Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les jeunes mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 1er bis B
L'amendement n° 15 procède à une simplification rédactionnelle et remédie à une imprécision.
L'amendement n° 15 est adopté, de même que les amendements rédactionnels n° °16 et 17.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
La commission demande le retrait de l'amendement n° 4 et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 12 propose une modification sémantique pour préciser que, dans l'hypothèse où un mineur subit une fellation imposée par l'agresseur, le mineur ne « commet » pas la pénétration, mais « l'exerce ».
Je me suis moi aussi interrogée sur l'emploi de ce terme, notamment à la suite de l'audition du juge Édouard Durand, mais je suis arrivée à la conclusion, après avoir examiné la manière dont est rédigé le code pénal, qu'il est employé dans ce cadre de manière parfaitement neutre. Il renvoie simplement au fait d'accomplir un acte, sans connotation de culpabilité.
C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
L'amendement n° 2 a déjà été repoussé par la commission lors de l'adoption de son texte ; il est donc contraire à sa position.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
L'amendement n° 7 propose de supprimer l'exigence d'une relation d'autorité de droit ou de fait pour caractériser les infractions de viol incestueux ou d'agression sexuelle incestueuse. Cette condition me paraît pourtant indispensable pour déterminer qui est l'auteur de l'infraction. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
L'amendement n° 3 a le même objet que l'amendement n° 2 que nous avons examiné précédemment. Par cohérence, avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
L'amendement n° 5 vise à supprimer l'écart d'âge de cinq ans pour le crime de viol sur mineur de 15 ans et pour le délit d'agression sexuelle sur mineur de 15 ans. Il est contraire à la position de la commission. Par conséquent, l'avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
L'amendement n° 11 prévoit de qualifier automatiquement de viol ou d'agression sexuelle les relations qu'un majeur pourrait avoir avec un mineur jusqu'à 18 ans si le mineur est particulièrement vulnérable en raison d'une maladie, d'une infirmité, d'un handicap ou d'un état de grossesse. Je comprends l'intention généreuse qui anime les auteurs de cet amendement : ils souhaitent protéger davantage les mineurs handicapés.
Cependant, fixer un seuil d'âge en cas de handicap mental est très contestable : souvent, l'âge n'a aucune signification. Par ailleurs, en cas de handicap physique, pourquoi empêcher une relation sexuelle consentie ? L'avis est donc défavorable.
Le viol d'une personne en situation de handicap physique pourra bien évidemment être sanctionné. En ce qui concerne le handicap mental, la référence à un seuil d'âge paraît effectivement peu pertinente.
Je suivrai l'avis de Mme le rapporteur, mais j'avais moi-même envisagé de déposer des amendements sur ce sujet. J'y ai renoncé, parce qu'en droit, l'aggravation des peines est presque systématique lorsque l'infraction concerne des personnes en situation de handicap. Pour autant, je remercie les auteurs de cet amendement parce qu'ils visent un aspect intéressant du problème.
Je prendrai la parole en séance publique sur l'article 1er de la proposition de loi parce qu'il me semble important que la question des personnes handicapées, qui sont particulièrement touchées par les viols et les agressions sexuelles, soit évoquée lors de nos débats, ce qui n'a pas été le cas dans la discussion générale.
Je vous rappelle qu'en première lecture notre collègue Philippe Mouiller avait déposé un amendement sur cette question. Nous en avions donc débattu. C'est un sujet qui mérite effectivement une réflexion approfondie.
Il me semble qu'il y a une confusion. Je disais d'ailleurs dans la discussion générale que j'étais très inquiète du sort de cette nouvelle législation du fait de la complexité qu'elle crée.
La proposition de loi crée une nouvelle grille - le mot n'est pas heureux, veuillez m'en excuser - de constitution et de constatation des infractions sexuelles selon les âges des victimes ou des auteurs. Nous aurons donc un seuil de 15 ans. Prendre en compte le handicap, comme le prévoit cet amendement, signifie que ce seuil n'a pas lieu d'être dès lors que la victime est vulnérable. Il s'agit donc d'une protection supplémentaire.
Tel est le sens de cette rédaction, mais évidemment, la majorité sénatoriale prendra ses responsabilités.
Cet amendement pose quand même un problème en cas de relation consentie, puisqu'il tend à assimiler à un viol toute relation sexuelle lorsqu'une des deux personnes est vulnérable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
L'amendement n° 6 vise à considérer automatiquement comme un viol tout rapport sexuel tarifé entre un majeur et un mineur jusqu'à 18 ans. Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement de prévoir une peine plus dissuasive face au phénomène de la prostitution des mineurs qui est en expansion, mais la question n'est pas aussi simple.
Vous noterez en effet que le texte vise à protéger les mineurs de 15 ans, en fixant des règles de droit dérogatoires qui tiennent compte de leur vulnérabilité et de leur manque de discernement. L'adoption de cet amendement aboutirait à traiter tous les mineurs de la même manière sans distinguer la situation du jeune de 17 ans et demi de celui qui en a 12, ce qui me paraît contestable.
Je note également que l'achat d'acte sexuel auprès de mineur est déjà réprimé par le deuxième alinéa de l'article 225-12-1 du code pénal, issu de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Une peine de trois ans d'emprisonnement est prévue et l'article 1er bis E de la proposition de loi propose de porter cette peine à cinq ans d'emprisonnement.
L'adoption de cet amendement poserait un problème en ce qu'il créerait une double incrimination pour les mêmes faits. Sur le fond, il est permis de s'interroger sur les raisons qui nous conduiraient à passer de trois ans d'emprisonnement - c'est la peine adoptée par la majorité socialiste en 2016 - à vingt ans de réclusion criminelle aujourd'hui. Il convient de conserver une proportionnalité dans les peines que nous prévoyons et je doute que celle-ci soit assurée avec cet amendement. Avis défavorable.
Vous pourrez en discuter en séance avec la ministre qui portait le texte, notre collègue Laurence Rossignol, lequel est devenu la loi de 2016 sur le système prostitutionnel !
Je note quand même un paradoxe : vous ne pouvez pas, d'une part, dire que cette infraction est déjà punie et que ce n'est pas la peine d'y revenir, d'autre part, voter la mesure d'âge de 15 ans prévue dans la proposition de loi et ne pas proposer d'abroger la loi de 2016. Quelque chose m'échappe dans votre raisonnement !
Ensuite, il ne faut pas considérer qu'il existe une automaticité. Le quantum de peine signifie que le magistrat évalue la situation : la sanction sera donc différente s'il s'agit d'un enfant de 12 ans ou de 17 ans.
Je trouve votre raisonnement spécieux, ce qui me paraît dommage, parce qu'au fond rien ne justifie de fixer un seuil à 15 ans. Un mineur est un mineur !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Article 4 quater
L'amendement n° 1 propose de rendre imprescriptibles les crimes sur mineurs. Cette position est contraire à celle de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Article 7
Les amendements n° 8 et 9 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement n° 10 prévoit qu'en cas de suspicion d'inceste le juge aux affaires familiales (JAF) soit saisi sans délai et qu'il statue sous huit jours sur la suspension des droits de visite et d'hébergement du parent mis en cause. Aucune poursuite pour non-présentation d'enfant ne pourrait être engagée pendant la durée de l'enquête préliminaire.
Je rappelle que l'article 378 du code civil permet déjà aux juridictions de retirer l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant. Avant la condamnation, l'article 378-1 du même code permet au parquet de saisir le tribunal pour statuer sur le retrait de l'autorité parentale d'un parent dont le comportement mettrait en danger la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant.
Lorsqu'il faut protéger un enfant en urgence, le juge pénal n'est pas démuni, puisqu'il peut ordonner un placement sous contrôle judiciaire prévoyant une interdiction pour le parent suspecté de rencontrer la victime ou de se rendre en certains lieux.
Je crois donc que l'autorité judiciaire, au civil comme au pénal, dispose déjà des moyens d'agir avec célérité pour protéger les mineurs victimes d'inceste. Il ne me paraît donc pas nécessaire d'ajouter ce nouveau dispositif.
Je note, pour terminer, que l'amendement présente un défaut de cohérence : dès le début de l'enquête préliminaire, le JAF serait saisi ; il pourrait fort bien décider de préserver les droits du parent mis en cause s'il estime que les accusations portées contre lui sont vraiment trop ténues et peu étayées. Or l'autre parent pourrait décider malgré tout de ne pas présenter l'enfant sans encourir la moindre poursuite, et ce pendant toute la durée de l'enquête préliminaire. On se demande à quoi servirait la saisine du juge si l'autre parent peut de toute façon décider de ne pas présenter l'enfant. On voit bien les abus qui pourraient se produire en cas de climat familial conflictuel. L'avis est donc défavorable.
Cet amendement vise les cas, rares en pratique, où un enfant fait état de faits incestueux. Il nous semble important de prévoir une réponse judiciaire visant l'exercice du droit de visite et d'hébergement - la question n'est pas du tout l'autorité parentale -, de manière que l'enfant ne soit plus en contact avec le parent potentiellement incestueux. Évidemment, vous pourrez me dire que l'enfant raconte peut-être des histoires, mais il faut assumer un tel discours ! En ce qui nous concerne, nous voulons renforcer la protection des enfants.
De manière générale, je regrette profondément que la commission ait systématiquement rejeté plusieurs propositions pertinentes que nous faisions, alors même que vous les avez finalement acceptées, car elles étaient soutenues par le Gouvernement ou les associations. Ce que vous allez voter en séance aujourd'hui, vous le refusiez il y a encore peu de temps ! Je suis venue par courtoisie à cette réunion, mais je ne me faisais aucune illusion, nos amendements étant toujours refusés.
Nous nous abstiendrons sur ce texte, mais j'estime que ce n'est pas du bon travail. J'en ai parlé avec Mme le rapporteur, avec laquelle j'ai des rapports courtois et agréables. La commission a toujours refusé les progrès, sauf des dispositions très ponctuelles. Cela pourrait presque être qualifié de sectarisme !
Je conviens que le délai très court dont nous avons disposé pour étudier les amendements ne m'a peut-être pas permis de vous exposer ma position de manière suffisamment approfondie.
Le résultat aurait été le même si vous aviez disposé de plus de temps. La commission accuse un retard incroyable sur ce texte !
Certaines évolutions du texte, notamment l'introduction de l'écart d'âge, expliquent que la commission ait pu accepter en deuxième lecture, des dispositions rejetées en première lecture.
En ce qui concerne l'amendement, la suspicion ne suffit pas à saisir automatiquement le JAF. Il faudrait réfléchir à un mécanisme allant dans le sens souhaité par l'amendement, mais organisé différemment. Nous devons éviter la complexité.
Je voudrais rappeler à notre rapporteur la discussion que nous avons eue avec Ghislaine Pieux, adjoint au maire de la ville de Sens : dans l'Yonne, deux jeunes filles sont allées au commissariat ou à la gendarmerie avec leur mère pour porter plainte pour des faits incestueux et les policiers ou les gendarmes les ont renvoyées chez elles ! Si un juge aux affaires familiales avait été saisi, il n'aurait pas agi de la sorte.
Comment les choses se passent-elles en pratique ? Lorsqu'il y a une plainte au sujet d'une agression sexuelle commise par un parent, souvent le père, une procédure peut être mise en oeuvre rapidement, si elle ne l'est pas déjà. Le juge aux affaires familiales dispose de peu d'éléments et il lui est difficile de prendre une décision. Dans ces cas-là, l'autre parent, souvent la mère, prend parfois la responsabilité de ne pas présenter les enfants. Le père peut alors porter plainte, mais le procureur mettra cette plainte sous le boisseau dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.
Si cette procédure révèle qu'il n'y avait pas d'infraction et qu'il y avait une intention malveillante de la part de la mère - cela arrive -, celle-ci sera poursuivie. Si l'infraction est constituée, la mère ne sera pas poursuivie. S'il n'y a pas d'infraction pouvant être caractérisée, mais que la bonne foi de la mère n'est pas mise en cause, elle ne sera pas non plus poursuivie.
Tout cela est très factuel et il n'y a rien d'automatique, mais il n'existe de toute façon aucune solution automatique en la matière, car les situations sont très différentes. De manière générale, les choses se passent avec bon sens - on attend que la procédure soit terminée pour savoir si la mère pouvait ne pas présenter les enfants.
L'amendement ne prévoit pas de disposition automatique : le procureur en réfère au juge aux affaires familiales, c'est-à-dire une personne formée à ces questions, qui décide.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 17 h 50.