Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, que je remercie d'avoir accepté ce format de réunion. Cela permet au Parlement de poursuivre son travail de contrôle du Gouvernement et de la mise en oeuvre du plan d'urgence.
Monsieur le ministre, votre audition vient clore un cycle d'auditions ministérielles, ouvert la semaine dernière pour faire le point sur les premières mesures prises face à la pandémie. Il s'agit également pour nous de réfléchir, dès maintenant, à la reprise de l'activité économique, puis à sa relance.
Avant d'aller plus loin, je tiens à rendre hommage aux nombreux personnels du secteur du logement, qui, depuis maintenant plus d'un mois, se dévouent au profit des autres et dont on parle trop peu. Je pense aux gardiens d'immeuble, aux personnels des sociétés de propreté, aux techniciens de maintenance, aux électriciens, aux plombiers, aux ascensoristes, aux personnels des offices de logement social... Il nous faut aussi penser aux travailleurs sociaux des associations d'hébergement d'urgence et à leurs bénévoles, qui accueillent, dans des conditions très difficiles et souvent avec peu de protections, des personnes en grande précarité. Tous sont bien en première ligne dans cette crise.
Monsieur le ministre, vous allez nous présenter votre action depuis maintenant un mois. Je souhaite, pour ma part, dès ce propos liminaire, mettre l'accent sur trois domaines particulièrement importants : le blocage de la « chaîne logement », la situation très tendue de l'hébergement d'urgence et la réalité de la crise dans les quartiers de la politique de la ville.
Actuellement, la chaîne du logement est bloquée d'un bout à l'autre. Les chantiers sont arrêtés. Les transactions sont quasi inexistantes, et il est impossible de déménager. À ce coup d'arrêt lié à la crise sanitaire semblent s'ajouter les mesures prises dans l'urgence pour suspendre ou repousser certains délais. Elles pourraient amplifier la situation de blocage bien au-delà de l'été. Les professionnels sont très inquiets. Je sais que vous travaillez à une ordonnance correctrice qui a suscité une vive inquiétude des élus locaux. Vous avez en partie répondu à cette problématique en début d'après-midi, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du Sénat. Où en est-on ?
Lorsque l'on parle du blocage de la chaîne du logement, bien que ce ne soit pas directement de votre compétence, il ne nous faut pas écarter le problème de la tenue des élections municipales. Leur date est un réel sujet de préoccupation pour des professionnels inquiets de voir se prolonger, peut-être jusqu'au mois de mars 2021, l'incertitude dans laquelle les plongent la suspension du déroulement du second tour et la non-installation des conseils élus.
J'en viens à l'hébergement d'urgence. Comment mettre à l'abri les personnes qui vivent dans la rue ou dans la plus grande précarité ? Comment protéger les personnels des associations qui doivent les prendre en charge ?
Ces associations, qui sont également des employeurs ayant de lourdes responsabilités vis-à-vis de leurs salariés, ne sont pas destinataires de masques. Je m'explique mal que votre ministère leur recommande de s'équiper de masques réutilisables en tissu quand, dans le BTP, on devrait utiliser des masques chirurgicaux. Il ne faut pas que ces personnels, comme les publics qu'ils accueillent, soient les oubliés de la gestion de crise.
Enfin, il me semble que les quartiers populaires, ceux de la politique de la ville, devraient constituer un point de préoccupation centrale dans la crise que nous traversons. Le Président de la République l'a évoqué, la presse se fait l'écho de la difficulté à se confiner, dans ces quartiers, des ménages les plus modestes. Quelle est véritablement la situation et quelle y est l'action de l'État ? Comment les services publics sont-ils assurés ? Va-t-on pouvoir soutenir le tissu entrepreneurial ? Enfin, se donne-t-on vraiment la possibilité d'intégrer ces quartiers, dont certains sont en rupture avec la République, dans l'effort de la Nation, les élans de solidarité et la dynamique de relance de l'activité ?
À mon tour, je veux rendre hommage à tous les acteurs de la chaîne de l'immobilier. La première des priorités, c'est en effet que les logements continuent à fonctionner.
C'est pourquoi, depuis le début du confinement, tous les trois jours, je fais un point avec la Fédération des ascensoristes, la Fédération des sociétés de nettoyage, etc., pour m'assurer que ces services essentiels à la vie des logements perdurent. J'ai une pensée particulière pour les gardiens d'immeuble, à qui j'ai écrit, pour les travailleurs sociaux qui travaillent au sein des centres d'hébergement et pour le tissu associatif.
La réponse à la crise que nous traversons doit comporter trois volets : le premier est sanitaire, le deuxième est économique, le troisième est social. Il faut rendre hommage à tous les acteurs du monde social.
Au premier jour du confinement, ma première priorité a été de m'assurer que la maintenance et le fonctionnement des logements étaient garantis.
La question de l'activité du logement dans son ensemble se pose également. Celle-ci concerne près de 2 millions de personnes, si l'on ne prend en compte que l'activité de construction et celle des agents immobiliers de manière générale, y compris les notaires, entre autres. Ce secteur est touché de plein fouet : la semaine dernière, neuf chantiers sur dix étaient à l'arrêt, ce qui a des conséquences aujourd'hui, mais en aura surtout demain. Bien évidemment, ces entreprises bénéficient des aides que l'État a mises en oeuvre.
Notre première action a été de permettre la reprise des chantiers, là où c'est possible et en garantissant la sécurité des salariés. A ainsi été mis en place voilà quinze jours, en lien avec d'autres ministères et l'ensemble des fédérations concernées, un guide sanitaire édictant les principales mesures pour assurer la sécurité des salariés et des personnels travaillant sur les chantiers.
Nous nous sommes également heurtés à des questions juridiques complexes, par exemple les pénalités de retard. Comment reprendre un chantier quand on sait que cela entraînera des pénalités de retard ? Nous sommes donc convenus de modifier par la loi les relations entre maîtres d'ouvrage et opérateurs. Un texte en ce sens a été présenté et adopté ce matin en conseil des ministres.
Se pose également la question des surcoûts. Aujourd'hui, les mesures sanitaires prévues par le guide sanitaire ont un impact sur l'équation économique des chantiers. Qui supportera ces surcoûts ? Comment les répartir au mieux ? Les solutions sont-elles d'ordre juridique, organisationnel, contractuel ? Sur ce sujet, la réflexion est toujours en cours avec l'ensemble des parties prenantes.
Le confinement a aussi une incidence sur les délais de l'ensemble des actes liés à une opération de logements, qu'il s'agisse des autorisations (permis de construire), de la mise en oeuvre (droits d'aliénation) ou des délais de recours.
Le 25 mars dernier, il a paru indispensable de figer le cadre juridique pour sécuriser l'ensemble des acteurs. C'est pourquoi une ordonnance a été prise avec la garde des sceaux, mais elle allait beaucoup trop loin dans l'allongement des délais. En cette période de confinement où les dossiers ne pouvaient plus être instruits, il était normal de surseoir aux délais relatifs aux autorisations d'urbanisme, qui fonctionnent sur le modèle du « silence vaut accord ».
De la même façon, il fallait décaler les délais de recours. Cet allongement des délais était dantesque : on prenait le temps de recours restant, allongé de la période sanitaire, c'est-à-dire jusqu'au 24 mai, auquel s'ajoutait un délai tampon d'un mois afin que toute la machine se remette en place, à l'issue duquel le droit de recours repartait de zéro. Ainsi, pour un délai qui aurait dû expirer dix jours avant le confinement, c'est un report de trois mois qui aurait été prévu après la période sanitaire... Cette situation, qui figeait tous les projets, a suscité de nombreuses inquiétudes.
Il en était de même pour les autorisations d'urbanisme. J'insiste sur le fait que les collectivités ont toujours la possibilité de les délivrer et je les invite à le faire, lorsque les conditions de sécurité sont réunies, afin de s'assurer que le tissu des PME et des ETI ne souffre pas davantage au lendemain de la crise. L'ordonnance du 25 mars dernier prévoyait que les autorisations d'urbanisme étaient décalées du temps de la période, plus un mois.
Forts des remontées de terrain que nous avons eues, la garde des sceaux et moi-même avons présenté ce matin une nouvelle ordonnance prévoyant que, pour les délais de recours, le temps qui restait avant l'entrée en vigueur du confinement serait reconduit à l'issue de cette période, avec un minimum de sept jours. Sur les documents d'urbanisme comme sur la préemption, le temps qui restait avant le confinement sera reconduit après. Rien ne change pour les délais de rétractation. Nous avons essayé de remettre de l'ordre en diminuant l'augmentation des délais ; il n'en demeure pas moins que cette période aura un impact sur la construction.
Nous réfléchissons déjà, avec l'ensemble des acteurs, aux mesures à prendre le moment venu pour faire du bâtiment et de l'immobilier un acteur majeur de la relance. Ces mesures porteront sur la construction neuve, l'offre et la demande, mais elles doivent également concerner la réhabilitation. En effet, cette crise a mis davantage en avant encore la nécessité de promouvoir la réhabilitation : rénovation énergétique, rénovation des grandes copropriétés dégradées, rénovation des bâtiments sociaux.
Il faut que tous les maillons de la chaîne du logement soient en mesure de fonctionner : déménageurs, notaires... Un décret tout à fait exceptionnel a été pris voilà quinze jours permettant de dématérialiser l'ensemble des actes notariés.
Enfin, nous aurons un rôle à jouer dans la reprise. Cette année est marquée par le schéma suivant : élections municipales, confinement, élections municipales. Pendant les années d'élections municipales, vous le savez, le nombre d'autorisations d'urbanisme n'est pas le même. Or il faut collégialement réfléchir aux moyens de soutenir les PME et ETI, qui seront pleinement affectées par cette séquence.
J'en viens à l'hébergement d'urgence.
La première priorité a été d'amplifier les mises à l'abri. Nous avons prolongé la trêve hivernale jusqu'à la fin du mois de mai, afin d'éviter toute expulsion locative, et pérennisé l'ensemble du dispositif hivernal, qui avait permis l'ouverture de 14 000 places d'hébergement supplémentaires. Depuis le confinement, 15 000 places de plus ont été ouvertes, dont 10 000 réquisitions ou mises à disposition de chambres d'hôtels. Il s'agit là d'une mesure dont la mise en place est rapide et qui permet d'épauler les associations en s'appuyant sur le personnel des hôtels.
Il a fallu ensuite gérer l'aide alimentaire. De nombreuses associations ont dû s'adapter, car elles s'appuient sur des bénévoles qui sont le plus souvent d'un certain âge et qui ont dû se protéger de la propagation du virus en se confinant.
Dans l'Hexagone et en outre-mer, là où des difficultés ont été constatées, une aide exceptionnelle a été mise en place, d'un montant de 15 millions d'euros et à destination d'environ 60 000 bénéficiaires, par le biais de « chèques-services », sorte de « tickets restaurant », devant être distribués par les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des associations d'aides alimentaires qui ont des difficultés de fonctionnement.
Se pose aussi la question particulière des sans-abris contaminés par le Covid-19, mais ne nécessitant pas d'être hospitalisés. Il est très difficile d'en connaître le nombre exact. Lorsque les centres d'hébergement d'urgence ne peuvent pas les isoler en leur sein, ces malades sont dirigés vers des centres spécifiques : 86 centres de cette nature ont été ouverts depuis le début du confinement, gérés par les associations, ce qui représente environ 3 200 places disponibles.
La protection des personnels travaillant dans les centres accueillant des Covid + constitue bien un enjeu. Tout le matériel leur est fourni par les agences régionales de santé (ARS). Quid des autres centres, qui demandent légitimement à avoir plus de matériel de protection ? Nous avons passé des commandes groupées importantes.
En matière de politique de la ville, notre réponse doit s'appuyer sur trois actions.
Je ne reviens pas sur les débats qui ont pu déshonorer ceux qui les avaient lancés, notamment l'amalgame indécent entre l'origine des personnes vivant dans les quartiers prioritaires de la ville et la capacité à obéir aux règles de confinement. En réalité, le non-respect des règles se produit tout autant dans les quartiers bourgeois que dans les quartiers les plus difficiles.
La première action, c'est l'accompagnement des familles modestes. De plus en plus d'habitants des quartiers prioritaires de la ville se tournent vers les CCAS et les aides alimentaires. C'est notamment dû à l'arrêt de la cantine, à la fermeture de certains lieux d'approvisionnement ou au fait que certains compléments de revenus n'existent plus.
Nous avons annoncé ce matin le versement d'une aide exceptionnelle de solidarité consacrée aux personnes les plus précaires - bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) -, ainsi qu'à toutes les familles éligibles à l'aide personnalisée au logement (APL). Son principe est assez simple : les bénéficiaires du RSA ou de l'ASS toucheront 150 euros ; en outre, ainsi que les bénéficiaires des APL, ils percevront 100 euros par enfant. Ainsi, une femme seule élevant trois enfants habitant en région parisienne et touchant 250 euros d'APL touchera au mois de mai prochain 300 euros en plus de cette allocation. Le montant de cette mesure, qui concernera 4 millions de foyers, s'élèvera à 850 millions d'euros. Tout sera géré par les CAF, aucune démarche ne sera nécessaire.
La deuxième action, c'est le soutien aux acteurs associatifs sur le terrain. Dans cette période, il est très important d'aider les associations. C'est pourquoi nous avons notamment pris des mesures juridiques, pour permettre aux communes qui n'avaient pas eu le temps de statuer sur un certain nombre d'aides aux associations de le faire. Cela répond d'ailleurs à une demande forte de votre part. Je précise que l'ensemble des aides prévues pour les entreprises valent aussi pour les associations.
Le soutien aux acteurs de terrain passe également par une vigilance accrue dans certains domaines. Je pense aux échanges nombreux que j'ai eus avec le directeur général de La Poste. Vous savez le rôle essentiel que joue La Poste dans ces quartiers, notamment en début de mois. Nous avons suivi avec beaucoup d'attention la mise en place du service public.
La troisième action, c'est la continuité éducative. La crise que nous traversons est à notre société ce que le négatif est à la photographie : c'est un reflet encore plus vif des inégalités sociales. Je travaille avec Jean-Michel Blanquer pour apporter des mesures de soutien sur la continuité éducative - fourniture de matériel, mentorat, tutorat...
Telles sont les trois priorités que j'ai fixées dans les quartiers de politique de la ville. Tout se fait en lien avec les collectivités locales : des visioconférences sont organisées deux fois par semaine avec les maires de ces quartiers, afin que je puisse m'assurer que ce qui est mis en oeuvre est bien déployé dans les territoires et que des solutions puissent être trouvées dès qu'un nouveau problème est identifié.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous transmettre les remerciements de beaucoup d'acteurs du monde du logement, qui ont témoigné auprès d'Annie Guillemot et de moi-même de votre écoute et de votre engagement.
Je souhaite vous interroger sur le secteur du BTP, de la gestion immobilière et des bailleurs sociaux.
Dans le BTP, les chantiers sont actuellement à l'arrêt. Comment peuvent-ils reprendre ? Le guide pratique qui a été publié est très difficile à mettre en oeuvre, faute notamment des masques chirurgicaux qui y sont exigés. Les professionnels constatent d'eux-mêmes qu'ils ne peuvent être prioritaires par rapport aux soignants : ils ne peuvent donc reprendre une activité dangereuse - c'est le secteur où se produit le plus grand nombre d'accidents du travail -, alors que les urgences sont débordées. Qui plus est, ils doivent protéger leurs personnels. Comment comptez-vous débloquer la situation ?
Si les chantiers reprennent, qui payera les surcoûts induits par l'application du guide pratique, ainsi que par les retards ? Bien que ceux-ci soient très difficiles à évaluer, certains avancent d'ores et déjà une augmentation de l'ordre de 20 %, avec des surcoûts variables entre la construction neuve, les chantiers de réhabilitation et l'entretien et la maintenance courants, qu'aucun des acteurs de la chaîne du logement - entreprises, maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre - ne peut supporter seul. Ne faut-il pas que se constitue une « chaîne de loyauté économique », pour que tous les acteurs prennent en charge les surcoûts liés au Covid-19 ?
Dans le domaine de la transaction et de la gestion immobilière, on peut relever deux principaux problèmes : les dates des assemblées générales et les délais arrêtés dans les ordonnances du 25 mars dernier sur la gestion des copropriétés. La saisonnalité de cette gestion et le mode de contrat des syndics risquent de conduire à un gigantesque embouteillage, puisqu'il faudrait réunir toutes les assemblées générales au cours de la dernière semaine de juin. Il aurait suffi que la date du report des assemblées générales soit fixée au 30 juin, et non de façon indéterminée à partir d'un mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, a priori le 24 juin.
Quid de la dispense d'un second envoi complet pour les assemblées générales convoquées avant le début du confinement qui n'ont pas pu se tenir, et ce afin d'éviter les surcoûts et les prolongations de contrat ? Avez-vous une solution ? La profession est très inquiète.
Comment organiser la reprise du marché immobilier et remettre en route la mécanique complexe des différents délais, suspendus ou non, entre acquéreurs, acheteurs, notaires, banquiers, services publics d'urbanisme et de la publicité foncière et déménageurs, pour éviter les pénalités de retard et les contentieux ?
Enfin, concernant les bailleurs sociaux, deux sujets méritent une attention particulière.
Premièrement, il est trop tôt pour confirmer ou infirmer les craintes exprimées concernant les impayés. Pour l'instant, il n'y a que des difficultés techniques liées notamment aux services postaux pour l'envoi des chèques, à l'exception des résidences étudiantes et des foyers de jeunes travailleurs. Les organismes gestionnaires, notamment les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), vont perdre des rentrées, car la plupart des étudiants sont partis, et vont donc se retourner vers les bailleurs sociaux. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir tenu bon face à la fausse bonne idée d'un moratoire généralisé des loyers, qui ne ferait qu'aggraver à terme la situation des locataires. Toutefois, il n'est pas certain que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) soit adapté à l'aide d'urgence qui sera peut-être utile dans les prochaines semaines. Les règles devront éventuellement être simplifiées, et il faudra abonder ce fonds.
Deuxièmement, par le jeu des surcoûts et des diminutions de recettes, notamment celles des ventes de logement, la crise va fortement entamer les capacités d'investissement des bailleurs sociaux. Plus que de trésorerie, ce sont de fonds propres dont vont avoir besoin les bailleurs sociaux pour la relance de l'activité. Comment comptez-vous les y aider ?
Monsieur le ministre, mes interrogations concernent les domaines de l'hébergement d'urgence et de la politique de la ville. En effet, nous avons auditionné les structures nationales et les acteurs de terrain, pour apprécier la traduction des mesures qui ont été prises.
En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, ma première question porte sur la coordination et le pilotage de l'action. Les associations nous ont dit votre investissement et les réunions bihebdomadaires que vous organisez. Toutefois, localement, cela ne suit pas. Que pouvez-vous faire pour impulser une véritable dynamique de travail entre les acteurs ? Beaucoup s'étonnent, par exemple, d'être livrés à eux-mêmes pour acquérir des masques. Il s'agit là d'une question centrale, notamment pour les associations qui sont responsables de leurs personnels. Une mutualisation et une régulation seraient bienvenues.
Dans nos régions, plusieurs gymnases sont encore ouverts pour accueillir des personnes sans domicile. Or ce type d'hébergement favorise la promiscuité et la contamination. Comment y remédier ? J'ajoute à ce problème immédiat une question sur l'après-crise : comment tenir compte de cette crise sanitaire pour adapter nos capacités d'accueil, essentiellement en hébergement collectif ? C'est une question que posent également les associations.
La garde des sceaux a annoncé un nombre important de libérations anticipées, afin de faciliter la gestion des prisons. Nous ne remettons pas en cause cette mesure, mais quelle coordination est assurée avec les acteurs de l'hébergement d'urgence pour accueillir ces personnes souvent sans logement et sans ressources ?
Alors même qu'elles doivent s'attendre à des pertes financières importantes, les associations d'hébergement d'urgence font face à des surcoûts très élevés. Elles avancent ces sommes sur leur propre budget : comment seront-elles prises en charge ?
Le Président de la République a annoncé une allocation de 200 euros pour les familles précaires avec enfants. Nous connaissons le dispositif qui a été présenté ce matin en conseil des ministres. Cette mesure concernera-t-elle les ménages au RSA avec enfants, mais aussi les personnes isolées, notamment les étudiants qui n'ont pas accès au RSA et pas toujours à l'APL ?
Une aide alimentaire a été mise en place sous forme de chèques-services, à hauteur de 7 euros par jour et par personne. Les associations saluent cette solution, mais elles demandent que les montants en soient accrus et que plus d'associations puissent les distribuer. Par ailleurs, un certain nombre d'associations nous ont alertées sur le fait que, dans les hôtels réquisitionnés, surtout quand il s'agit d'hôtels low cost, les gérants étaient absents et qu'aucun service de restauration n'était prévu. Il revient aux bénévoles d'apporter les repas sur les paliers et de distribuer les chèques-services.
Enfin, la trêve hivernale a été repoussée jusqu'au 31 mai et le confinement total jusqu'au 11 mai. Comment organiser le déconfinement de ces personnes qui risquent de se retrouver toutes en même temps à la rue, si rien n'est fait ?
J'en viens à la politique de la ville.
Que va faire l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ? Sa trésorerie dépasse aujourd'hui les 500 millions d'euros. Ne peut-on prévoir d'emblée dans le plan de relance que l'ANRU prendra en charge les surcoûts pour relancer les chantiers à l'arrêt ?
Par ailleurs, il me semble fondamental de permettre, au plus vite, le retour des travailleurs sociaux et des dispositifs de médiation et d'éducation spécialisée dans les quartiers. Il n'y a plus d'agent de prévention dans les quartiers. Si la situation n'est pas uniforme, il est clair que la prolongation du confinement dans des conditions de vie et de logement difficiles va accroître les tensions.
Sans monter en épingle cette question, je rappelle que le ramadan débutera le 24 avril. Je sais que vous y travaillez, monsieur le ministre.
L'une des fractures de ces quartiers, c'est la déscolarisation. Il est toujours difficile d'obtenir des statistiques de l'éducation nationale. Connaît-on le taux d'élèves ayant décroché ? Les quartiers seront-ils prioritaires pour la réouverture des écoles ? Qu'en sera-t-il des organismes de formation professionnelle ?
Concernant la reprise du BTP, la première difficulté est la protection des travailleurs. Le guide sanitaire fixe un cadre. Nous en avons longuement discuté avec les fédérations professionnelles et avec le ministère du travail pour essayer de trouver les bons équilibres.
Les masques ne sont pas indiqués pour tous les actes, mais seulement pour ceux où ils constituent la seule barrière sanitaire possible. Nous menons une politique d'achat de masques FFP2 et de production de masques homologués alternatifs dits « grand public », afin de protéger les professionnels lorsque le port du masque est nécessaire.
Le guide sanitaire ne permet sans doute pas de répondre à toutes les difficultés, mais il aborde de multiples questions comme celles des cantines, des bungalows de repos, du transport, etc.
La deuxième difficulté est la multitude de relations contractuelles qui unissent les différents acteurs d'une opération d'aménagement, surtout quand il s'agit d'acteurs privés. L'ordonnance prise ce matin règle en partie ces difficultés, s'agissant notamment des pénalités de retard.
Reste la question des surcoûts, que les bailleurs sociaux estiment entre 8 et 12 % et les fédérations entre 18 et 20 %. Madame Dominique Estrosi Sassone, je partage votre vision d'une « chaîne de loyauté économique » permettant le partage des surcoûts. Nous avons fait le choix, dans l'ordonnance prise ce matin, de ne pas régler cette question de manière législative, afin de préserver les relations contractuelles privées. Pour les opérations publiques, nous travaillons actuellement sur les modalités d'une contribution des financeurs. Je tiens d'ailleurs à remercier mes équipes pour le travail accompli depuis plusieurs semaines.
Concernant les assemblées générales (AG), nous devons corriger les ordonnances du 25 mars, pour prolonger du 24 au 30 juin la période pendant laquelle le mandat des syndics est renouvelé automatiquement. J'espère pouvoir faire adopter cette mesure lors du prochain conseil des ministres.
S'agissant de la dispense d'un second envoi complet pour éviter les surcoûts, je n'ai pas de réponse à cette heure, mais je reviendrai vers vous dès que possible.
J'en viens à la question des délais suspendus. S'il fallait évidemment surseoir tous les délais pendant la période de confinement, le principe doit être appliqué, ni plus ni moins ; Autrement dit, il faut continuer à délivrer les autorisations d'urbanisme quand c'est possible, et je sais que les collectivités s'efforcent de le faire.
Nous avons fait le choix, non pas d'un moratoire, mais d'un accompagnement visant à permettre aux Français de payer leur loyer. L'aide exceptionnelle de solidarité que nous avons mise en place est automatique, et elle sera versée dès le 15 mai. Je le répète, les personnes au RSA ou à l'ASS toucheront 150 euros et 100 euros supplémentaires par enfant, et les personnes bénéficiant des APL 100 euros par enfant.
Par ailleurs, le Président de la République a annoncé qu'une aide exceptionnelle serait versée aux étudiants. J'y travaille actuellement avec Frédérique Vidal et Olivier Véran.
Nous savons que, en dépit de cette aide exceptionnelle de solidarité, certaines familles rencontreront des difficultés pour payer leur loyer. C'est pourquoi j'ai mis en place un accompagnement individualisé, en lien avec les bailleurs sociaux, l'association des départements de France et l'Agence nationale pour l'information sur le logement.
Pour les loyers du parc privé, nous avons mis en place un dispositif « SOS loyers impayés » avec les agences départementales d'information sur le logement (ADIL).
Enfin, nous sommes convenus, le président Bussereau et moi-même, d'utiliser pleinement le FSL.
Nous n'avons pas encore traité le problème des résidences étudiantes, mais ce sujet est remonté jusqu'à nous.
J'en viens aux difficultés rencontrées par les bailleurs sociaux. Il est de ma responsabilité que les bailleurs sociaux traversent l'épreuve. Le dispositif des titres participatifs fonctionne très bien ; il permet de leur apporter des quasi-fonds propres.
Vous m'avez également interrogé sur l'hébergement d'urgence. Nous travaillons étroitement et en toute transparence avec les associations, les préfectures et les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO). Cela nous a par exemple permis de passer des commandes groupées d'achat de matériel.
Nous avons ouvert à ce jour 174 000 places pour les personnes mises à l'abri, soit 30 000 places de plus qu'au 1er novembre. Nous avons essayé autant que possible de « desserrer » un certain nombre de sites et d'éviter de recourir aux hébergements collectifs comme les gymnases, par exemple en réquisitionnant des hôtels.
Quand nous sommes entrés en confinement, je venais d'annoncer que, sur les 14 000 places que nous avions ouvertes pendant l'hiver, 7 000 seraient pérennisées. Depuis lors, nous en avons ouvert 15 000 de plus. Il est clair que les hôtels qui ont été réquisitionnés n'ont pas vocation à rester des centres d'hébergement d'urgence. Je crois beaucoup à la mise en place après la crise d'un service public « de la rue au logement ».
Le sujet des personnes libérées n'est pas encore remonté jusqu'à moi, mais j'interrogerai les associations dès demain.
J'ai d'ores et déjà ouvert une enveloppe de 65 millions d'euros, dont 15 millions d'euros pour les chèques-services et 50 millions d'euros pour la pérennisation des places hivernales et l'ouverture de nouvelles places, afin d'aider les associations à faire face aux surcoûts, mais nous pourrons aller plus loin si nécessaire. Par ailleurs, nous avons mis en place un groupe de travail consacré à la question du soutien financier.
En matière d'aide alimentaire, nous avons passé un premier marché de 15 millions d'euros pour des chèques-services de 3,50 euros chacun, à raison de deux chèques par jour et par personne, mais nous irons plus loin si nécessaire. On nous a signalé que les associations habilitées à distribuer ces chèques ne sont pas en nombre suffisant, et nous y travaillons.
Il est souvent plus simple de réquisitionner des hôtels que des immeubles nus. Les chèques-services alimentaires ont aussi été mis en place pour les personnes hébergées dans des hôtels ne disposant pas de service de restauration.
L'ANRU est un acteur majeur de la politique de la ville. Elle pourra financer des surcoûts, et peut-être préfinancer davantage les opérations d'aménagement. Nous y travaillons actuellement, car il s'agit d'un vrai sujet.
Les associations et les élus nous remontent très souvent la question de la prévention spécialisée. La modification de l'autorisation de déplacement intervenue il y a dix jours doit permettre aux médiateurs de se déplacer plus facilement. Quoi qu'il en soit, ces derniers travaillent toujours en lien étroit avec les équipes de police.
S'agissant du ramadan, nous avons bien son calendrier en tête.
Je ne dispose pas de chiffres exacts sur la déscolarisation, mais la lutte contre la discontinuité éducative est une priorité. Jean-Michel Blanquer et moi-même y travaillons quotidiennement y compris en termes de matériels et de suivi.
Monsieur le ministre, nous aurons beaucoup de mal à faire redémarrer les entreprises du bâtiment tant que la question de la responsabilité des employeurs vis-à-vis de leurs salariés ne sera pas éclaircie. Il faut donner des assurances juridiques.
Concernant les impayés de loyers, la stratégie me paraît bonne. La mobilisation des bailleurs sociaux sera un outil précieux. En revanche, le FSL ne pourra pas couvrir tous les impayés dans le privé. Ne serait-il pas nécessaire de constituer un fonds complémentaire avec les assurances, pour que les impayés de bonne foi soient traités en amont ? Et ne serait-il pas opportun de prendre une décision de moratoire des expulsions ?
Dans un premier temps, le monde associatif n'a pas été considéré comme prioritaire dans la répartition des masques. La commande qui a été passée devrait arriver à la fin du mois d'avril. Cela devrait nous amener à réfléchir sur nos capacités productives et notre indépendance en la matière.
Je partage l'idée d'un gentlemen's agreement entre les différents acteurs, qu'ils soient publics ou privés, pour la répartition des pénalités de retard et des surcoûts. Toutefois, les accédants individuels vont faire jouer les clauses de retard. Ne faut-il pas prévoir des mécanismes de précaution assurantiels mutualisés et essayer de dissuader les accédants de faire jouer ces clauses ? Ce problème n'a pas été suffisamment traité.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette présentation détaillée et pour le travail de synthèse que vous avez réalisé, dans l'ordonnance, entre la protection des collectivités et celle des acteurs du bâtiment et du logement.
Pour que les chantiers puissent reprendre, il faut maintenant se pencher sur les risques juridiques.
Concernant les impayés de loyer, il est nécessaire d'adapter le fonds et de l'abonder. Je vous remercie d'avoir tenu bon sur la question d'un moratoire des loyers.
Les acteurs du logement et du BTP anticipent un impact très significatif en termes de surcoûts. L'application du guide fait l'objet de chantiers tests. Comment généraliser les bonnes pratiques, comme réduire les coûts, et comment s'adapter ? Il va falloir trouver une solution qui ne repose pas sur un seul opérateur.
Les publics fragiles dans les logements sociaux et les quartiers sensibles, ainsi que les personnes âgées isolées, doivent recevoir une attention particulière.
La reprise nécessitera à la fois des assouplissements et des simplifications administratives, ainsi que des dispositifs de soutien financier exceptionnels. Nous serons à vos côtés, monsieur le ministre !
Le secteur de la rénovation énergétique est actuellement à l'arrêt : selon le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), 90 % des chantiers sont en suspens du fait notamment des réticences des maîtres d'ouvrage, de la pénurie de main-d'oeuvre ou de difficultés d'approvisionnement en matériaux et en équipements.
Les professionnels attendent du Gouvernement qu'il lève les ambiguïtés du Guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction, publié le 2 avril. Il faut aussi se pencher sur le problème de la responsabilité des entreprises.
Ne pourrait-on pas clarifier ce guide, en le complétant d'un volet consacré aux opérations de rénovation énergétique... qui ne sont pas même mentionnées ?
Par ailleurs, les ménages attendent du Gouvernement qu'il leur apporte un soutien dans la prise en charge de leurs dépenses d'énergie... la loi dite « d'urgence sanitaire » ne prévoyant des dispositions dans ce domaine qu'à l'attention des micro-entreprises.
Ne pourrait-on rehausser le niveau du chèque énergie, afin qu'il couvre effectivement les dépenses de rénovation énergétique dont il permet la prise en charge ?
L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) a dénoncé la poursuite des activités des plateformes de locations meublées saisonnières du type Airbnb. Les logements sur ces plateformes ne doivent se soumettre à aucune consigne sanitaire particulière. Comme les hôtels ne pourront sans doute pas rouvrir avant juillet, il y a fort à parier que les Français vont multiplier les locations sur ce type de plateformes cet été. Considérez-vous que la poursuite de leur activité constitue une concurrence déloyale à l'égard des hôteliers, et quelles sont selon vous les mesures qu'il convient de prendre ?
Au-delà de la crise sanitaire, nous devons mener le combat pour le climat. La rénovation du logement est un secteur clé, tant pour le respect de nos objectifs de baisse de consommation énergétique que pour la réponse à la précarité énergétique.
Dans le même temps, les travaux de la Convention citoyenne pour le climat auront une résonance particulière dans le contexte d'après-crise, où des décisions fortes devront être prises. Nous savons déjà que la rénovation énergétique fera partie des recommandations prioritaires.
La question du logement alternatif, auquel de plus en plus de jeunes aspirent, mérite une réflexion nationale, tout comme celle du repeuplement de nos territoires ruraux et du développement d'une agriculture paysanne.
Enfin, se posera la question du revenu universel.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé vouloir revenir sur l'allongement des délais de recours pour les autorisations d'urbanisme.
Un maire de mon département avait délivré un permis de construire le 15 janvier dernier. Le délai de recours au titre du droit des tiers devait prendre fin le 15 mars, soit trois jours après l'entrée en vigueur de l'ordonnance du mois de mars. Dois-je comprendre que ce délai, qui, dans l'état actuel du droit, est repoussé au 24 août, sera porté au 27 juin par vos nouvelles ordonnances ?
L'entretien des hôtels qui sont mis à disposition dans le cadre des mises à l'abri n'est pas toujours réalisé. Il faut que vous preniez ce problème à bras-le-corps, monsieur le ministre.
Par ailleurs, les associations caritatives comptent des bénévoles d'un certain âge qui sont actuellement en retrait. Ne pourrait-on imaginer un renfort des services de l'État ?
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos propos sur les quartiers populaires. En effet, le confinement y est aussi bien respecté qu'ailleurs, bien que les conditions de vie y soient souvent plus difficiles.
On ne connaît pas encore l'ampleur exacte de cette crise inédite. Même si l'on envisage aujourd'hui une sortie du confinement le 11 mai prochain, le risque d'une deuxième vague épidémique en juin ou en juillet, voire durant l'hiver, est réel. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait étendre la période de la trêve hivernale au-delà du 31 mai.
Les 8 millions de salariés actuellement au chômage partiel feront-ils partie des ménages précaires qui bénéficieront des aides que vous avez annoncées ? Envisagez-vous de les rendre éligibles au chèque énergie ?
Aujourd'hui, les acteurs du BTP sont soumis à une forme d'injonction contradictoire : d'un côté, on leur demande de relancer les chantiers ; de l'autre, il est conseillé de rester confiné chez soi. Pour moi, les conditions sanitaires d'une reprise de l'activité dans le secteur ne sont pas encore réunies.
Enfin, pourrait-on dispenser les étudiants confinés dans les logements gérés par un Crous de payer leur loyer ? Comment les aider ?
Une ordonnance publiée à la fin du mois de mars prévoit plusieurs mesures dans le domaine des marchés publics pour assurer le rééquilibrage du surcoût entraîné par la crise sanitaire, notamment l'adaptation des marchés à la période de confinement, la neutralisation des pénalités de retard et l'indemnisation des entreprises.
Est-il prévu une ordonnance équivalente pour les marchés privés, qui représentent l'écrasante majorité des contrats dont dépend l'activité du bâtiment ?
Lors de l'examen de la dernière loi de finances, en ma qualité de Rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie » pour notre commission, je m'étais inquiété de la transformation progressive en prime du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), constatant une baisse des deux tiers du montant et des bénéficiaires de ce crédit d'impôt.
Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) évaluait à 62 000 le nombre de professionnels du bâtiment directement affectés par cette mesure.
Disposez-vous d'éléments permettant de dresser un premier bilan du dispositif « Ma Prime Rénov' » ?
Le collectif budgétaire, qui sera prochainement examiné par le Sénat, ne doit-il pas être l'occasion de corriger les difficultés résultant de sa mise en place ? Pourquoi ne pas élargir, a minima pour la durée de la crise, les conditions d'éligibilité au CITE, comme l'avait adopté le Sénat à notre initiative, ainsi qu'à celle de ma collègue Dominique Estrosi Sassone, l'automne dernier ?
C'est à cette condition que nous pourrons soutenir les professionnels du bâtiment.
Par ailleurs, où en êtes-vous de la publication de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs, la réglementation RE 2020, qui doit prochainement entrer en vigueur ?
Le calendrier et le contenu du dispositif évolueront-ils pour tenir compte de l'actuelle crise sanitaire ? Prévoyez-vous d'accompagner les professionnels, en simplifiant les normes applicables et en renforçant les incitations fiscales, afin que la mise en oeuvre de cette nouvelle réglementation soit perçue comme une opportunité, et non comme une contrainte, par ces derniers ?
Le dispositif proposé par la Banque des territoires pour accompagner financièrement les organismes de foncier solidaire (OFS) est aujourd'hui trop contraignant : il allonge les délais de mise en place des financements et renchérit le coût des opérations. Pourquoi ne pas remplacer les garanties demandées actuellement lors de la phase de précommercialisation par une analyse de la solidité foncière du promoteur social ?
Pourquoi ne pas autoriser les conseils départementaux à garantir les prêts aux OFS, ce que la loi interdit aujourd'hui ?
Monsieur le ministre, je salue l'attention toute particulière que vous avez porté aux structures d'hébergement d'urgence depuis le début de la crise.
Compte tenu de la tension existant déjà au niveau de ces structures, prévoyez-vous une dotation spécifique dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative, afin de tenir compte du surcoût de 50 millions d'euros que vous avez mentionné ?
Je souhaite revenir sur la question du déploiement des infrastructures numériques. J'en profite pour souligner qu'il est difficile pour le secteur de se faire entendre du Gouvernement, alors que plusieurs ministres traitent du sujet ! Je suis ainsi amenée à répéter des questions que j'ai posées à certains de vos collègues, lesquels n'y ont répondu que partiellement... S'agissant de la fibre, on observe une chute de l'activité de l'ordre de 70 %, ce qui handicape les territoires peu ou pas équipés et obère lourdement les capacités de rebond.
Le Gouvernement considère-t-il le déploiement des réseaux comme une activité essentielle ? Envisagez-vous, dans le cadre de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de mettre en place une plateforme consacrée à l'identification des difficultés rencontrées sur le terrain, ce qui permettrait, en accord avec les collectivités locales, de lancer les chantiers réellement prioritaires et de s'assurer que les travaux qui ont déjà obtenu une autorisation de déploiement sont déjà bien engagés - ce qui peut, par exemple, être le cas d'opérations dans le cadre du New deal mobile ? Comptez-vous appeler les grands acteurs de la filière à faire preuve de davantage de solidarité, alors que le coût de la prise a doublé et que les sous-traitants, notamment de deuxième et troisième rang, ne peuvent supporter seuls ce surcoût ? Êtes-vous prêt à engager un travail avec les collectivités locales et le Sénat, afin d'éviter que les contraintes administratives ne soient un frein au déploiement des projets prioritaires ?
Enfin, la situation met en évidence l'exclusion et la précarité numériques : face à cette réalité, pensez-vous aller au-delà de l'engagement pris dans le cadre de l'examen de la dernière loi de finances, à savoir le recyclage des crédits non utilisés, pour définir un objectif après 2022 et couvrir 100 % du territoire en très haut débit ?
J'insiste sur la nécessité de poursuivre le déploiement de ces infrastructures numériques : c'est l'équilibre entre ces chantiers et les opérations de maintenance qui permettent de maintenir un volume d'affaires suffisant pour assurer la survie de l'ensemble des acteurs du secteur, opérateurs et sous-traitants compris. Toute la chaîne de production doit être fluide, y compris en ce qui concerne les autorisations d'urbanisme. Et vous l'avez souligné, M. le ministre, ce sont parfois les architectes des bâtiments de France ou les directions départementales des territoires qui sont dans l'incapacité de donner leur avis ou les autorisations le cas échéant, alors même que les communes et intercommunalités poursuivent la délivrance des documents d'urbanisme.
Madame Lienemann, vous proposez la création d'un fonds complémentaire au FSL pour le logement privé. Pour moi, la question est moins celle des financements que celle de la réussite de l'accompagnement individualisé que nous mettons en oeuvre. Aujourd'hui, les ressources du FSL peuvent déjà être mobilisées pour le logement privé comme pour le logement social.
Vous avez également mentionné les éventuelles pénalités de retard que pourraient réclamer aux promoteurs les ménages accédant à la propriété, et vice-versa. Je dois vérifier ce point, mais il me semble que l'ordonnance prise ce matin en conseil des ministres traite ces deux cas.
Madame Létard, vous avez évoqué les risques juridiques qui accompagnent une reprise des chantiers. Le guide de bonnes pratiques sanitaires, que nous avons préparé en lien avec le ministère du travail, la médecine du travail et les fédérations du bâtiment vise justement à prévenir ces difficultés et à garantir la sécurité des travailleurs.
Tout comme vous, je veux rendre hommage à l'action de la Banque postale, ainsi qu'au travail de l'ensemble des postières et postiers de ce pays.
Pour ce qui concerne la répartition des surcoûts, je le répète, il faudra probablement s'en remettre à la « chaîne de loyauté économique » qu'évoquait Dominique Estrosi Sassone tout à l'heure. Il sera sans doute nécessaire de créer des dispositifs ad hoc pour tenir compte des spécificités des différents secteurs.
Enfin, vous avez à juste titre insisté sur la situation des personnes âgées isolées. Je rappelle qu'un rapport remis par Jérôme Guedj la semaine dernière au ministre de la santé traite de ce sujet. Je veux également saluer le dispositif d'écoute et de livraison solidaire, lancé par la Croix-Rouge et appelé « Croix-Rouge chez vous ». Il reste cependant un important travail à faire pour identifier ces personnes fragiles.
Monsieur Courteau, je suis également convaincu que la rénovation énergétique est l'un des leviers majeurs de la reprise économique. Depuis mon entrée au Gouvernement, ma priorité absolue est la réhabilitation des logements : cela suppose des actions en faveur de la rénovation énergétique, bien sûr, mais aussi des dispositions pour lutter contre l'habitat insalubre et le surpeuplement. S'agissant de votre question sur le chèque énergie, je vous renvoie à l'expertise de ma collègue Elisabeth Borne.
Madame Renaud-Garabedian, vous m'interrogez sur le rôle des plateformes de location de logements de type Airbnb. Comme vous le savez peut-être, je suis à l'origine de l'opération « Appart Solidaire ». Lancée durant la deuxième semaine de confinement, elle vise à mettre à la disposition de professionnels de santé et de travailleurs sociaux des logements proches de leur lieu de travail, et cela gratuitement. Aujourd'hui, cette offre concerne 8 500 logements, pour un total de 28 000 nuitées déjà conclues. Le site d'annonces De Particulier à Particulier adhère aussi à l'initiative et propose 1 800 logements. Au total, plus de 10 000 logements sont donc disponibles via les plateformes locatives.
Monsieur Labbé, j'approuve évidemment votre combat pour le climat. La crise interroge notre relation à l'habitat, ainsi que l'usage que l'on fait de ce dernier. Elle met aussi en évidence les inégalités sociales liées au logement. C'est un sacrifice que d'être confiné ; c'est un sacrifice « au carré » que d'être confiné dans un logement tout petit et insalubre...
Madame Noël, vous avez mentionné un délai de recours qui devait échoir le 15 mars 2020, soit trois jours après l'adresse du Président de la République aux Français. Dans l'état actuel du droit, découlant des dispositions de l'ordonnance du 25 mars, le recours court jusqu'au 24 août prochain. Toutefois, l'ordonnance prise ce jour en conseil des ministres modifie la donne : le recours courra désormais jusqu'au 31 mai, soit sept jours après le 24 mai, nouvelle échéance retenue.
Monsieur Tissot, on ne m'avait pas encore fait part d'un problème concernant l'entretien des hôtels, mais je vais consulter très prochainement les associations à ce sujet.
Pour répondre à votre seconde question, nous avons mis en place de nombreux dispositifs pour tenter de relayer l'action des associations caritatives. Je citerai notamment la plateforme « jeveuxaider.gouv.fr » et le partenariat conclu avec le ministère des sports pour accroître les réserves de travailleurs sociaux.
Monsieur Gay, les aides aux ménages précaires concerneront toutes les personnes percevant le RSA ou l'ASF, ainsi que les parents d'enfants touchant les APL. Parmi ces allocataires, il y a donc probablement une partie des 8 millions de salariés actuellement au chômage partiel. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous opposez confinement et reprise de l'activité économique : l'enjeu est justement de parvenir à concilier ces deux nécessités. Enfin, s'agissant des étudiants logés dans des résidences du Crous, nous sommes actuellement à la recherche d'une solution.
Monsieur Buis, l'une des ordonnances prises ce matin en conseil des ministres répond justement à votre préoccupation au sujet des marchés privés.
Monsieur Gremillet, il me semble qu'un mauvais procès est fait au dispositif « Ma Prime Rénov' ». Contrairement au CITE, il s'agit en effet d'une aide directe, qui n'obère pas les capacités de trésorerie des personnes éligibles, ce qui est un avantage en période de crise. D'ailleurs, nous avons fait en sorte que cette prime reste accessible pour les ménages durant le confinement. J'ajoute que, avant son apparition, les 50 % des personnes les plus favorisées bénéficiaient de 80 % du montant global du crédit d'impôt, ce qui était injuste.
Enfin, concernant la réglementation RE2020, les travaux se poursuivent. Je n'ai pas de calendrier précis à l'esprit. Je puis simplement vous dire qu'une consultation sur les coefficients énergétiques avait été lancée juste avant que le confinement ne débute.
Monsieur Laurent, vous m'interrogez sur l'utilité des financements accordés par la Banque des territoires aux OFS. Jusqu'ici, personne ne s'était plaint auprès de moi de leur lenteur, mais je vais étudier la question avec attention.
Sachez en tout cas que je suis un fervent défenseur des OFS. J'ai même inauguré le tout premier programme lancé par un OFS à Espelette en fin d'année dernière. Ce qui est possible dans cette commune doit l'être ailleurs ! Quant à la Banque des territoires, elle a une vertu : elle propose des financements sur le long terme, soit quatre-vingts ans, ce qui est judicieux lorsqu'il est question de programmes dissociant le foncier du bâti. Je répondrai ultérieurement à votre question sur les garanties des collectivités locales aux prêts des OFS, car je n'ai pas tous les éléments en tête.
Monsieur Morisset, permettez-moi tout d'abord de saluer votre dernier rapport sur l'hébergement d'urgence. Pour vous répondre, nous n'avons pas prévu d'engager des crédits pour financer les surcoûts actuels. Comme vous le savez, les crédits liés à l'hébergement d'urgence ne peuvent être évalués qu'en fin de gestion budgétaire.
Madame Loisier, en ce qui concerne le déploiement de la fibre, nous avons dépassé en 2019 l'objectif que nous nous étions fixés en 2017 : grâce au financement des collectivités locales, à l'engagement des opérateurs et à l'action de mon ministère, nous en sommes désormais à plus de 4,5 millions de prises raccordables, soit un doublement en deux ans. Cela étant, le confinement a un impact sur l'avancée des chantiers, y compris dans le secteur des télécommunications. Aujourd'hui, les opérateurs veulent qu'on les autorise à accéder à la voirie pour poursuivre les travaux durant la période de confinement. Ils demandent aussi que l'on ne suspende pas les délais applicables aux autorisations administratives pour les travaux sur les infrastructures de télécommunication. Nous échangeons avec les opérateurs et les collectivités locales. Je doute cependant que les représentants des élus locaux que vous êtes soient très allants sur cette proposition. Rien n'empêche les collectivités locales à poursuivre l'instruction des demandes.
Je comprends votre impatience au sujet du plan France Très haut débit. Pour ma part, je suis très content d'être parvenu à mettre le dossier du très haut débit et de la téléphonie mobile en haut de la pile quand je suis arrivé au ministère. Cela étant, il faut sans doute aller encore plus loin pour réduire la fracture numérique et faire disparaître les zones blanches, qui sont encore plus insupportables dans la période que nous vivons.
Merci beaucoup pour vos réponses, monsieur le ministre. J'attire votre attention, ainsi que celle de votre collègue Cédric O, sur les difficultés que rencontrent les personnels des services déconcentrés de l'État à travailler à distance. Le manque de numérisation de ces services n'est pas sans poser des problèmes aux élus locaux que nous sommes.
Je remercie également Dominique Estrosi Sassone et Annie Guillemot d'avoir piloté la cellule de veille, de contrôle et d'anticipation du plan d'urgence pour les secteurs de l'urbanisme, du logement et de la politique de la ville. La richesse de leur travail se matérialisera certainement par la voie d'amendements au prochain collectif budgétaire.
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