut effectivement remettre radicalement en cause des siècles d'habitudes et peut être mal compris, mais c'est le système que le législateur a voulu instaurer et que l'Association des maires de France, présidée alors par Jacques Pélissard, a voulu mettre en place. J'y insiste, il faut l'expliquer aux habitants, la commune nouvelle est une vraie commune, avec des maires délégués - c'est une garantie que nous avons apportée.
C'est là le problème : s'il s'agit d'une vraie commune, pourquoi créer des maires délégués ? Des maires adjoints peuvent représenter les anciennes communes.
On entretient le paradoxe : on dit aux habitants qu'ils font partie d'une vraie commune et, en même temps, ils ont un maire délégué.
C'est une compensation apportée à la commune qui disparaît, mais il est possible de ne pas prévoir de maires délégués dans le cadre du pacte de gouvernance territoriale.
Pour prendre un exemple concret, la ville du Havre, qui est issue de fusions successives, a des communes déléguées, avec des maires délégués de la commune, et des adjoints de quartier. Tous ces quartiers et ces communes déléguées forment la ville du Havre et travaillent ensemble.
Constituer une commune nouvelle est une vraie décision à caractère historique ; il faut donc en avoir délibéré sérieusement. Or la quasi-totalité des communes nouvelles a été décidée entre élus, sans faire appel aux électeurs. Dans le cadre des élections municipales de 2020, nombreux seront ceux qui auront des projets de commune nouvelle et joueront les violettes auprès des électeurs. De façon anecdotique, dans certaines communes, il y aura des listes pour contester la commune nouvelle.
En outre, ce processus, qui suppose une véritable volonté et une représentativité des habitants, est partiellement faussé par les incitations financières. Ceux-là mêmes qui étaient d'accord avec moi pour dire que les incitations financières ne devaient pas être le motif réel de la constitution d'une commune nouvelle votent pour les maintenir, voire les augmenter.
Ce qui compte avant tout, c'est l'affectio societatis et la commune nouvelle doit reposer sur une adhésion la plus large possible. Des dispositions ont été prévues dans ce texte pour favoriser l'information des administrés. Il est ensuite de la responsabilité des élus d'expliquer le projet, et il faut leur faire confiance.
En outre, la « commune-communauté » favorisera précisément la proximité. Vous le savez comme moi, sur le terrain, les maires se disent tous perdus dans l'intercommunalité.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-1 instaurerait un droit d'option dans les communes nouvelles pour définir l'effectif du conseil municipal. D'une part, cet amendement arrive un peu tardivement, et nous souhaitons que ce texte soit adopté conforme. D'autre part, le droit d'option risque de créer plus d'insécurité et ne semble pas constitutionnel. Aussi, je propose de rejeter cet amendement.
Je comprends vos arguments, mais ce n'était pas une mauvaise idée. Certaines communes nouvelles ne trouvent en effet pas assez de candidats au conseil municipal. L'effectif que nous avons décidé pourrait n'être que facultatif. Mais j'entends que cette disposition risque d'être inconstitutionnelle et l'argument du vote conforme l'emporte. Il est dommage que le débat n'ait pas eu lieu en temps utile, y compris pour approfondir la question de l'inconstitutionnalité de cette disposition. Il est vrai que la loi prévoit toujours le nombre des élus de la collectivité.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 11 h 40.