Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 9 février 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous commençons ce matin par l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, et du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar relatif au statut de leurs forces, sur le rapport de notre collègue Sylvie Goy-Chavent.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Goy-Chavent

Nous examinons conjointement deux accords relatifs au statut des forces, conclus avec le Qatar d'une part, Maurice d'autre part.

Le Qatar est un allié stratégique de la France, dans un contexte de fortes tensions au Proche et Moyen-Orient. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Levant, le pays accueille 24 personnels de notre armée de l'air et de l'espace engagés dans l'opération Chammal et déployés sur la base militaire américaine d'Al-Udeid. Par ailleurs, au Sahel, le Qatar a fourni un appui capacitaire à la force conjointe du G5 Sahel en livrant une cinquantaine de véhicules blindés au Mali et au Burkina Faso.

Le partenariat franco-qatarien s'exprime aussi dans le domaine industriel de défense. D'après le dernier rapport au Parlement sur le sujet, le Qatar était le troisième client de la France pour la période 2016-2020, avec 18 % des commandes d'armes françaises. Ces dernières années, le pays a notamment signé deux contrats pour l'acquisition de 36 Rafale au total qui, pour l'essentiel, ont déjà été livrés.

Compte tenu de ces grands contrats d'armement, notre coopération militaire prend également la forme d'activités de formation dispensées aux forces armées qatariennes. Ainsi, ces dernières années, quelque 230 Qatariens ont été formés sur le Rafale sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, et une quarantaine de personnes ont suivi des études dans les écoles militaires françaises.

Enfin, lors de la crise afghane d'août dernier, le Qatar a appuyé la France dans l'opération Apagan d'évacuation de ressortissants français et afghans - ces derniers étaient pour la plupart d'anciens auxiliaires de l'armée française, menacés en raison de leur engagement aux côtés de notre pays.

S'agissant de Maurice, l'accord s'inscrit dans la stratégie française en Indopacifique. Cet État insulaire, voisin de deux départements ultramarins, La Réunion et Mayotte, est confronté aux mêmes problématiques que la France dans le sud de l'océan Indien, à savoir la sécurité maritime et la transition écologique. Ces défis communs ont renforcé notre coopération qui, somme toute, reste relativement modeste.

Cet État présente la particularité de ne pas disposer d'armée ; sa sécurité repose sur les forces de sécurité mauriciennes, en particulier sa « force spéciale mobile », qui entretiennent des liens solides avec les Forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI), composées de 1 700 militaires français.

Les FAZSOI garantissent la protection du territoire national et animent la coopération régionale depuis La Réunion et Mayotte. Elles constituent le principal point d'appui dans la zone indopacifique pour lutter contre les menaces régionales - piraterie, immigration illégale -, assurer la surveillance de nos zones économiques exclusives et conserver une capacité régionale d'intervention rapide.

J'en viens à présent au contenu des accords.

Leur objet est de renforcer le cadre juridique de nos coopérations militaires avec le Qatar et Maurice, en définissant les principes de leur mise en oeuvre. L'absence de tels accords constitue aujourd'hui un réel frein à l'approfondissement de nos relations bilatérales en ce domaine. À titre d'exemple, le plan annuel de coopération franco-qatarien comprend une centaine d'actions, mais moins de la moitié a pu être mise en oeuvre, faute d'instrument juridique couvrant l'intégralité des champs de la coopération. De même, les escales des FAZSOI sur l'île Maurice ne sont pas systématiquement autorisées pour des raisons analogues.

Les dispositions de ces accords s'appliqueront tant aux personnels militaires qu'aux personnels civils, notamment aux agents de la direction générale de l'armement (DGA) appelés à se déplacer dans le cadre des contrats d'armement.

Les deux textes soumis à notre examen sont de facture classique. Ils régissent notamment les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire de l'autre partie, le port de l'uniforme et des insignes militaires, ainsi que la détention, le port et l'utilisation des armes de dotation par les militaires de chaque partie. En outre, les parties reconnaissent, sur leur territoire, la validité des permis de conduire pour les véhicules et engins militaires de l'autre partie.

Enfin, il est important de souligner que ces deux accords sont conformes à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles ; il s'agissait d'une condition sine qua non pour conclure l'accord avec le Qatar, qui continue d'appliquer la peine capitale. En effet, en 2020, un ressortissant népalais a été exécuté à la suite de sa condamnation à mort pour meurtre, ce qui a mis fin au moratoire observé dans le pays depuis 2003.

L'article 11 de l'accord franco-qatarien protège ainsi les membres du personnel des deux États contre la peine capitale ainsi que les traitements inhumains et dégradants. Ces peines ne seront ni requises ni prononcées ; dans l'hypothèse où elles seraient malgré tout prononcées, elles ne seraient alors pas exécutées. Ces stipulations protègent à la fois les personnels français et les personnes à leur charge, mais également les personnels qatariens soumis à la juridiction française et pouvant faire l'objet d'une mesure d'extradition ou d'expulsion.

Pour conclure, ces accords répondent aux intérêts de la France en ce qu'ils renforcent le cadre juridique de nos partenariats, noués dans des régions stratégiques pour notre défense et notre sécurité.

En conséquence, je préconise l'adoption de ces deux projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale le 27 janvier dernier. Leur examen en séance publique au Sénat est prévu selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et les projets de loi précités.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022, sur le rapport de notre collègue Olivier Cadic.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Cet accord, signé le 5 mars 2021 à Doha, concrétise l'ambition politique qui avait été tracée par la déclaration d'intention conclue au nom des deux gouvernements le 28 mars 2019, en lui donnant un cadre juridique robuste.

Le Qatar est un pays dont la superficie correspond à celle de la Corse, et qui compte 2,6 millions d'habitants, dont 2,3 millions d'étrangers.

La Coupe du Monde de football au Qatar, prévue en novembre-décembre 2022, sera le plus grand événement sportif organisé dans le monde arabe. Le Qatar pourrait accueillir jusqu'à 1,5 million de supporteurs et sera confronté à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques... Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n'est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d'alcool, actions d'organisations contestataires...

Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États, dont la France, pays avec lequel il a déjà développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense.

Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis. Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme le démontre l'achat de 36 Rafale.

Le Qatar est également un partenaire stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années.

Sur le plan bilatéral, Le Président de la République et l'émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d'intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cette coopération a été renforcée avec la mise en place d'un dialogue stratégique en février 2019.

L'émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d'Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel. Enfin, le Qatar et les Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l'ouverture d'un bureau à Doha du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.

En parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, on peut constater que le Qatar a réalisé d'importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. En effet, le Qatar est le premier État de la région à avoir abrogé en 2016 le système de la « Kafala », qui oblige l'expatrié à dépendre d'un « parrain », souvent qualifié de « sponsor », et qui peut être une personne physique ou morale. Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Le texte législatif, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021.

En ce qui concerne la peine de mort, comme l'a déjà souligné notre collègue Sylvie Goy-Chavent, elle est toujours en vigueur au Qatar et continue d'être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, mis à part le cas de l'exécution d'un ressortissant népalais, condamné pour meurtre en 2020.

Les progrès sont réels et doivent être poursuivis, en particulier en matière de liberté d'expression et de respect des droits fondamentaux.

La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les jeux asiatiques de 2006, qui ont été le premier grand événement sportif accueilli par l'émirat. Elle s'est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d'athlétisme en 2019 et pour la Coupe arabe des nations de football de 2021.

Pour la Coupe du Monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux encore, d'où le souhait de rechercher une formalisation juridique plus aboutie afin de prévoir un cadre qui sécurise le déploiement d'un volume important d'experts sur le terrain. Cet accord peut se définir comme une offre de services de la France, de nature à couvrir l'ensemble du spectre des besoins de sécurité d'un grand événement sportif. Sa mise en oeuvre pourra notamment s'appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l'intérieur pour des missions de conseil, d'accompagnement, voire d'appui opérationnel.

La partie qatarienne doit formuler plus précisément, à brève échéance, ses besoins, en fonction desquels l'offre de coopération française sera modulée. L'accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.

Cet accord prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l'intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien. Ils bénéficieront ainsi des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CESDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. En outre, l'accord organise une protection contre l'application de la peine capitale ou d'autres traitements inhumains et dégradants, au sens de l'article 3 de la CESDH.

Ces dispositions offriront donc une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l'intérieur qui participeront aux activités de coopération qui seront mises en oeuvre avant et durant l'événement, à l'instar des garanties offertes aux agents du ministère de la défense par l'accord bilatéral relatif au statut des forces, que vient de nous présenter Sylvie Goy-Chavent. Toutefois, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.

Les autorités qatariennes n'ont, à ce jour, pas notifié l'accomplissement des procédures nationales requises pour l'entrée en vigueur de l'accord, qui sera examiné en seconde chambre à l'Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen en séance publique au Sénat était prévu selon la procédure d'examen simplifié, mais le groupe CRCE a demandé le retour à la procédure normale. Le projet de loi sera donc examiné en séance publique le 15 février.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je souhaiterais quelques précisions sur le calendrier. Cet événement aura lieu dans une dizaine de mois. Nous examinons un texte prévoyant des protections importantes pour les personnels français qui seront déployés au Qatar. Mais le Qatar pourra-t-il adopter ce texte à temps ? Pour un tel évènement, on peut penser que les choses doivent être préparées en amont. J'imagine mal des personnels arrivant sur place seulement en septembre pour un événement de cette ampleur et se déroulant deux mois plus tard. N'y a-t-il pas un problème de calendrier ?

Au-delà des moyens en personnel, est-il prévu également de fournir certains équipements, notamment des drones de surveillance ? Je me demande s'il n'y a pas quelques failles dans la préparation de cette coupe du Monde. Pouvez-vous nous préciser quand nos personnels doivent être déployés au Qatar ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je me suis penché sur ces questions pendant la préparation du rapport. Selon les représentants du ministère de l'intérieur que j'ai auditionnés, le texte doit entrer en vigueur le 1er novembre 2022, et l'Assemblée nationale doit l'avoir voté au plus tard le 30 septembre.

Concrètement, cet accord permet de bien cadrer l'offre de prestation de services faite par la France. Le coût sera assumé par la partie qatarienne et, pour nos services, il s'agit d'une expérience très formatrice dans la perspective de la Coupe de monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques de 2024. Le dispositif doit se déployer à partir du 1er novembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Organiser la Coupe du Monde de football au Qatar, c'est une aberration écologique, mais aussi sociale, compte tenu des conditions de travail imposées aux ouvriers sur les chantiers. Les morts se comptent par dizaines.

Par ailleurs, des doutes sérieux existent sur un possible financement de l'islamisme radical par le Qatar sur le sol français. Il me semble donc malvenu aujourd'hui de soutenir d'une quelconque manière l'organisation de cet événement dans ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Tandis que certains appellent au boycott des jeux Olympiques en Chine, le Qatar s'achète une virginité en organisant de grands événements sportifs. Je ne reviendrai pas sur les conditions de la coupe du Monde... Ce pays est par ailleurs un gros client de la France en matière d'armement, les droits de l'homme semblent peu de chose.

Vous avez souligné les progrès réalisés par le Qatar. Pourtant, l'Organisation internationale du travail (OIT) a rendu en novembre un rapport peu sympathique sur les conditions de travail du personnel étranger au Qatar. Avez-vous eu plus de précisions sur ce rapport ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

En effet, cette Coupe du Monde est une aberration pour l'écologie et les droits humains. Les jeux olympiques organisés en Chine posent d'ailleurs les mêmes questions. Les liens supposés du Qatar avec le terrorisme ont par ailleurs été rappelés. Je ne sais pas si nous avons réellement intérêt à coopérer de cette façon avec le Qatar. Cela pose réellement beaucoup de questions.

Mon groupe va demander, comme le CRCE, le retour à la procédure normale, car ce sujet nécessite un vrai débat dans l'hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Quand on parle d'aberration écologique, il suffit de regarder en ce moment du côté des jeux Olympiques d'hiver en Chine. La situation des droits humains dans ce pays, notamment à l'encontre des Ouïghours, a justifié le boycott diplomatique des jeux par de nombreux pays. Je vous renvoie à ce propos au remarquable reportage diffusé récemment sur Arte.

Des doutes existent en effet sur le financement du terrorisme par le Qatar, mais les autorités qatariennes s'en défendent résolument. Restons prudents : certains pays ont aussi intérêt à faire courir ces bruits qui, d'après nos services, ne sont pas absolument avérés.

Le choix d'organiser la Coupe de Monde de football au Qatar a été effectué par une instance indépendante. C'est la première fois que cet événement se déroulera dans un pays arabe. Il ne m'appartient pas de prendre position sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous avons en effet demandé le retour à la procédure normale pour l'examen en séance de cette convention, qui pose un double problème de contexte.

Les conditions d'attribution et de préparation de cette Coupe du Monde font débat : l'OIT a signalé de gros problèmes de droit social sur les chantiers, sans parler des droits humains, des droits des femmes et des aberrations sportives.

Nous ne sommes pas favorables pour autant au boycott des grands événements sportifs, qui pénalise avant tout les sportifs. Il faudrait plutôt réfléchir aux procédures d'attribution de ces grandes compétitions.

Mais cette convention pose aussi la question de l'approfondissement de notre relation de défense et de sécurité avec le Qatar, qui est désormais le troisième acheteur d'armes à la France.

Dans le strict domaine de la sécurité, trois articles de la convention ressemblent ainsi beaucoup à des dispositions que nous avions contractées avec l'Égypte et dont le détournement a été dénoncé par Disclose. Nous ne voterons donc pas cette convention.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Je m'interroge sur la nécessité de ratifier cette convention. Je ne comprends pas, je partage un certain nombre des questionnements qui viennent d'être exposés. À titre personnel, je m'abstiendrai sur ce texte qui me dérange.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Nous n'avons pas le temps de regarder la beauté du monde quand la maison brûle. Des jeux Olympiques d'hiver sans neige en Chine, une Coupe du Monde de football sans herbe ni eau au Qatar... La mission de Pierre de Coubertin, l'épanouissement par le sport, est détournée. Ne confondons pas jeux Olympiques et expositions universelles. La France devrait demander au Comité international olympique (CIO) d'être plus attentif à ses choix à l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Je partage vos points de vue sur le fond. En l'occurrence, les responsables sont le CIO et la FIFA. Certains candidats présentent une logique écologique plus forte, tel que Vancouver qui est candidat pour accueillir les jeux d'hiver de 2030. Mais, l'objectif du CIO est de développer des marchés nouveaux pour le sport à travers l'attribution des jeux, là où il n'y a pas encore d'équipements sportifs et non pas là où les conditions climatiques sont adéquates.

Cette coopération avec le Qatar nous permettra aussi de nous préparer en termes de sécurité pour la Coupe du Monde de rugby de 2023 et les jeux Olympiques de 2024.

La commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous examinons à présent le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Le projet de loi que je vous présente vise à ratifier une convention tendant à la reconnaissance de la double nationalité entre la France et l'Espagne.

Nous examinons en urgence ce texte qui fait l'objet d'une priorité politique, le gouvernement souhaitant le voir adopter avant la fin de la législature.

Il est vrai que cette convention a été signée par les présidents des deux pays en personne lors du sommet franco-espagnol qui s'est tenu à Montauban le 15 mars 2021, dont l'ambition était de donner un nouvel élan à notre relation bilatérale.

Celle-ci est naturellement dense, compte tenu de nos relations de voisinage et des multiples liens humains entre nos deux pays. Ainsi, en 2021, la France est le deuxième pays d'accueil des Espagnols vivant à l'étranger, alors que l'Espagne est le septième pays d'accueil pour les Français résidant hors de France. Le réseau des lycées français en Espagne est le premier d'Europe et le deuxième de la France à l'échelle mondiale. Avec 74 milliards d'euros d'échanges chaque année, nos relations sont aussi importantes au plan économique. Il faut souligner, par ailleurs, nos convergences de vues sur nombre de dossiers européens ainsi que les importantes coopérations capacitaires que nous entretenons dans le domaine de la défense. De fait, la France et l'Espagne représentent l'un pour l'autre des partenaires importants et sur la même ligne, avec relativement peu d'irritants ou de divergences, si ce n'est, parfois, sur la politique migratoire.

Je rappelle que le sommet de Montauban, au cours duquel la présente convention a été signée, a également été l'occasion de tracer de nouveaux axes pour l'avenir de notre relation.

Pour revenir à la convention sur la nationalité qui nous intéresse aujourd'hui, elle vise à corriger une forme d'asymétrie liée au fait que la France reconnaît la double nationalité franco-espagnole, alors que l'Espagne ne l'autorise pas en principe, en vertu de sa constitution, sauf exception consentie par traité au profit des pays entretenant des liens privilégiés avec l'Espagne.

C'est ainsi que l'Espagne accepte aujourd'hui la double nationalité avec les pays d'Amérique latine, mais aussi le Portugal, la Guinée équatoriale ou encore les Philippines. En revanche, les Espagnols qui accèdent à la nationalité française doivent renoncer à leur nationalité d'origine, de même que des Français qui voudraient obtenir la nationalité espagnole devraient renoncer à la nationalité française, ce qu'ils ne souhaitent pas, en général.

Cette convention, demandée au départ surtout par l'Espagne, permettrait désormais aux ressortissants des deux pays d'acquérir la nationalité de l'autre État -sous réserve bien entendu de satisfaire les conditions posées par sa législation - sans renoncer à la leur. Sont potentiellement concernés quelque 250 000 Espagnols en France et 150 000 Français en Espagne. Il faut souligner que la convention ne crée pas en elle-même de nouvelles voies d'accès à la nationalité dans chacun des deux pays, les conditions pour y prétendre restant les mêmes.

En revanche, la convention va permettre aux ressortissants des deux pays ayant perdu automatiquement leur nationalité antérieure de la retrouver. Cette mesure, prévue par l'article 3 de la convention, vise en pratique des citoyens français d'origine espagnole présents en France souvent depuis plusieurs décennies et ayant dû renoncer à leur nationalité d'origine. Elle va également donner une dimension supplémentaire à la loi espagnole de mémoire démocratique de 2007, qui ouvre la nationalité espagnole aux descendants de personnes d'origine espagnole l'ayant perdu en acquérant celle de leur pays d'accueil ou en se mariant à un ressortissant étranger avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 1978. Jusqu'à présent, une condition de résidence d'un an en Espagne était requise pour s'en prévaloir, mais celle-ci devrait être prochainement supprimée par une loi en cours de discussion. En conséquence, ces descendants de citoyens d'origine espagnole vivant en France, dont il est difficile d'estimer le nombre, pourront retrouver leur nationalité espagnole sans forcément résider en Espagne et vivre pleinement, à l'avenir, leur double identité et leur double culture. Il s'agit d'une aspiration essentiellement affective, mais très profonde. Le ministère des affaires étrangères a indiqué lors de l'audition que de nombreux Français d'origine espagnole ayant appris la signature de la convention l'interrogeaient pour connaître sa date d'entrée en vigueur.

L'attente est également forte chez les résidents français en Espagne, dont le nombre est estimé à environ 150 000. Nos concitoyens vivant de l'autre côté des Pyrénées seraient en effet assez contents de pouvoir solliciter la nationalité espagnole, essentiellement pour les facilités administratives et pratiques que cela apporterait : obtention plus facile de papiers d'identité, possibilité de travailler légalement sans avoir à reconduire un permis de travail, détention de deux passeports facilitant le passage des frontières... À ces facilités s'ajouteraient notamment le droit de vote et la possibilité de postuler à un emploi public.

Je voudrais insister sur le caractère inédit, et peut-être précurseur, de cette convention.

À notre connaissance, il s'agit de la seule convention de double nationalité signée par la France. Il est vrai que la France reconnaissant la double nationalité par principe, elle n'a pas l'obligation d'en passer par une convention.

Pour l'Espagne, ce sera la première convention de ce type signée avec un pays non hispanophone ou lusophone. À ce titre, elle suscite d'ores et déjà l'intérêt d'autres pays ayant des liens humains importants avec l'Espagne, comme la Roumanie.

L'Espagne a déjà procédé à la ratification de cette convention. En ce qui concerne la France, le projet de loi de ratification a été adopté le 27 janvier dernier par l'Assemblée nationale. Il est inscrit à l'ordre du jour du Sénat du mardi 15 février, en principe selon la procédure d'examen simplifié. Ce texte consensuel, qui ne soulève pas de difficulté technique particulière, est très attendu et revêt de surcroît une forte portée symbolique. Je ne peux donc que vous inviter à l'adopter, mes chers collègues.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Nous devons procéder à la désignation des membres de la délégation sénatoriale pour la conférence interparlementaire sur la politique étrangère et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune (PESC-PSDC) qui se tiendra au Sénat les 24 et 25 février prochains dans le cadre de la dimension parlementaire de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Le règlement de cette conférence prévoit, pour des raisons d'équilibre, que le pays hôte de la conférence dispose d'une délégation identique à celle de tous les autres pays. La délégation française sera donc composée de six parlementaires, dont trois députés et trois sénateurs issus de notre commission.

Je vous propose de désigner Christian Cambon, comme chef de délégation, ainsi que Joël Guerriau, qui représente la commission à ces conférences à l'étranger depuis de nombreuses années, et Jean-Marc Todeschini.

La commission désigne M. Christian Cambon, chef de délégation, ainsi que MM. Jean-Marc Todeschini et Joël Guerriau, membres de la délégation du Sénat pour la Conférence interparlementaire sur la PESC-PSDC.

- Présidence de M. Christian Cambon, président -

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie de vous être rendu disponible pour cette audition en visioconférence. Nous avons souhaité cet échange pour préparer le déplacement d'une délégation en Israël et dans les territoires palestiniens, visite importante que nous reportions depuis plusieurs années en raison de la succession d'élections en Israël d'abord, puis pour cause de covid. Nous allons enfin pouvoir mener cette mission prochainement.

Depuis notre dernière réunion en juin 2020, le chaud et le froid n'ont cessé de souffler dans une région qui n'a probablement jamais connu une telle instabilité depuis 1948 : le conflit israélo-palestinien a connu une crise aussi imprévisible que violente en mai 2021. Nous avons été particulièrement surpris de la puissance de feu engagée par le Hamas, tout comme nous avons été impressionnés par la technologie de défense du bouclier antiaérien de l'armée israélienne. Vous nous direz quelles tensions subsistent de cet embrasement de la bande de Gaza au sein de la société israélienne, notamment dans les villes arabes et mixtes qui ont connu des affrontements interreligieux. Quelles traces l'issue de cette crise a-t-elle laissées sur la relation entre Israël et l'Autorité palestinienne d'une part et le Hamas d'autre part ?

Parmi les motifs d'espoir, la situation politique a radicalement changé en Israël, ouvrant la voie à une coalition aussi large qu'inédite avec, pour la première fois, la participation au gouvernement d'une formation composée de députés arabes israéliens. Mais l'équilibre politique constitué par Yaïr Lapid reste fragile, avec une majorité de seulement 61 députés sur 120. Le Gouvernement conduit par Naftali Bennett repose sur huit partis, ce qui peut être vu comme un signe de vitalité d'une démocratie parlementaire foisonnante, mais aussi comme un risque de divergences idéologiques, ce qui ne nous aide pas à analyser les orientations de ce gouvernement.

Nous aurons donc besoin de votre éclairage sur la situation politique et sur plusieurs signaux contradictoires venant du nouveau gouvernement israélien. Le chef de la majorité, Yaïr Lapid, soutient la solution à deux États, mais une large partie de la coalition reste hostile à la reprise du processus de paix. Dans ces conditions, comment progresser si ce sujet est une impasse politique ? Ensuite, la politique d'extension des colonies en Cisjordanie et sur le plateau du Golan annexé est-elle compatible avec le soutien ouvertement apporté à l'Autorité palestinienne par le gouvernement israélien ? Enfin, le climat de tension à Jérusalem, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza pourra-t-il s'apaiser tant qu'aucun choix stratégique n'aura été fait par le gouvernement actuel en faveur d'un processus de paix, qu'il s'agisse de la solution à deux États ou d'une autre proposition. Certains évoquent la solution d'un État fédéral avec des droits reconnus pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Un tel débat pourrait-il prospérer et serait-il audible dans le débat public israélien ?

La question israélo-palestinienne est un sujet qui reste prioritaire au Sénat, pour l'ensemble des groupes politiques. J'en veux pour preuve le débat que nous avons eu en décembre dernier sur la proposition de résolution présentée par notre collègue Pierre Laurent en faveur de la reconnaissance d'un État palestinien aux côtés d'Israël. Afin de vous permettre de vous exprimer avec la plus grande liberté et la plus grande franchise, cette audition ne fait pas l'objet d'une captation vidéo.

Nous attachons une grande importance à cette prochaine visite. Notre délégation rassemblera au moins un membre de chaque groupe politique représenté au sein de notre commission. Notre présence sur place me semble indispensable, pour prendre la mesure de la situation, et savoir comment vous aider à faire vivre la relation franco-israélienne et franco-palestinienne.

Debut de section - Permalien
Éric Danon, ambassadeur de France en Israël

Je suis très heureux d'intervenir devant vous quelques jours avant votre déplacement en Israël, à Jérusalem et dans les Territoires palestiniens. Nos équipes et celles du consulat général à Jérusalem sont mobilisées.

Le Moyen-Orient a évolué : il n'a plus rien à voir avec celui d'il y a vingt-cinq ans, et il a encore changé récemment. Je mettrai en avant quelques événements. Les Américains sont moins intéressés qu'auparavant par la zone. Certes, ils ne vont pas en partir, mais ils s'impliquent moins. En raison de ce vide, les grandes puissances - la Turquie, la Russie, et même la Chine qui arrive lentement mais sûrement - rebattent les cartes. Israël a vécu une période de paix relative, sans guerre longue, ce qui a permis un développement économique considérable. Lentement, le pays est devenu une puissance régionale économique - avec un PIB supérieur à la somme de ceux de ses voisins - et militaire.

L'Iran est monté en puissance, avec une triple déstabilisation nucléaire, balistique et régionale. Il y a aussi une conjoncture nouvelle avec les accords d'Abraham, événement majeur de ces trois dernières années, qui a modifié l'image d'Israël dans les pays arabes et qui a eu une influence considérable sur les relations israélo-palestiniennes.

Quelle est la situation de la Palestine actuellement ? Les Palestiniens n'ont jamais été aussi faibles de leur histoire. C'est d'abord lié à des causes exogènes : les accords d'Abraham ont fait sauter le verrou de 2002 de la Ligue arabe qui estimait qu'il n'y aurait pas de normalisation tant que la question palestinienne ne serait pas réglée. Il y aussi des éléments endogènes : les élections reportées puis annulées et la montée en puissance du Hamas, qui accroît son influence en Cisjordanie en combattant Israël.

C'est une situation relativement nouvelle : Israël affiche désormais sa volonté de soutenir l'Autorité palestinienne, qui lui est préférable au Hamas.

La politique d'Israël par rapport à la Palestine est compliquée. La politique de Naftali Bennett est différente de celle de Benyamin Netanyahou.. Sous Netanyahou, environ 2 000 nouveaux logements étaient construits chaque trimestre. L'écart de développement entre Israël et la Palestine devait rester le plus élevé possible pour maintenir le contrôle.

M. Bennett a une approche différente. il est dans une logique de développement économique de ces territoires pour que les populations aient une autre perspective, que l'affrontement violent vis-à-vis d'Israël. Il appelle l'Union européenne à accompagner les gestes initiés.

De nombreux membres du gouvernement ont rencontré leurs homologues palestiniens. La circulation des personnes est facilitée, des permis de travail et de construction sont octroyés aux Palestiniens et des échanges techniques se développent sur les questions financières et économiques.

En même temps, il reste des situations inacceptables : des colonies continuent d'être construites y compris aux abords de Jérusalem-Est, tendant à rompre la contiguïté avec les territoires palestiniens ; et l'impunité des violences commises par les colons perdure.

À long terme, il semble que plus personne n'aborde la question de la solution politique à ce conflit. M. Bennett estime que tant qu'il est là, il n'y aura pas d'État palestinien. Et même M. Lapid, s'il devient effectivement Premier ministre après l'alternance de 2023 a marqué ses réserves à y travailler La phrase fétiche, c'est « shrinking the conflict », réduire pas à pas le conflit à sa seule dimension socio-économique.

Le gouvernement israélien est hétéroclite, un peu improbable de l'aveu même de ses membres, et n'a été mis en place que pour faire tomber Benyamin Netanyahou. Il ne tient que par la crainte des élections. On compare souvent le régime parlementaire israélien à celui de la IVe République, mais il y a une différence majeure : les gouvernements de la IIIe et de la IVe République tombaient, car il y avait une possibilité de dissolution de l'Assemblée qui n'a jamais été utilisée, sauf en 1877 et en 1955. En Israël, c'est le contraire : la menace de la dissolution par le gouvernement empêche la Knesset de le faire chuter. Le régime parlementaire est proche de celui de la IVe République, mais les gouvernements sont stables, ils tiennent trois à quatre ans - hormis durant ces deux dernières années.

L'actuel gouvernement est composé de représentants de partis très opposés. Pour prendre une image, c'est comme les pompiers qui tirent sur une toile pour sauver des gens sautant d'un immeuble, chacun tirant de son côté, à force égale : la toile ne bouge pas. Le budget et les lois sont votés.

Il y a pour la première fois un parti arabe au gouvernement, qui choisit de se concentrer sur le développement des villes et villages arabes, qui était très limité durant ces huit dernières années. Dans les villes arabes et « mixtes », les violences entre communautés lors de l'escalade israélo-palestinienne de mai 2021 ont laissé des traces. La relation franco-israélienne est bonne, mais elle reste difficile politiquement, et sensible. Cela se passe très bien au travers du soft power, avec la coopération culturelle, scientifique et technique. Il existe une importante communauté française et franco-israélienne, et il y a une grande demande de culture française. La partie consulaire se passe bien. Les Français et les Franco-israéliens ont redécouvert la France durant le covid, lorsqu'ils avaient besoin d'une carte d'identité ou d'un passeport français pour s'y rendre. Nous avons eu une augmentation de 25 % des inscrits au consulat en 2021. Il y a eu aussi une dimension sociale avec la crise économique. Nous avons dû aider nos concitoyens : ces deux dernières années, 95 % des aides sociales ont été accordées à des gens qui n'étaient auparavant pas inscrits au consulat. Nous avons modifié les relations entre les autorités françaises - ambassade, consulat, Institut français et Business France - et les populations israélienne et franco-israélienne. Il y a eu la visite du Président de la République, et le président Isaac Herzog se rendra en France dans les prochaines semaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci pour cet éclairage novateur sur le volet institutionnel. Comment l'ambassade de France défend-elle une solution à deux États dans cette situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonneau

C'est un plaisir de vous entendre. Après un premier scandale à l'été 2021, un deuxième a éclaté en janvier 2022 concernant le logiciel Pegasus de NSO Group, qui a espionné des dizaines de personnalités israéliennes : hommes politiques, hommes d'affaires, juristes... De nouvelles révélations sur des personnalités françaises sont-elles à attendre ? Quelles sont les conséquences de cette affaire sur la démocratie israélienne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

La normalisation des relations entre Israël et les pays musulmans se poursuit durablement. Ce tournant géopolitique va-t-il accroître l'isolement iranien sur la scène régionale ? Benny Gantz a rencontré Mahmoud Abbas fin décembre. Quel sens donner à cette rencontre alors que le Premier ministre Naftali Bennett refuse le dialogue avec les autorités palestiniennes ? Avez-vous observé des changements d'attitude d'autres pays depuis le transfert de l'ambassade américaine à Jérusalem ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Merci pour vous propos très clairs. Les Émirats arabes unis ont un différend avec Israël sur la sécurité aérienne. Quelles sont les relations d'Israël avec les États arabes, et en particulier avec la Turquie ?

L'Iran et les États-Unis négocient sur l'accord nucléaire, ce qui choque Israël. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Emmanuel Macron veut remettre à zéro le compteur des relations entre Israël et la France. Qu'est-ce que cela signifie ; un changement de notre position pour une solution à deux États ou un seul État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Israël a été admis comme observateur au sommet de l'Union africaine. L'accréditation a évité un vote qui aurait pu provoquer une scission sans précédent au sein de l'Union africaine qui fête ses vingt ans.

À la lumière de l'accord sécuritaire « Mémorandum d'entente en matière de défense » entre le Maroc et Israël aux lourdes de conséquences régionales, notamment entre le Maroc et l'Algérie, quels sont les contours des relations diplomatiques entre Israël et les pays africains ? Comment la France se positionne-t-elle par rapport à ces évolutions ?

Debut de section - Permalien
Éric Danon, ambassadeur de France en Israël

Nous en découvrons chaque jour davantage avec Pegasus. Lorsqu'il s'agissait d'événements extérieurs à Israël, on estimait que la société pouvait vendre le logiciel après passage devant une commission d'autorisation, ces logiciels étant considérés comme des armes. Désormais, l'affaire vire au scandale en raison d'une utilisation interne au pays, y compris avec un impact potentiel sur les procès de M. Netanyahou, dans l'hypothèse où certains opposants auraient été écoutés.. Ensuite, en matière de data, les Israéliens nous interrogent sur nos pratiques. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) les intéresse beaucoup. Ils veulent travailler à une régulation internationale de la vente de ces logiciels. Pour l'instant, c'est embryonnaire. Cela débouchera peut-être sur une convention internationale ou une annexe au traité sur le commerce des armes. Nous ne sommes qu'au début du scandale.

Concernant l'Iran, les accords d'Abraham modifient l'équation régionale. Il n'y aurait probablement pas eu ces accords si l'Iran n'avait pas été si agressif envers Israël et plusieurs pays sunnites, en particulier dans le Golfe. Comme l'Iran veut étendre son influence sur la région, en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen, plusieurs pays sunnites ont en partage une perception d'une menace accrue de la part de leur ennemi commun : l'Iran.

Les accords d'Abraham et la reprise des relations israélo-marocaines ont clivé le monde sunnite. L'arbitre des élégances restera l'Arabie saoudite où l'on sait que plusieurs lignes coexistent au sein des cercles dirigeants avec une rupture générationnelle entre ceux, les plus anciens, qui continuent de défendre la position saoudienne traditionnelle sur la question palestinienne, et d'autres qui se montrent plus ouverts à un rapprochement avec Israël...

Les relations avec les États arabes s'améliorent de plus en plus. Chacun y trouve un avantage réciproque. Alors que les Émirats arabes unis, le Maroc et Bahreïn sont partis à fond de train avec l'ouverture de représentations diplomatiques, avec des relations commerciales... De très nombreux Israéliens sont allés voir l'exposition universelle à Dubaï, dans des avions d'El Al qui survolaient l'Arabie saoudite... C'était impensable il y a quatre ou cinq ans.

Le gouvernement Netanyahou était publiquement opposé aux accords sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action, ou JCPoA). La sortie du JCPoA de Donald Trump pour mettre une pression maximale sur l'Iran - « maximum pressure », « squeeze Iran » - a été une erreur que l'administration Biden a voulu corriger. Les Israéliens se sont adaptés à cette réalité nouvelle en étant prêts à tolérer le retour à l' accord selon des modalités très dures sur l'ensemble des sujets sur lesquels l'Iran représente une menace : le nucléaire, le balistique et l'influence militaire régionale. Quelle qu'ait été la nature et les objectifs des discussions de Vienne, les Israéliens ne s'y sont jamais sentis liés et feront ce qu'ils veulent, même dans l'hypothèse d'un retour au JCPoA,s'ils estiment que leur sécurité est menacée.

L'Iran joue la montre et poursuit ses avancées préoccupantes en matière d'enrichissement nucléaire, se rapprochant du seuil. Les Israéliens ne croient pas aux accords de Vienne, mais ils n'ont pas plus confiance dans l'administration Biden. Les Israéliens s'inquiètent d'un « deal » au rabais que les Américains seraient pressés de signer pour pouvoir se concentrer sur d'autres thématiques plus brûlantes pour leurs intérêts, à commencer par le dossier chinois. Tel-Aviv n'a donc cessé de passer des messages clairs à Washington pour rappeler l'importance vitale du dossier pour Israël et pour évoquer avec l'administration Biden des scénarios alternatifs à ceux d'un accord, afin de préparer les conditions de la coopération entre les deux pays sur le dossier dans l'hypothèse d'un l'échec des négociations de Vienne.

Mme Jourda a évoqué le sommet de l'Union africaine (UA). Il y a évidemment une dynamique de rapprochement entre Israël et l'UA depuis 2020 ; je pense notamment aux accords avec le Soudan et le Maroc. D'ailleurs, Israël bénéficie d'un statut d'observateur depuis juillet 2021. L'Algérie et l'Afrique du Sud ont essayé de rompre cette dynamique lors du dernier sommet. Il n'y a pas eu de vote sur le statut d'observateur ; cela aurait sans doute exposé l'UA à une scission. Le sujet est trop sensible. Le dossier sera réexaminé au prochain sommet.. Je pense qu'il y aura un rapprochement, mais les tensions sont réelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Le rapport relatif aux conditions de vie des Palestiniennes et des Palestiniens qu'Amnesty International a rendu la semaine dernière emploie des mots très forts en évoquant un « système d'apartheid » à l'encontre du peuple palestinien dans son ensemble. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) israéliennes et internationales partagent ce constat. La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur les crimes commis dans les territoires palestiniens. Un envoyé de l'ONU soulignait récemment l'urgence de réformes politiques et économiques. Comment ces rapports et enquêtes sont-ils perçus en Israël ?

Pouvez-vous nous détailler les actions entreprises par la France pour inverser la dynamique de domination d'Israël sur les populations palestiniennes ?

La nouvelle coalition politique en Israël, que vous avez qualifiée de centriste, semble sur la même ligne que l'ancienne s'agissant du processus de paix, avec un effacement de la question palestinienne. Pourtant, vous indiquez voir des éléments d'amélioration. Pourriez-vous nous en donner quelques exemples concrets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Le Premier ministre israélien a récemment échangé avec Joe Biden, qui va se rendre en Israël ; il a d'ailleurs hâte d'y aller. Pensez-vous que cette visite puisse faire renaître une certaine confiance des Israéliens envers les États-Unis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Les accords d'Abraham ont été un game changer pour le développement de la paix dans la région. Nous prévoyons de faire une conférence au Sénat sur le sujet au début du mois de mai, afin d'analyser les effets de la dynamique engagée.

Selon vous, Israël, qui est devenu une puissance économique régionale, pourrait-il influencer positivement la situation au Liban, afin de contrebalancer l'action du Hezbollah, qui agit en proxy de l'Iran ?

Je connais votre engagement en faveur de la francophonie pour avoir participé à un événement à vos côtés. À cette occasion, j'avais appuyé votre démarche de soutien à l'adhésion d'Israël à l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Où en sommes-nous à cet égard ?

Lors de mon déplacement en Israël, notre attaché de coopération éducative m'a permis de mesurer l'importance du chantier pour organiser et développer l'enseignement français et l'enseignement du français en Israël. Pourriez-vous faire un point sur les efforts que vous avez entrepris en la matière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

La relation entre Israël et la Chine est une relation ancienne, historique, et parfois difficile. Néanmoins, la Chine est devenue le troisième partenaire commercial d'Israël. Elle propose d'ailleurs sa médiation dans le conflit avec la Palestine. Tout cela crée des interférences fortes dans la relation entre Israël et les États-Unis.

Malgré les tensions entre Israël et l'Iran, ce dernier a une relation très positive avec la Chine, conformément à la politique arabe historique de cette dernière. Si nous comprenons bien la stratégie du lotus de la Chine, quelle est celle d'Israël ? Comment les choses évoluent-elles avec le nouveau gouvernement israélien ?

L'interdiction de la 5G de Huawei en Israël est-elle un pas tactique, une mesure de sécurité intérieure ou une concession faite aux États-Unis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Vous avez décrit ce qui semble être une forme d'enterrement de la solution à deux États, en soulignant les éléments qui vous conduisent à considérer qu'une telle perspective s'éloigne de jour en jour. Or si le clivage générationnel existe chez les Palestiniens, je ne suis pas sûr que la question nationale palestinienne ait disparu, y compris au sein des jeunes générations.

D'aucuns évoquent parfois, et vous-même avez utilisé cette expression, la solution à un État. Mais de quoi s'agit-il concrètement ? Car personne ne définit cette solution à un État. Si vous discutez avec des Palestiniens qui envisagent cette hypothèse, ils insisteront sur l'absence d'égalité des droits. Et j'imagine que la réponse de M. Bennett serait la même que pour la solution à deux États : la terre est juive et l'État est juif. Dès lors, les Palestiniens qui vivraient dans cet État ne pourraient pas être des citoyens de plein droit. En réalité, la solution à un État n'est pas une solution : c'est plutôt un problème si la perspective est l'égalité pleine et entière des droits. Renoncer aujourd'hui à la solution à deux États, même si elle est peut-être difficile à mettre en oeuvre, n'est-ce pas voir demain apparaître de nouveaux problèmes ?

Parmi les signaux contradictoires, vous avez fait référence à la position ambiguë du Premier ministre. D'un côté, il invoque le développement des territoires. De l'autre, il laisse la violence des colons impunie. Ne risque-t-on pas d'ouvrir la voie à une coopération économique française ou européenne dans les territoires occupés alors que c'est aujourd'hui théoriquement réprouvé par le droit international ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Le 8 juin 2014, la Commission européenne entérinait la participation de l'État hébreu au programme scientifique Horizon 2020. Des actions ambitieuses en matière de santé publique et de lutte contre le changement climatique ont été ainsi développées avec succès. Le 6 décembre dernier, un nouvel accord a été trouvé pour que Jérusalem rejoigne le programme Horizon Europe, en vertu duquel près de 100 milliards d'euros seront consacrés à la recherche et à l'innovation de l'Union européenne sur la période 2021-2027.

Alors que les atouts d'Israël sont reconnus par l'ensemble de nos voisins européens, la France parvient-elle à tirer profit d'un tel partenariat ? La prudence diplomatique de notre pays face à la politique territoriale israélienne ne nous empêche-t-elle pas de bénéficier pleinement de l'excellence d'Israël en matière de développement technologique ?

Debut de section - Permalien
Éric Danon, ambassadeur de France en Israël

M. Gontard a évoqué le rapport d'Amnesty International et l'effacement - en fait, il s'agit plutôt d'une perte de centralité - de la question israélo-palestinienne dans les débats. Le rapport d'Amnesty a été considéré comme outrancier par les autorités israéliennes Ici, lorsque vous parlez d'« apartheid », les gens ferment les écoutilles ; même ceux qui ne contestent pas les discriminations. Les États-Unis et l'Allemagne l'ont catégoriquement rejeté, et le Royaume-Uni a suivi. La position de la France sur le sujet étant bien connue, notre pays n'a pas à commenter les rapports des ONG.

Je n'ai pas dit que la solution à deux États était enterrée ou que la question nationale aurait disparu. Simplement, que sa dimension politique n'est plus centrale dans les débats.

Comme je l'évoquais, il y a des gestes socio-économiques (y compris par exemple par des prêts israéliens de. 600 millions de shekels, soit environ 150 millions d'euros, à l'Autorité palestinienne). Pour Israël, la question centrale est de contenir la poussée du Hamas et du Jihad islamique palestinien.

Joe Biden va effectivement essayer de renouer une relation plus classique avec Israël. Je ne suis pas sûr que cela marche, car il apparaît très faible ici. Les Iraniens considèrent que les Américains se détournent des sujets du Moyen-Orient , et le retrait d'Afghanistan n'a pas amélioré l'image des États-Unis auprès des populations du de la région. Naftali Bennett ne veut pas d'un retour à la relation qui était en vigueur à l'époque de Barack Obama.

La conférence du Sénat au mois de mai sur les accords d'Abraham sera importante. Je me réjouis qu'elle se tienne.

Israël a proposé de l'aide, y compris humanitaire, et de l'eau au Liban. Pour l'instant, les Libanais ont refusé. Je vous rappelle que les deux pays se considèrent en guerre. . Israël refuse d'investir les mécanismes multilatéraux d'aide, de par son refus traditionnel d'internationaliser quoi que ce soit des conflits avec ses voisins. Les Israéliens mettent en avant leur rôle de dissuasion par rapport au Hezbollah, auquel ils font régulièrement passer le message qu'ils savent parfaitement où se trouve Nasrallah et qu'ils pourraient envoyer un tapis de bombes sur Beyrouth en cas de provocations militaires très fortes de la part de l'Iran.

Israël devrait faire partie de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Il y a environ un million de vrais francophones. Mais les statuts de l'OIF prévoient qu'il faut l'unanimité pour accueillir un nouveau membre. Or le Liban fait blocage. Et quand bien même le Liban lâcherait prise, l'Algérie se tient en embuscade pour faire blocage à sa place.. C'est évidemment une décision politiquement très sensible. En attendant, Israël travaille de différentes manières sur la francophonie ; je considère qu'il a sa place au sein de l'OIF. Aujourd'hui, 25 % des parlementaires de la Knesset sont francophones.

La relation entre Israël et la Chine est forte et ancienne. Et le modèle des start-up israéliennes est complètement différent de celui des start-up françaises. En Israël, le rêve des entrepreneurs, c'est de vendre à l'étranger. Cela intéresse énormément la Chine, qui y fait son marché. Mais les Américains s'y opposent, car certaines ventes d'Israël à la Chine portent sur des éléments extrêmement sensibles, y compris d'un point de vue militaire, pour les États-Unis. C'est une source de tensions avec Israël, y compris à l'époque où Donald Trump et Benyamin Netanyahou étaient simultanément au pouvoir.

En dépit des questions politiques et de la clause territoriale, Israël est un marché très porteur pour les entreprises françaises, notamment dans les secteurs des infrastructures, de l'énergie et des nouvelles technologies. Au cours des six derniers mois, nous avons gagné un certain nombre de contrats, certes à bas bruit, afin d'éviter de déclencher l'ire de plusieurs groupes sur internet. Les contrats remportés concernent la coordination des lignes du métro de Tel-Aviv, la plus grande centrale solaire d'Israël. Nous avons également une coopération spatiale. Le fait qu'Israël ait été admis au titre de pays associé dans le cadre d'Horizon Europe et fondamental pour lui et pour nous. Contrairement au Royaume-Uni ou à la Suisse, Israël a réussi son examen de passage, ce qui est intéressant pour le spatial, la coopération universitaire ou les grands programmes d'ordinateur quantique. J'en viens à la question la plus politique. Même si les ambassadeurs ne sont jamais censés donner leur opinion personnelle, je vous fais part de ma conviction profonde. Je suis profondément pour la solution à deux États. Mais je constate que celle-ci ne marche pas avec la méthode et les paramètres qui sont utilisés aujourd'hui. Alors que le Moyen-Orient a profondément changé au cours des vingt-cinq dernières années, nous en sommes restés aux paramètres de 1967 mâtinés par les accords d'Oslo. À titre strictement personnel, je pense que ce ne sont plus les bons paramètres.

Si les Occidentaux, qui n'ont pourtant de cesse de se prononcer en faveur de la solution à deux États, ne reconnaissent pas l'État palestinien, c'est tout simplement qu'ils savent - les Palestiniens l'ont également intégré - qu'un tel État n'aurait ni armée, ni contrôle du ciel, ni contrôle de l'immigration, ni contrôle de la monnaie... Si nous attendons que toutes les conditions de la pleine souveraineté d'un État palestinien soient réunies, nous risquons de ne pas le voir de notre vivant. Mais je pense sincèrement qu'il y a d'autres moyens d'arriver au résultat par des voies différentes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, qui parmi vous pense que la solution à deux États va être mise en oeuvre à échéance raisonnable dans les paramètres de 1967 ? Qui pense qu'il puisse y avoir une autre capitale pour Israël que Jérusalem ?

Bien entendu, tout cela relève d'une décision politique. Ce n'est pas l'ambassadeur qui va faire bouger les choses. Mon rôle est de décrire les évolutions qui sont intervenues depuis que les paramètres de 1967 ont été définis. C'est ensuite au politique d'agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur l'ambassadeur, vous ne faites qu'aiguiser notre envie de venir en Israël dans le cadre de notre mission tant vos réponses ont été précises et passionnantes. Je vous remercie de votre sincérité et du respect que vous portez au Parlement.

Vous nous apportez des éléments de réflexion. J'adhère tout à fait à votre position selon laquelle c'est au politique, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne, de faire bouger les lignes.

Vous le savez, notre commission est compétente sur les questions relatives aux affaires étrangères, mais également à la défense. Nous serons très demandeurs de contacts avec des responsables militaires pour évoquer la coopération en matière de défense entre la France et Israël.

Nous sommes convaincus de l'importance de dialoguer et de se voir en face à face pour pouvoir échanger. Nous avons la volonté de vous aider et d'apporter notre modeste contribution à la présence française au Moyen-Orient.

La réunion est close à 11 h 45.