Nous examinons la mission « Engagements financiers de l'État », et les comptes de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».
La charge de la dette étant en forte augmentation, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes spéciaux rattachés sont ceux qui augmentent le plus. C'est par eux que je commencerai puisqu'ils me donnent la rare occasion d'accorder un satisfecit au Gouvernement.
Depuis la crise de la dette grecque, nous accordions des prêts à la Grèce et elle nous versait des charges d'intérêts que nous lui rétrocédions, ce qui revenait à lui accorder un prêt à taux zéro. C'est une bonne nouvelle, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sera clôturé au 31 décembre 2022.
Le compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » est renommé « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Cela fait deux ans que j'ai mis en évidence le décalage entre l'ancienne appellation et l'octroi de nombreuses avances qui s'apparentaient à des prêts. Je me félicite de ce changement de sémantique.
En ce qui concerne les crédits de la mission, le seul point positif est l'ouverture en loi de finances des crédits au titre de la contribution française au capital du mécanisme européen de stabilité (MES) dans le cadre du programme 336. En revanche, je le dénonçais déjà l'année dernière et je le dénonce encore aujourd'hui très fortement, les modalités de calcul de la dette Covid mélangent capital et charges d'intérêt et donc l'isolement budgétaire à travers le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » n'a aucun sens. Il s'agit d'un programme d'affichage sans justification budgétaire, que l'Agence France Trésor gère d'ailleurs avec l'ensemble de la dette.
Autre artifice comptable, la reprise de la dette de SNCF Réseau, qui ne figure pas parmi les crédits dévolus à la charge de la dette alors qu'elle le devrait. Or les charges d'intérêt s'élèveront à près de 1 milliard d'euros en 2023 - avec Emmanuel Macron, le milliard est devenu l'unité de compte monétaire ! -, précisément 900 millions d'euros.
Je souhaite ici établir une comparaison avec le budget général. Les dépenses du budget général se situent à hauteur de 443,9 milliards d'euros, dont 27,3 milliards d'euros pour les dépenses d'investissement et 416,6 milliards d'euros pour les dépenses de fonctionnement, ce qui correspond à un déficit primaire, c'est-à-dire le déficit budgétaire retraité des intérêts de la dette, de 108,6 milliards d'euros. L'amortissement de la dette à moyen et long termes, en remboursement du capital, s'élève à 155,5 milliards d'euros. Les émissions de dettes à moyen et long termes à 270 milliards d'euros. Nous qui avons géré des collectivités, nous savons que notre dette doit correspondre exactement aux dépenses d'investissements réalisés, or nous voyons ici que nos émissions de dettes, qui pour une part significative viennent amortir une dette déjà émise, vont représenter l'équivalent de dix fois ce que nous investissons !
Avant, plus on s'endettait, moins on payait cher : la théorie de l'évaporation suit celle du ruissellement. La corrélation négative entre la charge de la dette et l'endettement effectif a évolué. Exposée aux mouvements de l'inflation, la charge de la dette a diminué de 25,8 % entre 2012 et 2020, mais elle augmente de 45,5 % de 2020 à 2023. Il s'agit d'une explosion inattendue. J'attire votre attention sur la hausse tout aussi impressionnante des taux d'intérêt, au cours des six derniers mois : jamais ils n'ont tant augmenté en si peu de temps, il s'agit d'une hausse historique. L'État prévoit une stabilisation l'année prochaine, une hypothèse à laquelle je ne crois pas trop.
En 2021, la charge de la dette s'élevait à 36,3 milliards d'euros. Plusieurs effets se sont conjugués pour aboutir à une charge de la dette de 49,4 milliards d'euros en 2022 : l'effet volume, provenant du déficit supplémentaire, de 1,3 milliard, l'effet taux de -300 millions d'euros, l'effet inflation - 10 % de la dette environ sont indexés sur l'inflation - de 12 milliards d'euros, et un effet calendaire. L'effet inflation est massif en 2022 en raison de la hausse de la provision pour indexation du capital des titres indexés, mais sera plus favorable en 2023 (-2,2 milliards d'euros) en raison d'une inflation moins forte qu'en 2022, l'effet taux devenant défavorable. Il s'ajoutera à l'effet volume dont l'augmentation (+1,5 milliard d'euros) indique l'absence d'effort accompli sur la maîtrise de la dépense publique par le Gouvernement.
Malgré la volatilité du contexte, nous pouvons miser sur une décélération de l'inflation en 2023, si la récession que nous pressentons se confirme. Il en a toujours été ainsi dans l'histoire économique.
Grosso modo, tous ces crédits sont très évaluatifs. Si les taux remontaient de 10 %, si l'inflation s'accélérait, la France honorerait de toute façon ses engagements.
J'évoquerai maintenant un sujet dont nous avons beaucoup entendu parler cette année : la hausse des crédits des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATi) et des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'indice des prix de la zone euro (OAT€I). De nombreux acheteurs de notre dette ont besoin d'être couverts par l'inflation. La Caisse des dépôts et des consignations est l'un des plus grands propriétaires d'OATi, les intérêts des livrets A sont en partie indexés sur l'inflation. Les OATi offrent une excellente gestion de l'actif et du passif. Le programme, qui porte la réputation d'être trop cher, s'avère utile et neutre sur le long terme. Ainsi, son impact budgétaire est longtemps resté neutre de 1999 à 2013, mais il a généré beaucoup de recettes entre 2013 et 2021, jusqu'à ce que l'inflation nous fasse revenir, cette année, au point zéro.
Un dernier sujet, les prêts garantis par l'État (PGE), pose un problème. Avec la loi d'écoulement, le remboursement aura lieu avec deux ans de décalage par rapport à la première échéance. Or en cas de défaut de paiement, les autres échéances sont payées par la garantie d'État. Le calibrage opéré en loi de finances pour 2022 s'est avéré large. Sur les 3,5 milliards d'euros votés, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 prévoit d'annuler 2 milliards d'euros. La somme de 2 milliards est conséquente et nous sommes dans le flou en ce qui concerne cette opération. Il n'est pas interdit de penser qu'à hauteur de 2,48 milliards d'euros pour 2023, le budget se révèle, a contrario, trop optimiste. Aussi, nous avons beaucoup de doutes, et je souhaiterais examiner le calibrage du PGE pour 2023 jusqu'au dernier moment.
À ce stade, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.
La provision chiffrée en milliards d'euros n'a rien de neutre dans le jeu d'écriture, au moment où le ministre de l'économie demande au Parlement de faire des économies. Et comme le ministre est attentif à l'euro près, il y a même là quelque chose de paradoxal.
Le montant de dette à rembourser est sous-estimé. Il reste une part d'incertitude, notamment sur les prévisions de taux et les risques de sinistralité liés aux PGE. Se pose une nouvelle fois la question du désarmement fiscal, que notre groupe a dénoncée cette année. Nous constatons une absence de remise en cause des choix fiscaux par le Gouvernement, ce qui fragilise la situation financière de notre pays.
Certains économistes questionnent la stratégie d'endettement du Gouvernement. Si l'État avait su faire des choix plus judicieux et adaptés, notamment en matière de performance énergétique, il ne se trouverait pas dans cette fragilité financière. C'est paradoxal, mais aujourd'hui, la dette peut être facteur de sécurité budgétaire. Encore convient-il d'avoir une stratégie au regard des besoins d'investissements.
Le rapporteur spécial partage-t-il mon point de vue sur l'absence de vision en matière d'endettement de la part du Gouvernement ?
M. Joly veut simplement casser le thermomètre, réviser la gestion de la dette publique, or elle atteint les 3 000 milliards d'euros. D'année en année, on regarde le même tableau et j'entends les mêmes choses, que le gouvernement soit de gauche ou macroniste, et on accumule la dette.
Le rôle du Parlement porte historiquement sur l'impôt, le contrôle des finances. Qu'attend donc le Parlement pour prendre une initiative forte afin de réduire la dette ? Alors que la Cour des comptes publie des rapports et que le Parlement débat du budget, il ne se passe rien. Pourquoi ne disons-nous pas : « Stop, nous refusons de continuer à valider le budget, sans propositions offensives concernant la réduction de la dette ! » Klaxonnons, car nous allons dans le mur !
Nous aurons l'occasion de revenir sur le cadre général du PLF lors de la discussion générale.
Le budget est aussi une question de confiance. Or, à un moment, tout peut basculer. En témoigne le Royaume-Uni avec le Brexit. Certains veulent plus d'impôts, mais la France détient le record absolu du taux de prélèvement ! Quand serons-nous unis pour demander une diminution de nos dépenses ? Devenons raisonnables, nous vivons au-dessus de nos moyens. Comment arrêter ce système, cette folie meurtrière du recours à la dette ? La charge de la dette va dépasser le budget de la défense !
Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation très pédagogique des conséquences de la dette. Nous avons longuement évoqué la dette et les PGE, mais la mission des engagements financiers de l'État ne se limite pas là. Quel est l'impact de la dette des organismes rattachés à l'État ?
À propos des PGE, sait-on où nous en sommes par rapport au stock de prêts déjà remboursés par les entreprises en 2022 ? A-t-on établi des prévisions sur les remboursements de 2023 ? Nous gardons en effet à l'esprit une conjonction défavorable, un contexte de quasi-récession.
C'est l'investissement qui trace la voie de l'avenir. Or ici on ne prépare pas l'avenir. En tant que paysan, j'ai appris qu'il convient de dépenser moins que ce qu'on gagne et de toujours mettre une petite part de côté. L'État n'a toujours pas compris cela. Il va falloir supprimer la moitié des ministères non régaliens et tous les doublons de la haute administration, rationaliser le service public au bénéfice des collectivités locales, qui gèrent mieux que l'État.
Monsieur Bilhac, les dépenses du budget général s'élèvent à 444 milliards d'euros, financées par un déficit de 159 milliards d'euros, dont le financement nécessite lui-même des émissions de dettes de moyen et long terme de 270 milliards d'euros - qui vient également amortir les dettes précédentes - contre 260 milliards l'an passé. Les émissions de dette représentent donc l'équivalent de plus de la moitié des dépenses. Sans la dette, le budget devient impossible. C'est, pour citer Audiard, une « béchamel infernale ».
Monsieur Capo-Canellas, en 2022, la règle 80/20 s'est appliquée aux PGE : l'enveloppe a été répartie à hauteur de 80 % vers les grosses entreprises et à 20 % vers les moyennes et petites entreprises. Ainsi, le risque de non-remboursement vient principalement des grandes entreprises. Les trésoreries sont abondantes en 2022 malgré l'inflation, nombre d'entreprises ont remboursé leur prêt par anticipation : le risque anticipé a diminué par rapport à la prévision de défaillance initiale, passée de 5,1 % à 4,6 %. Mais c'est sans compter l'année prochaine avec le retour des cotisations Urssaf, le remboursement du PGE, et l'explosion du surcoût énergétique. Dans un contexte si volatile, les prévisions ne semblent toutefois pas si mauvaises. Bien malin celui qui saurait avancer de meilleures prévisions !
Monsieur Canévet, la dette de la SNCF reprise par l'État est gérée par l'Agence France Trésor. La Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est, elle aussi, gérée par l'Agence France Trésor. D'ailleurs, oui, monsieur Joly, la France a une stratégie de gestion de dette, car elle gère sa dette avec prudence. Avec la Cades, nous faisons de la dette sociale et dans d'autres devises, ce qui permet de diversifier le marché de la dette.
Nous avons la dette la plus liquide au monde, monsieur Karoutchi. C'est notre force. Les marchés étrangers sont toujours intéressés par la dette française, liquide, bien remboursée. La France est la mieux armée. Par comparaison, un exemple : l'Allemagne, après un premier déboire, a raté une émission de dette en octobre dernier. Elle voulait placer 4 milliards de dettes et a dû se contenter de 1,8 milliard à cause de ses taux trop bas. C'est la dette américaine qui est aujourd'hui la dette de référence. Je souligne une nouvelle fois l'excellente gestion de la dette par l'Agence France Trésor.
C'est la remontée des taux qui coûte cher au pays en 2022, mais ce sera pire en 2024 et, si la tendance se confirme, dans trois ou quatre ans, cette mission sera le premier budget, devant celui de l'éducation nationale !
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Avec plus de 20 milliards d'euros dans le PLF 2023, la mission « Travail et emploi » est, avec la mission « Écologie », celle qui enregistre la plus forte progression par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. L'augmentation est de 4,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 6,2 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
Nous allons, Daniel Breuiller et moi-même, présenter les déterminants de cette évolution. Je rappelle que la mission est constituée à plus de 80 % de dépenses d'intervention finançant la politique de l'emploi et de la formation professionnelle. La subvention à Pôle emploi représente traditionnellement l'essentiel des dépenses de fonctionnement. S'y ajoute cette année, dès le PLF initial, une subvention à France compétences. Les dépenses de personnel représentent moins de 3 % des dépenses de la mission, avec un plafond d'emplois du ministère du travail en baisse de 188 équivalents temps plein (ETP) en 2023.
Je proposerai trois observations générales avant d'entrer avec Daniel Breuiller dans le détail des actions financées par la mission.
Premièrement, la lecture de ce budget doit s'effectuer à la lumière du traitement très spécifique dont a fait l'objet le financement de la politique de l'emploi et de la formation professionnelle depuis 2020. Durant trois années, la mission « Travail et emploi » a reçu en cours d'exercice d'importants volumes de crédits transférés de la mission « Plan de relance » ou ouverts dans les collectifs budgétaires successifs.
Ces mouvements ont notablement brouillé la lisibilité du suivi budgétaire de cette mission. De ce fait, la simple comparaison à la loi de finances initiale pour 2022 est inopérante. En cumulant les effets du PLFR 2 et les mouvements déjà intervenus en cours d'année, la mission disposerait sur 2022 de dotations supérieures à celles demandées pour 2023.
La deuxième observation tient au contexte dans lequel s'inscrit la mission. Des moyens très importants ont été consacrés ces trois ou quatre dernières années à des dispositifs dont beaucoup étaient antérieurs à la crise, d'autres mis en place durant la crise, mais destinés à être en partie pérennisés, notamment en direction des jeunes ou des chômeurs de longue durée. Dans le même temps, la situation de l'emploi s'est améliorée. Par rapport à fin 2019, l'emploi salarié a progressé de 800 000 personnes et le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de près de 400 000 personnes. La dépense budgétaire portée par la mission s'est alourdie, mais d'autres dépenses ont diminué, notamment l'indemnisation du chômage. L'Unédic sera en excédent cette année, pour la première fois depuis 2008. Quant à la progression de la masse salariale, elle se répercute évidemment sur les recettes de l'État et des organismes de protection sociale.
Enfin, dernière observation, le « décollage » de l'apprentissage, au-delà de toute prévision, a aussi engendré la difficulté budgétaire majeure de cette mission, avec un poids financier qui dépasse largement celui de toutes les autres actions. La soutenabilité du financement de l'apprentissage est donc un enjeu critique auquel de premières réponses commencent à peine à être apportées.
Je vais plus particulièrement présenter les aspects de la mission relatifs à la politique de l'emploi.
Tout d'abord, sur un plan strictement financier, l'amélioration de la situation de l'emploi se répercute sur les crédits de la mission. Les dépenses d'allocations chômage prises en charge par l'État diminuent de 500 millions d'euros. Inversement, la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales s'alourdit de près de 700 millions d'euros, passant à 5 milliards d'euros, soit un quart du budget total de la mission.
S'agissant des actions en faveur de publics spécifiques, le budget destiné aux entreprises adaptées poursuit sa progression (+ 8,7 %). Mais comme l'a souligné Emmanuel Capus dans le contrôle présenté à la commission le mois dernier, plusieurs freins subsistent au développement de ce type d'emploi, tenant notamment à l'implication du service public de l'emploi. Par ailleurs, le démarrage de plusieurs expérimentations a été perturbé par la crise sanitaire. L'article 47 rattaché à la mission propose de les prolonger d'un an, comme le proposait Emmanuel Capus.
L'insertion par l'activité économique (IAE) a aussi bénéficié ces dernières années d'un fort soutien, passant de 900 millions d'euros en 2019 à 1,3 milliard d'euros en 2022. Ce secteur apporte une contribution efficace à l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Fin juin dernier, il employait près de 152 000 salariés, contre 134 000 fin 2019. En 2023, les moyens seront stabilisés, ce qui suscite une certaine inquiétude des acteurs. En raison de la hausse du Smic, sur lequel les rémunérations des bénéficiaires de l'IAE sont indexées, on peut craindre qu'à enveloppe constante, le nombre de postes finançables soit moindre, ce qui remettrait en cause l'élan constaté ces dernières années. Le secteur regroupe par ailleurs des structures de statuts différents - entreprises intermédiaires, associations intermédiaires, ateliers et chantiers d'insertion - avec de forts écarts d'aide au poste. Les acteurs de l'IAE soulignent un certain manque de visibilité pour 2023, dû aux incertitudes sur la répartition territoriale de l'enveloppe entre les différents types de structures alors que le coût des contrats sera plus élevé qu'en 2022.
La dotation destinée aux contrats aidés est en repli d'environ 10 % pour 2023. Ces contrats ont été relancés au moment de la crise sanitaire, avec une forte augmentation en 2021. Leur nombre devrait légèrement diminuer en 2022. En 2023 les emplois aidés dans le secteur non marchand - parcours emploi compétences - seraient maintenus au niveau de 2022, la réduction de l'enveloppe affectant les contrats dans le secteur marchand, les contrats initiative emploi (CIE). Cela va plutôt dans le sens, me semble-t-il, de la position qu'avait soutenue dans sa majorité la commission des finances, position qui fait bien sûr l'objet de choix politiques différents par ailleurs.
Les actions en faveur de l'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi ont quant à elles été marquées par la mise en place, depuis le 1er mars dernier, du contrat d'engagement jeunes (CEJ).
Il s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans n'étant ni en étude, ni en formation et présentant des difficultés d'accès à l'emploi durable. Le contrat peut durer jusqu'à 12 mois, voire 18 mois pour certains jeunes, et comporte 15 à 20 heures d'activités par semaine. L'allocation est conditionnée à l'assiduité du jeune dans son parcours.
Ce dispositif prend le relais de la « garantie jeunes », avec un accompagnement plus intensif et une meilleure articulation avec des structures comme les écoles de la 2e chance, l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide), le service civique ou la possibilité de mise en situation en milieu professionnel.
Il a été introduit dans des conditions critiquables, sans évaluation préalable, en cours de discussion budgétaire du PLF 2022.
Le recul manque pour effectuer une évaluation approfondie du CEJ, mais les premiers éléments que nous avons recueillis sont plutôt encourageants.
Ce dispositif étant mis en oeuvre tant par Pôle emploi que par les missions locales, on pouvait craindre un effet de concurrence ou de confusion.
Les conditions d'orientation des jeunes ont été clarifiées. Les mineurs et les jeunes présentant des besoins périphériques importants (logement, santé, contraintes familiales, maîtrise du français) relèvent de manière privilégiée des missions locales, les autres de Pôle emploi. La montée en charge du dispositif devrait essentiellement concerner les missions locales, puisque sur un objectif de 300 000 entrées en 2023, 200 000 relèveraient des missions locales et 100 000, comme en 2022, de Pôle emploi. Il semble également que la mise en place du CEJ ait amélioré les échanges entre deux opérateurs agissant jusqu'à présent de manière trop cloisonnée.
Par ailleurs, le soutien de l'État aux missions locales, sur lesquelles repose en majorité cet accompagnement intensif, est conforté. Il sera de 633 millions d'euros en 2023 alors qu'il variait entre 300 et 400 millions d'euros dans les années 2018 à 2020. Pôle emploi conserve pour sa part les moyens qui lui ont été attribués en 2022 pour la mise en place du CEJ.
La condition d'activité hebdomadaire minimale semble également avoir pu être satisfaite, mais exige évidemment un temps d'investissement plus important de la part des conseillers. De ce point de vue, la gestion du dispositif induit une charge administrative assez lourde, au détriment des tâches d'accompagnement. Il y a sans doute matière à simplifier dans ce domaine.
La dotation pour le CEJ atteint 1 milliard d'euros en 2023, dont 88 % consacrés à l'allocation, le restant à des actions d'accompagnement.
Comme je l'indiquais, il est trop tôt pour évaluer les résultats du CEJ en matière d'insertion dans l'emploi. Nous pensons en tous cas que le dispositif améliore celui de la « garantie jeunes », déjà intéressant, et mérite d'être consolidé.
J'ai mentionné Pôle emploi. La subvention de l'État inscrite au budget de la mission avait baissé jusqu'en 2021. Elle a été stabilisée en 2022 avec les moyens supplémentaires alloués pour le CEJ. Elle augmente de 136 millions d'euros en 2023, mais dans le même temps, des crédits attribués au titre de la mission « Plan de relance » ne sont pas reconduits.
Le plafond d'emplois de Pôle emploi, en très légère baisse (-31 équivalents temps plein travaillé, ETPT), sera globalement maintenu en 2023 au niveau de ces deux dernières années. Il avait diminué jusqu'en 2019, mais depuis, les moyens ont été renforcés pour le CEJ, l'accompagnement des chômeurs de très longue durée et le plan de réduction des tensions de recrutement.
La convention tripartite liant Pôle emploi, l'État et l'Unédic arrive à expiration fin 2022. Elle sera provisoirement reconduite pour un an, en l'attente des résultats des travaux lancés sur France travail.
Nous ne pourrons pas vous donner beaucoup de détails sur ce point. Actuellement, France travail est davantage définie par ce qu'elle ne serait pas - une fusion ou réorganisation administrative des acteurs du service public de l'emploi - que par ce qu'elle serait. S'il s'agit, comme plusieurs de nos interlocuteurs nous l'ont dit, d'une meilleure coordination des acteurs sur le terrain, pour mieux identifier les personnes nécessitant un accompagnement, mieux orienter, mieux partager les données, mieux assurer le suivi, cela pourrait constituer un progrès. Mais le Gouvernement est resté très discret sur ses intentions et il est vraiment trop tôt pour émettre un jugement.
Je vais pour ma part aborder le second volet de la mission, qui pesait budgétairement bien moins dans la précédente décennie et a pris beaucoup d'ampleur depuis : le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Présenté de longue date comme la meilleure voie d'insertion professionnelle des jeunes, l'apprentissage a longtemps stagné. Le nombre annuel de contrats conclus a même baissé de 2012 à 2017 avant de remonter nettement en 2018 et 2019, puis de « décoller » à un rythme tout à fait inattendu : 300 000 contrats conclus en 2017, 370 000 en 2019, 530 000 en 2020, 740 000 en 2021 et autant sinon plus en 2022. La progression concerne tous les niveaux de formation, mais davantage les bac+2 ou plus (+ 260 % en 3 ans), que les niveaux bac (+ 70 %) et CAP (+ 35 %).
Au plan strictement budgétaire, ce succès de l'apprentissage s'analyse à trois niveaux.
Premièrement, l'État soutient l'embauche d'apprentis.
Avant 2019 coexistaient différentes formes d'aides budgétaires et fiscales. En 2019, elles ont été simplifiées et remplacées par une aide unique ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et les diplômes équivalant, au plus, au bac. Puis en juillet 2020, une aide exceptionnelle beaucoup plus large et plus avantageuse est mise en place. Elle concerne toutes les entreprises, y compris de plus de 250 salariés, et les formations allant jusqu'à bac + 5. Cette aide exceptionnelle a certainement joué dans l'essor de l'apprentissage, et le coût budgétaire a bondi de 1,3 milliard d'euros en 2020 à 4,2 milliards d'euros en 2021. Pour 2022, le montant sera certainement du même ordre.
La question d'un nouveau paramétrage de cette aide est aujourd'hui posée avec une certaine urgence. Le projet de budget prévoit une dotation de 3,5 milliards d'euros en 2023, inférieure aux dépenses prévues sur 2022. À ce stade, la définition de nouveaux paramètres est en discussion entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. L'aide exceptionnelle, applicable aux contrats conclus jusqu'au 31 décembre prochain, ne sera pas reconduite telle quelle. Doit-on revenir purement et simplement à l'aide unique d'avant 2020 ? Doit-on diminuer le montant de l'aide actuelle, la cibler davantage sur certaines entreprises ou certains niveaux de formation ? Il me paraît assez sain que ces questions soient d'abord discutées avec les partenaires sociaux, pour faire la part entre de probables effets d'aubaine et les incitations vraiment utiles au maintien de la dynamique actuelle de l'apprentissage.
En tout état de cause, tous les contrats conclus avant la fin de l'année 2022 bénéficieront pour un an de l'actuel régime des aides à l'embauche. L'effet budgétaire d'une révision à la baisse ne se fera sentir qu'à l'échéance des contrats actuels et à la conclusion de nouveaux contrats, c'est-à-dire, en large partie, sur les quatre derniers mois de 2023.
Deuxième aspect budgétaire : les exonérations de cotisations sociales. Plus il y a d'apprentis, plus le « manque à gagner » de la sécurité sociale est important, plus la charge de compensation est élevée pour le budget de l'État. Elle était de 580 millions d'euros en 2019. Pour 2023, la dotation prévue est proche de 1,4 milliard d'euros, soit 800 millions d'euros de plus et une multiplication par 2,4 en quatre ans.
Enfin troisième volet, le plus préoccupant : le soutien de l'État à France compétences.
Créée en 2019 par fusion de quatre organismes préexistants, France compétences est chargée de répartir le versement des contributions à la formation professionnelle et à l'apprentissage aux différents acteurs concernés, principalement les opérateurs de compétences (OPCO).
À sa création, aucun soutien de l'État à cet opérateur n'avait été envisagé. C'était même l'inverse, puisque la loi de 2018 prévoit que France compétences verse des fonds à l'État pour la formation des demandeurs d'emploi. Depuis 2019, et cette année encore, l'État reçoit à ce titre, sur un fonds de concours, 1,6 milliard d'euros par an en provenance de France compétences.
France compétences bénéficie de ressources affectées - principalement la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance - qu'elle redirige pour deux tiers au financement de l'alternance et pour un tiers à celui de la formation professionnelle. Plus de la moitié des fonds de formation professionnelle alimente le compte personnel de formation (CPF). Le produit de ces ressources est de l'ordre de 10 milliards d'euros.
Dès 2020, France compétences s'est trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, avec un déficit de 4,6 milliards d'euros. En 2021, malgré une subvention de l'État de 2,7 milliards d'euros, elle a enregistré un résultat négatif de 2,9 milliards d'euros. Pour 2022, le déficit était évalué à 5,4 milliards d'euros, après obtention de 2 milliards d'euros dans la LFR de l'été. Le nouveau soutien de l'État de 2 milliards d'euros, prévu dans le PLFR de fin de gestion ramènerait le déficit autour de 3 milliards et demi d'euros.
Ce déséquilibre a des causes structurelles. Les deux principaux dispositifs financés par France compétences - l'apprentissage et le CPF - constituent des enveloppes ouvertes. Le nombre de places en CFA n'est plus contingenté, chaque contrat d'apprentissage ouvre droit à une prise en charge sur les fonds de France compétences. De même, les droits à la formation professionnelle, désormais monétisés, peuvent être directement mobilisés par les titulaires du CPF.
La commission des affaires sociales a adopté au mois de juin un rapport très complet intitulé France compétences face à une crise de croissance. Il formule près de 40 propositions pour une meilleure régulation, tant du CPF que de l'apprentissage. Le ministre du budget s'est d'ailleurs référé à ce rapport, comme aux propositions de la Cour des comptes, lors de son audition devant notre commission le 3 novembre dernier.
À court terme, le projet de loi de finances comporte deux mesures intéressant France compétences.
Premièrement, l'État décharge France compétences d'une bonne part de la contribution qu'elle lui verse au titre de la formation des demandeurs d'emploi. Elle passe, en crédits de paiement, de 1,6 milliard d'euros en 2022 à 400 millions d'euros en 2023. C'est donc l'État qui assumera le financement des actions correspondantes pour les demandeurs d'emploi. Mais comme l'a souligné la Cour des comptes, les dotations du plan d'investissement dans les compétences ne sont que partiellement consommées et font l'objet de reports importants.
Deuxièmement, une subvention à France compétences, d'un montant de 1,7 milliard d'euros, est inscrite d'emblée dans les crédits de la mission. De ce point de vue, le PLF 2023 est plus sincère que celui de 2022, qui passait la question sous silence.
Il est maintenant indispensable que l'État, en lien avec les partenaires sociaux, définisse une trajectoire soutenable pour le financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sans casser la dynamique en cours.
Une révision des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage est intervenue en septembre dernier, avec un effet d'économie évalué à 200 millions d'euros en 2023. Une autre révision doit intervenir en avril 2023. Au-delà, il faudra sans doute définir des priorités, en termes de niveau de soutien, selon les différents types de structures et de niveaux de formation.
S'agissant du CPF, des mesures de lutte contre la fraude, de sécurisation, de déréférencement ont été prises. Une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale sera discutée au Sénat le 8 décembre. Un principe de régulation du CPF figure dans l'article 49, rattaché à la mission, inséré à l'Assemblée nationale. Ici également, des priorités devront certainement être définies entre les formations éligibles, au regard des enjeux de qualification et d'emploi.
En conclusion, la mission inclut, dans le PLF 2023, des crédits qui, jusqu'alors, provenaient de la mission « Plan de relance » ou des collectifs budgétaires. La lisibilité des moyens affectés aux politiques menées par le ministère du travail en est améliorée.
Sur le fond, ces moyens sont maintenus à un niveau élevé, autour de 20 milliards d'euros. Ils traduisent un effort envers les publics les plus éloignés de l'emploi. Cet effort nous paraît justifié tant que subsistent des difficultés spécifiques entravant une baisse plus prononcée du taux de chômage. Celui des jeunes est notamment en France beaucoup plus élevé que dans la moyenne des pays européens. Je précise qu'à l'Assemblée nationale, deux amendements ont majoré de 5 millions d'euros les crédits pour les écoles de la deuxième chance et les maisons de l'emploi.
S'agissant de l'apprentissage, le budget 2023 est largement conditionné par le régime applicable aux contrats conclus en 2022. Il est néanmoins nécessaire de trouver un équilibre entre le développement d'une voie très positive pour l'insertion des jeunes et un financement soutenable. De premières mesures sont en cours, sur l'apprentissage, avec la révision des aides et des niveaux de prise en charge, comme sur le CPF, mais il faudra certainement aller plus loin.
J'observe au demeurant que le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit pour 2024 et 2025 un reflux des crédits de la mission, entre 16 et 17 milliards d'euros.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2023.
Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) augmente beaucoup dans votre mission, or vous ne nous avez pas donné beaucoup d'explications, alors même que la Cour des comptes a un regard assez critique sur cette politique publique. Comment la percevez-vous ?
Je remercie les rapporteurs de leur exposé. J'ai entendu de nombreuses choses intéressantes et justes.
Il s'agit d'un budget paradoxal : un chômage qui baisse, un emploi salarié qui monte, une explosion des dépenses de formation ...
Je vous interrogerai sur la compétition entre les dispositifs de formation sous l'autorité de l'État d'ailleurs, qui déshabille l'un au détriment de l'autre, sans forcément d'efficacité.
Par exemple, les écoles de la deuxième chance accueillent des jeunes orientés par Pôle emploi ou des missions locales. Ils bénéficient d'une formation de 35 heures, rémunérée jusqu'à 500 euros par mois, exactement comme le contrat d'engagement jeunes qui prévoit quant à lui seulement 15 heures de présence hebdomadaire ne débouchant pas sur une formation.
Les écoles de la deuxième chance continuent d'essayer de se développer, mais l'État assigne des objectifs quantitatifs pour la signature des contrats d'engagement jeunes ; je trouve que c'est hypocrite et grave, puisque depuis l'école primaire il est demandé de former les jeunes pour leur donner des compétences. Or là, l'État joue contre l'intérêt général, ce qui n'est pas acceptable. Cette dépense publique est non seulement mal ciblée, mais elle décourage surtout ce qui devrait être encouragé : la formation, l'insertion, la qualification...alors qu'en Lorraine, par exemple, plus de 70 % des élèves de l'école de la deuxième chance ont été définitivement insérés sur le marché de l'emploi.
Enfin, nous devons mettre fin rapidement à la dérive budgétaire.
Je me réjouis de l'augmentation des crédits de l'insertion par l'économie, comme de ceux destinés aux entreprises adaptées.
Les dotations pour les maisons de l'emploi et les missions locales vont-elles véritablement progresser ? Nous connaissons le rôle important de ces structures, nous avons pu le constater pendant la crise sanitaire pour le public jeune.
S'agissant des écoles de la deuxième chance, il me semble que l'État ne répond plus aux candidatures, ce qui me donne l'impression que le dispositif n'est plus à l'ordre du jour. Avez-vous des chiffres à nous indiquer sur le nombre de structures ? Lors du lancement du dispositif, il en était prévu au moins une par département ; or nous sommes loin du compte.
Je rejoins mon collègue sur les missions locales ; elles ont 40 ans. Il s'agit d'un outil bien utile pour les jeunes gens de moins de 25 ans qui connaissent des difficultés périphériques.
Nous manquons de recul par rapport au nouveau dispositif CEJ pour l'évaluer. Une évaluation, justement est-elle prévue dans les mois qui viennent pour nous assurer que ce dispositif est vraiment opérationnel sur les territoires ? Quelles difficultés peuvent rencontrer les missions locales ? Et si cette évaluation devait avoir lieu, il ne conviendrait pas d'avoir comme seul élément de référence le quantitatif. Je rappelle l'essence même des missions locales : l'insertion professionnelle certes, mais également l'insertion sociale.
Une question posée par Thierry Cozic, qui n'a pas pu rester, est relative au renouvellement des contrats aidés, et notamment des PEC. Il s'avère que des difficultés ont lieu pour le renouvellement, du fait d'une circulaire de juillet 2002, qui fait que les personnes bénéficiaires de ces contrats voient leurs renouvellements rejetés.
Enfin, le programme d'Emmanuel Macron évoquait une refonte du service public de l'emploi ; qu'en est-il de France travail ?
S'agissant de France compétences, n'avons-nous pas trop élargi les formations ? Nous avons tous été démarchés ; moi pour le repassage ! Et une fois que tout est ouvert, la dépense est de droit. Ce n'est pas tant la fraude que je cible même si elle a lieu, mais n'y a-t-il pas là un vrai travail à réaliser ?
Nous pouvons nous gargariser sur l'apprentissage des bac+2, bac+3 ou bac+4, mais le vrai sujet pour l'apprentissage, c'est de viser les jeunes les moins qualifiés ; c'est l'intelligence de la main qui manque, comme disait Jean-Pierre Raffarin. Ne faudrait-il pas diminuer des normes pour les jeunes ? Il n'est en effet pas normal qu'une jeune de 15 ans arrive à 7 heures du matin dans la pâtisserie alors que le patron commence à 5 heures.
Enfin, les jeunes qui vont à l'école de la deuxième chance touchent, dites-vous 500 euros par mois, soit 6 000 euros par an, le coût d'un apprentissage. Il faut donc réfléchir à ce que nous faisons de l'argent public.
Je partage les propos du rapporteur général, il est assez paradoxal d'avoir un budget qui n'a jamais été aussi élevé pour la mission « Travail et emploi », alors que nous sommes dans une période où l'on dit que cela va nettement mieux, que la croissance est là, que le chômage a largement baissé et que l'emploi salarié a augmenté. Comment cela va être quand ce sera moins bien ?
Je ne suis pas favorable à la politique de guichet ; je pense que nous devons gérer notre budget et que lorsque nous n'avons plus d'argent, nous devons attendre l'année suivante.
Il est urgent de revoir les critères de l'aide à l'apprentissage. Il y a un effet d'aubaine alors qu'un certain nombre de jeunes ont des formations leur permettant largement d'être recrutés sans qu'il y ait besoin d'aider les entreprises par de l'argent public. Nous devons nous recentrer sur les jeunes et les entreprises qui en ont vraiment besoin.
C'est exactement le type de budget qui ne me convient absolument pas. Je voterai contre.
Je salue le travail des rapporteurs spéciaux. J'ai une question spécifique sur France compétences. La programmation triennale prévoit la disparition de la subvention à France compétences. Cette suppression suppose que des réformes soient opérées notamment sur la politique de formation. Avez-vous eu, dans le cadre de vos auditions, des informations sur ce qui était en cours en ce qui concerne la politique de formation ?
Les effectifs de Pôle emploi dépendent-ils du nombre de chômeurs ? Dans ce cas, n'ont-ils pas intérêt à diriger les personnes en recherche d'emploi vers de la formation plutôt que de l'emploi ? La semaine dernière, lors de réunions avec des chefs d'entreprises, ceux-ci nous disaient qu'ils ne s'adressaient plus à Pôle emploi. Ils vont plutôt vers les missions locales et le bouche-à-oreille fonctionne très bien. Je rappelle que la France a un taux de chômage de 7,1 % quand il est à 3,5 % chez nos voisins.
Je poserai deux questions. La première est relative à la compensation des exonérations de cotisations sociales - c'est avec l'alternance l'autre part des crédits de la mission qui augmente beaucoup. Où en sommes-nous en termes de suppression ou de maintien dans la durée de ce dispositif et d'évaluation ? Car tout cela coûte finalement très cher, soit à la sécurité sociale soit au budget de l'État. Cela fait partie du « désarmement fiscal » évoqué par le Président Raynal.
Par ailleurs, par rapport à la politique de l'emploi, j'ai été saisi à Paris de la question de l'absence de crédits pour les maisons de l'emploi. Est-ce bien le cas ? Peut-elle être revue ?
En ce qui concerne le plan d'investissement dans les compétences, madame la présidente, son financement relève désormais intégralement de la mission, alors qu'une partie des crédits figuraient l'an passé sur la mission « Plan de relance ». Globalement, il n'y a pas véritablement d'augmentation : les crédits s'élèvent, à 1,5 milliard d'euros en 2022 et tomberont à 1,3 milliard d'euros en 2023. En outre, en 2023, l'État prendra à sa charge une partie de la contribution de France compétences, à hauteur de 800 millions d'euros. Il convient de préciser qu'un volume important des crédits du PIC ont été reportés des années antérieures, en raison d'un taux élevé de sous-consommation.
Je partage l'avis de notre rapporteur général, ce budget est celui des paradoxes. Je partage aussi son inquiétude forte quant à la dérive budgétaire : il faut trouver les solutions de nature à mettre un terme à un déséquilibre manifestement mal évalué lors de la réforme de la formation professionnelle.
En ce qui concerne l'apprentissage, il faudra probablement diminuer les aides pour les niveaux de diplôme supérieurs au bac, car les aides en leur faveur représentent une part substantielle des crédits, afin de nous concentrer, je reprends la formule citée par Jérôme Bascher, sur « l'intelligence de la main ».
La commission des affaires sociales a formulé 40 recommandations à propos du financement de l'apprentissage et du compte personnel de formation. À l'article 49 figure une proposition de régulation du CPF. Peut-être faudra-t-il amender cet article, qui renvoie à un décret : il conviendrait sans doute de ne pas laisser totalement le champ libre au Gouvernement.
La situation des missions locales constitue un sujet de préoccupation important, j'avais d'ailleurs rédigé avec Sophie Taillé-Polian un rapport détaillé sur le sujet. Leurs crédits augmentent, passant de moins de 400 millions d'euros entre 2018 et 2020 à plus de 633 millions d'euros, pour répondre au succès du contrat d'engagement jeunes.
Je laisse également le soin à Daniel Breuiller de revenir sur la refonte du service public de l'emploi. Il s'agit davantage d'une réorganisation que d'un projet de fusion, mais nous n'avons guère obtenu de précisions supplémentaires à ce jour.
Je partage votre avis : l'élargissement des formations éligibles au CPF s'avère excessif.
Nous faisons confiance aux partenaires sociaux sur l'apprentissage : une réforme passera par la baisse des aides, un meilleur ciblage des entreprises et des niveaux de formation. Jérôme Bascher a raison sur la nécessité d'assouplir les normes, l'exemple de l'apprenti boulanger est probant.
S'agissant des compensations pour les exonérations de cotisations sociales, quand le chômage baisse et l'emploi progresse, le montant des exonérations augmente et la dépense à la charge de la mission s'accroît ! C'est contre-intuitif.
Un amendement du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale prévoyant une dotation de 5 millions d'euros pour les maisons de l'emploi a été inclus à l'Assemblée nationale dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Nous aurions pu envisager de redéposer, comme certaines années précédentes, au nom de notre commission, un amendement pour porter à 10 millions d'euros les crédits des maisons de l'emploi, mais un tel amendement n'a jamais été retenu dans le texte final. La commission des finances n'avait pas déposé cet amendement l'an passé.
Vanina Paoli-Gagin a posé une excellente question ! Manifestement le Gouvernement anticipe une réforme et une reconfiguration des aides à l'apprentissage à l'avenir puisque les crédits du programme 103 relatif à l'accompagnement de l'apprentissage baisseraient de 4 milliards d'euros en 2024. Le Gouvernement est en discussion avec les partenaires sociaux sur ce point.
Je donne rarement des satisfécits à l'action gouvernementale, mais je dois constater le décollage de l'apprentissage. J'ai cherché à savoir à qui il bénéficiait. Objectivement, il existe un effet d'aubaine pour des entreprises recevant des jeunes de niveaux supérieurs au bac en contrats subventionnés, que l'on qualifie d'« apprentissage » ; mais cela donne aussi à ces jeunes déjà qualifiés l'occasion de mettre un pied dans l'entreprise, en espérant que leur apprentissage débouchera sur un emploi. Par ailleurs, l'apprentissage a aussi augmenté pour les niveaux inférieurs au bac - +35 % - et n'est plus une voie de garage, mais une véritable voie d'accès à l'emploi. Nous ne devons pas casser cette dynamique.
Le CEJ est né d'une parole présidentielle dans des conditions assez particulières. Les écoles de la deuxième chance présentent des avantages sur le CEJ en termes de mobilisation de partenariats. Mais le CEJ a réussi une massification et s'adresse à un public de jeunes en difficulté, sans qualification. Le dispositif répond à sa mission, à savoir offrir un accompagnement à ces jeunes.
Certes, la situation de l'emploi s'améliore, en partie d'ailleurs grâce à l'apprentissage, mais plus elle s'améliore, plus les gens qui sont éloignés de l'emploi sont des gens pour qui les freins préalables au retour à l'emploi sont importants. Il est donc indispensable que les dispositifs soient adaptés pour traiter différemment ceux pour qui les obstacles initiaux sont les plus importants.
Concernant les maisons de l'emploi, nous serions plutôt favorables à un amendement de majoration de 5 millions d'euros s'il était déposé. Cependant, j'ai compris que le Gouvernement considérait que les maisons de l'emploi devenaient un sujet territorial et non plus étatique. Mais partout où elles existent, elles font la preuve de leur utilité.
Je me permettrai de vous livrer deux idées sur le CPF. D'abord, le droit à la formation personnelle ne bénéficie jamais de la même façon selon la catégorie sociale à laquelle on appartient. Plus vous êtes qualifié, plus vous bénéficiez de droits à la formation. Il faudrait être attentif à ne pas freiner l'accès à la formation pour les gens qui en ont le moins bénéficié dans leur vie. Mais il convient aussi de dénoncer ces machines à formation qui ont été créées uniquement pour capter l'argent de l'État. Il serait nécessaire de faire un grand ménage dans ces usines à formations, dont l'intérêt est parfois très discutable...
Pôle emploi a obtenu des moyens spécifiques permettant à un conseiller de Pôle emploi d'accompagner 30 jeunes en CEJ. Pour le public général, incluant les demandeurs d'emploi de longue durée et ceux issus des zones prioritaires, un conseiller accompagne en moyenne 200 demandeurs d'emploi. En tout cas, je note que Pôle emploi s'est modernisé et a fait un travail pour mettre en relation les demandeurs d'emploi et les offres proposées par les entreprises. Il ne faut pas réduire le taux d'accompagnement si l'on vise le plein emploi.
Enfin, je souhaite que dans les futures orientations prises pour maîtriser ces budgets, on cherche plutôt à prioriser ceux qui ont le plus besoin d'un accès à l'apprentissage que de revenir à une enveloppe fermée. Il faut préserver un champ très large d'accès à l'apprentissage. Un dispositif fermé crée des injustices pour ceux qui déposent leur dossier en fin d'année lorsque les crédits sont déjà consommés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Travail et emploi ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 47
L'article 47 prolonge d'une année, jusqu'au 31 décembre 2023, deux expérimentations ouvertes aux entreprises adaptées et prévues par loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : le contrat à durée déterminée dit « Tremplin » destiné à accompagner les transitions professionnelles vers d'autres entreprises et la création d'une entreprise adaptée de travail temporaire. Cet article va dans le sens de nos recommandations. J'émets un avis favorable à son adoption.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 47.
Article 48 (nouveau)
L'article 48, issu d'un amendement du Gouvernement inséré lors de l'examen à l'Assemblée nationale, pérennise l'extension du bénéfice de l'activité partielle réalisée par l'ordonnance du 27 mars 2020 au profit des salariés de droit privé de certains employeurs publics et des salariés exerçant en France mais relevant d'une entreprise n'y étant pas établie. Un amendement pourrait être envisagé par le rapporteur de la commission des affaires sociales pour compléter le dispositif. Dans l'immédiat nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de l'article.
Il s'agit de prévoir le mécanisme d'activité partielle qui s'appliquerait en cas de nouveau confinement ?
Le dispositif exceptionnel de crise arrive à son terme. Nous revenons au régime d'activité partielle de droit commun. Mais il s'agit effectivement de tirer les enseignements de la crise sanitaire pour compléter le dispositif de droit commun.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 48.
Article 49 (nouveau)
Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement inséré lors de l'examen à l'Assemblée nationale, précise que la mobilisation du compte personnel de formation par son titulaire pour le financement d'une action de formation fait l'objet d'un mécanisme de régulation dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'État. Si nous sommes favorables à une régulation du CPF, nous vous proposons que notre commission réserve son vote pour nous permettre de rédiger un amendement afin d'encadrer davantage le renvoi au décret.
La commission décide de réserver son vote sur l'article 49.
La réunion est close à 11 h 30.