Mes chers collègues, nous accueillons Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, sur le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dont quatre commissions se partagent l'examen. La nôtre s'est vue déléguer au fond celui des articles 9, 13, 61 et 62, et elle s'est saisie pour avis de vingt-cinq autres articles relatifs aux transports, à l'aménagement du territoire, à la transition écologique et à la biodiversité. Maintes fois repoussé, le texte suscite de fortes attentes et de nombreux questionnements.
Le Sénat, qui travaille depuis plusieurs années sur l'efficacité de l'action publique, a publié en 2020 cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales, appelant au renforcement de l'autonomie des collectivités locales et de la différenciation territoriale, dans le respect du principe d'égalité. La consultation à destination des élus locaux lancée en février 2021 a mis en lumière des attentes très fortes. J'en citerai deux : l'approfondissement de la décentralisation et du principe de subsidiarité, afin de permettre un exercice des compétences « au plus près des réalités du terrain » et le renforcement des pouvoirs des collectivités en matière de santé, une préoccupation singulièrement accentuée par la crise sanitaire face à laquelle les élus locaux se sont trouvés en première ligne.
Or le texte ne répond que partiellement aux préoccupations. Selon le Conseil d'État, les équilibres institutionnels ne sont pas modifiés, et la portée des mesures relatives aux leviers d'action des collectivités est modeste. De nombreux articles se bornent à clarifier des répartitions de compétences. Comme l'article 5 qui réaffirme les rôles respectifs de la région, du département et du bloc communal en matière de transition écologique, sans accorder de nouvelles attributions ni véritablement renforcer les capacités d'action des collectivités.
L'article 48 modifie l'organisation et les missions du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour mieux prendre en compte l'échelon local. J'adhère totalement à l'objectif de tourner davantage la gouvernance et les finalités de cette instance vers les collectivités locales. Mais pourquoi avoir fait le choix de renvoyer à une habilitation plutôt que d'inscrire ces dispositions directement dans la loi ? Le Cerema est un acteur clé des politiques publiques locales et du déploiement des innovations dans les territoires. À ce titre, l'article 48 me semble être la clé de voûte du projet de loi. Je regrette que le Gouvernement ait décidé de contourner le débat parlementaire sur ce sujet. Quelles sont les mesures susceptibles de figurer dans l'ordonnance ? Comptez-vous prévoir une représentation paritaire des collectivités et de l'État en son sein, afin que le Cerema devienne véritablement un outil partagé ? Comment allez-vous améliorer l'accès des collectivités aux services du Cerema, en particulier s'agissant de celles qui sont situées dans les territoires les plus fragiles ?
Le projet de loi comporte assez peu de dispositions sur la désertification médicale, qui constitue pourtant un enjeu central de la territorialisation des politiques publiques.
L'article 31 modifie la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) afin de renforcer le poids des élus au sein des conseils de surveillance, qui deviendraient par ailleurs des conseils d'administration. Pourquoi ne pas être allé plus loin ? Que pensez-vous de la proposition du Sénat de confier la présidence des ARS à un élu local, comme le président du conseil régional ou un membre du collège des collectivités territoriales ?
Le projet de loi cristallise en effet beaucoup d'attentes. En tant que rapporteur pour avis, je forme le voeu qu'il permette de renforcer l'action des collectivités locales, en particulier s'agissant des transports et de la transition écologique et qu'il ne soit pas une simple déclaration d'intention.
Les articles 6 et 7 prévoient le transfert de routes nationales non concédées aux départements et métropoles ou aux régions sous la forme d'une expérimentation. Le dispositif proposé est à double détente : les départements et métropoles devront se prononcer sur l'opportunité du transfert, puis les régions volontaires pourront bénéficier d'une mise à disposition, sous la forme d'une expérimentation, des routes dont les départements et métropoles n'auront pas voulu. Ne craignez-vous pas d'aller vers une complexification de la gestion du réseau routier ? Pensez-vous que cette méthode de répartition des compétences « à la carte » permette une gestion efficace des routes nationales ? La durée proposée pour l'expérimentation, c'est-à-dire cinq ans, me semble trop courte pour permettre aux régions d'acquérir une véritable expertise technique en matière de gestion du réseau routier et d'engager des dépenses d'investissements. Que pensez-vous de l'idée de l'allonger à huit ans ou dix ans ? Les compensations financières suscitent également de vives inquiétudes. Il est prévu que leur méthode de calcul repose notamment sur les dépenses d'investissement des cinq dernières années. De fait, les parties du réseau peu entretenues feront donc l'objet de faibles compensations financières. Comment l'État va-t-il aider les collectivités à faire face aux besoins d'investissements futurs liés au transfert des routes ?
L'article 9 permet le transfert de petites lignes ferroviaires d'intérêt régional et des gares afférentes aux régions. Je salue ce dispositif, qui élargit le champ du transfert prévu par la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM). Mais comment concilier la décentralisation de ces lignes avec le maintien du niveau d'exigence du réseau en termes de bon fonctionnement et de sécurité ? Les régions auront la possibilité de confier la gestion des infrastructures transférées à des personnes privées ; il convient d'éviter d'aller vers un éclatement du réseau.
Enfin, l'article 49 consacre au niveau législatif le dispositif France Services, dont le pilotage est assuré par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Notre commission, qui suit de près ces problématiques, avait examiné au fond la proposition de loi portant création de cette agence en 2018. L'objectif d'ouvrir 2 500 espaces France Services d'ici au 1er janvier 2022 vous semble-t-il atteignable malgré le ralentissement dû à la crise sanitaire ?
Monsieur le président, le présent projet de loi n'a pas été « maintes fois repoussé ». Sa préparation a été longue, car nous avons procédé à une consultation sur l'ensemble du territoire. Puis, la crise sanitaire est arrivée. Et des interrogations sont apparues quant à la possibilité d'inscrire le texte à l'ordre du jour du Parlement compte tenu de l'embouteillage législatif. J'assume le fait que ce texte extrêmement transversal ait été préparé avec près de vingt ministres et secrétaires d'État et qu'il ait fallu s'accorder sur des équilibres.
Le projet de loi répond à ce que j'avais entendu dans les territoires. L'attente de proximité dans les politiques publiques, qu'il s'agisse de collectivités de proximité ou d'un État territorial de proximité, est très forte. L'aspiration à une meilleure prise en compte des particularités locales, ainsi qu'à une organisation territoriale des politiques publiques moins uniforme et rigide, plus adaptée aux territoires, est tout aussi importante. Et les élus ne réclamaient pas un changement fondamental de l'organisation territoriale. Après les réformes nombreuses et variées intervenues depuis une vingtaine, voire une dizaine d'années, il y a un besoin de stabilité institutionnelle, ce qui n'empêche évidemment pas de faire des modifications. Le texte n'est pas un grand soir de l'organisation territoriale. Il est conçu comme un acte de décentralisation adapté à chaque territoire et résolument tourné vers l'action publique, et non comme une redistribution des compétences.
J'ai rencontré les associations d'élus, les rapporteurs de la commission des lois et M. le président du Sénat. Les cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales ont évidemment été étudiées. Certaines sont reprises dans le texte. D'autres pourraient y être introduites par amendement.
Votre commission est saisie au fond sur plusieurs articles.
L'article 9 vient compléter l'article 172 de la LOM, qui permet le transfert des petites lignes ferroviaires aux régions. Il est apparu nécessaire de préciser que le transfert concernait non seulement la voie ferrée, mais également les gares et l'ensemble des installations de service, afin d'aboutir à une décentralisation complète. Il y aura donc des lignes exploitées entièrement par la SNCF, des lignes partagées entre la SNCF et les régions, et des lignes intégralement transférées. Cela permettra de faire revivre des lignes qui avaient parfois été abandonnées par la SNCF. Il est également très important que les gares soient réutilisées. Nos petites et moyennes communes pourront ainsi valoriser du foncier au coeur du centre-ville, dans le cadre d'un projet global d'aménagement.
L'article 13 vise à renforcer le rôle des régions en matière de biodiversité. Jusque-là, cette responsabilité n'était inscrite nulle part dans notre droit. Les espaces Natura 2000 concourent à la politique d'aménagement des collectivités territoriales et vous savez que ce sont de formidables réservoirs de biodiversité que nous devons collectivement protéger. Nous décentralisons donc la gestion de ces sites, ce qui permettra de conduire une politique de proximité et de mieux les intégrer dans les trames vertes et bleues. C'est une véritable clarification des compétences entre les collectivités et l'État, la gestion des sites étant aujourd'hui, dans les faits, pour 60 % d'entre eux, assurée par les collectivités. Notre texte laisse à la région le levier réglementaire du contrôle des sites et du financement, l'État conservant le rôle de coordination avec l'Union européenne et la création de sites nouveaux. En revanche, les zones maritimes continueront de relever de la compétence de l'État, pour des raisons de sécurité et de défense.
L'article 61 prévoit, quant à lui, le financement d'aménagements d'autoroutes concédées par des tiers. Dans ce projet de loi, nous rendons possible le cofinancement de la réalisation de bretelles autoroutières pour améliorer le raccord aux grands axes de communication. Désormais, un grand port maritime ou une entreprise pourra participer au financement, ce qui permettra d'accélérer la réalisation des projets structurants comme le projet du diffuseur du grand port du Havre.
Enfin, l'article 62 vise à clarifier les procédures applicables lorsque des arbres d'alignement doivent être abattus. Cela peut paraître anecdotique, mais il peut y avoir de vrais problèmes, notamment avec les projets de tramway. Actuellement, il y a une véritable confusion sur l'autorité compétente pour procéder à l'abattage de ces arbres lorsqu'il est nécessaire à un projet d'aménagement. Avec cet article, il reviendra au préfet de délivrer les autorisations d'abattage et de vérifier les mesures de compensation mises en oeuvre. Cela sécurisera les projets d'aménagement des collectivités, qui sont trop souvent retardés du fait de contentieux provoqués par les incertitudes actuelles sur l'autorité en charge de délivrer les autorisations et le caractère sensible du sujet au regard de l'impératif écologique. Il se trouve que, de manière générale, les élus locaux sont d'accord avec ce transfert de responsabilité au préfet.
Vous le voyez, ce projet de loi illustre notre volonté constante de poursuivre les facilitations, qu'il s'agisse des collectivités ou des services de l'État.
Pour répondre à vos questions sur le dispositif de compensation des transferts de route, qui dit transfert de compétences dit transfert de moyens. C'est inscrit dans la Constitution, et les mesures proposées dans le projet de loi reprennent, pour l'essentiel, les règles de transfert de compétences en matière financière et de personnel depuis la loi de 2004 et la loi de 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam). On calcule la compensation sur 5 ans pour l'investissement et sur 3 ans pour le fonctionnement. C'est équilibré et cela préservera les intérêts de l'État et des collectivités locales.
J'ai aussi été interrogée sur le déploiement des maisons France Services. Aujourd'hui, nous en sommes à 1 300, et l'objectif de 2 000 ouvertures devrait être atteint début 2022. L'objectif du Président de la République était d'en ouvrir une par canton, mais certains cantons, plus peuplés, en ont besoin de plus d'une. Vous le savez, il y a les anciennes maisons de services au public (MSAP) reconverties et celles qui sont créées ex nihilo, sur la base d'une charte commune qui impose au moins 9 services pour bénéficier des financements de l'État. Il faut savoir que La Poste a choisi de ne pas maintenir certaines MSAP qui n'étaient pas en mesure de maintenir le niveau de service, mais je ne suis pas inquiète, car je pense que nous atteindrons le chiffre prévu.
Vous m'avez également interrogée sur le Cerema. Je rappelle que l'ordonnance n'empêche pas le débat parlementaire. Nous avons choisi cette voie, car nous avons besoin d'un dialogue approfondi avec le Conseil d'État sur ce sujet très sensible.
Le Cerema est un établissement public qui travaille aujourd'hui à 80 % pour l'État et seulement à 20 % pour les collectivités territoriales, et qui a pour vocation de fournir de l'ingénierie. Il y a à peu près 23 implantations en France, le siège étant à Bron, près de Lyon. L'objectif est d'ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales d'utiliser les services du Cerema sans passer par les marchés publics. Si nous voulons que cet outil d'ingénierie soit pérenne, il faut le faire vivre. Nous avons déjà une convention avec l'ANCT, mais nous devons sécuriser tout cela en travaillant avec le Conseil d'État, d'où le recours aux ordonnances. Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de loup !
Enfin, sur les déserts médiaux, la fin du numerus clausus décidée par Agnès Buzyn est une bonne chose, mais ses effets se feront nécessairement attendre. Le texte prévoit un certain nombre de dispositifs. L'article 32 permet le financement par les collectivités locales d'établissements de santé. Les articles 33 et 34 consolident pour le département et le bloc communal la possibilité de recruter et de gérer des personnels de santé dans les établissements de santé. Par ailleurs, il y aura plus d'élus locaux aux conseils d'administration des ARS. Enfin, le rôle des délégués départementaux devra être renforcé.
Certains auraient aimé que nous allions plus loin, mais c'est déjà une étape intéressante.
Madame la ministre, je salue votre ténacité sur un sujet difficile. Je suis d'accord avec vous, il faut en finir avec les grands soirs et autres « big bang » territoriaux. Nous avons besoin de plus de souplesse et d'adaptation au terrain pour asseoir l'efficacité de l'action publique. Je ferai porter mon intervention sur trois points.
D'abord, les déserts médicaux. Vous louez la possibilité pour les collectivités de créer des établissements de santé, mais, comme souvent, il manque une partie de l'équation : l'État a-t-il prévu des compensations financières ?
Ensuite, le projet de loi prévoit la possibilité de transfert de personnels d'établissements sociaux, mais seul le directeur serait détaché auprès du département, les autres personnels restant dans la fonction publique hospitalière. Les syndicats sont vigilants sur ce point. Cela ne risque-t-il pas de poser des problèmes de hiérarchie ?
Enfin, s'agissant de déconcentration, nous avons besoin d'un État fort et uni, parlant d'une seule voix, dans les départements. Or cela n'est pas toujours le cas. Il y a trop d'interlocuteurs, chacun semblant vivre sa vie de manière autonome. Nous souhaitons que le préfet soit le véritable chef d'orchestre de l'action publique locale de l'État. Que prévoyez-vous à cet égard ?
Je m'interroge sur la durée de l'expérimentation du transfert des routes nationales aux départements. L'État prend ses aises en termes de délais, en particulier avec les ordonnances sur la formation des élus locaux, ou encore sur la question de l'ingénierie et l'accès au Cerema, mais, en matière de transfert des routes nationales aux départements, la loi fixerait un délai de cinq ans. Or, les régions nous disent que c'est trop court pour se rendre compte des exigences liées au transfert. Ensuite, le texte prévoit un délai de décision de trois mois laissé aux régions pour décider si elles souhaitent mettre en oeuvre l'expérimentation, ce qui paraît là encore bien court pour diligenter les expertises, accéder au Cerema. Cet établissement public est un lieu d'ingénierie de haut niveau, il faut prendre toutes les précautions quand on parle de transférer ses ressources, car nous avons besoin de ses compétences, par exemple en matière d'ouvrages d'art. Nous avons besoin de clarté en la matière : qu'en est-il ?
J'ai entendu qu'il y aurait des manifestations à propos de transfert de personnels, cela arrive chaque fois que l'on décentralise - rappelez-vous le transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) aux départements et aux régions. Cela dit, une fois que la décentralisation est effective, les inquiétudes s'apaisent parce que les choses se passent bien.
La désertification médicale est un sujet. Les organisations syndicales ont fait savoir qu'elles étaient contre l'article 40 du projet, nous les revoyons la semaine prochaine pour en parler. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que ma collègue Brigitte Bourguignon présentera un texte sur la dépendance, où la part des départements sera mieux prise en compte.
Nous proposons une durée de cinq ans pour l'expérimentation du transfert de tronçons de routes nationales, mais si les collectivités estiment que c'est trop court, la durée inscrite dans la loi peut être allongée, nous verrons cela dans le débat parlementaire.
De même, pour le Cerema, je ne m'arcbouterai pas sur le principe de procéder par ordonnance - ce qui compte c'est le résultat, à savoir l'ouverture de cet établissement public aux collectivités territoriales -, en retour, je vous demande de ne pas vous arcbouter contre la procédure de l'ordonnance si elle est la plus pertinente, ou bien nous n'avancerons pas.
Quelle est la logique de transférer aux régions des tronçons de routes nationales dont personne ne veut, même avec la carotte de l'écotaxe dont elles ne veulent pas non plus ? Sur le ferroviaire, rien de nouveau dans ce texte, mais rien non plus sur ce qu'attendent de savoir les régions, c'est-à-dire l'avenir du financement. Les régions n'ont aucune visibilité au-delà de 2022 et de la fin du volet « transports » des contrats de plan État-région (CPER) : pouvez-vous nous éclairer ?
Quelle articulation de ce texte avec les outils mis en place pour la transition écologique ? Une quarantaine d'agences locales de l'énergie et du climat (ALEC) ont été installées par des collectivités territoriales : elles portent une expertise transverse et une vision à long terme de la transition écologique, elles trouvent des solutions organisationnelles nouvelles qui sont utiles ; cependant, elles n'ont été reconnues que tardivement, avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, des risques pèsent sur elles, notamment fiscaux : quel vous paraît être le bon modèle juridique pour ces agences ?
Nos concitoyens attendent de l'administration qu'elle soit plus simple et plus efficace, cela passe par un effort de simplification. Je ne citerai qu'un exemple, celui d'un projet d'une unité de méthanisation déposé par 23 agriculteurs de la Somme : le dossier d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) a fait intervenir cinq bureaux d'études, pour un montant dépassant les 100 000 euros, et il a fallu faire une enquête publique pour chacune des 78 communes concernées ; quant au bassin de rétention, il doit être dimensionné pour s'adapter à des pluies non pas décennales, mais centennales, alors même que les risques d'inondation sont minimes dans un bassin crayeux. Comment ne pas se décourager devant de telles contraintes, surtout quand on sait que le temps d'instruction peut dépasser dix-huit mois en cas de recours ? De fait, les deux tiers des projets de méthanisation s'interrompraient en cours de route. Même chose pour les projets d'installations photovoltaïques...
Les projets ne manquent pas dans les territoires ni les ressources, mais l'abnégation a ses limites : est-ce que la loi 3DS va nous aider à les mettre en place ?
Ne pensez-vous pas que par les procédures successives nous avons entraîné un besoin supplémentaire d'ingénierie ? Voyez l'appel à projets, il alourdit les procédures, demandant toujours plus d'interventions extérieures dont les petites collectivités sont loin d'avoir toujours les moyens. Il y a quelques années, on pouvait élaborer un projet sans avoir besoin d'une ingénierie aussi lourde. Attention à ne pas générer plus de dépenses supplémentaires. Ensuite, la loi 3DS pourrait-elle assouplir certaines règles d'urbanisme pour les petites communes qui peinent à garder leur population ? Le projet de loi Climat et résilience fixerait l'objectif d'artificialisation zéro pour les sols : comment les communes pourront-elles, dans ces conditions, échapper au déclin démographique ?
Je reviendrai sur la désertification médicale. La communauté de communes Causses et Vallée de la Dordogne ne compte qu'un pédiatre et un gynécologue, pour 77 communes et 45 000 habitants : ce n'est pas suffisant. Nous avons inscrit dans la loi l'obligation pour les étudiants en médecine de faire un stage de terrain, mais le décret d'application n'est toujours pas pris : savez-vous pourquoi ? Le stage est l'occasion de connaître le territoire, et peut-être de vouloir s'y établir, cela s'est vu. Comment faire pour associer davantage les élus qui connaissent le mieux leurs territoires et les besoins ?
L'article 47 du projet de loi donne valeur législative au contrat de cohésion territoriale qui doit concourir à la bonne coordination des politiques publiques locales. C'est ce que préconisait le rapport de Serge Morvan avec la notion de contrat unique : est-ce que le contrat de ruralité va disparaître ? Un nouvel objet est apparu à travers le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), dont on nous dit qu'il a vocation à porter les projets de territoire pour les six années de mandat municipal et intercommunal. Est-ce que le contrat de cohésion territoriale est mort-né ? Quelle sera sa portée ?
Les tronçons de routes nationales seront transférés sur la base du volontariat, c'est une demande de départements qui veulent récupérer ces tronçons de route qui sont restés nationaux alors que le reste de la route a déjà été transféré - c'est le cas, par exemple, dans la région Grand Est. Les moyens mobilisés sont ceux du CPER, avec le nouveau volet infrastructures pour 2023-2027, le conseil d'orientation des infrastructures y travaille. Il faut compter aussi avec le contrat de relance, il y a des financements qui viennent en complément de ceux du CPER. Le reste viendra dans les négociations, et il y a des clauses de revoyure. En tout état de cause, les collectivités territoriales sont plutôt satisfaites de ces propositions de transfert.
Les ALEC sont utiles, vous avez raison de souligner leur apport. Nous sommes prêts à travailler sur la question de leur sécurité juridique.
Plusieurs des questions que vous me posez relèvent de la loi Climat et résilience, en particulier en ce qui concerne directement la transition écologique - ce texte est en cours d'examen et je vous le dis sans naïveté : c'est le bon véhicule pour régler toutes les questions que vous jugerez utiles concernant la transition énergétique.
Les nouvelles procédures ne créent-elles pas de nouveaux besoins d'ingénierie ? Certes, mais on ne peut se passer de certaines garanties. Voyez le programme que nous avons lancé avec l'ANCT sur la sécurité des ponts : c'est une question importante et on ne peut la traiter sans faire intervenir des ingénieurs ni s'assurer que certaines procédures sont respectées, nous y sommes d'autant plus contraints que notre société demande de plus en plus de sécurité, partout. Cela étant, le recours toujours plus large à la procédure d'appel à projets ne facilite effectivement pas les choses. C'est pourquoi pour le plan de relance, nous avons, dans mon ministère, tout déconcentré dans les mains des préfets : c'est rapprocher la décision du terrain. Le Président de la République et le Premier ministre le répètent à l'envi : il faut déconcentrer, les préfets sont mieux à même de décider en tenant compte des réalités locales. De surcroît, les appels à projets favorisent les grandes communes, mieux outillées en ingénierie. Un autre exemple de l'attachement du Gouvernement à la déconcentration : dans le cadre du Ségur de la santé, des crédits d'investissement sont mobilisés pour des hôpitaux, et le Premier ministre a décidé qu'ils seraient déconcentrés aux préfets - c'est aussi le cas pour les crédits visant l'aménagement de pistes cyclables. La déconcentration, c'est plus simple et plus proche du terrain, il faut amplifier le mouvement.
Sur les stages des étudiants en médecine, je ne peux guère vous répondre tout de suite, car le décret ne dépend pas de mon ministère - je me renseignerai et vous communiquerai la réponse. Lorsque j'étais étudiante, les étudiants pouvaient concourir aux instituts de préparation aux enseignements de second degré (IPES), qui les rémunéraient pendant leurs études en échange d'un engagement à enseigner pendant un certain nombre d'années - et le poste qu'on vous indiquait alors était impératif. Les stages sont une très bonne occasion de faire connaître le territoire, donc une chance que le jeune médecin s'y installe parce qu'il y aura noué des liens.
Jean-Pierre Raffarin avait eu cette formule : la contractualisation, c'est la décentralisation d'aujourd'hui ; je trouve que c'est juste, parce qu'en élaborant des contrats, l'État et les collectivités territoriales se mettent d'accord sur l'application des politiques publiques dans les territoires. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ont vocation à intégrer les autres contrats utilisés aujourd'hui. Dans notre droit, seul le contrat de ville a une reconnaissance légale, nous voulons y ajouter les CRTE, en pensant aussi que le « R » pourra désigner la ruralité.
Mais quelle sera leur articulation avec les contrats de cohésion territoriale ?
Elle est directe, puisque c'est un peu la même chose et les CRTE ont cette vocation intégratrice.
C'est-à-dire que les contrats de cohésion territoriale vont se substituer aux CRTE ?
C'est la même chose, mais vous avez raison, ce n'est pas très clair...
La simplification est un sujet récurrent, et comme je l'avais constaté en clôture de la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et simplification de l'action publique (ASAP), simplifier, c'est compliqué...
Le site de votre ministère indique que la décentralisation comme vous l'entendez est fondée sur les propositions des acteurs locaux, mais j'ai le sentiment que vous ne prenez pas en compte leurs demandes sur la compétence de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi). Les communautés de communes situées en bord de Loire contestent le transfert de cette compétence, incompréhensible tant les difficultés sont grandes de financer des digues qui n'ont pas été entretenues par l'État. Avec le système linéaire tel qu'il a été retenu, le montant des travaux n'est pas réaliste pour les petites communautés - c'est pourquoi elles ont décidé, faute de moyens, de ne pas régulariser les systèmes d'endiguement. Les règles de l'irrecevabilité nous empêchant de revenir par amendement sur ce transfert, envisagez-vous d'y procéder vous-mêmes dans ce projet de loi ? Il faudrait à tout le moins un mécanisme différenciant les opérateurs : à l'État de mettre aux normes les fleuves, aux départements les rivières, et aux communautés de communes les cours d'eau dont la mise aux normes est dans leurs moyens : qu'en pensez-vous ?
Le sujet relève davantage de la loi Climat et résilience, s'agissant de la transition écologique. Je relève aussi que le transfert de la compétence Gemapi a été effectué par un amendement sénatorial à la loi Maptam, un amendement qui avait peut-être été insuffisamment préparé et sur lequel nous sommes déjà revenus, en ouvrant la capacité de financement aux départements et aux régions, et ce à la demande de Dominique Bussereau au nom de l'Assemblée des départements de France qui voulait poursuivre la construction de digues maritimes après la tempête Xynthia. Cette compétence a effectivement des conséquences très lourdes pour les collectivités territoriales, je crois que pour le cas que vous évoquez, la seule solution est du côté d'une mutualisation à l'échelon de l'établissement public de la Loire.
Une erreur qu'on a pu faire par le passé ne justifie pas qu'on doive rester inactif...
Le Cerema réduit ses effectifs, pourquoi renforcer le recours à cet établissement ? L'ANCT a signé avec lui une convention qui ne l'engage pas financièrement, mais elle aurait demandé des expertises qu'elle n'aurait cependant pas payées : comment cela est-il possible ? Le projet de loi 3DS autorise les collectivités territoriales à recourir au Cerema sans la procédure des marchés publics, c'est une bonne chose, mais n'est-ce pas l'amorce d'une régionalisation de cet établissement qui relève aujourd'hui de l'État ?
La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) a mis en place un mécanisme de cotation des demandes de logement social à compter du 1er septembre 2021, mais on nous dit que le Gouvernement aurait saisi le Conseil national de l'habitat (CNH) pour reporter le mécanisme à la fin de 2023 : est-ce le cas ?
Vous nous dites que ce texte n'est pas le grand soir et vous soulignez le besoin de stabilité dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales, mais vous proposez un transfert de routes nationales aux régions, alors que les départements ont des savoir-faire et de l'expertise en la matière. Vous dites que ce transfert sera volontaire, mais je lis dans la presse que les collectivités n'en veulent pas. Même chose en matière d'espaces naturels, où les nouvelles compétences attribuées aux régions risquent fort de se traduire par une tutelle des régions sur les départements, alors qu'ils gèrent déjà des établissements.
Ensuite, le Gouvernement ne manque pas d'actions contre l'illectronisme, avec les conseillers numériques, les hubs numériques, le pass Formation, quelque 250 millions d'euros y sont affectés via l'ANCT ; mais les moyens ne semblent pas tous utilisés, et nous manquons d'évaluations en particulier pour prendre en compte le bénévolat, qui compte beaucoup dans ce domaine : ne pensez-vous pas que la loi pourrait mentionner une collectivité « chef d'orchestre » en la matière ?
Enfin, sur l'article 11, Voies navigables de France (VNF) nous dit que les prises illégales d'eau seraient désormais pénalisées en fonction de la situation économique de l'auteur des faits : est-ce bien le cas ? Ce serait une anomalie dans notre droit.
Je salue votre objectif de valoriser la proximité, les priorités locales, d'adapter les politiques publiques aux territoires et de les simplifier, mais je constate des contradictions avec l'action elle-même. Sur les espaces France Services, par exemple, les décisions viennent d'en haut, de l'État, qui décide des implantations dans les territoires, de manière pas toujours cohérente avec les attentes locales ni les objectifs des EPCI, alors même que les collectivités territoriales doivent participer financièrement pour moitié, ce qui ne va pas sans problème. Même chose pour les appels à projets : ils viennent d'en haut, je pense en particulier aux CRTE, qui ne sont pas toujours adaptés aux territoires. Nous allons avoir, prochainement, le renouvellement des « contrats de Cahors », où cet enjeu se posera de nouveau. Enfin, les élus locaux s'inquiètent d'une recentralisation de la gestion de l'eau, avec la désignation d'office du préfet à la présidence des agences de l'eau - les élus craignent que les comités de bassin s'en trouvent déstabilisés : que leur répondez-vous ?
Vos inquiétudes sur l'avenir du Cerema justifient son ouverture aux collectivités territoriales, cet organisme est sous tutelle du ministère de la transition écologique et le restera. Toutefois, pour qu'il maintienne ses postes, ce pour quoi je me battrai, il faut développer son activité. L'établissement a passé une convention avec l'ANCT, effectivement, et l'ouverture aux collectivités territoriales confortera son activité, parce qu'il sera rémunéré pour les prestations qu'il effectuera - j'espère avoir répondu à vos questions.
Je connais votre engagement personnel, mais, d'après les éléments dont je dispose, la convention du Cerema avec l'ANCT ne serait pas signée et l'ouverture aux collectivités territoriales augurerait une régionalisation de l'établissement, accompagnée d'un désengagement de l'État.
Il n'y a pas, à ma connaissance, de projet dans ce sens : le Cerema est un service de l'État qui a vocation à le rester et que nous devons continuer de faire exister.
L'article sur les prises illégales d'eau sur les voies navigables a été rédigé à la demande de VNF. La sanction est aujourd'hui plafonnée à 1 500 euros. VNF nous dit que ce n'est pas dissuasif, c'est pourquoi nous relevons le plafond dans ce projet de loi.
Ma question portait plus précisément sur la prise en compte de la situation de l'auteur de l'infraction, ce qui est peu commun dans la définition d'une peine.
J'entends bien et je vous réponds avec les éléments dont je dispose.
Le transfert volontaire de tronçons de route restés nationaux ne représente pas un bouleversement et il n'est nullement contradictoire avec notre objectif de valoriser les priorités locales, l'État conserve bien entendu les routes d'intérêt national.
Il n'y a pas de tutelle de la région sur les départements en matière de biodiversité, les espaces sensibles restent dans les mains des départements.
Sur l'illectronisme, j'entends ce que vous dites et vous remercie de reconnaître que nous faisons beaucoup. Les collectivités territoriales aussi se mobilisent, au bénéfice de tous, c'est important de le dire. Pourquoi la loi devrait-elle désigner un chef d'orchestre ? Souvenez-vous des débats épiques que nous avons eus dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), sur l'attribution de la compétence culture à un niveau de collectivités - nous n'y sommes guère parvenus et, dans le fond, ce n'est pas nécessaire de le faire.
Je suis d'accord pour dire que les EPCI sont à la bonne échelle pour installer les espaces de France Services, les communes et les intercommunalités sont les premiers partenaires de l'État en la matière, nous accompagnons les élus volontaires pour installer ces espaces. Ensuite, ce sont les services publics qui portent les installations, par exemple La Poste et la Mutualité sociale agricole (MSA), cela se passe plutôt bien. Nous demandons au préfet de regarder précisément les lieux où il y a les besoins, cela fait partie de la décision. Pour les tiers lieux, il n'y a pas d'appel à projets, mais un autre processus, celui des fabriques de territoires.
S'agissant des agences de l'eau, le préfet coordinateur de bassin préside l'agence de l'eau. Cela souligne le renforcement du rôle des préfets dans l'élaboration du programme pluriannuel de chaque agence et de leur rôle de garant de la cohérence de l'action des services de l'État sur le territoire. Les préoccupations des élus locaux seront prises en compte par le préfet.
Pourtant, on nous demande souvent que les préfets soient les coordinateurs des agences sur les territoires. La querelle entre tendances jacobines et girondines me semble être un faux problème, d'autant que les préfets sont les garants de l'équité, que tout le monde réclame.
En tant que membre du conseil d'administration de l'Agence de la transition écologique (Ademe), je m'interroge sur une disposition de l'article 45, qui donne au préfet de région le rôle de délégué territorial de l'Ademe. En clair, vous déléguez au préfet de région le pouvoir de négocier et de conclure, au nom de l'agence, toute convention avec les collectivités locales et leur groupement.
Cette recentralisation ne risque-t-elle pas d'enrayer l'action d'une agence qui tourne à plein régime et qui constitue un interlocuteur de confiance pour les élus et les acteurs associatifs ? Il s'agit d'une étatisation rampante de l'Ademe, contraire à l'esprit de décentralisation. Madame la ministre, êtes-vous disposée à renforcer cette agence au lieu de l'affaiblir ?
Tout d'abord, les maisons France Services, comme les MSAP, sont des dispositifs très appréciables, à condition qu'on leur alloue les moyens nécessaires pour qu'ils soient de qualité.
Dans mon département, nous avions proposé d'accompagner au maximum ces maisons France Services en matière d'investissement, en faisant en sorte que l'autofinancement soit de 20 % pour les collectivités. Or, s'agissant du plan de relance, l'instruction des dossiers montre une certaine position de repli fort regrettable pour ces services publics au plus proche des usagers.
Par ailleurs, quelle est la cohérence de l'expérimentation de transfert des routes nationales ? Autant, s'agissant des départements, il peut y avoir certaines cohérences par rapport au patrimoine routier, néanmoins c'est incompréhensible concernant les régions. Le texte traite d'une manière puzzle de l'écotaxe au niveau des régions.
Enfin, la question des financements des petites lignes TER se pose en termes de temps long ; or les CPER ont une visibilité insuffisante.
Je vous rappelle, madame la ministre, la question de notre collègue Frédéric Marchand au sujet de la cotation des demandes de logement social à échéance de 2021 ou 2023.
Cette question dépendant du ministère du logement, je n'ai pas la réponse immédiate.
Mes deux questions sont relatives à la simplification de l'aide publique locale.
Aujourd'hui, la dispersion des aides entre les appels à projets du plan de relance, de l'Ademe, des régions, de l'Europe ou des intercommunalités fait que les petites communes, qui en ont le plus besoin, y ont le moins accès. La loi 3DS abondera-t-elle dans une simplification de l'accès à ces aides et prévoira-t-elle un guichet unique donnant un accès à ce panel d'aides aux petites communes ?
Par ailleurs, l'une des priorités de ce projet de loi est la facilitation du partage de données entre les administrations. Afin d'éviter, par exemple, que les usagers ne redonnent plusieurs fois les mêmes informations à l'administration, quels seront les principaux acteurs et moyens à mobiliser pour apporter le soutien le plus efficace à nos collectivités ? Pour ce faire, comment envisagez-vous le rapprochement entre les collectivités et l'État ?
Nous avons compris que le débat jacobins-girondins était dépassé. Il faudrait, à ce titre, inscrire dans la loi l'interdiction de corsetage de type « contrats de Cahors », cette dernière s'étant retrouvée avec une mainmise de l'État sur sa collectivité.
Madame la ministre, à ma question qui faisait suite à la pétition ayant recueilli 105 000 signatures en faveur d'un référendum sur le redécoupage de la Bretagne et de la Loire-Atlantique, vous aviez répondu qu'on ne peut rien avec la loi existante. C'est donc le moment d'y revenir : la quasi-totalité des collectivités territoriales de Loire-Atlantique a voté, par un large consensus, des délibérations en faveur de la consultation.
Quel dispositif enfin opérationnel de redécoupage territorial envisagez-vous pour faire respecter la démocratie ?
Je voudrais rappeler à mon collègue Ronan Dantec, d'une part, qu'un référendum ou une consultation n'a jamais fait une décision politique et, d'autre part, le résultat largement positif de la consultation relative à l'aéroport de Nantes-Atlantique.
Autant les comités d'intérêts locaux (CIL) fonctionnent, autant les comités locaux dans le cadre de l'ANCT, qui devraient coordonner l'ensemble des politiques publiques sur un territoire, ne fonctionnent pas. Je pense qu'il y a un véritable travail à faire pour simplifier le fonctionnement local de cette agence ainsi qu'un travail de cohésion et d'information auprès des élus locaux.
Permettez-moi également de vous dire que nous avons des doutes sur l'aspect « différenciation » de ce projet de loi.
Je suis déçu par ce texte que nous attendons depuis longtemps et qui ne comporte pas grand-chose, si ce n'est des soucis supplémentaires pour les communes - je pense au renforcement du contrôle des sociétés publiques locales (SPL). Certaines mesures relèvent du « gadget » telles que la possibilité de fixer le nombre d'élus des conseils d'administration ou l'organisation des pétitions avec 10 % des électeurs ou 20 % des EPCI. On n'a pas fini d'être embêté !
S'agissant de la question de la décentralisation et de l'Ademe, permettez-moi de rappeler que cette dernière est un établissement public de l'État. Je suis davantage gênée lorsqu'un directeur de l'Ademe signe un accord avec l'État. Je rappelle que nous sommes dans un établissement public de l'État. La présence du préfet me paraît d'autant moins critiquable que le représentant de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans le département est le préfet, ce qui n'a jamais posé de problème. Mettre le préfet en position de coordinateur avec l'Ademe a également pour objectif de faciliter les relations avec les préfets de départements, ce qui fait suite aux critiques émises sur la visibilité de l'action de l'État du fait de la multiplication des agences.
Je sais qu'Édouard Philippe a exigé que les établissements publics de l'État remettent la Marianne dans leurs locaux et l'en-tête République française sur les papiers officiels. À cet égard, certaines agences étaient devenues très autonomes. N'oublions pas qu'il s'agit de financements d'État.
S'agissant des maisons France Services, des fonds d'investissement existent pour les aider à s'installer.
Les routes sont une expérimentation de la régionalisation sur une base volontaire. Nous n'irons pas plus loin en cas d'échec. Lorsqu'on me dit que la différenciation n'est pas assez visible, je peux répondre que les expérimentations sur les routes ou sur le revenu de solidarité active (RSA) sont de la différenciation, tout comme le renforcement des travaux de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP).
Je ne reviens pas sur la question bretonne, puisqu'une question d'actualité a, hier encore, été posée à ce sujet. Je rappelle que l'initiative appartient aux collectivités territoriales.
Vous aviez pourtant répondu l'inverse dans l'hémicycle en disant que, pour débloquer le dossier, il fallait changer la loi. L'État est-il donc prêt à changer la loi ?
Aujourd'hui, l'État n'a pas les moyens de faire une consultation. Quant à changer la loi, c'est un autre sujet qui n'est pas à l'ordre du jour.
Nous prenons rendez-vous, dans l'hémicycle, pour discuter de ce projet de loi.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est suspendue à 10 h 15.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion reprend à 10 h 20.
Nous avons le plaisir d'accueillir pour la première fois devant notre commission depuis le début de la présente session Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), en vue de la préparation du Congrès mondial de la nature, qui se tiendra à Marseille du 3 au 11 septembre 2021.
Ce congrès est un événement de première importance : il s'agit de la plus grande manifestation internationale sur la biodiversité, qui réunit et mobilise les experts de la protection de la nature, du monde politique à la recherche, en passant par les ONG et les organisations internationales, sans oublier les entreprises. Le fait que le congrès ait lieu cette année en France est une opportunité inédite pour faire entendre la voix de notre pays en matière de diplomatie environnementale et de lutte contre l'érosion de la biodiversité.
Ce congrès a normalement lieu tous les quatre ans, mais la crise sanitaire a perturbé le calendrier habituel : il se sera finalement écoulé plus de cinq ans depuis la dernière édition à Hawaï, en 2016, qui avait alors réuni plus de 10 000 participants.
Cette année, le Congrès mondial précédera de peu la quinzième conférence des parties (COP15) de la Convention sur la diversité biologique, prévue du 11 au 24 octobre prochains en Chine, à Kunming : les rencontres et échanges qui auront lieu à Marseille permettront de préparer les négociations et donneront l'occasion de tester des positions et de sonder les envies de progresser avant la COP15. Pour cette raison, le second semestre 2021 sera particulièrement attendu et scruté par les acteurs de la biodiversité, alors que le Gouvernement élabore sa troisième stratégie nationale pour la biodiversité et qu'il est plus que jamais nécessaire de s'entendre sur un cadre multilatéral pour réduire les pressions exercées par les activités humaines sur la biodiversité.
À l'heure où le Sénat examine le projet de loi « Climat et résilience » et s'apprête à renforcer la stratégie nationale pour les aires protégées (article 56) et à conforter le cadre judiciaire afin de mieux sanctionner les atteintes aux milieux physiques (titre VI), la nécessité de mener de manière concomitante la lutte contre l'érosion de la biodiversité et la politique climatique s'impose avec évidence. Les enjeux sont intimement liés et les interdépendances sont fortes : il n'est plus envisageable de conserver une approche en silo.
Avant de vous laisser la parole pour que vous nous présentiez les grands enjeux du Congrès mondial, je souhaiterais vous interroger sur plusieurs points. Quelle est votre appréciation concernant la coopération internationale en faveur de la biodiversité ? Existe-t-il une volonté politique d'agir en commun et de définir des méthodes d'évaluation et d'action partagées ? L'Union européenne vous paraît-elle un acteur légitime et crédible sur la scène mondiale ? Quels sont les principaux défis de la prochaine décennie afin de mettre un coup d'arrêt à l'inquiétante érosion de la biodiversité ? Toutes ces questions peuvent d'ailleurs se résumer en une seule : pour vous qui êtes un fin connaisseur de l'état de la nature et en mesure d'apprécier les efforts entrepris ici et là, au niveau local aussi bien que global, est-il permis d'être optimiste quant aux chances de succès afin de réellement préserver la biodiversité des menaces qui pèsent sur elle ?
Le Congrès mondial de l'UICN est considéré comme le plus grand événement mondial dédié à la nature et à la biodiversité. Il rassemble une large communauté : États, agences publiques et ONG. Au total, plus de 1 300 participants représentent plus de 160 pays.
L'UICN constitue un vaste réseau de plus de 15 000 experts chargés d'identifier à la fois les enjeux et les solutions en matière de biodiversité.
Le Congrès mondial est une enceinte ouverte non seulement aux membres de l'UICN, mais également à toute personne ou organisation désireuse de s'impliquer davantage dans la préservation de la biodiversité. Il accueille à ce titre des représentants de collectivités territoriales, d'entreprises et de différentes associations. Depuis 2016, nous comptons parmi nos membres des organisations représentatives de peuples autochtones, dont on sait aujourd'hui le rôle important qu'ils jouent en matière de préservation de la biodiversité.
La COP15, qui se tiendra juste après le congrès, permettra de faire un bilan de l'évolution des indicateurs de la biodiversité et permettra aux parties de se réengager. Les États parties à la convention sur la diversité biologique ont adopté une stratégie mondiale en 2010, à Nagoya, qui a défini vingt grands objectifs internationaux à atteindre en 2020. Malgré les progrès enregistrés, notamment en en ce qui concerne la création d'espaces protégés sur terre ou en mer, le compte est loin d'y être. Les États parties vont donc adopter une nouvelle stratégie mondiale pour la biodiversité à échéance 2030, avec de nouveaux objectifs.
Dans ce contexte, le Congrès mondial va jouer un rôle clé sur la nature des engagements à prendre. Depuis la création de l'UICN à Fontainebleau, en 1948, c'est la première fois que le Congrès mondial de la nature se tient en France. Il est constitué de deux parties : la première, le forum de la conservation, est un vaste espace d'échange et de débat sur les actions menées en termes de conservation de la biodiversité et les solutions à apporter pour répondre à ce défi. Des ateliers thématiques et de grandes réunions plénières seront organisés, réunissant des personnalités reconnues. Des sessions de formation et de renforcement des capacités se tiendront également. Un espace composé de plusieurs pavillons, dont un pavillon français, permettra de réunir organisations, membres et experts. Cet espace sera ouvert gratuitement au grand public.
Nous avons identifié sept grands thèmes pour ce congrès : les paysages terrestres, l'eau douce, les océans, le changement climatique, les questions de droit et de gouvernance, les systèmes économiques et financiers et les savoirs innovation et technologie.
La deuxième partie du congrès, l'assemblée générale, intéresse plus spécialement les 1 300 membres de l'UICN qui seront invités à adopter toute une série de décisions. Cette assemblée se décompose en deux chambres : une chambre gouvernementale, qui réunit les États et les agences publiques, et une chambre non gouvernementale, qui réunit les ONG. Pour être adoptée, toute décision doit être votée à plus de 50 % dans chacune des deux chambres.
L'assemblée générale aide à forger la politique internationale de l'UICN sur un grand nombre de sujets, examine les modifications apportées aux statuts de l'organisation, discute de questions d'importance stratégique et élit son nouveau conseil d'administration. Elle adoptera également un message final, le « message de Marseille », destiné à relancer les efforts indispensables pour la conservation de la biodiversité.
La France a souhaité ouvrir des espaces au grand public, avec des animations visant à mieux le sensibiliser aux différents enjeux de la diversité : les Espaces Générations Nature, à l'image des Espaces Générations Climat organisés lors de la COP21.
Plusieurs sommets internationaux se tiendront en parallèle du Congrès - sur les entreprises, sur les villes et les collectivités locales ainsi que sur les peuples autochtones. Le sommet prévu sur la mobilisation de la jeunesse s'est finalement tenu en avril dernier sous forme virtuelle, en raison de la crise sanitaire ; il a réuni plus de 14 000 participants. Par ailleurs, le Président de la République avait souhaité organiser le One Planet Summit, entièrement consacré à la biodiversité, le 11 janvier 2021, c'est-à-dire au moment où le Congrès aurait dû se réunir.
Nous espérons que cet événement sera à la fois décisif et historique. Le comité français de l'UICN est particulièrement engagé, depuis 2018, dans ce travail de longue haleine. Tous les acteurs sont mobilisés pour valoriser notre expertise et mettre en avant nos propositions et nos solutions.
De nombreux parlementaires sont engagés pour la nature. Il est important que la société civile et nos concitoyens puissent s'approprier cet événement et soient sensibilisés aux enjeux de la biodiversité.
Au regard des échanges avec les autres comités nationaux, pensez-vous que le Congrès mondial de septembre prochain permettra des avancées significatives et la prise d'engagements forts des parties prenantes ? Quels vous paraissent être les points d'achoppement et comment comptez-vous lever ces difficultés ? Comment articulez-vous, au sein du comité français, ces deux grands événements que sont le Congrès mondial et la COP15 Biodiversité ?
Le Gouvernement a annoncé, en janvier dernier, une nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées, avec un objectif de 30 % de surfaces protégées et de 10 % sous protection forte. L'article 56 du projet de loi Climat et résilience donne par ailleurs une assise législative à cette stratégie.
Dans le même temps, en France, 26 % des espèces évaluées sont considérées comme éteintes ou menacées et seulement 22 % des habitats d'intérêt communautaire sont dans un état de conservation favorable.
À la lueur de ces indicateurs, quelle est votre appréciation des efforts entrepris par la France, aussi bien sur le territoire métropolitain qu'outre-mer ? Les moyens financiers et humains dédiés à cette stratégie vous paraissent-ils suffisants ? Cette dernière présente-t-elle des angles morts ?
La question de la coopération internationale en faveur de la biodiversité est un sujet assez peu abordé et qui me paraît mériter qu'on s'y arrête. Je pense notamment à l'aide publique au développement en faveur de projets environnementaux et de protection de la nature. Le cadre actuel en matière de lutte contre l'érosion de la biodiversité vous paraît-il adapté ? Les outils de financements internationaux permettent-ils d'organiser efficacement une coopération avec les pays en développement ? Quels sont les défis à relever et comment la France pourrait-elle jouer un rôle moteur en la matière ?
La France a été force de proposition sur plusieurs questions, qui ont une résonnance dans notre pays et dans le monde.
Nous proposons de renforcer la protection de certaines espèces ou certains milieux naturels. Je pense notamment aux grands singes, à travers l'expertise du Muséum national d'Histoire naturelle, à la conservation des mangroves, qui ont déjà perdu près de 50 % de leur surface à l'échelle planétaire, alors qu'elles jouent un rôle important en termes d'accueil de la biodiversité et de stabilisation du recul du trait de côte - grâce à nos territoires d'outre-mer, nous disposons d'environ 100 000 hectares de mangroves qu'il nous faut préserver.
Nous avons également formulé des propositions pour la protection des poissons herbivores des récifs coralliens, qui jouent un rôle très important dans la régulation du développement des algues. En cas de surpêche, les algues recouvrent les récifs coralliens et les empêchent de fonctionner convenablement.
Nous souhaitons également une meilleure reconnaissance du patrimoine naturel géologique des milieux souterrains. Il s'agit d'un des angles morts que vous évoquiez, en France mais aussi au niveau international.
Les questions de biodiversité et de changement climatique sont aujourd'hui étroitement liées. Pendant longtemps, on a parlé des conséquences du changement climatique sur la biodiversité, notamment lors de la préparation de la COP Climat à Paris. Nous nous rappelons tous les images de cet ours polaire dérivant sur un morceau de banquise, de ces feux de forêt ou de ces récifs coralliens blanchis. Mais dès qu'il s'agissait d'évoquer les solutions, on ne s'intéressait qu'à la transition énergétique et aux énergies fossiles ; personne n'envisageait de recourir aux solutions fondées sur la nature. Or c'est un message fort que nous portons : aujourd'hui, les plus grands réservoirs de carbone de la planète sont dans les milieux naturels. Ces derniers nous offrent des capacités de captage et de stockage de CO2 gratuites, à condition qu'ils soient préservés, voire restaurés : 50 % des émissions humaines de carbone sont captées et stockées par les écosystèmes. La nature est donc un allié indispensable dans la lutte contre le changement climatique.
La criminalité environnementale est également un sujet important. Le Sénat a formulé des propositions sur le renforcement des sanctions en matière d'atteintes à l'environnement. Nous souhaitons que la criminalité environnementale soit reconnue comme une infraction grave, à l'instar de ce qui a été fait dans la convention des Nations unies sur le crime organisé.
Il est également urgent de s'attaquer à la pollution plastique dans les océans, notamment à travers l'ouverture de négociations internationales et l'adoption d'un traité ou d'une convention internationale contraignants.
La question de la gestion des ressources en sable est un autre angle mort de la protection de la biodiversité. Le sable est la deuxième ressource naturelle la plus utilisée au monde et fait l'objet de prélèvements très intensifs, que ce soit dans les lits de rivières ou sur les plages.
Nous souhaitons aussi la mise en place d'un meilleur contrôle des dispositifs de concentration des poissons, qui posent un vrai problème de préservation des ressources halieutiques.
Nous demandons également, prenant appui sur la loi Labbé qui interdit l'utilisation de pesticides de synthèse dans les espaces verts des collectivités territoriales et dans les jardins des particuliers, la généralisation à l'échelle planétaire de l'ensemble des techniques alternatives, en milieux urbain, rural et agricole, au travers de la promotion de l'agroécologie.
Nous luttons contre la déforestation importée. C'est un sujet nouveau que la France a mis sur la table. Notre pays est d'ailleurs le seul, avec la Norvège, à avoir adopté une stratégie nationale en la matière. Nous promouvons la généralisation de ces stratégies au niveau mondial.
Nous luttons également contre l'intensification de l'artificialisation des sols, qui est un sujet du projet de loi « Climat et résilience ». Il s'agit de mettre en place une meilleure planification en visant un objectif de « zéro artificialisation nette » et en engageant davantage d'opérations de restauration et de renaturation de milieux naturels dégradés.
Nous nous félicitons que la France ait d'ores et déjà pris les devants s'agissant de la question importante des aires protégées, outil majeur de la protection de la nature. À l'objectif de 30 % d'aires protégées en 2030 s'ajoute celui de 10 % d'aires sous protection forte, qui a été adopté au niveau européen.
La France est engagée en matière de préservation de la biodiversité. Elle n'est pas épargnée par le problème planétaire de la dégradation de la biodiversité. Nous espérons que la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité, qui sera adoptée à la suite de la COP15, sera une véritable stratégie de mobilisation de l'ensemble des acteurs, afin de parvenir à un vrai changement d'échelle.
La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) plaide pour des changements transformateurs, c'est-à-dire des changements en profondeur de l'ensemble des politiques relatives à la biodiversité.
Le système de suivi, d'évaluation et de rapportage, qui a fait défaut dans le cadre des précédentes stratégies mondiale et nationale, constitue aujourd'hui un angle mort. Nous avons en effet manqué de points d'évaluation réguliers sur la base d'indicateurs définis, car les objectifs chiffrés sont beaucoup plus faciles à évaluer quantitativement. Les États avaient adopté en 2010 une très belle feuille de route comportant 20 objectifs internationaux. Malheureusement, on a attendu 2020 avant de faire le point. Les objectifs qui ont été atteints sont ceux qui avaient des cibles quantitatives. Par exemple, nous dénombrons 17 % d'espaces protégés terrestres en 2020, l'UICN a publié un rapport en ce sens. Pour les espaces marins, l'objectif était de 10 %. Il n'a été atteint que partiellement, puisque ces espaces ne représentent aujourd'hui que 7,5 %. Par conséquent, des efforts importants devront être mis en place pour parvenir au chiffre de 30 % !
Cet objectif quantitatif d'augmentation de la surface est indispensable, mais il doit aller de pair avec une gestion efficace et des moyens financiers. Sinon, on se trouve dans la situation qu'on appelle le syndrome des « parcs de papier » : les espaces existent sur le papier, sans avoir pour autant une réalité concrète sur le terrain.
Pour évaluer l'efficacité de la gestion, l'UICN a mis en place un nouvel outil reconnu par l'ONU, à savoir la liste verte des aires protégées. Il s'agit d'une méthodologie visant à évaluer l'efficacité de la gestion et à labelliser les sites efficacement gérés, afin de leur donner une véritable reconnaissance internationale, ainsi qu'une valeur d'exemple. À l'heure actuelle, la France possède le plus grand nombre de sites inscrits sur cette liste verte mondiale.
En matière de coopération internationale, nous sommes loin du compte s'agissant du financement global de la biodiversité. Ainsi, 300 milliards de dollars sont mobilisés par an, alors qu'il en faudrait au moins cinq fois plus.
Nous sommes particulièrement intéressés par les initiatives prises par l'Agence française de développement lors du One Planet Summit. Il s'agit de consacrer plus de financements à la biodiversité dans le cadre de la stratégie d'aide au développement, à l'image de l'engagement pris par l'Agence française de développement (AFD) en faveur du climat.
La France possède aussi un outil très intéressant, le Fonds français pour l'environnement mondial, qui permet d'appuyer et d'aider des projets concrets. Pour notre part, nous avons lié un partenariat avec ce fonds, pour aider à renforcer et à structurer les organisations de la société civile en Afrique francophone. En effet, la mobilisation de tous les acteurs est aujourd'hui nécessaire. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur l'action des États et des ONG. Il faut renforcer la mobilisation des entreprises, des collectivités locales et de la société civile, pour parvenir à un véritable changement d'échelle et lutter contre les problèmes d'érosion de la biodiversité.
Dans ce cadre, l'UICN met à l'honneur des stratégies gagnant-gagnant, c'est-à-dire gagnant pour l'économie et pour la santé humaine. À ce titre, permettez-moi d'évoquer la crise de la Covid-19, directement liée à la déforestation et au commerce international d'espèces menacées qui exposent les humains à de nouveaux pathogènes.
J'ai de nombreuses questions à vous poser, monsieur le directeur.
Ce congrès est un événement très important, qui doit permettre une meilleure sensibilisation du grand public. La France n'échappe pas au constat amer de l'érosion de la biodiversité. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a d'ailleurs signalé récemment la disparition de nombreux oiseaux et papillons. Dans la mesure où nous sommes responsables de cette situation à l'égard des générations à venir, nous devons alerter. Comment faire pour décliner de manière plus précise cette information ?
Vous avez évoqué un changement d'échelle, et je suis entièrement d'accord avec vous. Quelles déclinaisons territoriales pourrions-nous mettre en oeuvre pour protéger davantage notre biodiversité ?
Je suis rapporteure d'une mission sur la pollution plastique dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Avec le député Philippe Bolo, nous travaillons à une proposition de résolution visant à inciter le Gouvernement à oeuvrer au niveau international, mais aussi au niveau national, s'agissant de la pollution plastique.
Ainsi, le naufrage et l'incendie du porte-conteneurs X-Press Pearl au large du Sri Lanka nous alertent sur les pertes de conteneurs, qui provoquent une pollution dramatique, avec un impact écologique très important. Contrairement à ce qui se passe pour les marées noires, aucun fonds d'indemnisation n'est prévu dans ce cas. Ne serait-il pas opportun de remédier à une telle situation ?
S'agissant des Terres australes et antarctiques françaises, où le tourisme chinois commence malheureusement à se développer, ne conviendrait-il pas d'imaginer des aires marines protégées ?
Enfin que pensez-vous des territoires en libre évolution, qui relèvent d'initiatives privées ?
S'agissant de la mobilisation citoyenne, nous avons déployé des efforts au cours des trois dernières années. La population française souhaite aujourd'hui mieux comprendre les enjeux de la biodiversité et les solutions qui peuvent être mises en oeuvre. Nous avons organisé des partenariats avec différents médias, dont l'émission scientifique La Terre au carré sur France Inter. Nous nous réjouissons de l'accueil des Espaces Générations Nature au Congrès mondial de la nature, qui ne doit pas être uniquement une réunion de spécialistes et de délégations gouvernementales .Il s'agit de l'ouvrir au grand public, qui pourra y rencontrer des experts. L'éducation à l'environnement est souvent négligée. Il convient donc de soutenir les associations qui interviennent dans les écoles. Par ailleurs, les sciences participatives rencontrent un franc succès. À cet égard, nous accueillerons le Muséum national d'Histoire naturelle sur notre pavillon pour montrer ce que la France fait en la matière : ce sont de bons outils d'implication. Je le rappelle, la LPO propose aux particuliers de créer des refuges LPO.
En outre, l'information en matière de consommation est également importante. Il s'agit de permettre aux citoyens, par leurs choix de consommation, de privilégier des modes de production plus durables et plus respectueux de la nature. Ainsi, en matière de déforestation importée, l'étiquetage permet de savoir si les produits contiennent ou non de l'huile de palme.
Si la mobilisation citoyenne est indispensable, seule une réforme des politiques publiques permettra de changer d'échelle en matière de préservation de la biodiversité.
La réforme des subventions néfastes à la biodiversité constitue un véritable angle mort de notre politique. Le déploiement de nos efforts en matière de protection de la nature se heurte aux moyens bien plus importants destinés à des activités destructrices de la nature. Dans le cadre de la crise sanitaire, nous avons lancé l'alerte. Nous rappellerons fortement au Congrès mondial de Marseille la place de la nature et l'importance de modèles économiques durables dans les plans de relance économique post-covid. Profitons de la crise sanitaire pour changer de modèle et avoir un développement économique plus résilient pour la planète et plus sain pour les populations.
Vous avez rappelé la perte de biodiversité en France, en évoquant le dernier état des lieux concernant les oiseaux. Auparavant, on avait tendance à considérer que les menaces en matière de biodiversité ne concernaient que quelques espèces emblématiques et rares. Aujourd'hui, il est clairement établi que l'érosion de la biodiversité touche l'ensemble des espèces, en particulier les espèces communes. Ainsi, au niveau mondial, une espèce d'oiseau sur huit est menacée. En France, une espèce sur trois risque de disparaître du territoire, en particulier dans les milieux agricoles.
La stratégie mondiale doit se décliner au niveau national puis au niveau régional. Il convient de mettre en place ce système d'emboîtement, afin de mobiliser, à chaque échelle, les différents acteurs.
Les collectivités ont un rôle clé à jouer en matière d'aménagement du territoire, de lutte contre l'artificialisation des sols et de maîtrise de l'urbanisation.
On accompagne aussi des stratégies plus locales. Beaucoup de villes s'engagent en matière de biodiversité. Nous soutenons, depuis trois ans, la ville de Marseille, qui présentera au congrès mondial sa stratégie locale pour la biodiversité. En matière de pollution plastique, votre proposition relative à l'application du principe pollueur-payeur me paraît intéressante. Il n'est pas normal qu'il existe des trous dans la raquette, comme nous l'avons vu lors de l'affaire Erika avec Total. Tout préjudice écologique doit être réparé par celui qui en est à l'origine.
Effectivement, le tourisme se développe dans les Terres australes et antarctiques françaises, mais nous sommes confiants : il s'agit d'un espace emblématique et multi-labellisé. Elles sont à la fois un site Ramsar, soit une « zone humide d'importance internationale », et la plus grande réserve naturelle nationale de France, avec une vraie réglementation sur l'accès, sur les possibilités de recherches scientifiques, sur le contrôle de l'introduction d'espèces exotiques envahissantes et sur la pêche. C'est par ailleurs un des sites ayant rejoint la liste verte de l'UICN, attestant qu'il est efficacement géré.
Les territoires en libre évolution sont pour nous une vraie option de gestion. Ils présentent à la fois l'intérêt de pouvoir observer des modes d'expressions plus spontanés de la nature et de renforcer sa résilience par rapport aux changements climatiques. Le Président de la République avait lui-même fixé un objectif de 10 % de pleine naturalité. L'enjeu est aujourd'hui d'être moins interventionniste, notamment en milieu forestier. C'est ce que fait l'Office national des forêts (ONF) en classant, par exemple, des réserves biologiques intégrales. On sait que les forêts stockent davantage de carbone si on les laisse évoluer vers des stades plus matures. Cette protection des forêts primaires est une des priorités affichées dans la stratégie européenne pour la biodiversité. C'est aussi un sujet de recommandation que nous portons à Marseille. Je rappelle qu'il ne reste en Europe que 1 % de forêts matures.
À quelques mois de la COP15 sur la biodiversité en Chine, quel est votre sentiment ? Malgré la crise terrible de la Covid, les Chinois ne semblent pas si allants que prévu : on aurait pu penser qu'ils seraient très volontaires sur la limitation du commerce d'espèces sauvages et le renforcement des contrôles. Où en sont aujourd'hui les Américains et les grands pays émergents, comme l'Inde ? Comment, selon vous, se présente cette négociation, d'autant qu'une réduction assez forte du nombre de participants est annoncée ? Idem pour la COP26 de Glasgow sur le climat où la jauge est en train d'être sérieusement limitée. Les informations qui me parviennent ne me semblent pas très optimistes...
Quid des financements additionnels pour la biodiversité ? Les anciens modèles de préservation sont en train de s'écrouler. Le modèle de conservation par la grande chasse en Afrique est en train de péricliter, ce qui est assez logique : qui a encore envie de tirer sur un éléphant ? L'UICN défendra-t-elle en Chine la création de nouveaux flux de financement pour la conservation ?
Quelle sera, à terme, la place des collectivités territoriales ? La gouvernance de l'UICN mélange les États et les ONG, mais sans la présence des collectivités territoriales. Je sais que l'UICN France soutient une résolution qui permettrait aux collectivités d'y entrer. Vous développez en particulier un certain nombre d'événements à Marseille en ce sens. Pour information, l'Association française du conseil des communes et régions d'Europe (AFCCRE) organisera une réunion prochainement pour préciser et supporter la feuille de route des réseaux de collectivités pour la COP en Chine. Nous ferons notamment un focus sur la stratégie européenne de biodiversité dont on n'a pas assez parlé, mais qui sera un élément important au cours des prochaines années. La résolution que vous défendez a-t-elle une chance de passer, sachant qu'un certain nombre d'États n'apprécient pas que l'on renforce le rôle des collectivités territoriales dans les instances internationales ?
La Chine est désireuse que cette COP15 sur la biodiversité soit une vraie réussite, mais elle adopte volontairement, en tant que pays d'accueil, une position de neutralité pour faciliter les débats. Nous espérons, avec la nouvelle administration Biden, que les États-Unis auront un rôle plus offensif dans la Convention sur la diversité biologique, qu'ils n'ont pas ratifiée, à l'instar de l'accord de Paris sur le climat. Ils sont là en tant qu'observateurs et ne votent pas les décisions.
Pour financer la biodiversité, nous devons changer d'échelle et trouver les bons modèles économiques. Dans certains pays, l'accès aux parcs nationaux ou aux réserves naturelles est payant. En France, cet accès est gratuit. Nous avons imaginé l'équivalent d'une taxe de séjour pour financer les activités des milieux naturels. Au niveau international, nous avons des difficultés avec les grandes agences de développement qui fonctionnent par prêts. Pour qu'un État accepte de s'endetter en faveur de la biodiversité, il faut donc un modèle économique permettant un retour sur investissement. La part dédiée aux subventions est très limitée alors que c'est elle qui est principalement mobilisée.
Le comité français de l'UICN, en accord avec le Gouvernement, souhaite que les collectivités soient une nouvelle catégorie de membres de l'UICN en raison de la place prise par ces dernières à la suite de toutes les vagues de décentralisation dans le monde. Les collectivités sont dorénavant des acteurs majeurs pour la préservation de la nature. Il est donc normal qu'elles soient représentées et aient un droit de vote lors de l'assemblée générale. Elles doivent pouvoir soumettre des recommandations afin de forger la politique internationale de l'UICN. Se pose néanmoins le problème du nombre - près de 35 000 communes en France - et celui de l'articulation avec les autres États avec un maillage territorial moins fin que le nôtre. Nous allons donc travailler à la mise en place de collèges, avec un nombre de votes limité par pays. Par ailleurs, les collectivités, tout comme les ONG d'ailleurs, devront remettre un dossier de candidature attestant qu'elles sont engagées dans la préservation de la biodiversité et qu'elles ont déjà obtenu par leurs actions des résultats concrets.
Sur le plan politique, comme l'UICN est une organisation internationale, certains États sont plus à l'aise que d'autres quant à la participation de leurs collectivités. Les États-Unis sont assez réticents, contrairement à l'Italie, à l'Espagne ou à la Suisse. Nous avons manqué de très peu cette adhésion des collectivités. Nous espérons que cela changera dans le contexte de l'accueil en France, sachant que de nombreux membres européens y sont plutôt favorables. Grâce aux travaux que nous avons réalisés, nous sommes parvenus à une bonne formule tout à fait acceptable. Je souligne que le président de l'UICN est un Chinois, il termine son mandat et il a été élu d'une municipalité en Chine. Pour en avoir parlé avec lui, il est personnellement favorable à cette adhésion.
J'ai bien noté que le consommateur devait être informé sur les produits qu'il achète, notamment en matière d'émission de gaz à effet de serre. J'ai l'impression néanmoins que l'on tronque trop facilement ces informations. Je prendrai l'exemple de l'automobile. On ne parle jamais de l'énergie grise nécessaire à la fabrication des véhicules, seulement de l'énergie qu'ils consomment en fonctionnement. Or la production des batteries des véhicules électriques consomme autant d'énergie grise que la construction du véhicule en lui-même ! Par ailleurs, un véhicule construit en France, avec de l'électricité décarbonée, n'a pas le même impact environnemental que le même véhicule construit en Pologne, avec de l'électricité à base de charbon. Ces informations sont totalement occultées vis-à-vis de l'acheteur. Quelle est votre opinion sur ce point ?
L'information des consommateurs à travers les différents labels et certifications est très importante, car elle permet d'orienter leurs choix en faveur de modes de production plus durable. Nous avons noué des partenariats avec de grandes entreprises comme EDF, qui doivent s'engager plus fortement sur toute la chaîne de valeur et l'analyse du cycle de vie. Il faut regarder l'activité d'une entreprise non pas à l'aune d'un seul segment de son activité, mais depuis l'extraction et la fourniture de matériaux, qu'il s'agisse de l'énergie ou de la cosmétique, jusqu'à la commercialisation des produits et le recyclage des emballages. Nous travaillons en partenariat avec le groupe L'Occitane qui commercialise des produits à partir d'ingrédients naturels pour nous informer de la provenance des produits, des conditions dans lesquelles ils sont collectés ou fabriqués. Notre objectif est d'avoir une vision précise des effets de ces activités sur la biodiversité et de la façon de les corriger. Pour qu'une entreprise définisse son plan d'action, elle ne doit pas s'en tenir au développement d'un site pilote, tel que les entreprises d'exploitation de carrières pour le granulat ou la fabrication du béton ; elle doit au contraire généraliser le modèle au-delà des sites témoins, via le cahier des charges, depuis l'exploitation des ressources naturelles avant l'implantation de la carrière, jusqu'à la gestion de celle-ci, et ce pour avoir de vraies études d'impact environnementales. C'est ainsi que les groupes avec lesquels nous travaillons, notamment HeidelbergCement, organisent leur plan de restauration des carrières.
Au moment où le déconfinement devient réalité, allons-nous vraiment entrer dans le monde d'après ou recommencera-t-on comme avant ? Alors que la santé sous toutes ses formes - humaine, animale et terrestre - a le vent en poupe du fait de la crise sanitaire, va-t-on en tirer tous les enseignements ? Sur les 20 objectifs d'Aichi, certains, notamment les objectifs quantitatifs, sont très loin d'être atteints. En est-il un sur lequel nous ayons une grande marge de progression et que nous pourrions rediscuter à Marseille ? Enfin, à la suite du discours de Nagoya, l'écocide est de plus en plus invoqué, comme ce sera le cas au Sénat dans les jours qui viennent. Le tribunal pénal climatique ou environnemental pour atteinte à l'humanité sera-t-il à nouveau sur la table des discussions après avoir été écarté ?
Le retour au monde d'avant est une vraie crainte, malgré l'engagement de certains pays à intégrer davantage la nature dans leur plan de relance. La construction du monde d'après est largement devant nous, et nous devons nous atteler dès maintenant à des changements en profondeur, en investissant dans la protection de la nature et la prévention qui constituent le préalable à toute solution d'avenir. Cela permettra parfois d'éviter la réparation, qui mobilise plus facilement des moyens que les stratégies de prévention.
Il faut convaincre de l'importance de la protection de la nature et de la prévention pour endiguer l'émergence de futures maladies. Au lieu de miser sur le tout technologique et l'infrastructure grise, il convient d'adopter de nouveaux réflexes pour mieux gérer les risques naturels et les crises futures qui s'amplifieront avec le changement climatique. La COP26 aura lieu après le Congrès mondial de l'UICN. Nous plaidons pour le rehaussement des engagements des États à travers leur contribution nationale déterminée et pour donner une vraie place aux solutions protectrices pour la nature. Nous souhaitons investir davantage dans la restauration des milieux naturels, préalable à l'atténuation du changement climatique et à l'adaptation à ses effets. Le rôle très important des zones humides pour lutter contre les inondations et les sécheresses récurrentes en France n'est plus à démontrer. Ces zones sont des éponges qui absorbent les surplus d'eau et les restituent en cas de sécheresse. Nous devons opérer un changement de modèle, au risque de continuer à détruire la planète.
Parmi les 20 objectifs d'Aichi, le plus délicat à mettre en oeuvre est l'objectif 3, c'est-à-dire la réduction des subventions néfastes à la biodiversité. Le rapport du Centre d'analyse stratégique, dont le groupe de travail était présidé par Guillaume Sainteny, proposait différentes solutions, car en France aussi on peine à réformer ces différentes incitations. Cela passera par la réforme de la politique agricole commune (PAC) ou des subventions qui conduisent à la surpêche ou à l'exploitation des énergies fossiles et qui encouragent l'artificialisation des territoires. Nous devons mettre l'accent sur ce point.
L'instauration d'un tribunal pénal international pour l'environnement n'est pas à l'ordre du jour du Congrès mondial. Le droit de l'environnement a toujours été un sujet historique pour l'UICN, dont les recommandations ont permis l'émergence de grandes conventions internationales comme la convention de Ramsar, en faveur desquelles l'assemblée générale de l'UICN a apporté un soutien décisif en demandant dès 1960 que l'on travaille à une convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Nous sommes également à l'origine de la convention du patrimoine mondial pour protéger les sites à valeur universelle exceptionnelle, puis avons participé à l'élaboration de la convention sur la diversité biologique adoptée à Rio de Janeiro en 1992. En 1978, l'assemblée générale de l'UICN a incité à l'adoption d'une stratégie mondiale de la conservation. Effective en 1980, cette stratégie a permis de structurer l'action mondiale en faveur de la biodiversité. C'est la première fois qu'était employé le terme de « développement durable ».
Pour conclure, je citerai deux décisions parmi les dernières qui ont été adoptées lors du Congrès mondial de l'UICN. D'une part, la promotion du principe de non-régression dans le droit de l'environnement a été reprise en France dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Je citerai, d'autre part, la création de juridictions spécialisées au niveau national pour traiter les problèmes d'environnement parfois complexes. On peut se féliciter de l'adoption, à l'issue d'un congrès mondial de l'UICN, de la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.
Merci pour ce débat intéressant et les précisions que vous nous avez apportées avant ce congrès important à Marseille, qui va nous permettre de préparer la prochaine COP.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 30.