Bonjour et bienvenue à tous. Je suis très heureuse, au nom de la délégation aux Collectivités territoriales, de vous accueillir.
Je salue particulièrement (par ordre alphabétique) : Christophe Bouillon, président de l'Association des Petites Villes de France (APVF), qu'accompagne Loïc Hervé, notre collègue et président délégué de cette association ; Caroline Cayeux, présidente de l'association Villes de France (AVF) et de la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), pour laquelle le Sénat a décidé de mettre en place une filature qui ne relève pas de la méfiance, mais d'une forte exigence ; Michel Fournier, qui a été élu très récemment président de l'Association des Maires ruraux de France (AMRF) après en avoir été vice-président.
Le Président de la République a sollicité en janvier 2020 le Sénat pour contribuer à la réflexion sur l'évolution nécessaire de l'organisation territoriale. Nous nous y attelons depuis lors, dans le prolongement des travaux qu'a présidés avec beaucoup d'engagement Jean-Marie Bockel.
En cette période de crise sanitaire, nous avons à coeur de prendre régulièrement le pouls des élus locaux, puisque la Constitution nous confie le rôle de représentants des collectivités territoriales. Or la pandémie a prouvé leur capacité d'initiative et d'action à tous ceux qui pouvaient en douter ou n'en avaient pas pleine conscience.
Une évolution, qui est pratiquement une révolution culturelle pour notre pays, doit être soutenue et encouragée : la différenciation, c'est-à-dire la capacité donnée aux territoires d'inventer leur organisation à partir d'un cadre législatif qui ne fracture pas la République et n'est donc pas contraire au principe de son unité. La différenciation prend en compte la diversité des situations et l'adaptation des moyens pour atteindre les mêmes objectifs en matière de droits et de libertés. Elle affirme la confiance dans les élus locaux, qui sont capables d'inventer en toute responsabilité la meilleure organisation, en s'appuyant sur un État extrêmement fort et réellement puissant davantage que volontariste, qui gère bien ce qui relève de sa compétence régalienne et qui assure l'équité, la solidarité et la péréquation.
Nous pensons que la liberté donnée aux territoires ne va pas conduire à l'instauration d'une forme de « Far West » où le plus fort gagnerait et le plus fort serait oublié. Elle permet au contraire d'atteindre le seul objectif que nous avons en tête, qu'il s'agisse de l'État ou des élus locaux : l'efficacité de l'action publique.
Confrontés à une crise lourde et très longue, après avoir consacré l'an dernier l'essentiel de nos préoccupations aux enjeux sanitaires, nous assistons à la montée en puissance des questions économiques et sociales. Nous savons que notre pays entre certainement, et cela même si le virus disparaît un jour - que nous espérons prochain -, dans une ère de turbulences mais aussi de reconstruction, au sens positif.
Bien que nous soyons au Sénat les meilleurs avocats du projet de loi 4D, cela ne signifie pas que nous sommes totalement en phase avec ce que propose le Gouvernement. Ainsi, quand Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, est venue au Sénat nous présenter le projet de loi relatif à la simplification des expérimentations, je me suis permis de lui dire, avec amitié et respect, que c'était un texte à souffle court. Le projet de loi 4D (décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification) nous paraît plutôt relever, à ce stade, d'une sorte de décentralisation-différenciation verticale. Alors que le Gouvernement envisage seulement d'autoriser des aménagements locaux, nous pensons qu'il doit aussi y avoir une décentralisation bottom up, c'est-à-dire ascendante. Plus que de la décentralisation, il nous faut de la déconcentration et de la différenciation. Nous sommes curieux de connaître votre avis de représentants d'élus locaux sur ce sujet.
Quel avis portez-vous aussi sur le groupe de travail initié par Jacqueline Gourault sur le financement du bloc communal ? Pour avoir récemment auditionné sur le sujet Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, nous considérons que c'est une excellente initiative.
Enfin, que pensez-vous de la mise en oeuvre de l'« Agenda rural » et de l'efficacité des mesures prises dans ce cadre ?
Je suis très heureux d'être avec vous au Sénat, cette grande maison des collectivités territoriales, et particulièrement à la délégation aux Collectivités territoriales, dont nous apprécions à l'APVF les réflexions, le travail et les contributions. Je vous rappelle que notre association fédère 1 300 des 4 000 communes ayant entre 2 500 et 20 000 habitants. Notre ADN consiste à ne se positionner ni comme complaisants ni comme opposants, mais comme proposants. Comme vous, au sein de la délégation, nous aimons venir avec des propositions, des contributions et des « Livres blancs ». Nous avons procédé ainsi lors du « Grand débat national », au moment du « Ségur de la Santé », sur des sujets cruciaux tels la transition écologique ou la désertification médicale, et nous le faisons actuellement sur les conditions d'une bonne relance, qui doit, pour profiter au pays, passer par les territoires. Nous voulons « élargir les gammes », pour dépasser les sujets habituels - et essentiels - des finances et des statuts.
La question qui nous occupe aujourd'hui est celle de la crise sanitaire. Cumulée avec une crise économique et une crise sociale, elle nous rappelle combien les collectivités sociales sont indispensables pour faire en sorte que les politiques publiques diffusent jusqu'au « dernier kilomètre », celui qui permet d'aller jusqu'à l'habitant, au citoyen, et à l'administré. Nous avons vu les déficiences qu'entraîne le fait de ne pas mettre les communes dans la boucle sur la question des masques, sur la question des tests et sur la question de la stratégie vaccinale.
Comme nous l'avons affirmé depuis le début de la pandémie, nous sommes là pour accompagner toutes les actions destinées à accroître la résilience de notre pays aux crises sanitaire, économique et sociale auxquelles il est confronté. Les collectivités que nous représentons ont fait preuve d'une grande agilité et d'une grande efficacité, avec ce point de départ qu'est la proximité. Notre capacité à organiser l'ensemble des dispositifs à la maille la plus fine s'est illustrée lorsqu'il a fallu fournir des masques en un temps record, lors du déconfinement, à l'occasion duquel nous avons plaidé pour un équilibre du couple maire-préfet, puis pour l'organisation des tests viraux et, à présent, dans le cadre de la campagne vaccinale.
S'agissant de la mise en oeuvre de la stratégie vaccinale, qui est essentielle pour sortir de la crise sanitaire et amorcer une relance, nous avons fait savoir au Gouvernement dès l'automne, comme d'autres associations d'élus, que nous étions prêts à mettre à disposition des locaux et des personnels. Grande a été notre surprise de ne pas y avoir été associés et d'apprendre, souvent par la presse ou par le biais des différentes préfectures, le dispositif qui a été déployé. C'est dommage, car lorsque nous disons que nous sommes prêts, nous le sommes, et il ne faut pas décevoir l'attente des élus et savoir jouer la carte de la confiance. Le fait que les maires soient incapables de répondre à leurs administrés, qui les sollicitent en permanence pour être informés des dispositifs qui vont être mis en place, participe d'une forme de lassitude, voire de colère sourde. Alors que les élus et les maires des petites villes sont en première ligne, ils ne trouvent souvent personne au bout de la ligne lorsqu'ils se tournent vers les services de l'État, qu'il s'agisse des services déconcentrés ou des services du Gouvernement.
Contrairement à ce que pensent certains, le fait d'avoir 34 000 communes en Franceest une chance, car cela signifie qu'il y a un représentant de l'État partout en France. C'est précieux en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle et il est regrettable qu'on l'oublie trop souvent à l'occasion d'une telle épidémie.
Le quatrième D de loi 4D correspond à la « décomplexification » et je ne vous cache pas que le seul fait de prononcer ce mot fait peur. Le terme de « simplification » eut sans doute été préférable. En outre, on peut craindre qu'il y ait un cinquième D, celui de « disparition », et il nous faut veiller à ce que ce texte ne soit pas renvoyé à plus tard, car il est essentiel et parce que l'ensemble des associations d'élus y ont apporté leur contribution, comme elles l'avaient fait lors de la présentation du texte « Engagement et proximité », dont nous attendons que les lacunes soient palliées par la loi 4D.
Plutôt que « décentralisation » et « déconcentration », nous disons : « décentralisation jusqu'au bout ». En effet, le sentiment nous pèse depuis des années que la décentralisation n'est jamais terminée, et qu'on n'en finit jamais. Au-delà de cette impression d'inachevé, cela conduit surtout à un constat d'instabilité, car nous passons notre temps à changer les règles du jeu de l'organisation territoriale de notre pays. Il faut aujourd'hui aller au bout de la décentralisation.
Si la décentralisation ne s'accompagne pas d'une déconcentration, l'exercice sera vain. Dans le domaine sanitaire, on constate, comme vous l'avez dit, Madame la présidente, une verticalité qui donne le vertige, alors que l'horizontalité pourrait donner de l'oxygène. Quand on voit le grand nombre d'organismes au niveau étatique qui ont en charge la stratégie vaccinale, qui sont pléthore, on pense que sa mise en oeuvre à la maille la plus fine, c'est-à-dire au niveau départemental, serait susceptible de changer grandement la donne. C'est également vrai sur les questions de logement, de transition écologique, mais aussi sur les questions de mobilité.
Je vous rejoins pour souhaiter une différenciation encadrée, car nous sommes attachés comme à la prunelle de nos yeux à une République une et indivisible. Nous plaidons sur ce sujet pour une expérimentation renforcée, car les règles qui s'y attachent empêchent actuellement qu'elle soit bien vécue.
S'agissant enfin de la « décomplexification », je vous rappelle que ce n'est pas la première fois que l'on s'essaie, tant au Parlement qu'au niveau du Gouvernement, à un exercice de simplification. Là encore, cette démarche nécessite de s'appuyer sur l'expertise des élus locaux. La loi a institué à cette fin des lieux de coordination de l'action publique : qu'on leur donne un contenu et des missions, dont celle consistant à identifier les leviers de simplification qui sont nécessaires. Loïc Hervé vous présentera ultérieurement nos propositions en ce qui concerne les évolutions que nous souhaitons sur la Décile.
Tout comme vous, nous sommes attachés, au Sénat, à la réussite de l'action publique. Le Gouvernement a, à juste titre, engagé un traitement des irritants, qui sont parfois des bloquants, issus des lois territoriales qui ont parfois conduit à l'impuissance parce qu'elles étaient trop formatées. On ne peut aujourd'hui, a fortiori en période de crise, prétendre préparer l'avenir en faisant abstraction de toutes les failles que la pandémie a révélées, à commencer par la verticalité de la décision. Or on entend au sujet de la différenciation une petite musique autour de la crainte d'un « cambriolage par effraction de la République » associé à la fracture de son unité. Pourtant, les dispositions législatives spéciales relatives aux territoires d'outre-mer ou aux territoires de la montagne se sont imposées naturellement pour réaliser l'objectif d'unité. Il faut donc oser avancer sans avoir peur. Je vous donne acte que le mot de « décomplexification » est difficile à prononcer, à l'image de la difficulté que nous avons à lancer nos travaux pour lui donner du contenu.
Je tiens à saluer mes anciens collègues sénateurs que j'ai quittés pour redevenir maire de Beauvais et présidente de son agglomération. Je vous rappelle que l'Association Villes de France représente 600 villes de 20 000 à 100 000 habitants qui rassemblent environ 20 millions de Français.
La situation sanitaire préoccupe évidemment au plus haut point mes collègues maires, qui se demandent si, après un couvre-feu à 20 heures, puis à 18 heures en raison de la propagation du virus, l'apparition de variants du coronavirus encore plus contagieux va amener le Gouvernement à décider un troisième confinement. Comme mes collègues présidents d'associations d'élus locaux, nous allons participer à la visioconférence que le Premier ministre va animer ce soir et je forme le voeu qu'il saura nous écouter. L'absence de perspectives est devenue très anxiogène pour nos concitoyens. Elle inquiète les décideurs économiques, les décideurs publics, mais aussi, au plus haut point, le monde de la culture et de la restauration. Nous avons besoin de voir le bout du tunnel.
Sur ce volet, nous sommes des relais de confiance auprès de nos concitoyens. Si l'État et ses administrations essaient de rassurer les maires en travaillant avec eux, c'est à nous de rassurer nos administrés. Nous avons été constamment en première ligne avec eux depuis le mois de mars dernier. Comme je suis élue de l'Oise, la crise s'est même déclarée le 15 février 2020 avec la détection d'un cluster et les premiers plans d'actions. C'est dire si le temps est long pour les habitants de ce département.
Sur le terrain, le couple maire-préfet a été salué pour son efficacité et son dynamisme. Je me souviens avoir travaillé presque quotidiennement avec le directeur de l'hôpital de Beauvais et le préfet de l'Oise. Quant aux agences régionales de santé (ARS), elles ont été fondées dans le cadre de régions plus raisonnables en taille et l'on constate, quand l'une d'elles couvre un espace allant de Chantilly à Lille, que cela crée de la distance, alors que les élus veulent de la proximité.
À chaque étape de la crise sanitaire, Villes de France a soumis au Gouvernement et aux parlementaires un certain nombre de propositions, comme pour le « Ségur de la Santé », le plan de relance ou, plus récemment, sur la réouverture des commerces dits « non essentiels » ou sur la distinction entre les commerces de proximité et les grandes surfaces.
La vaccination est actuellement notre seule option pour en finir avec l'épidémie. Curieusement, au moment où il y a eu un déclic positif dans l'esprit de la population pour se faire vacciner, on réalise que nous n'aurons pas de doses de vaccins en nombre suffisant. À titre d'exemple, la maire de Saint-Quentin, dans l'Aisne, a reçu hier un appel de son ARS lui signifiant de ne plus prendre aucun rendez-vous de vaccination pour le mois de février...
Il s'avère aussi que tous les départements et territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Certains voient leur campagne de vaccination mise à l'arrêt et les maires concernés, qui ont fait l'effort d'ouvrir des salles de vaccination, doivent à présent expliquer et faire accepter la situation à leurs administrés. De plus, ils ignorent si les charges afférentes à la mise à disposition de ces locaux seront assumées par l'État. Dans certains départements, l'ARS a pris la décision de supprimer des plateformes de réservation en ligne du fait de l'absence de vision sur l'approvisionnement des doses. Ces aléas cristallisent l'inquiétude de nos concitoyens et suscitent chez les élus de terrain sinon de la désespérance, au moins une lassitude. Dans un tel contexte, nous souhaitons de la lisibilité, de la cohérence et de la clarté, et à tout le moins de la transparence dans les informations.
Alors que la crise sanitaire a mis à mal le moral de nos concitoyens et notre économie, le plan de relance de 100 milliards d'euros initié par le Gouvernement avait trouvé un écho très favorable parmi les maires et les présidents d'intercommunalité. Nous sommes donc très attentifs à sa concrétisation territoriale. Les villes moyennes pourraient jouer un rôle important, encore faudrait-il que leurs élus soient plus associés en amont au processus de pilotage.
La relance va passer, pour les villes moyennes, par le programme « Coeur de ville », comme il passera pour les petites villes par le programme « Petites villes de demain ». Ce sont des outils importants mais, après une première phase d'études et d'ingénierie, nous devons pouvoir mobiliser des fonds lors de la phase de mise en oeuvre du plan de relance, afin d'être en mesure d'en bénéficier. Or nos capacités d'action sur le plan financier ne sont pas à la hauteur de ce que nous espérions, d'autant que nous avons été financièrement mis à mal lors de la crise sanitaire par la perte de nombreuses recettes de fonctionnement qui ne sont pas prises en compte dans l'indemnisation Covid prévue par l'État. C'est regrettable, car nous portons près de 70 % de l'investissement public local, dont dépendent de nombreuses entreprises de travaux publics. En outre, les critères d'éligibilité du filet de sécurité sont trop exigeants pour que les villes moyennes puissent en bénéficier.
Enfin, nous n'attendons pas du projet 4D le « grand soir », et nous l'avons dit à Jacqueline Gourault. Il est vrai que le volet de « décomplexification » est aussi difficile à prononcer qu'à mettre en oeuvre. Nous avons cependant fait des propositions de simplification à ce titre lors de plusieurs auditions. En matière de décentralisation, nous avons affirmé le principe d'une compétence déléguée sur un pouvoir de police dédiée. En matière d'urbanisme, nous avons proposé que les intercommunalités puissent prendre la compétence du plan local d'urbanisme (PLU) sans aborder un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) global. Sur le volet santé, nous aimerions avoir un rôle plus décisionnel en tant que présidents du conseil de surveillance des hôpitaux. En matière de déconcentration, nous croyons beaucoup au couple maire-préfet, car il s'agit d'un circuit court, opérationnel et décisionnel, étant entendu que c'est au plus près du terrain que les meilleures décisions sont prises, à l'écoute de nos concitoyens. C'est aussi un moyen de lutter contre une bureaucratie qui devient de plus en plus pesante.
Nous appelons à une véritable différenciation territoriale, car toutes les collectivités n'ont pas les mêmes besoins et n'avancent pas toutes à la même vitesse. Cela se constate en matière de politique de logement, où la carte des grands zonages nationaux mérite d'être revue à l'aune de chaque situation locale, comme c'est le cas dans le cadre de l'expérimentation du Pinel breton, qui commence à faire ses preuves et mériterait d'être généralisé.
La décomplexification est un chantier titanesque auquel, personnellement, je ne crois pas. Je conviens pourtant que si nous quittions la République des silos pour un État unique dans les territoires, cela nous épargnerait les parcours d'obstacles qui nous sont imposés pour obtenir, par exemple, des autorisations d'urbanisme, avec parfois des injonctions contradictoires et des services qui interprètent la loi au point de transformer le point de vue du législateur. La création d'une autorité unique de coordination permettrait une interprétation intelligente de la norme. Parmi les nombreux travaux menés par le Sénat à ce sujet, je pense à ceux de Rémy Pointereau, notre premier vice-président en charge de la simplification des normes, sur la simplification de l'urbanisme. Nous allons entamer avec lui une série d'auditions sur la certification. Nous recevrons ainsi le président Alain Lambert, qui est un hussard de la simplification faisant preuve dans cette discipline d'une volonté intrépide. Nous recevrons également, le 25 mars prochain, le vice-président du Conseil d'État et la secrétaire générale du Gouvernement en charge de la Simplification.
Si je suis devenu président de l'Association des Maires Ruraux de France, c'est pour poursuivre l'action de mon prédécesseur Vanik Berbérian, qui consiste à adopter une posture de co-constructeurs, et non celle de contestataires qui est bien souvent stérile.
En matière de vaccination, notre position face à la problématique de pénurie de vaccins ne consiste pas à revendiquer qu'il y ait un centre de vaccination dans chaque village. Nous regrettons toutefois, au vu de la carte présentée il y a quelques jours, que certains départements ne disposent que d'un ou deux de ces centres, car cela pose des difficultés de déplacement, à commencer pour nos aînés, qui sont prioritaires.
Pour l'anecdote, on nous a appris il y a quelques semaines, à l'occasion d'un point de situation hebdomadaire départemental en présence du préfet, de l'ARS et de différents services de l'État, qu'un début de vaccination serait initié dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), mais sous le sceau du secret. Tous les aspects logistiques devaient être tenus secrets, y compris le choix des EHPAD, comme si l'on nous associait à contrecoeur au dispositif, parce que nous étions incontournables.
Afin qu'un maximum de personnes puissent être vaccinées, nous proposons d'aider à la mobilité des plus de 75 ans, prioritaires pour la vaccination, en profitant du fait qu'il est facile pour nous de les recenser, de les contacter et d'organiser leur transport. Malgré cette bonne volonté, je n'ai sur ce sujet aucune information tangible à communiquer à une personne qui viendrait à ma mairie me demander comment les choses vont se passer. Nous avons souhaité que les caisses locales de sécurité sociale fournissent cette information, mais on nous a répondu qu'il était préférable qu'elle provienne directement de l'État, et donc de Paris...
Les associations d'élus ont beaucoup travaillé à l'élaboration de la loi 4D, car elle est supposée apporter des compléments nécessaires à la loi « Engagement et proximité », notamment en matière de différenciation. S'agissant du 4ème D, la « décomplexification », je peux témoigner, pour être maire depuis plus de trente ans, qu'à chaque fois que l'on nous a annoncé qu'on allait simplifier, cela s'est traduit par davantage de complexité, avec création de véritables « usines à gaz » pour prouver le bien-fondé de la simplification recherchée.
En matière de différenciation, nous attendons qu'un regard spécifique soit porté sur certains territoires ruraux et certaines collectivités de petite taille, par exemple dans le domaine de l'habitat. Or le projet de loi 4D fait la part belle à l'intercommunalité. On a l'impression, et nous ne l'avons pas caché à Jacqueline Gourault, que tout doit passer par l'intercommunalité. Il est inconcevable d'en faire un passage obligé, voire un censeur. En tant que communes rurales, nous souhaitons une différenciation entre les actions de cadre intercommunal et les actions de cadre communal. Il faut laisser aux communes la possibilité d'initier des politiques de développement autonomes.
D'autre part, il est étonnant que l'on doive se prononcer sur la loi 4D alors que la décision de continuer à la porter va être prise par le Gouvernement au début du mois de février et que nous n'avons jamais eu qu'une connaissance très parcellaire du projet de texte lui-même. Il serait dommage d'y renoncer, car c'est un cadre potentiellement favorable pour nos collectivités.
Nous disposions au départ d'une feuille de route claire, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé avec le Gouvernement et les associations d'élus, à savoir l'« Agenda rural ». Celui-ci a été mis en place très lentement : il nous a fallu un an pour obtenir une circulaire préfectorale...
En ce qui concerne le plan de relance, nous ne disposons pas, dans les départements, d'éléments de situation précis sur les projets qui seront privilégiés. Nous voyons se profiler dans certains départements, une fois encore, une approche exclusivement intercommunale, sans doute pour réduire le nombre d'interlocuteurs des préfets. Or le financement des petits projets communaux par le plan de relance présenterait l'avantage de faire travailler le tissu des artisans locaux qui en a vraiment besoin. Nous avons surtout besoin des services d'accompagnement de l'ANCT dans les petites communes, mais leur mise en place ne fait que commencer. La réunion de mise en place de l'ANCT dans mon département n'aura lieu que la semaine prochaine, alors que l'on évoque le plan de relance depuis plusieurs mois. Une accélération est indispensable.
Nous serons bien sûr présents ce soir avec le Premier ministre pour apporter un éclairage sur une éventuelle décision de confinement prise par le Gouvernement. À ce sujet, je préconise modestie et humilité : les choses ne sont pas simples et nul ne peut prétendre savoir quel sera le type de confinement adapté à la situation épidémique actuelle.
Tout comme le vaccin contre la Covid nécessite deux injections, la vaccination de notre pays contre l'ankylose et l'asphyxie nécessitera deux doses : la première a été celle de la loi « Engagement et proximité », qui a apporté de l'oxygène sans créer le « grand soir », et la seconde sera la loi 4D, pour laquelle nous manquons encore de doses. Il reste que le Sénat a beaucoup oeuvré, tout comme les associations d'élus, avec insistance et exigence pour réparer les voies d'eau du bateau France. S'il est difficile, à l'heure où nous parlons, de positionner la loi 4D dans un calendrier, celui-ci relève cependant de l'urgence. Après le teasing opéré sur ce sujet par le Gouvernement, nous avons hâte que le texte promis voie le jour.
Il est à peu près acquis qu'il n'y aura pas de texte 4D pour des raisons de calendrier parlementaire. J'ai presque envie de dire « tant mieux », car nous étions partis pour réinventer l'eau tiède, en ne traitant qu'une partie des problèmes, sans solder les comptes entre l'État et les collectivités territoriales en matière d'organisation. L'avantage aussi c'est que cela nous donne, compte tenu du calendrier électoral, deux ans pour préparer un nouveau projet.
Pour ma part, j'appelle de mes voeux l'acte 3 de la décentralisation, en espérant que celui-ci fixera la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État pour une période de quinze ou vingt ans, avec le plus grand souci de la dépense publique. C'est d'autant plus important qu'en 2022 l'État sera confronté au mur de la dette publique, qui atteindra fin 2021 quelque 2 800 milliards d'euros, et qu'il ne manquera pas de se tourner vers tous les autres acteurs, comme il a su le faire pendant la période de forte décroissance des dotations puis dans le cadre des contrats de Cahors.
L'expérience de la crise sanitaire doit largement influencer la future loi 4D. À mon sens, le binôme préfet-maire doit être complété par le président de conseil départemental, notamment dans les départements ruraux. Je pense moi aussi qu'il ne peut pas y avoir de décentralisation réussie sans déconcentration. La question du rôle et de l'échelle des ARS devra aussi être traitée.
J'aimerais avoir votre vision sur l'avenir des ressources des collectivités locales. Après la période dotation globale de fonctionnement (DGF) et la contribution au redressement des finances publiques, on a assisté, tous gouvernements confondus, à une déstructuration complète des ressources fiscales des collectivités territoriales. Elle a été initiée par la réforme de la taxe professionnelle, qui a été un facteur de complexité et a pénalisé les collectivités par le biais du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), avant de se prolonger par la réforme de la taxe d'habitation. À mon sens, cette dernière pénalise le moins les communes qui bénéficient en compensation du foncier bâti, bien que l'on mesure mal son incidence sur le potentiel fiscal des collectivités, et donc sur le dispositif de péréquation. Il est à noter que les critères du service public à caractère industriel et commercial (SPIC), qui est une mesure de péréquation nécessaire, n'ont pas évolué alors que la structuration des périmètres des intercommunalités a beaucoup évolué en 2017. Et je confirme les inquiétudes des élus locaux à la perspective de devoir contribuer, en sortie de crise, au remboursement de la dette publique.
Êtes-vous favorable à ce qu'un travail de fond soit mené sur la simplification des recettes des collectivités, après la période d'empilement des compensations dont on mesure aujourd'hui les limites ? Quel est votre point de vue sur la gestion de la Décile ?
Vous avez constaté des différences très marquées dans la gestion de la pénurie de doses vaccinales d'un département à un autre. Selon quels critères pensez-vous que l'État et les ARS répartissent ces doses ?
Pour ma part, je suis très choquée d'entendre des ministres reprocher aux élus locaux de vouloir implanter trop de centres de vaccination. C'est, à mes yeux, une nouvelle version de « #balancetonmaire », ce qui est inacceptable dans le contexte.
Je crois qu'on nous parle autant de la « territorialisation du plan de relance » qu'elle se traduit peu dans les faits, car les sommes dont disposent les préfets pour tenir compte des problématiques locales sont minimes. Ne pourrait-on faire en sorte qu'une part des projets élaborés sur les territoires s'intègre dans le plan de relance, bien qu'ils ne fassent pas partie des priorités déclinées par l'État ?
En ce qui concerne 4D, et spécifiquement la différenciation, je crains que celle-ci débouche sur une République à la carte, alors que l'enjeu est de réduire les inégalités et non de les accroître.
Je partage les inquiétudes de Philippe Dallier au sujet de la dette publique, car nous avons vu les conséquences d'une crise comme celle de 2008 sur les finances des collectivités. Je note aussi que des « irritants » persistent en matière de compensation aux transferts de compétences opérés par l'État vers les collectivités territoriales.
Pour répondre à Céline Brulin, je constate plutôt une absence de critères dans la répartition des doses de vaccin. On a priorisé les plus de 75 ans sans même savoir où ils étaient. La problématique du transport vers les centres de vaccinations n'a pas non plus été toujours prise en compte dans le choix de leur implantation.
S'agissant des deux ans de réflexion supplémentaire dont se félicite Philippe Dallier au sujet de 4D, je considère qu'il sera difficile de porter des projets lors des prochaines élections régionales et départementales sans connaître le point d'atterrissage d'une réforme de l'organisation territoriale. Nous l'avons déjà connu lors des lois NOTRe et MAPTAM.
Certes, mais la loi 4D n'a pas l'ambition d'un « grand soir », mais plutôt celle d'optimiser ce qui existe, en permettant aux collectivités territoriales de composer leur organisation à partir des territoires.
L'APVF a fait cinq propositions pour mettre un terme au mouvement de fond de démantèlement des finances des collectivités locales. Elles vont toutes dans le sens de l'association des élus pour l'attribution des subventions afin de simplifier le rapport entre l'État et les collectivités locales. Il s'agit de donner au préfet de département une plus grande capacité d'attribuer de la DSIL, et de laisser au préfet de région une part congrue de DSIL pour des projets dits structurants (la DSIL de 2020 est en pratique une super dotation d'équipement des territoires ruraux - DETR -, l'argent ayant été mis sur les projets mûrs). Il s'agit aussi de sécuriser les collectivités qui ne disposent pas d'une ingénierie importante en ne créant pas de critère supplémentaire afin de disposer d'un cadre national qui permette d'aller vite. Lae DSIL ayant, selon nous, une fonction péréquatrice, il faut qu'elle soit fléchée vers des territoires plus fragiles. Enfin, nous pensons que dans le milliard d'euros de décile supplémentaire, il devrait y avoir un fléchage vers le programme « Petites villes de demain », alors que le dispositif se borne pour l'instant à répartir de nouveau de l'argent déjà attribué.
Aucune ville ou intercommunalité de taille moyenne n'a bénéficié du filet de sécurité, parce que les pertes tarifaires n'ont pas été prises en compte. Le calcul a été biaisé. Or nos villes assument beaucoup plus de charges de centralité qu'auparavant, ce qui rend difficile le bouclage des budgets, alors que nous ne connaissons à ce jour ni l'évaluation de la compensation de la suppression de la taxe d'habitation, ni la dynamique prévisionnelle de la baisse des impôts de production. C'est pourtant dans nos villes moyennes qu'il y a encore des pépites industrielles, dont la perte des contributions va entraîner un appauvrissement très net de leurs finances. Ce sera aussi le cas pour les agglomérations qui vont subir des baisses de recettes malgré quelques avances remboursables pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Ce contexte n'a rien de rassurant.
Nous sommes aussi inquiets au sujet des délais très courts qui nous sont accordés pour soumettre des projets au préfet pour qu'il les finance dans le cadre du plan de relance, compte tenu du fait que les équipes municipales n'ont pris leurs fonctions qu'en juillet, dans un contexte financier marqué par des pertes de recettes et un autofinancement dégradé.
À propos de la DSIL, j'ai l'impression que les premiers qui auront déposé un dossier seront les premiers à être servis. À mon sens, il s'agit moins d'argent nouveau que de crédits déjà existants réaffectés à de nouveaux projets. Là encore, il sera très difficile d'en bénéficier si l'on n'est pas dans les temps.
La proposition a déjà été faite au Sénat d'une gestion de la Décile identique à celle de la DETR, c'est-à-dire en fonction de thématiques nationales. Il me paraît pourtant important qu'une place soit faite aux élus sur une déclinaison locale.
À la suite des propos de Caroline Cayeux, je confirme que le risque existe que l'on fasse passer dans le plan de relance des dossiers déjà prêts. Les grandes communes en ont toujours « sous le coude », mais ce n'est pas le cas des petites. Le manque d'ingénierie va beaucoup nous pénaliser, car, effectivement, les premiers demandeurs seront les premiers servis.
Pour ce qui est des finances de nos collectivités, l'accumulation des réformes successives nous a fait perdre de vue qu'il existe une inégalité profonde, depuis des dizaines d'années, entre les communes rurales et les communes de la ruralité. La sénatrice Sylviane Noël a proposé un amendement pour corriger cette situation, mais il ne sera pas retenu. À titre d'exemple, dans ma communauté d'agglomération, qui comprend 78 communes pour 116 000 habitants, les services auparavant portés par les villes-centres, dont les équipements sportifs, sont désormais financés par toutes les communes périphériques au prétexte des « frais de centralité ».
Nous sommes favorables au programme « Petites Villes de Demain », car il bénéficie aux anciens chefs-lieux de canton, avec un soutien en ingénierie, mais il faut se souvenir qu'il existe aussi en France des villages d'avenir qui méritent d'être développés. Mon village est un village d'avenir. J'en ai fait un village d'avenir !
Président Fournier, nous sommes heureux de vous retrouver tel que vous êtes vraiment : plein de conviction et d'ardeur. Nous avons effectivement débattu au Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances, des écarts de dotation entre les villes selon leur profil plus ou moins urbain. Il a alors été procédé, lors de la réforme de la DGF, à des re-calculs de dotations afin de réduire les écarts entre les communautés de communes et les métropoles, mais cela a été jugé inacceptable, de sorte qu'il a fallu inventer des règles spécifiques pour les seules métropoles, en modifiant le critère de coefficient d'intégration fiscale, et cela au détriment du principe d'équité. Il y a là un vrai sujet.
Le président Fournier semble nourrir un complexe par rapport au programme « Petites Villes de Demain », mais je m'autorise à lui rappeler que l'« Agenda rural », qui reste à mettre en oeuvre, est aussi assez dense. En revanche, après vingt années d'engagement dans la vie locale, je partage sa défiance à l'égard de la simplification. Nous sommes soumis à une telle pression médiatique et citoyenne que, lorsque survient un accident, une inondation ou un glissement de terrain, on crée de la norme pour éviter que cela se renouvelle. Il en résulte des documents d'urbanisme toujours plus contraignants mais c'est le prix à payer pour la sécurité de nos concitoyens.
On ne peut que constater que beaucoup de maires, de villes de toutes tailles, souhaitent s'impliquer dans le plan de relance. Il faut les aider pour qu'ils ne passent pas à côté de cette opportunité.
Pour revenir sur les propos de Philippe Dallier, on ne va pas pouvoir laisser également les intercommunalités comme elles sont aujourd'hui. Il est clair que de nombreux maires se plaignent d'être dépossédés de certaines compétences et il faudra y remédier en clarifiant qui fait quoi.
Pourriez-vous, Caroline Cayeux, revenir sur la compétence qui pourrait être déléguée dans le cadre des pouvoirs de police, car vous nous avez laissés quelque peu sur notre faim ?
Je ne partage pas le point de vue de mon honorable collègue Delcros sur la taxe d'habitation, car le fait pour les communes de ne plus lever cet impôt risque de déresponsabiliser nos concitoyens. Quel est votre avis sur ce sujet ?
Nous avons besoin des associations d'élus afin de militer pour l'adjonction d'un volet fiscal dans la loi 4D, dont le Gouvernement affirme qu'il préférerait qu'il figure dans la loi de finances alors qu'il n'en fait rien, bien qu'il ait la main sur cette dernière. Il faut aussi que vous nous aidiez à réclamer une nouvelle gouvernance des finances locales, car on ne peut pas remplacer de la fiscalité locale par des impôts nationaux sans une gouvernance qui rassemble les élus, le Gouvernement et le Parlement, comme cela existe dans tous les pays autour de nous. Si nous ne le faisons pas, le Gouvernement discutera avec chacune des associations d'élus, ne discutera pas avec le Parlement, et fera ensuite ce qu'il veut.
« Diviser pour régner », c'est un exercice que certains d'entre nous ont pu pratiquer dans une autre vie... Il est normal que chaque association défende sa légitimité, mais il est souhaitable de présenter au final un front uni pour dialoguer avec le Gouvernement. Sans quoi on débouche sur le hold-up que j'ai précédemment évoqué au bénéfice des métropoles, qui a été négocié sans que personne ne s'en aperçoive. On ne peut pas demander à l'État de pratiquer l'équité et la solidarité si nous ne jouons pas collectif au niveau des territoires.
Je suis d'accord pour une gouvernance qui regrouperait l'ensemble des décideurs, car notre ambition, in fine, c'est la France.
Je partage votre avis : l'absence de taxe d'habitation va supprimer toute voix participative et tout rapport de nos concitoyens avec les services publics, qu'ils souhaiteraient plus nombreux.
Nous souhaitons définir le statut des polices municipales. Dans ma ville, nous avons un contrat de participation avec la police nationale, alors que nous arrivons souvent en premier rideau sur les situations. Nous ne voulons pas être les supplétifs de la police nationale et que cela conduise à ce que l'augmentation des effectifs des polices municipales s'accompagne d'une baisse des effectifs de la police nationale en zone police pour les villes moyennes. Pour rappel, un policier national ou un gendarme ne peut pas devenir municipal s'il n'a pas passé le concours, sans parler du fait qu'ils disposent d'un armement dans leur premier métier qu'ils n'ont plus dans la police municipale.
En réponse à Charles Guéné, je dirai : pourquoi pas une loi de finances pour les collectivités territoriales ? Nous l'appelons tous de nos voeux.
La question des polices municipales sera abordée lors de la seconde séquence de notre séance. Nous avons parlé d'une loi de finances pour les collectivités territoriales avec Olivier Dussopt hier, et le Sénat y a beaucoup réfléchi. Nous étions très tentés, mais nous en avons abandonné l'idée et l'explication s'en trouve dans les 50 propositions que nous avons formulées. Nous proposons qu'il y ait un débat chaque année sur le financement des collectivités territoriales avant celui sur le projet de loi de finances.
Je conviens, avec Didier Rambaud, que c'est la judiciarisation de la vie publique qui plombe l'exercice de simplification.
Je confirme à Michelle Gréaume qu'un plan de relance qui ferait l'impasse sur les communes et les intercommunalités serait un plan de relance à 50 %, puisque les intercommunalités et les communes représentent 50 % de la commande publique et de l'investissement.
J'abonde dans le sens de Laurent Burgoa : quand il n'y a plus d'impôt citoyen, il risque de ne plus y avoir de citoyens du tout, faute d'une compréhension des actions qui sont menées pour eux à l'échelle des territoires.
Enfin, je répondrai à Charles Guéné qu'en effet on trouve souvent beaucoup de bonnes intentions dans des plans et des exercices auxquels nous avons pu contribuer, mais nous nous faisons à chaque fois rattraper par « la patrouille de Bercy ». Sans une articulation entre les intentions qui figurent dans un texte et leur déclinaison financière, on débouche sur une impasse.
Merci à tous. C'était une audition fort riche et fort intéressante. Je tiens à dire à chacun des présidents d'association d'élus que le Sénat est vraiment à leurs côtés. Nous devons avoir un regard que je qualifierai d'oecuménique sur la diversité des territoires. Et si la loi 4D ne vient pas à nous, nous irons à elle, évidemment pas dans une approche belliqueuse.
Comme cela a été dit, le Sénat a donc fait 50 propositions qui ont été remises au Président de la République, à sa demande. Le Sénat a débuté ses travaux, puisque nous avons déjà adopté deux propositions de loi en début d'année. Aujourd'hui, nous poursuivons notre action, parce qu'elle est nécessaire, par ces auditions, mais aussi en lançant dès la semaine prochaine une consultation auprès de tous les élus locaux pour recueillir leur opinion sur la plupart des propositions que nous avons faites, en vue d'un texte en faveur des libertés locales. Chacune de vos associations sera destinataire d'un courrier que j'ai cosigné avec le président Larcher, et est incitée à mobiliser les adhérents pour que les réponses soient nombreuses. Je vous remercie très sincèrement en notre nom à tous.
Le sujet de l'ancrage territorial de la sécurité intérieure est extrêmement important, car si la sécurité relève de la compétence régalienne de l'État et qu'elle doit s'exercer sur l'ensemble du territoire, la tranquillité publique relève souvent des pouvoirs de police du maire. Il est donc essentiel que ces deux missions soient bien articulées. Ce sujet est également d'actualité dans le contexte de la préparation du « Beauvau de la Sécurité » organisé par le ministre de l'Intérieur, mais aussi parce que la proposition de loi « Sécurité globale » sera bientôt débattue au Sénat. M. Rémy Pointereau et Mme Corinne Féret, dont nous allons examiner le rapport, ont d'ailleurs travaillé en parfaite intelligence avec les rapporteurs de cette loi, ainsi qu'avec nos collègues qui représenteront le Sénat au « Beauvau de la Sécurité », à savoir MM. Henri Leroy et Jérôme Durain. Je les laisse donc présenter leurs dix recommandations, qui sont très concrètes.
Comme vous l'avez rappelé, nous avons déjà produit, avec ma collègue Corinne Féret, un rapport d'étape sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure en juillet 2020, étant entendu que nous travaillons sur le dossier depuis presque un an. Ce rapport soulignait les attentes de la population à l'égard des forces de police et de sécurité, à l'heure où la violence se développe et où certains pointent le risque de fragmentation de la société française. Si le traitement médiatique, parfois excessif, crée sans doute un prisme déformant des réalités, il n'en demeure pas moins que les forces de sécurité, qui sont placées au coeur de la République et de la reconquête républicaine, se trouvent confrontées à de multiples défis. Le rapport d'étape montrait que notre pays ne pouvait les relever efficacement qu'avec l'appui des acteurs locaux, dont les élus locaux, comme l'ont illustré la crise des « Gilets jaunes » il y a un an et demi, mais aussi la crise sanitaire que nous vivons aujourd'hui. Les maires doivent rester les pivots de la sécurité dans leur commune, car ils sont les premiers maillons de la chaîne en termes de continuum de la sécurité.
Nous avons été rattrapés par l'actualité depuis la présentation du rapport d'étape en juillet dernier. En effet, le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » a été rendu public le 14 novembre dernier. Nous avons aussi suivi avec intérêt les débats, parfois houleux, à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi « Sécurité globale », un texte qui arrivera dans quelques semaines au Sénat. Enfin, le ministre de l'Intérieur a annoncé en décembre, juste avant la trêve des confiseurs, le lancement d'une grande concertation nationale consacrée à la police et à la gendarmerie, le « Beauvau de la Sécurité », qui sera inauguré le 1er février prochain.
Je tiens à saluer l'action de toutes les forces de sécurité, qui exercent leurs fonctions dans des conditions souvent très difficiles. Il y a eu quelques errements, isolés et regrettables, mais qui ne sauraient jeter l'opprobre sur l'ensemble des agents qui assurent notre sécurité au quotidien avec dévouement et professionnalisme.
Le rapport que nous vous présentons ce jour formule dix recommandations, qui organisent un véritable ancrage des forces de sécurité dans les territoires.
La première de nos recommandations porte sur l'expérimentation des nouvelles compétences judiciaires de la police municipale. Nous l'acceptons, mais avec vigilance, car on sait bien que derrière des compétences supplémentaires il y a des coûts et des sujets de formation. S'il est vrai que les maires sont libres de créer une police municipale et d'en définir la doctrine d'emploi, dans la limite des compétences que la loi leur accorde, cet équilibre répond à une logique de souplesse faisant, in fine, confiance à l'intelligence territoriale.
Nous proposons d'aborder avec vigilance l'extension des compétences judiciaires des polices municipales envisagée, à titre expérimental, par l'article 1er de la proposition de loi « Sécurité globale ». Un tel élargissement devra préserver le caractère de police de tranquillité et de proximité. En outre, l'extension des compétences des polices municipales peut être perçue par certains élus comme une forme de désengagement de l'État ne s'accompagnant pas d'un transfert des moyens afférents, alors que la sécurité est une mission régalienne qui lui incombe en priorité.
La deuxième recommandation consiste à améliorer la formation des polices municipales. Il s'agit d'enrichir les formations initiale et continue des policiers municipaux tant sur le plan juridique, procédural que déontologique. Alors que les textes et la loi évoluent considérablement, nous considérons que ces agents municipaux doivent être formés en continu. À cette fin, nous proposons, comme cela nous a été suggéré dans le cadre des différentes auditions, d'unifier et d'homogénéiser la formation des polices municipales, en étroite liaison avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
Une fois que l'on a formé, il faut aussi contrôler. L'objectif de notre troisième recommandation est donc d'améliorer le contrôle externe de la police municipale. Si les manquements des polices municipales aux règles déontologiques sont assez limités, cela s'explique surtout par la faiblesse de leur pouvoir de contrainte. L'extension du champ d'intervention des polices municipales et la banalisation de leur armement soulève la question de leur contrôle externe par le ministère de l'Intérieur, aujourd'hui insuffisant. À cet égard, le rapport propose de créer une mission permanente au sein de l'Inspection générale de l'administration (IGA), à la condition qu'elle s'adjoigne les compétences d'un collège consultatif composé notamment d'élus locaux disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de sécurité. Nous savons que la suppression de l'avis de la commission consultative qui existait auparavant a été supprimé dans est envisagée à l'article 6 ter de la proposition de loi « Sécurité globale », mais nous pensons que cette manière ce contrôle collégial pourrait être une bonne solution.
Notre 4ème proposition vise à renforcer les liens entre la police municipale et les forces régaliennes de sécurité. Les coopérations fructueuses entre les polices municipales et les forces de sécurité nationale, qui ont été notamment observées pendant la crise sanitaire, sont en effet une voie d'avenir pour la sécurité locale. Le champ des conventions de coordination afférentes a été étendu par la loi « Engagement et proximité » de décembre 2019, pour en faire de véritables instruments de pilotage opérationnel, obligatoires dans les communes à partir de trois policiers municipaux. Nous nous réjouissons que la quasi-totalité des communes concernées aient conclu une telle convention, et nous rappelons aux maires que sa conclusion est également possible, à leur demande, lorsque leur service de police municipale compte moins de trois agents. Nous les invitons à faire un usage actif de cette faculté.
Par ailleurs, alors que les agents de police municipale disposent, depuis le 1er juillet 2019, d'un accès direct aux fichiers nationaux des permis de conduire et des immatriculations des véhicules, il apparaît que ces accès sont encore trop restreints et que l'on devrait les développer, notamment grâce à des applications mobiles.
Notre 5ème recommandation a pour objet l'association des élus locaux à la nouvelle répartition entre la police et la gendarmerie, à laquelle nous souhaitons associer très étroitement les élus locaux. Actuellement, cette répartition a souvent perdu de sa pertinence, étant rappelé que la compétence de la police représente entre 40 et 50 % de la population sur seulement 5 % du territoire. Une répartition en termes de bassin de vie et de délinquance prenant en compte une ère plus large que le cadre communal serait à notre avis bien plus efficace que la seule application d'un critère démographique. Pour mener à bien la réforme du maillage territorial, la réorganisation pourrait être supervisée, sur le plan local, par le préfet en étroite concertation avec les élus locaux. Le « Livre blanc » évoquait la possibilité de rendre obligatoire la mise en place d'une police dans les villes de plus de 30 000 ou 40 000 habitants. Nous préférons une approche pragmatique en raisonnant par bassin de délinquance, tout en conservant le principe selon lequel la police nationale est présente dans tous les chefs-lieux de département.
Notre 6ème proposition vise à poser la question de la compétence de la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles. Les atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence de la gendarmerie semblent décisifs pour répondre aux défis périurbains avec efficacité. Nous considérons que le gouvernement doit, sans tabous, répondre à la question de savoir si la gendarmerie ne devrait pas aussi intervenir dans les zones urbaines qui enregistrent un fort taux de délinquance. Cette interrogation pourrait être soulevée dans le cadre du « Beauvau de la Sécurité ».
Notre 7ème recommandation plaide en faveur de la réforme de l'organisation déconcentrée de la police nationale. En effet, l'organisation actuelle de la police nationale est actuellement trop cloisonnée et verticale, ce qui pénalise les contacts avec les élus locaux. Nous invitons le ministère de l'Intérieur à poursuivre la réflexion engagée à travers la création expérimentale d'une direction territoriale unifiée de la police nationale. Parallèlement à ce décloisonnement, le rôle d'interface avec les élus locaux devra être encouragé. Le rapport suggère de confier cette mission en propre à un correspondant désigné par le préfet ou la direction de la police.
La 8ème recommandation porte sur les « synergies d'information » avec tous les acteurs locaux de sécurité. Le couple maire-préfet répond à une attente forte des élus locaux. La communication systématique aux maires des fichiers S n'apparaît pas opportune. Nous sommes favorables, sous certaines conditions, à la communication aux élus des seuls profils des personnes dont les maires ont la responsabilité. Nous plaidons également pour une bonne communication entre les maires et les agents du renseignement territorial.
Notre rapport rappelle aussi le rôle majeur joué par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), présidé par le maire, instance obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Elle permet de réunir tous les acteurs du continuum de sécurité. Parce que les CLSPD ne sont pas toujours actifs, nous jugeons pertinente la désignation d'un coordonnateur territorial au sein de la mairie, pour chaque CLSPD, sans pour autant le rendre obligatoire.
Enfin, les relations entre les maires et le Parquet sont fondamentales et la conférence nationale des procureurs de la République a salué le principe d'une réunion d'information obligatoire après les élections municipales, permettant ainsi aux élus locaux de rencontrer les magistrats du Parquet, eux-mêmes soucieux de se rendre accessibles et de coopérer avec les maires pour la sécurité du quotidien. Le Garde des Sceaux, dans une circulaire du 15 décembre 2020, a appelé les procureurs à « renforcer les relations institutionnelles avec les élus locaux ». Nous avons auditionné le procureur de Valenciennes, car l'action engagée sur son territoire fait figure de modèle.
Notre 9ème recommandation préconise d'évaluer et de faciliter les dispositifs de mise en commun de policiers municipaux. En effet, le législateur a prévu deux principales modalités de mutualisation des agents de police municipale : la police pluricommunale ou intercommunale sans délégation de pouvoir, puisque les policiers municipaux restent placés sous l'autorité du maire d'une commune pendant l'exercice de leur fonction.
En 2018, selon la Cour des comptes, seule une quarantaine de dispositifs de mutualisation existait. Dans l'attente d'une évaluation approfondie, qui paraît indispensable, nous sommes favorables à la suppression du seuil de 80 000 habitants au-delà duquel les communes ne peuvent pas mettre en commun des agents de police municipale, parce que c'est à notre sens inutilement contraignant, par exemple lorsqu'il s'agit de gérer la vidéosurveillance sur l'ensemble d'un territoire dépassant les limites de l'agglomération ou de la métropole.
Enfin, la 10ème recommandation vise à encourager les citoyens à devenir des acteurs à part entière de la sécurité. Certains dispositifs y contribuent, avec des résultats tout à fait concrets et satisfaisants, à l'image de la démarche dite « Participation citoyenne », qui vise à associer les habitants d'une commune ou d'un quartier à la protection de leur espace de vie.
C'est aussi le cas des réserves de la gendarmerie et de la police nationale. La réserve mérite d'être développée, en particulier dans la police, pour permettre davantage d'ouverture à la société civile et pour renforcer le lien avec la population. Une évaluation législative pourrait par ailleurs être envisagée pour permettre, comme dans la gendarmerie, aux réservistes de la police nationale d'être armés.
Je tiens à remercier les deux rapporteurs pour ce travail extrêmement important, qui part des exigences et des besoins, mais aussi de très bonnes pratiques. Il illustre bien le travail de notre délégation, qui consiste à défricher pour proposer. Ce rapport doit trouver les traductions législatives nécessaires..
Il est important - et vous l'avez rappelé - d'avoir à l'esprit, lorsque l'on parle de continuum de sécurité, que la sécurité est une compétence régalienne de l'État, parce qu'il ne peut y avoir de démocratie sans sécurité. La sécurité, c'est aussi et avant tout la protection des plus faibles.
Comme nous en avions débattu avec les rapporteurs du texte « Sécurité globale », le Gouvernement avait envisagé un moment l'obligation de créer une police municipale. Il faut pourtant rappeler que cette décision relève, selon le principe de libre administration des collectivités, du seul pouvoir du conseil municipal.
Nous avons pris en compte, dans la loi « Engagement et proximité », le besoin de sécurité dans l'ordre de la tranquillité et des aspects qui relèvent de la compétence municipale. Pour l'anecdote, je me souviens qu'un maire m'avait parlé d'un bois situé sur le territoire de deux communes. Or, on y trouvait régulièrement des déchets sauvages le lundi matin, mais ceux-ci étaient concentrés sur une partie du bois relevant d'une seule commune, car l'autre disposait d'un garde champêtre ou d'un policier municipal. Les habitants ne comprenaient pas que l'on puisse, à un mètre près, déposer des déchets sans être verbalisé. La loi « Engagement et proximité », dans ce type de cas, a permis la mutualisation d'une police municipale sans que cela occasionne un transfert de la compétence à l'intercommunalité. Cette dernière agit comme un groupement d'employeurs, mais le policier intervient sous l'autorité du maire. Cela fait partie des bonnes pratiques que vous avez évoquées.
Je m'associe à vos félicitations sur le travail qui a été fait par Rémy Pointereau et Corinne Féret, car il reflète parfaitement ce que nous avons pu constater sur le terrain lors de la commission d'enquête du Sénat sur l'état des forces de sécurité, dont le rapport a été remis en 2018 au Premier ministre et au ministre de l'Intérieur de l'époque. Il comportait 31 propositions, qui n'étaient pas aussi élaborées et ne portaient pas sur la police municipale. Je m'attacherai, avec Jérôme Durain, à défendre aussi les 10 recommandations qui ont été présentées aujourd'hui lors du « Beauvau de la Sécurité », où nous représenterons le Sénat, car elles rendent parfaitement compte des préoccupations des maires.
Le point du financement est crucial si l'on veut éviter que les municipaux deviennent les supplétifs de la police nationale et de la gendarmerie, car c'est le maire qui finance tout aujourd'hui, depuis le recrutement jusqu'à l'exécution. Le statut devrait permettre, du moins c'est ce que je porterai, d'intégrer cette troisième composante dans les forces de sécurité.
À mon tour, je félicite Mme Corinne Féret et M. Rémy Pointereau pour leurs propositions, dont nous aurons l'occasion de débattre lors de l'examen du texte « Sécurité globale » dont je suis co-rapporteur, avec Marc-Philippe Daubresse pour la commission des Lois, et qui comporte un vrai chapitre sur la police municipale.
J'ai rencontré la semaine dernière les syndicats de police municipale et je peux témoigner qu'ils sont très attachés - cela m'a surpris - à la notion d'unicité de la police municipale. Ils souhaitent que celle-ci soit reconnue et constitue une forme de corps, plutôt que les polices municipales bénéficient d'un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale à la disposition du maire. Il y a là un vrai sujet.
J'aurais aimé que vous développiez votre idée d'école nationale de la police municipale : quel rôle entendez-vous laisser au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qui est aujourd'hui l'institution en charge de la formation des policiers municipaux ?
J'adresse également mes félicitations à nos collègues pour ce rapport. S'agissant de votre 6ème recommandation, qui m'intéresse particulièrement, la gendarmerie devrait-elle intervenir dans les zones urbaines sensibles selon un principe de subsidiarité ou dans le cadre d'une collaboration avec la police nationale et la police municipale ?
Cette proposition peut en effet générer une inquiétude dans les territoires couverts par les zones de gendarmerie, car on craint que celles-ci vident les campagnes pour les zones urbaines.
Je félicite aussi les rapporteurs. Nous disposons en Alsace d'une police complémentaire à la police municipale, « la Brigade Verte », qui accompagne les petites communes. Il serait intéressant d'auditionner ses représentants.
Nous vous remercions pour ces propos élogieux sur notre rapport, dont je souhaite que les propositions soient défendues lors du « Beauvau de la sécurité ». Je vous confirme que les maires ne sont pas les supplétifs de la police et de la gendarmerie. Je ne refuse pas la notion d'unicité de la police municipale, pourvu qu'elle ne rentre pas en concurrence avec celle de l'unicité de la police nationale au risque que l'on ne sache plus qui fait quoi et que cela débouche sur des surenchères syndicales.
Une école nationale de la police municipale est voulue par plusieurs associations d'élus, dont France Urbaine, mais aussi par des syndicats de la police municipale ; elle a également été recommandée par un rapport des députés Fauvergue et Thourot. Son financement et sa gestion resteraient assurés par le CNFPT. Le ministère de l'Intérieur serait chargé de l'élaboration des différents modules de formation. À l'heure où la police nationale a allongé de trois à six mois la période de formation initiale des policiers, il faut aussi que nous formions mieux les policiers municipaux. Le CNFPT remet en cause l'idée d'une école nationale de la police municipale, mais je pense que nous devons le convaincre de sa pertinence. Il doit travailler en lien avec le ministère de l'Intérieur et les élus locaux. Cette école pourrait être déclinée au niveau des régions.
L'idée de faire intervenir la gendarmerie dans les zones urbaines sensibles émane des auditions que nous avons menées, notamment auprès des directions de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Il s'agit de profiter de ses atouts de proximité, de disponibilité et de polyvalence, en plus d'une expérience de lutte contre la petite délinquance, qui évolue aussi en zone périurbaine, voire en zone rurale. Cette recommandation implique une redéfinition des zones d'action des forces de sécurité, en concertation avec les élus, basée sur l'existence de bassins de délinquance plutôt que sur la dichotomie zones urbaines-zones rurales. Cette 6ème recommandation vise à mobiliser les compétences de chaque force de sécurité pour répondre aux attentes très fortes de nos concitoyens en termes de lutte contre les incivilités et les problèmes de sécurité au quotidien.
Je tiens à saluer la coordination interne qui existe au Sénat, car elle est garante de la pertinence et de la prospérité de nos travaux.
La réflexion actuelle sur la répartition géographique de la gendarmerie et de la police nationale se justifie par le fait que la délinquance ne s'organise pas en fonction des périmètres administratifs, mais plutôt en fonction des bassins de mobilité, c'est-à-dire des autoroutes et des lignes à grande vitesse. L'idée d'une intervention de la gendarmerie nationale dans les zones sensibles me semble intéressante, car elle met en évidence la formation militaire des gendarmes alors que s'y multiplient des formes de violences proches de la guérilla. Il reste que la concertation des élus locaux est nécessaire, pour éviter que l'on procède à une redistribution des zones d'intervention comme on procéderait à une redistribution des trésoreries.
Je tiens par ailleurs à souligner l'exemplarité de la gendarmerie comme service de l'État dans sa relation avec les élus locaux. Les gendarmes se considèrent aujourd'hui comme les partenaires des élus locaux et les informent au plus tôt des actes de délinquance.
Je ne pense pas qu'une police municipale nationale serait une bonne idée, non seulement parce que la police nationale et la police municipale relèvent de deux ministères différents, mais aussi parce que le pouvoir régalien doit être exercé par l'État. Le fait que les policiers municipaux militent pour la création de passerelles vers la police nationale doit nous inciter à la prudence avant d'ouvrir la brèche.
Je suis en revanche tout à fait favorable à la création d'une école de la police nationale, et je pense qu'il faudrait y intégrer la formation des « Voisins vigilants ».
J'attire votre attention sur le fait que la détention d'armes par les policiers municipaux impose un quota d'heures d'entraînement au tir, alors même que le manque de stands de tir contraint la police nationale à se tourner vers les communes pour utiliser les leurs, bien qu'ils soient souvent déjà saturés.
Ajouter des compétences territoriales à la gendarmerie ne risque-t-il pas de lui faire perdre sa compétence de proximité, puisqu'elle interviendrait dans des zones qu'elle connaît moins bien ? Comment allez-vous définir les bassins de délinquance ? À mon sens, il ne faut pas associer uniquement les élus locaux à la réflexion sur les compétences territoriales.
Je suis assez réservée sur le fait d'ouvrir l'école de la police municipale au dispositif des « Voisins vigilants », car ceux-ci ont vocation à être en veille et à relayer des informations et non à intervenir sur les situations.
Alors que le « Livre blanc de la Sécurité intérieure » faisait référence à un seuil de population pour répartir les zones d'intervention des forces de sécurité, cette approche quantitative ne reflète pas la réalité de la délinquance au quotidien. Elle ne met pas à profit les compétences respectives de chaque force, qui doivent être valorisées sans être mises en concurrence.
Les compétences des « Brigades Vertes » évoquées par Patricia Schillinger peuvent être associées à celles des polices municipales, car le contrôle des dépôts d'ordures fait partie du travail des policiers municipaux..
S'agissant du financement d'une éventuelle école de la police municipale nationale, nous pourrions regrouper les crédits de formation des policiers de nos communes avec ceux du CNFPT.
Il existe des centres de tir dans tous les départements et ils peuvent être utilisés par les policiers municipaux.
Le risque de perte de proximité par la gendarmerie est limité du fait de l'importance de ses effectifs au regard de ceux de la police nationale. On peut compter sur le fait que les colonels de gendarmerie et les directeurs de la police nationale sauront se mettre d'accord sur une répartition des rôles.
Il faut aussi aborder le sujet des relations avec les procureurs, car il est très important pour les maires. C'est pourquoi nous avons auditionné des procureurs, dont le procureur de Valenciennes, qui a mené un travail considérable de concertation avec les élus, par exemple en leur mettant à disposition une boîte mail leur permettant de recueillir les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Il est important que nous organisions des réunions régulières entre le procureur, le préfet et le président de l'association des maires, afin notamment d'élucider pourquoi il n'a pas été donné suite à certaines plaintes.
Pour la suite, nous allons travailler avec nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse, ainsi qu'avec Henri Leroy. Nous allons remettre notre rapport officiellement au ministre de l'Intérieur, puis au président de l'Association des Maires de France, François Baroin. Je souhaite aussi que nous puissions faire avancer nos propositions dans la proposition de loi « Sécurité globale », sous forme d'amendements ou de questions posées au ministre de l'Intérieur.
Beaucoup de nos recommandations relevant du législatif, du réglementaire, ou simplement de bonnes pratiques, elles pourront facilement être mises en oeuvre.
Dans la mesure où les policiers municipaux appartiennent à la fonction publique territoriale, ils relèvent évidemment du CNFPT pour leur formation. À mon sens, avant de créer une école de la police municipale nationale, il faudrait renforcer les moyens du CNFPT, auquel les collectivités cotisent à hauteur de 0,9 % de leur masse salariale. Mise à part la proposition n°2, j'approuve l'ensemble du rapport.
Je partage le souci de Rémy Pointereau du lien entre le procureur et les maires. C'est pourquoi nous avons créé dans la loi « Engagement et Proximité » une disposition qui obligeait la Garde des Sceaux d'alors, Nicole Belloubet, à prescrire aux procureurs la mise en place sur leur territoire d'un dispositif d'information et de relais auprès des maires. J'ai rappelé à son successeur que nous étions toujours dans l'attente d'une circulaire d'application à ce sujet, laquelle a depuis été publiée.
Une autre disposition de la loi « Engagement et Proximité » fait obligation aux procureurs d'informer le maire des suites d'une affaire sur laquelle celui-ci l'a saisi. Il faut que nous nous assurions que cette pratique a bien été diffusée dans nos départements, jusqu'au « dernier kilomètre ».
Merci encore, Corinne Féret et Rémy Pointereau, de vous être emparés du sujet de la police municipale, car il est lié à la confiance de nos concitoyens dans les forces de sécurité. Il est donc essentiel pour la cohésion sociale. Je remercie également Henri Leroy de s'être associé à leurs travaux - car il faut que le sujet prospère hors les murs de notre institution - ainsi que nos collègues Loïc Hervé et Marc-Philippe Daubresse. Je salue enfin l'administrateur qui a ardemment travaillé aux côtés des rapporteurs.
La délégation aux Collectivités territoriales approuve à l'unanimité le rapport d'information sur l'ancrage territorial de la sécurité intérieure.
Je vous informe que nous lançons, au nom de la délégation, une consultation des élus sur les 50 propositions du Sénat concernant la décentralisation et la performance de l'action publique, qui aura lieu pendant tout le mois de février. Un courrier signé du Président du Sénat et de moi-même partira prochainement à l'adresse des présidents d'associations d'élus pour les en informer. Chaque sénateur va recevoir un courrier l'informant de cette consultation et lui suggérant de la relayer auprès des élus de leurs territoires. Il est très important que nous obtenions le maximum de réponses.
La réunion est close à 12 heures.