Commission d'enquête Pollution des sols

Réunion du 26 février 2020 à 16h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Laurent Lafon

Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux par l'audition de Mme Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Le BRGM compte, parmi ses missions, la sécurité minière et la gestion de l'après-mine. À ce titre, il assure pour le compte de l'État la mise en sécurité des ouvrages miniers lorsque l'exploitant est défaillant ou disparaît. Il alimente également le renseignement minier qui doit permettre, notamment, d'informer le potentiel acquéreur d'un terrain de l'exploitation passée du sous-sol de ce terrain par l'industrie extractive.

À cet égard, il sera intéressant, Madame la présidente-directrice générale, que vous nous éclairiez sur la capacité de l'État à recenser de façon exhaustive les anciens sites miniers et à identifier ceux qui présentent un risque de pollution des sols. Des cas nous ont en effet été rapportés de terrains acquis par des particuliers ou des collectivités territoriales et pour lesquels des diagnostics des sols n'ont révélé que plus tard qu'ils avaient été pollués en raison d'une activité minière. Survient alors une situation pour le moins étrange où c'est le particulier propriétaire qui doit en assurer la dépollution alors que son information, au moment de l'acquisition, était tronquée.

Avant de vous laisser la parole pour une intervention liminaire de huit à dix minutes, je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, lever la main droite et dites : « Je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Michèle Rousseau prête serment.

Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Le BRGM est un établissement public industriel et commercial (EPIC) crée en 1959 sous la tutelle du ministère de l'industrie. Il s'occupait, à l'époque, de cartes géologiques, d'un côté, et d'inventaires miniers d'explorations minières réalisées essentiellement en Afrique, de l'autre. En tant que service géologique national, il s'occupe bien sûr toujours des cartes. Concernant la partie minière, il a eu un grand passé d'explorateur minier jusqu'au début des années 80. Il n'a été que rarement exploitant. Puis son activité fluctue. En 1998, il passe sous tutelle principale du ministère de la recherche. Depuis 2004, le BRGM est sous tutelle des ministères de la recherche, de l'écologie et de l'industrie, la tutelle de ce dernier ministère devenant très discrète.

Le BRGM dispose d'un effectif d'environ 1 000 personnes dont 750 basées au siège, à Orléans. Nous sommes présents dans toutes les régions et dans les départements d'outre-mer. Notre activité concerne la recherche et l'expertise, à part égale. Les sites et sols pollués représentent environ 10 % des activités du BRGM et l'après-mine environ 20 %. L'après-mine consiste dans la gestion pour le compte de l'État des anciens sites miniers qui ont été rendus à l'État. Le département prévention et sécurité minière (DPSM) est chargé de la surveillance d'environ 1 600 objets et de la réalisation de travaux. Il dispose d'un budget d'environ 30 millions d'euros, par an, dont huit millions d'euros pour les travaux et le reste pour la surveillance.

Nous déclinons les sciences de la terre avec tous ses enjeux sociétaux.

Concernant l'information que donne le BRGM sur l'état des sols et l'inventaire des sols ayant accueilli des activités minières, cela relève de Geoderis qui est un groupement d'intérêt scientifique (GIS) constitué pour moitié d'effectifs du BRGM et pour l'autre moitié d'effectif de l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Geoderis apporte à l'État et, en particulier, aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et aux collectivités territoriales son appui technique en matière d'après-mine. Cette activité s'exerce sur les ordres de l'État et est financé à 100 % par le ministère de l'écologie.

Photo de Gisèle Jourda

Nombreux sont les élus locaux à réclamer une plus grande réactivité des autorités de l'État dans la surveillance des sites miniers, en particulier ceux dont les dépôts de déchets présentent des failles en termes de confinement. Existe-t-il un mécanisme permettant aux responsables de collectivités territoriales d'alerter directement le BRGM en cas de doute sur la sécurité d'un site minier et de requérir son intervention dans les meilleurs délais ? Ou seul l'État, via le préfet, peut-il saisir le BRGM ? D'une façon générale, quelles sont les pistes d'amélioration à envisager afin de mieux répondre aux inquiétudes exprimées tant par les riverains que par les élus locaux dans la mise en sécurité des sites miniers face aux risques naturels et climatiques ?

Par ailleurs, lorsque le BRGM doit intervenir pour assurer la sécurité et la dépollution d'un site, parfois en urgence, prend-il systématiquement le soin a posteriori de se retourner vers l'exploitant afin d'obtenir au moins un remboursement partiel des frais engagés ? Les procédures engagées en ce sens sont-elles couronnées de succès ? Avez-vous observé, de la part d'exploitants miniers, la mise en place de stratégies leur permettant d'échapper à leurs responsabilités en matière de dépollution et de remise en état du site après son exploitation ?

Toujours sur le sujet de la responsabilité, lorsque l'exploitant a disparu ou est insolvable, ou que la pollution des sols n'est découverte que bien trop tard, comment peut-on envisager d'indemniser un dommage minier avec des conséquences sanitaires ou écologiques ? L'État semble considérer qu'il n'a pas à indemniser au motif que c'est l'exploitant qui est responsable : mais comment fait-on lorsque l'exploitant est introuvable ou défaillant et ne peut indemniser ?

Enfin, au regard des difficultés dans la réhabilitation de certains sites miniers, la réforme du code minier ne doit-elle pas être l'occasion de faire évoluer notre politique de gestion de l'après-mine ? Cette question me tient particulièrement à coeur eu égard au département auquel j'appartiens. Dans l'Aude, cette question vient de se poser suite aux inondations auxquelles nous avons été confrontés tant pour la pollution des sites que sur les équipements publics qui ont été touchés. Le projet de réforme comporte-t-il des dispositions à cet égard ? Il nous a en effet été rappelé hier que les garanties inscrites dans le code minier en matière de responsabilité des exploitants étaient inférieures à celles prévues pour les exploitants d'installations classées. Par exemple, le code minier ne semble pas évoquer les dommages miniers pour la santé. Il ne prévoit pas non plus la possibilité pour l'État de poursuivre en responsabilité un ancien exploitant dans un délai de 30 ans. Alors que c'est possible pour un site industriel. N'est-il pas urgent de répondre à ces asymétries entre le code minier et le code de l'environnement ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

En l'état des textes, il n'existe pas de possibilité pour les collectivités territoriales de s'adresser directement au DPSM du BRGM, car nous travaillons uniquement sur instruction de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Toutefois, nous réagissons en cas d'urgence, pendant un week-end lorsque par exemple une fissure est constatée sur un cimetière par exemple.

Sur la réponse aux inquiétudes des élus, le DPSM est un organisme technique qui réalise des études. Le BRGM établit ensuite un compte rendu de l'étude, qui doit être le plus pédagogique possible envers les élus et la population. Au cours de réunions locales, le BRGM doit expliquer de façon la plus claire possible les difficultés techniques rencontrées.

Sur la question de remboursement, le BRGM et son DPSM n'interviennent que lorsque l'exploitant a rendu le site minier à l'État. Le BRGM travaille pour l'État et est payé par lui. Il n'a donc pas à se faire rembourser. Quand un exploitant est défaillant sur un site pollué, c'est l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) qui gère la situation et qui essaye, en effet, de se faire rembourser.

Le BRGM est bien placé pour constater le passif minier. Les exploitations minières anciennes ont, en effet, laissé des séquelles dans l'environnement. Depuis la création du DPSM en 2006, les choses se sont améliorées. Un exploitant qui veut rendre sa mine à l'État doit auparavant remettre le site en état. Quand il passe la main à l'État, l'exploitant doit payer une soulte pour assurer la surveillance du site pendant une dizaine d'années. Il existe toute une procédure et Geoderis doit appuyer la Dreal pour vérifier la réalisation des travaux de remise en état. Dans le cadre de ces vérifications, le BGRM-DPSM peut être interrogé. Depuis 2006, les remises en état se sont bien passées. Mais le passé c'est une autre chose.

Enfin, concernant la réforme du code minier, elle est pilotée par les services du DGPR. Je sais juste que la tendance est au rapprochement du code minier et du code de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

J'ai une question complémentaire sur les solutions innovantes. Le BRGM participe-t-il à l'élaboration de solutions innovantes de réhabilitation pour rendre une seconde vie aux anciens sites miniers ? La dépollution de certains sols par des plantes capables de les retraiter constitue-t-elle une solution viable et pleinement opérationnelle ?

Toujours sur le sujet de la réhabilitation, quel regard portez-vous sur la montée en puissance des sociétés de réhabilitation qui proposent d'acquérir à bas prix des sites industriels ou miniers en déshérence et d'en assurer, en contrepartie la dépollution avant de les réhabiliter ? On voit en effet émerger des projets de reconversion en écoparc mais aussi des projets à vocation plus commerciale : a-t-on les moyens de s'assurer que les intentions de ces sociétés de réhabilitation sont toujours vertueuses ? L'État et les collectivités territoriales sont-ils en capacité de poser les verrous nécessaires pour contrôler les usages futurs des sites ainsi réhabilités ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Le BRGM est un organisme de recherche et nous travaillons bien sûr sur les solutions innovantes de dépollution des sols. 60 % de notre activité sur les sols est consacrée à la recherche. Nous venons d'inaugurer une plateforme d'expérimentation pour la remédiation et l'innovation au service de la métrologie environnementale (Prime) d'aide pour la remédiation des sites et sols pollués. C'est unique en Europe. Le but est de reconstituer une situation réelle. Nous espérons faire de grands progrès grâce à cette technologie.

La réhabilitation par les plantes est une technique parmi d'autres et peut tout à fait jouer un rôle. Nous savons que les plantes peuvent absorber certains polluants, comme le plomb par exemple. Il faut regarder au cas par cas quel est le meilleur dispositif.

Concernant la montée en puissance des sociétés de réhabilitation, la réponse est plus difficile. On retrouve maintenant des friches à l'intérieur des villes. On peut voir cela comme une verrue ou comme une chance de faire renaître un quartier. S'il n'y a pas de projets de réhabilitation, que faut-il faire ? Confiner le terrain au risque de voir la pollution se diffuser dans le sol et atteindre les nappes souterraines ou bien faire intervenir une société spécialisée dans le cadre d'un cahier des charges très strict ? Cela se discute. Le regard sur les friches est en train d'évoluer. Il faut être très vigilant sur le cahier des charges sachant que lors de la réhabilitation de sols pollués, on a souvent des surprises. Cela s'avère souvent plus compliqué et plus cher que prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Je vous remercie de bien vouloir m'expliquer certains acronymes, comme DPSM ou Geoderis.

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Le DPSM est le département prévention et sécurité minière qui gère l'après-mine pour le compte du BRGM.

Geoderis est un groupement d'intérêt scientifique créé pour servir d'appui technique aux Dreal. Il dispose d'un budget de 6 millions d'euros et d'un effectif de 30 personnes provenant pour moitié du BRGM et pour moitié de l'Ineris. Ce dernier apporte ses compétences en matière de géotechnique et de gaz, le BRGM apportant des compétences sur la géologie et l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Ma collègue a relayé les inquiétudes des élus locaux et les difficultés à cerner l'interlocuteur pour réhabiliter certains sites. Vous nous dites que vous récupérez des sites où l'Ademe certifie la non-nocivité du site. On nous a dit hier qu'il y avait trois niveaux de pollutions : il y avait des sols où il fallait une attention rigoureuse, d'autres pour lesquels existaient des solutions intermédiaires et enfin des sols où l'on pouvait attendre.

De mémoire, il y a environ 220 sites orphelins qui font l'objet d'une attention particulière avec une liste d'attente d'environ 80 sites, l'État prenant en charge la dépollution et assurant la mise en sécurité sanitaire. Par conséquent, à l'échelle du pays, un certain nombre de sites doivent être inventoriés avant d'être confiés au BRGM et cela peut prendre un certain temps. Je m'interroge sur la procédure et l'urgence de certaines situations.

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Quand un exploitant veut arrêter son exploitation, il doit remettre son exploitation minière en état. Quand les travaux sont jugés satisfaisants par le Dreal, la mine est alors transférée à l'État qui en transfère la gestion au DPSM pour la surveillance et les travaux nécessaires.

S'il n'y a plus d'exploitant, l'Ademe va remettre en état la mine avant qu'elle ne soit rendue à l'État qui ensuite la confie au DPSM.

Depuis 2006, date de la création du DPSM, les installations rendues à l'État sont dans un état correct. En revanche, avant cette date, nous avons hérité d'installations dans une situation très variée.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Georges Vigneron, chef du département prévention et sécurité minière du BRGM, prête serment.

Debut de section - Permalien
Georges Vigneron, chef du département prévention et sécurité minière du BRGM

Depuis 2006, nous n'avons eu que deux sites qui ont fait l'objet de réhabilitation par l'Ademe et qui nous ont été transférés. Pour qu'un site nous soit transféré, il faut qu'il y ait des mesures de surveillance associées à ce site et que ce site soit minier. On dépend du code minier, il ne s'agit donc pas d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Mais dans certains cas, si la responsabilité de l'État le justifie et s'il y a une surveillance, les sites sont transférés. Cela a été le cas de Salsigne et du site de Châtelet dans la Creuse où l'Ademe a fait des travaux de remédiation, qui ont ensuite été transférés au BRGM au titre du code de l'environnement et non du code minier.

Actuellement, un inventaire est réalisé par Geoderis sur un certain nombre de sites. Nous n'intervenons qu'à la demande de l'État s'il le juge utile en fonction de la réglementation qui s'applique sur ces sites.

Au titre du code minier, nous attendons des transferts de sites dans les prochaines années où il s'agit de gérer les risques classiques miniers (inondation, stabilité du terrain...) ce qui correspond à 90 % de notre travail. Le code minier prend très peu en compte l'environnement. Tant que l'exploitant existe, il garde la gestion du site.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Je souhaite avoir une précision sur les sites pollués. Au-delà de la réglementation, quelle est la part de la négociation ? Le BGRM peut-il être sollicité pour la recherche de solutions ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

S'il y a un contrat pour délivrer une expertise technique, pour définir l'état du site et voir les pistes de traitement, nous sommes présents. En revanche, nous ne faisons pas de reconnaissance juridique pour remonter aux responsables. Nous n'abordons que le domaine technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Pour revenir à l'activité minière, jusqu'où va votre expertise dans l'après-mine ? Votre travail d'expertise est-il limité à la mine ou bien allez-vous sur le terril ? S'agit-il d'une simple surveillance ou bien vous intéressez-vous au contenu des terrils, les modes d'exploitation ayant beaucoup évolué au cours du temps ? Pouvez-vous rendre compte de la nature du terril ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Si nous constatons une pollution, se pose alors la question du type de travaux à effectuer. Nous pouvons faire des propositions à l'État mais c'est la DGPR qui choisira la solution à mettre en oeuvre.

Debut de section - Permalien
Georges Vigneron, chef du département prévention et sécurité minière du BRGM

Nous ne surveillons que les terrils qui présentent un certain nombre de risques. Les terrils sont des résidus d'exploitation et non de traitement. Ce sont des déchets miniers. Nous surveillons les terrils en combustion qui présentent un risque d'échauffement avec une oxydation de la pyrite, notamment dans le Pas-de-Calais. Tous les terrils ne nous sont pas transférés, certains d'entre eux étant à nouveau repassés en exploitation. Lorsque quelqu'un montre un intérêt pour un de ces objets, il vient vers nous, on relaye vers la Dreal qui instruit le dossier et parfois nous demande notre avis par rapport au risque existant sur le terril. Nous avons un rôle purement technique par rapport au risque que l'on surveille. Nous ne faisons pas d'analyses économiques, ni d'analyses d'opportunité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Nous nous inscrivons dans la vallée de l'Orbiel dans une situation particulière. Si le BRGM d'avant a accompagné la liquidation du site minier de Salsigne, il était également impliqué dans l'exploitation du site. Il a participé à la dépollution du site. Il est très difficile pour les collectivités territoriales concernées qui sont nombreuses, car il s'agit de toute une vallée qui plus est très touristique, de trouver les bons interlocuteurs. Dans le cadre de la mission de surveillance, je m'inquiète de l'accompagnement et du rendu de cet accompagnement au fil des années, sur l'évolution du confinement des polluants. Je tiens à vous alerter sur le suivi. L'information doit être audible et compréhensible.

Puis vient l'impact financier. En termes de responsabilité et de rendu, on ne sait pas toujours qui fait quoi. Avez-vous eu une convention avec l'Ademe ou non ? Je souhaite une réponse claire.

Nous sommes de plus en plus liés aux risques naturels. C'est un risque naturel, l'inondation de 2018, qui a fait remonter à la surface la pollution du site de Salsigne. Or la pollution n'a jamais été officiellement reconnue sur ce site. Dans mon département, certaines communes ne peuvent plus utiliser leur stade, leur piscine... Ce sont des choses connues bien avant 2004. Pour pouvoir avancer, nous devons clarifier les rôles et établir une temporalité. Actuellement, nous avons un risque sanitaire dans notre vallée et l'articulation avec l'agence régionale de santé (ARS) est essentielle.

Debut de section - Permalien
Georges Vigneron, chef du département prévention et sécurité minière du BRGM

L'Ademe a effectivement fait des travaux dans les années 2004 à 2007, et depuis 2006 le BRGM a exercé son rôle de surveillance sur les sites miniers. Du point de vue de la surveillance, l'État a souhaité la présence d'un seul opérateur sur le site. La convention signée entre l'Ademe et le BRGM en 2009 ne concerne que ce transfert de surveillance. Cette convention a fixé un cadre technique qui identifiait les ouvrages sur lesquels faire des analyses, les rendus et la participation financière de l'Ademe.

Concernant la transparence et la compréhension, nous avons certainement des efforts à réaliser. Nous sommes opérateur technique mais également au contact du terrain et je comprends votre préoccupation. Il faut trouver des moments d'échanges apaisés. Expliquer notre travail au quotidien aux élus locaux et aux parties prenantes est essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je souhaiterais savoir si les travaux que vous préconisez peuvent ne pas être considérés comme prioritaires et vos préconisations pas suivies. Nous pouvons nous retrouver avec des mises en sécurité qui peuvent tarder. Quelle est l'appréciation du risque par rapport à la santé ? Ainsi des doutes surgissent-ils dans une partie de la population qui n'a pas toujours la culture minière ou industrielle du site. Avez-vous toute latitude pour exercer vos missions ?

Debut de section - Permalien
Georges Vigneron, chef du département prévention et sécurité minière du BRGM

Il existe en effet un cadre contraint. Nous pouvons juste hiérarchiser un certain nombre d'actions au niveau national puis l'État pose le curseur. C'est vrai par rapport à la diversité de l'appréciation du risque à l'échelle du territoire. Certains territoires houillers comme le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine ont l'expérience de la gestion de ces risques et n'ont pas la même perception ou attitude par rapport au passé. Il n'existe pas d'après-mine « heureux » ! Certains territoires ont plus de résilience que d'autres.

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Nous avons toujours des progrès à faire en pédagogie. Nous pouvons nous améliorer. Et en effet, il y a débat de nos propositions à la DGPR pour le programme de travail de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous avons reçu la DGPR hier et nous avons été étonnés par leur contrainte budgétaire. Le budget de l'Ademe est passé de 30 à 20 millions d'euros. Avez-vous senti un impact de cette contrainte budgétaire dans cette phase de discussion entre l'apport de votre expertise et vos recommandations et les décisions de l'État ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Notre budget est stable. Mais la contrainte budgétaire a évidemment des conséquences sur l'ampleur des travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

J'insiste sur l'alerte sur le risque car dans mon département nous avons bien vu qu'un danger apparaissait avec la pollution à l'arsenic. Quels sont vos outils pour alerter ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Le DPSM intervient dans une emprise très précise. On trouve de la pollution également hors de ce périmètre. On arrive alors sur des considérations de champ géochimique et les questions relèvent plus de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués ». Je reconnais que tout cela est fortement compartimenté.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Hubert Leprond, responsable de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués » du BRGM, prête serment.

Debut de section - Permalien
Hubert Leprond, responsable de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués » du BRGM

La présence d'éléments de type arsenic se pose largement mais il y a une attention plus vive sur certains sites comme à Salsigne. On retrouve de l'arsenic dans plein de massifs en France. Dans la vallée de l'Orbiel, c'est ce qui a été rajouté qui pose problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Nous savons que la nature contient des toxines partout. La question est la protection de la population par rapport à ces toxines.

Debut de section - Permalien
Hubert Leprond, responsable de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués » du BRGM

Ces pollutions existent sur d'autres sites industriels. Nous avons une sensibilité technique, scientifique mais depuis plusieurs années nous organisons des journées portes ouvertes destinées à un large public. Cela nous oblige à faire des efforts en matière de pédagogie.

Nous n'avons pas encore parlé de la conservation de la mémoire, les mentalités changent, notre sensibilité aussi. Nous mettons aussi beaucoup d'informations à disposition du public. Nous avons des bases de données qui sont largement consultées notamment par les notaires lors de transactions. C'est le paradoxe de gérer des informations très techniques qui sont encore peu exploitées par le grand public.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Il faudrait évoluer vers des cartographies plus claires et une meilleure circulation de l'information. On a tous des outils informatiques, des bases de données, mais faut-il encore pouvoir les lire. Elles doivent être compréhensibles. Les gens veulent savoir ce qu'ils peuvent faire concrètement en cas de pollution, et les élus comment réhabiliter ces sites.

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Le BRGM est compétent pour les analyses de terrain et les techniques de remédiation, mais n'est pas compétent pour indiquer quelles sont les conséquences sanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Dans une période de réchauffement climatique, nous sommes particulièrement attentifs à la nécessité d'apporter des réponses pour améliorer notre législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

J'aimerais savoir s'il est envisagé un processus de transmission de l'information de façon régulière, comme il en existe pour les élus soumis à un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). Si non, est-il envisageable de mettre en place une organisation sur ce modèle en lien avec l'agence régionale de santé (ARS) ? Il y a manifestement une carence.

Concernant votre vocation de recherche, est-ce que vous vous ouvrez à différentes universités et travaillez en collaboration avec ces dernières ? Et y a-t-il, notamment en matière de dépollution, une organisation européenne qui traite de ces sujets, la question minière à l'échelle européenne étant très importante ?

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Sur le devoir d'information des collectivités envers leur population dans le cadre du PPRT, nous sommes sur des sites miniers qui appartiennent à l'État. La question est de savoir quel degré d'information l'État doit donner de façon régulière au public. L'État peut se retourner vers le DPSM et lui demander de transmettre l'information ou de le faire lui-même. L'État reste notre donneur d'ordre.

Concernant la recherche, nous disposons de notre propre équipe mais nous travaillons également en coopération avec d'autres équipes de recherche, avec notamment des laboratoires du CNRS comme à Salsigne.

Debut de section - Permalien
Hubert Leprond, responsable de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués » du BRGM

Chaque fois que nous montons un projet de recherche, des universités variées sont parties prenantes selon les disciplines. Nous sommes également très impliqués dans les formations et nous travaillons aussi dans le développement de nouvelles techniques de dépollution ou dans l'optimisation de technologies existantes. Nous sommes très ouverts sur l'extérieur et nous avons des projets de recherche de montage européen auprès de l'agence nationale de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

L'objectif « Zéro artificialisation nette » implique des fonciers actuellement délaissés qu'il faut reconquérir et qui sont pour un grand nombre concernés par les questions de dépollution minière. Ces recherches sont vitales pour assurer le devenir de ces fonciers et une façon aussi d'accélérer la mise en sécurité sanitaire.

Debut de section - Permalien
Michèle Rousseau, présidente-directrice générale du bureau de recherches géologiques et minières

Il n'existe pas à ma connaissance d'organisme européen sur l'après-mine. Nous avons en revanche développé des relations étroites avec l'Allemagne, la Scandinavie et les Pays-Bas. Nous répondons à des appels d'offres européens parfois en coopération avec des Finlandais ou des Allemands.

Enfin, je vous signale que le DPSM publie un rapport d'activité annuel consultable sur notre site.

Debut de section - Permalien
Hubert Leprond, responsable de l'unité « Sites, sols et sédiments pollués » du BRGM

Sur l'information et la cartographie, on se rend compte que les gens et les élus veulent l'information au niveau de la parcelle. Ces données sont disponibles dans les inventaires historiques urbains (IHU). Cet objectif de pouvoir disposer de l'information au plus près est utile pour orienter l'aménagement de futurs projets et connaître les potentielles contraintes. Le lien avec la pollution n'est pas encore forcément disponible. Casias est la cartographie des anciens sites industriels en activité, qui est plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Merci pour les réponses apportées à nos questions orales. Nous vous avons également transmis un questionnaire écrit avec tout un volet ultra-marin que nous n'avons pas eu le temps d'aborder aujourd'hui.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous poursuivons nos travaux par une table ronde de représentants d'associations de protection des populations et de l'environnement, parmi lesquels M. Pascal Boury, président de « l'Association citoyenne ! », Mme Maryse Arditi et M. Nicolas Husson, membres du réseau « Risques et impacts industriels » de France Nature Environnement, MM. André Picot et Jean-François Narbonne, respectivement président et membre de l'association Toxicologie-Chimie.

Cette table ronde doit être l'occasion de recueillir le regard que les associations portent sur l'action de l'État et des industriels dans la prévention et la gestion des risques de pollution des sols à la suite d'activités industrielles ou minières. Votre appréciation et votre vécu de la gestion des risques sanitaires et écologiques, mais aussi les évolutions que vous pourrez proposer nous seront très précieux.

Il sera notamment intéressant que vous partagiez votre sentiment sur la qualité du suivi sanitaire mis en place lorsque des agents toxiques sont découverts dans des sols et sur la réactivité des agences sanitaires et des agences régionales de santé (ARS) à cet égard. Cette réactivité est-elle d'ailleurs, de votre point de vue et compte tenu des sites que vous connaissez, la même sur tout le territoire ?

Dans un premier temps, je propose de vous laisser la parole pour une intervention liminaire de quatre minutes par association, puis nous procéderons à une séquence de questions-réponses. Je rappelle qu'un faux témoignage devant une commission d'enquête est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. J'invite chacun d'entre vous à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité. Levez la main droite et dites : « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Pascal Boury, Mme Maryse Arditi, MM. Nicolas Husson, André Picot et Jean-François Narbonne prêtent serment.

Debut de section - Permalien
Pascal Boury

Je tenais tout d'abord à remercier la commission de m'avoir invité. C'est un honneur de représenter devant vous l'Association citoyenne. Ce sujet concerne l'intérêt général ; il est d'une importance majeure. Une étude parue dans Le Monde il y a un an et demi faisait état d'un mort sur six aux États-Unis à cause des pollutions au plomb, soit 400 000 décès par an.

Je suis ici pour dénoncer un certain nombre de choses, notamment le scandale des sols pollués, mais aussi pour formuler des propositions et informer les sénateurs et tous les citoyens qui sont à l'écoute, comme nous essayons de le faire à travers notre site Internet. J'ai écouté attentivement l'audition du directeur général de la prévention des risques hier et j'ai noté un certain nombre de sujets.

L'information constitue un sujet majeur. Elle doit être compréhensible par toutes et tous. Or il n'existe pas ou quasiment pas de balisage des zones polluées, notamment des zones dangereuses. Les exemples sont nombreux. J'en citerai trois : l'ancienne mine de Saint-Félix-de-Pallières, la mine de Salsigne ou la plage de Samena, à Marseille, où il suffit pour les enfants de passer deux heures par semaine pour être atteints du saturnisme, comme le démontre l'étude dont je dispose.

Au-delà de l'information officielle, il faut une information sur les sites qui mettent en danger la santé des citoyens. Pour moi, certaines informations relatives à l'environnement et à la santé sont de nature constitutionnelle, mais les administrations les retiennent de façon anticonstitutionnelle. Nous y reviendrons à propos des ARS notamment.

La problématique tient aussi à la dynamique des terrains pollués, à l'utilisation qui est faite de ces terrains. Je prendrai l'exemple d'un écoquartier évoqué dans une émission de grande écoute. Il est dit que l'ARS a pris des précautions : dans les jardins privatifs, pas de culture de produits de consommation alimentaires. Ces servitudes sont à inscrire dans les documents transmis aux propriétaires. Le journaliste interroge un couple qui vient d'acquérir un logement dans ce quartier. La mention de ne pas cultiver de légumes dans son jardin, le couple déclare ne l'avoir jamais lue dans son contrat de vente. Seules des mises en garde orales ont été formulées lors de l'achat de leur appartement. L'épouse précise : « la première fois, le notaire nous a expliqué qu'il ne fallait pas faire de jardin potager dans notre jardin, mais si elle nous a accordé la vente de notre bien immobilier, je pense qu'il y a un moindre risque. On fait quand même confiance à ces personnes. Pour moi, il n'y a aucun risque, puisque des études ont été faites. La préfecture a justement donné des autorisations pour la construction, donc je fais confiance à l'État ».

Dans ce même reportage, un avocat spécialisé dans ce domaine indique : « aujourd'hui, vous pouvez acheter un terrain pollué sans le savoir et surtout sans pouvoir vous en plaindre. Pire, avec les nouvelles dispositions législatives, et puisque l'on ne va pas retrouver le pollueur pour faire appliquer le fameux principe pollueur-payeur, c'est le propriétaire qui, malgré lui, va, de façon inéluctable, devenir le payeur de la dépollution ». Je pense que ce raisonnement est totalement erroné pour des terrains ou des biens achetés à des professionnels. Je suis bien placé pour le savoir, puisque cette situation m'est arrivée.

Il existe des contradictions énormes, notamment entre les écrits de l'ARS et ceux du Haut Conseil de la santé publique, l'organe situé pourtant au plus haut de la hiérarchie de la santé en France, ce qui est quand même très étonnant. Par ailleurs, les informations de l'éducation nationale et du ministère de la santé, concernant notamment des problèmes sanitaires dans les écoles restent difficilement accessibles. Lors de l'audition d'hier, vous avez évoqué par exemple les études lancées en 2012 sur les écoles construites sur des terrains pollués.

Vous avez également abordé hier la question de la responsabilité et du dédommagement. Il faut appliquer le principe du pollueur-payeur, mais pas seulement. La garantie des vices cachés existe, notamment pour les bâtiments privés achetés par des particuliers à des professionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je suis obligé de vous interrompre pour que chacun puisse s'exprimer. Vous avez mis l'accent sur les problèmes d'information et d'accès à cette information, les contradictions dans les discours tenus par les différents organismes publics et la question de la responsabilité. Nous reviendrons sur ces points à travers nos questions.

Debut de section - Permalien
Maryse Arditi

France Nature Environnement (FNE) est une fédération qui regroupe 3 000 petites associations locales implantées sur l'ensemble du territoire, y compris en outre-mer, et représentant l'équivalent de 600 000 à 700 000 personnes individuelles.

Je viens de l'Aude. Sur Salsigne, en complément des actions proposées par le préfet dans son plan de 25 propositions, FNE formule les demandes suivantes. Nous voulons tout d'abord une cartographie. Nous ne pouvons plus continuer sans. Ce site est extrêmement vaste ; il comprend des zones plus ou moins polluées. Il est donc indispensable de le cartographier. Par ailleurs, il convient d'engager la dépollution des quelques lieux sur lesquels l'arsenic à l'état pur est directement accessible. Les locaux appellent le site « la montagne de la belle-mère ». Cette dépollution se révèle très importante, car elle constituerait la première action concrète sur le site.

En outre, une station d'épuration reçoit toutes les eaux souterraines et récupère 90 % de l'arsenic. Je pense qu'elle est capable d'en récupérer 99 %, ce qui permettrait de réduire par dix l'arsenic partant dans l'Orbiel. Enfin, une alerte a été donnée par des chercheurs de Toulouse qui sont venus effectuer des mesures. Les inondations de novembre 2018, qui ont fait plusieurs dizaines de morts, ont recouvert de nombreuses zones qui n'étaient pas polluées jusqu'alors. À la suite de cela, nous avons découvert de l'arsenic y compris dans des cours d'école. Ces chercheurs ont élaboré un grand programme qui permettrait de comprendre le fonctionnement du site, les écoulements d'eaux souterraines et d'identifier les solutions les plus pertinentes. Il faut absolument que ce programme soit mené et donc financé.

Je souhaiterais également évoquer le code minier. En 2013, un groupe de travail dit « groupe Tuot » a travaillé durant un an à raison d'une fois par semaine, avec une représentation très vaste, y compris de la société civile. Or le résultat auquel ce groupe a abouti n'a pas été pris en compte. Il existe, en France, un passif minier phénoménal que nous ne connaissons pas. Il faut absolument mener une étude complète de l'ensemble de ces passifs miniers. Lorsque les anciennes mines se sont effondrées, l'État a commencé à légiférer afin qu'une vérification des mines soit réalisée. Il devrait aujourd'hui faire de même pour la pollution des sols. Par ailleurs, le code minier est en révision. Le peu du projet dont nous avons pris connaissance ne parle pas du tout de l'après-mine. Encore une fois, on dit comment on ouvre les mines, mais pas comment on les ferme. Aucune mine ne pourra s'ouvrir en France si nous ne parvenons pas à résoudre le passif minier.

Debut de section - Permalien
Nicolas Husson

Ingénieur en sites et sols pollués, je suis le référent pour FNE sur cette thématique. Je voudrais attirer votre attention d'une part sur la considération de la biodiversité dans les politiques de gestion des sites et sols pollués, et d'autre part sur le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dit « ASAP », et une évolution potentielle d'un article du code de l'environnement.

Jusqu'à présent, les sites et sols étaient essentiellement gérés sur la base de critères sanitaires. Ces critères sont indispensables ; ils commencent à être bien encadrés par la méthodologie et la réglementation, mais il faut désormais aller au-delà et prendre en considération des aspects problématiques liés à la biodiversité. Il ne s'agit pas de développer une écologie punitive, comme nous l'entendons trop souvent, mais une écologie porteuse d'espoir, de reconversion de foncier dégradé et de suppression de ces friches en déshérence à travers le territoire.

Deux angles d'approche peuvent être envisagés. La première option consisterait en une approche réglementaire qui s'appuierait sur une analyse symétrique des risques écologiques par rapport aux risques sanitaires. Ces évaluations des risques écologiques pourraient se greffer sur le préambule de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016 qui n'a pas connu, pour l'instant, de déclinaison réglementaire. Il n'existe aujourd'hui ni décret ni arrêté ministériel pour outiller les inspecteurs des installations classées et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et leur permettre d'imposer la réparation du préjudice écologique sur la base du principe du pollueur-payeur en cas d'atteinte au milieu naturel, qu'il s'agisse d'habitat, de faune ou de flore. Cette démarche s'inscrirait aussi dans la logique du Plan biodiversité établi par le ministère de la transition écologique et solidaire en 2018, qui comprenait un objectif de zéro artificialisation nette.

La deuxième option résiderait dans des solutions fondées sur la nature qui visent à une reconversion du foncier dégradé, qu'il s'agisse de puits de carbone, de réduction d'îlots de chaleur, d'usages récréatifs pour les populations, etc.

Je souhaitais également attirer votre attention sur l'évolution potentielle, à travers le projet de loi ASAP, de l'imposition de bureaux d'études certifiés pour la cessation d'activité des ICPE. Deux régimes sembleraient être introduits par la secrétaire d'État en charge de l'étude de ce projet de loi qui pourrait passer en procédure accélérée. En l'état, le projet introduit une grande disparité entre le régime de déclaration, qui exigerait de passer par un bureau d'études, mais se traduirait seulement par des mesures de mise en sécurité de l'ICPE en fin d'exploitation, et le régime d'autorisation/enregistrement, qui exigerait en complément la réhabilitation et la dépollution, comme c'est le cas aujourd'hui pour toutes les ICPE. Nous demandons qu'une symétrie soit appliquée à la cessation d'activité pour l'ensemble des ICPE.

Debut de section - Permalien
André Picot

Je suis le président de l'association Toxicologie-Chimie. Les mines n'étaient pas vraiment notre spécialité de départ. Voilà trente ans, avec Henri Pézerat, j'ai interrogé des mineurs et constaté leurs conditions de travail catastrophiques.

Depuis, nous avons été sollicités par trois régions de France. Saint-Félix-de-Pallières continue de nous préoccuper fortement, tout comme Salsigne, où les médecins ignorent quelle conduite à tenir face aux patients touchés par l'arsenic. Nous pouvons d'ailleurs nous interroger sur la formation en toxicologie des médecins. Nous avons également été sollicités en Bretagne, en particulier dans les Monts d'Arrée, à Lopérec. Grâce à notre intervention et celle de la population, la société franco-australienne Variscan a abandonné le projet. Cet exemple montre que le travail d'une association peut produire un résultat positif. Enfin, notre collègue Annie Thébaud a travaillé sur la mine de tungstène de Salau en Ariège. Cette intervention a également eu un résultat positif, puisque ce projet est pour l'instant laissé un peu en sommeil.

Jean-François Narbonne. - Je suis professeur de toxicologie. Après l'université de Bordeaux, je travaille désormais à l'université Saint-Joseph de Beyrouth avec une équipe de bio-monitoring chargée d'étudier les pollutions au Liban et en Syrie, avec les bombardements.

J'ai longtemps siégé au Conseil supérieur d'hygiène publique de France. J'ai participé à la fondation de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) avec Martin Hirsch, puis de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) pour l'environnement du travail. Dans mon enseignement, je traite à la fois de l'environnement et de l'alimentaire, en particulier le transfert des polluants de l'environnement à l'homme via l'alimentation. J'ai aussi beaucoup travaillé sur les pollutions marines. J'ai été l'un des pionniers du bio-monitoring et de la biosurveillance. Je siégeais au comité scientifique de l'institut national de veille sanitaire (INVS) lors du lancement des premières études d'imprégnation aux dioxines.

Dans notre association, nous avons une vision particulière des choses. Nous ne sommes pas centrés sur la défense des populations, nous nous préoccupons surtout du management des risques. Durant 28 ans, j'ai travaillé comme expert dans les différentes agences. J'ai notamment participé à l'expertise sur le chlordécone en Martinique. En tant que professeur, j'expliquais à mes étudiants comment évaluer les risques et comment les gérer avec des procédures de dépollution des sols. Durant trois ans, j'ai ainsi dispensé à Abu Dhabi des cours sur la réhabilitation et la dépollution des sols dans un master international avec des étudiants venant de tous horizons, ce qui permettait d'appréhender les approches des différents pays en la matière.

Saint-Félix-de-Pallières constitue un véritable cas d'école. Rien n'y est réalisé convenablement, comme si les administrations n'avaient jamais suivi un seul cours de management de risque et de communication sur les risques. Le problème vient du fait que la pollution est abordée du point de vue de la santé en premier alors que cet aspect devrait passer à la fin. Une crise de pollution des sols ne doit pas être gérée par des médecins. Ces derniers n'interviennent qu'en fin de course.

J'ai participé à l'élaboration de la réglementation sur la présence de métaux lourds dans les légumes. Si les légumes de votre jardin sont pollués, vous n'avez pas le droit de les vendre, mais vous avez le droit de les manger. L'approche de l'évaluation des sols repose sur les modèles de l'institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Ces modèles peuvent ressembler parfois à une usine à gaz, mais ils expliquent bien que les sites doivent être à usage commercial. Le Stade de France, par exemple, est construit sur un site qui a été mal dépollué, mais personne n'y vit. Il est interdit d'y construire des habitations, des zones récréatives, des jardins.

Tout ceci figure dans la réglementation. Or celle-ci n'est pas appliquée ; elle est même niée. Dans les DOM-TOM, parce qu'il existe une sensibilité colonialiste très forte, l'État mobilise des moyens colossaux pour la réhabilitation des mangroves. En métropole, en revanche, rien ne se fait.

Nous dispensons des cours aux médecins et aux équipes des ARS pour essayer d'élever leur niveau de connaissance sur ces sujets. La pollution des sols dépasse aujourd'hui le seuil de compétence des ARS, car elles n'ont aucune formation dans ce domaine. Pour gérer une catastrophe, la première action à mettre en oeuvre consiste à étudier le comportement des animaux. Or les ARS ne comptent même pas de vétérinaires. Pour la pollution des sols, elles auraient besoin d'hydro-géographes. La pollution des sols et le management des crises ne doivent pas être vus uniquement par le prisme de la santé publique, car cela revient à occulter un grand nombre d'aspects essentiels.

Le code minier traite de la partie physique, mais il ne faut pas oublier l'industrie chimique qui extrait et purifie. Souvent, les trous dans les galeries servent à stocker des déchets radioactifs ou des fûts de polychlorobiphényles (PCB) et de dioxine, et le problème ne vient pas de la pollution de la mine, mais de tous les déchets toxiques industriels stockés depuis les années 70.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Vous avez face à vous des sénateurs, élus locaux qui ont connu des gestions de crise. Vos propos renvoient chacun de nous à des situations vécues. Je passe immédiatement la parole à notre rapporteure pour une première série de questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je vous remercie tous pour la clarté de vos exposés. Même s'ils ont été brefs, nous avons senti combien ces problématiques vous tiennent à coeur. Pour faire évoluer les choses dans ce domaine, je crois qu'il faut faire preuve de beaucoup d'abnégation et de conviction.

J'aimerais que vous puissiez préciser l'analyse que vous faites de la qualité du système d'inspection et de contrôle périodique des installations classées. La périodicité de ces inspections vous semble-t-elle satisfaisante ? Les investigations conduites sont-elles suffisamment complètes et solides pour identifier les sources de risque en termes de pollution des sols et sous-sols ? Avez-vous le sentiment que les mesures de correction parfois proposées par ces inspections soient à la hauteur des enjeux ?

S'agissant de la réactivité des autorités face à d'éventuels risques sanitaires, avez-vous le sentiment que les alertes ou soupçons émis par des associations et des collectivités territoriales sont toujours pris au sérieux par les préfectures et les ARS ? Avez-vous connaissance de cas où des alertes sur des agents toxiques présents dans des sols pollués ont été adressées aux autorités et sont restées longtemps sans réponse ?

Enfin, d'une façon générale, quelles sont, selon vous, les modifications de la réglementation minière à envisager afin d'améliorer la gestion de l'après-mine en France ? Avez-vous été consultés sur le projet de réforme du code minier en cours de préparation ? Nous pressentons un alignement du code minier sur le code de l'environnement. Est-ce une bonne chose selon vous ? Le texte ne laisse-t-il pas de côté certaines problématiques spécifiques ? Pourquoi les rapports précédents sont-ils, plus ou moins, tombés aux oubliettes ? Quelles pistes envisageriez-vous pour faire évoluer le code minier ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Husson

Je répondrai avec ma double casquette d'ingénieur en environnement et de correspondant des associations locales de France Nature Environnement.

La périodicité des inspections des installations classées est très variable selon le degré de qualification. Pour un site soumis au régime d'autorisation, en Seveso et a fortiori en Seveso seuil haut, ces inspections sont relativement fréquentes et les contrôles se révèlent assez soutenus, avec un encadrement plutôt efficace pour prévenir et engager des mesures curatives. Pour les plus petits sites, en revanche, le nombre des inspecteurs des installations classés est malheureusement insuffisant.

Malgré le grand plan annoncé par la ministre Elisabeth Borne cette semaine pour pallier les difficultés rencontrées sur le site de Lubrizol, nous sommes confrontés à une déficience chronique du nombre d'inspecteurs pour pouvoir assurer des inspections régulières et satisfaisantes, aussi bien en nombre qu'en qualité et en mesures préventives ou curatives sur la pollution des sols. Il existe donc un risque accru de pollution des sols sur les sites contrôlés moins souvent. Ainsi les sites soumis au régime de déclaration simple ne sont-ils presque jamais visités par les inspecteurs des installations classées, faute d'une disponibilité suffisante.

La transmission des informations par ces inspecteurs des installations classées est affectée par leur manque de disponibilité et leur capacité à communiquer de l'information au public. Les fiches de la base de données Basol sont pour l'essentiel obsolètes. Elles ne contiennent pas les données des dernières visites et ne mentionnent pas l'actualisation des pollutions traitées ou en cours.

Quant aux soupçons, des alertes sont souvent transmises. Parfois, elles sont entendues. Tout dépend du relationnel qui peut se créer entre les associations locales et les inspecteurs des installations classées. Généralement, il existe une bonne coopération, mais nous avons pu rencontrer des situations de blocage.

Debut de section - Permalien
Maryse Arditi

Les inspecteurs des installations classées ne sont pas assez nombreux. Après AZF, il leur a été demandé de mettre en place les plans de prévention des risques technologiques (PPRT), des documents qui exigent un travail considérable. Or leurs effectifs n'ont pas été augmentés pour autant. Ainsi ont-ils mené à bien cette mission en réalisant moins de visites de terrain. Aujourd'hui, la ministre leur demande d'effectuer plus de visites, mais ne renforce toujours pas les équipes. Nous tournons en rond.

Les aspects sanitaires sont-ils pris au sérieux ? Dès que le sujet devient un peu sanitaire, tout le monde panique. Nous pouvons le voir actuellement avec le coronavirus par exemple. Par conséquent, les problèmes sanitaires sont toujours diminués. À Salsigne, depuis vingt ans, on explique aux habitants qu'ils ne peuvent pas manger leurs salades. Selon les études épidémiologiques, les personnes qui mangent leurs salades et boivent leurs vins présentent un peu plus d'arsenic dans l'organisme que les autres, et un peu plus de risques de développer un cancer. Nous connaissons les risques depuis longtemps, mais on se contente de leur dire de se laver les mains plus souvent et de ne pas manger leurs légumes et que tout ira bien. Ce n'est pas normal.

J'ai été confrontée directement à un conflit entre le code des archives et le code de l'environnement. Une ICPE ferme. Le projet d'urbanisation n'est finalement pas réalisé. Au bout de sept ans, la Dreal envoie le dossier aux archives. Un nouveau projet d'urbanisation voit le jour. J'appelle la Dreal pour obtenir le dossier. Je suis renvoyée aux archives où j'apprends que je ne pourrai pas avoir accès au dossier de la fermeture avant 25 ans, sauf à demander une dérogation exceptionnelle. J'obtiens finalement cette dérogation et j'accède au dossier, mais sans possibilité de faire des photocopies ni de prendre de photos. En principe, nous devrions avoir accès à l'état de l'environnement. Il faudrait donc assurer une concordance entre les deux codes.

Debut de section - Permalien
Jean-François Narbonne

En France, nous avons tendance à tout confier à l'État. J'ai travaillé sur un problème de retombées d'un incinérateur à Bègles. Les habitants étaient inquiets et le site faisait face à des oppositions très fortes. L'opérateur effectuait ses propres contrôles, conformément à la réglementation, mais nous avons lancé un monitoring pour étudier les retombées dans les alentours. J'ai proposé de confier un budget aux associations pour qu'elles contrôlent elles-mêmes en réalisant des prélèvements, à condition de les certifier, et en chargeant un petit comité de définir la stratégie de contrôle.

Pourquoi demander à l'État des contrôles qu'il n'a pas les moyens humains et financiers de réaliser ? À Bègles, ce monitoring représentait 200 000 francs par an sur le budget de fonctionnement de l'incinérateur. Les habitants ont pu effectuer les dosages chez eux et ils ont finalement constaté l'absence de retombées, comme les modèles le prévoyaient. Un an plus tard, plus personne ne parlait des effets de l'incinérateur. Nous avions donné aux citoyens les moyens de contrôler le système par eux-mêmes. Ce budget était accordé par l'opérateur lui-même.

Cette démarche a ensuite été reprise sur l'ensemble des sites industriels autour de Bordeaux. Il faut informer les citoyens et leur redonner la maîtrise. Au lieu de tout confier à un État qui n'en a pas les moyens, il faudrait décentraliser les actions et les confier à des associations partenaires, qui se verraient accorder un minimum de moyens pour fonctionner. Je regrette que les « vieux experts », qui ont l'expérience de toutes les crises, ne soient plus sollicités pour effectuer des prévisions.

En cas de problème, il faut plusieurs semaines pour obtenir le résultat des prélèvements et les envoyer aux agences chargées des études de risque. Pendant ce temps, l'absence de communication laisse la place au fantasme. Nous l'avons vu sur le dossier Lubrizol. Pourquoi ne pas demander aux experts d'effectuer des prévisions pour laisser le temps aux administrations de pouvoir répondre et de réaliser de vraies évaluations de risques ?

L'action du préfet est souvent catastrophique. Sur Saint-Félix-de-Pallières, la situation frôle la caricature. Nous ne pouvons pas gérer une crise environnementale et sanitaire en laissant la responsabilité à des personnes qui se trouvent sous la pression de lobbys économiques locaux. Le management d'une situation, aussi bien en prévision qu'en gestion de crise, doit s'opérer en établissant des partenariats. Pour les abeilles, par exemple, le ministère de l'agriculture a mis en place des observatoires. Il a également demandé la collaboration des associations d'observation de la nature. Plutôt qu'un rapport conflictuel avec les associations, l'État doit nouer de vrais partenariats avec elles, d'autant qu'il n'a ni les moyens humains ni les moyens financiers de tout faire.

Debut de section - Permalien
Pascal Boury

Je me dois de réagir aux propos de M. Narbonne. La peur n'évite pas le danger. Lorsqu'un danger existe, il faut quand même y faire face. Sur le site de Public Sénat, une photo a été publiée avec la banderole « Nous voulons la vérité » sur le site de Salsigne. La vérité me semble être le maître mot. Les habitants souhaitent savoir ce qui se passe, surtout s'il existe un impact sur la santé.

J'entends bien qu'au-delà des aspects sanitaires, il faut prendre en compte les intérêts locaux ou financiers. Les pétitions pour sauver la planète recueillent des millions de signatures. Les pouvoirs publics doivent être crédibles et démontrer que sur les problèmes de moindre ampleur, ils parviennent à agir.

Vous indiquiez que les modèles de l'Ineris sont des usines à gaz. En 2013-2014, le Haut Conseil de la santé publique s'est intéressé à un polluant prioritaire du troisième plan national santé-environnement (PNSE 3), le cadmium. À la suite d'études très précises, il a formulé des directives d'une grande simplicité. Le Haut Conseil a fixé un seuil de concentration du plomb dans le sol, corrélé à une bio-accessibilité, c'est-à-dire un niveau de toxicité. Pour une bio-accessibilité de 30 %, correspondant au pourcentage de plomb qui, ingéré, finit dans la circulation sanguine, l'intoxication étant liée au passage du plomb dans cette circulation, le niveau fixé est de 300 milligrammes par kilo pour le saturnisme infantile et pour les femmes enceintes.

Les alertes ont-elles été prises au sérieux ? En matière d'information et de transparence, il y a de quoi dire. J'ai soulevé un sujet auprès de l'ARS qui touche à la politique publique.

Les anciennes plaines d'épandages en Île-de-France sont extrêmement polluées. Elles ont fait l'objet de très nombreux rapports faisant état de quantités astronomiques de plomb, jusqu'à plus de 2 000 milligrammes par kilo, pour une bio-accessibilité de 30 %. Or la bio-accessibilité dans ces plaines est de 100 %. Le seuil à prendre en compte est donc de 91 milligrammes par kilo. Or la moyenne relevée sur ces sols atteint environ 176 milligrammes par kilo. Le seuil est ainsi dépassé. L'ARS le sait depuis 2014. A l'époque, les mesures s'établissaient à 130-150 milligrammes, mais elles restaient supérieures au seuil corrigé de 91.

Je me suis procuré le logiciel de simulation IEUBK, utilisé par l'équivalent de l'ARS aux États-Unis qui est l'US EPA - Environmental Protection Agency -. Ce logiciel est reconnu par les administrations françaises, notamment par le Haut Conseil de la santé publique. Il est utilisé pour simuler le nombre de cas d'enfants nés ou à naître qui seraient touchés par le saturnisme du fait des concentrations trouvées dans les sols. D'après une synthèse de la cellule d'intervention en région (CIRE) Île-de-France et Champagne Ardenne parue en 2014, plus de 5 % des enfants seront touchés par le saturnisme. Ainsi, l'ARS le sait-elle depuis cette date.

Certes, ce seuil ne correspond pas forcément à la réalité, mais il constitue un indicateur qui permet de prendre une décision. Lorsque ce seuil est dépassé, un dépistage systématique doit être réalisé, comme l'a indiqué le Haut Conseil de santé publique. La zone couvre quand même plus de 300 000 personnes. Il s'agirait donc de tester plusieurs dizaines de milliers d'enfants. Je suis même allé en justice pour obtenir un certain nombre de documents que je n'ai toujours pas obtenus malgré une décision favorable.

J'ai effectué un référé liberté afin d'obtenir du tribunal administratif une mesure d'urgence en faveur de ce dépistage systématique. Je me suis rendu dans ces zones avec des journalistes. Dans l'une des 19 communes touchées, nous avons interviewé une mère de famille dont deux enfants sur trois étaient suivis par un orthophoniste pour des problèmes de langage. Le plomb crée notamment des troubles du comportement et du langage, sans oublier les 400 000 morts par an aux États-Unis liées aux intoxications au plomb. Récemment, la presse indiquait que sur six dépistages réalisés dans la commune de Carrières-sous-Poissy, deux étaient positifs au saturnisme.

L'ARS refuse toujours de me communiquer des documents, malgré une décision de justice qui m'est favorable et va à l'encontre des préconisations du Haut Conseil de santé publique.

Un autre sujet me tient à coeur, le projet de forêt sur la plaine de Pierrelaye, qui fait partie des plaintes polluées par les épandages. Vous évoquiez hier des bureaux d'études qui seraient parfois juge et partie. Certaines études affirment qu'il est impossible d'habiter au milieu de la plaine. Or tout autour la ville n'a fait que s'étendre. J'ai même trouvé une étude sur la construction d'une école alors que la concentration de plomb dans le sol atteint 300 milligrammes par kilo. J'ai saisi les tribunaux, allant jusqu'au Conseil d'État et j'aurais plusieurs propositions concernant l'organisation judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Quelle évaluation faites-vous de l'action des principales agences sanitaires dans l'identification des risques que présente la pollution de certains sols pour la santé ? Je pense notamment à l'action de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSéS). En êtes-vous satisfaits ? Il nous a été indiqué hier que la réponse sanitaire de l'État se fondait sur des valeurs toxicologiques de référence. Ces valeurs font-elles consensus ? Couvrent-elles tous les agents toxiques susceptibles d'être présents dans les sols ?

Avez-vous, en tant qu'association, intenté des recours collectifs à l'encontre de certains exploitants pour préjudice sanitaire à la suite d'une pollution des sols ? Quelles éventuelles suites ont été données à ces recours ?

Debut de section - Permalien
André Picot

En général, pour des pollutions minières, lorsqu'un site extrait du plomb argentifère, comme à Saint-Félix-de-Pallières, tout le monde pense que l'intoxication est de type saturnique. Or dans presque toutes ces mines, l'arsenic constitue l'élément minéral majeur et la pollution par l'arsenic est bien différente de la pollution par le plomb. Avec le plomb, il existe un indicateur très fiable, lié au système nerveux central des jeunes enfants. Avec l'arsenic, en revanche, les cibles sont multiples et il est relativement difficile de déterminer si l'arsenic est en cause. Nous manquons cruellement d'informations fiables dans ce domaine en France.

Aux États-Unis, par exemple, des évaluations extrêmement précises ont été réalisées. Il existe un écart très important entre les connaissances apportées par nos collègues anglo-saxons et les travaux réalisés en France, notamment par l'Ineris, ce qui constitue un handicap très fort. Notre association fait beaucoup de formation, car nous nous sommes aperçus que la formation des médecins du travail est, en l'état actuel, totalement inopérante. Un jour, en formation, un médecin du travail, parlant des amalgames dentaires, soulignait que la toxicité du plomb était redoutable.

Sur Salsigne, des médecins implantés dans la vallée de l'Orbiel m'ont demandé ce qu'ils devaient faire. Leurs patients demandaient des analyses. Certains médecins préconisaient des analyses de sang. Or on ne retrouve pas l'arsenic dans le sang. La formation constitue un problème fondamental, tant chez les médecins que chez les préfets ou dans les ARS.

Lorsque nous avons lancé notre formation au conservatoire national des arts et métiers (CNAM), voilà trente ans, nous pouvions accueillir jusqu'à 60 personnes. À l'heure actuelle, nous avons cinq personnes, dont un médecin urgentiste qui assiste à notre formation parce qu'il est sollicité par la direction de l'ARS. Il faut partir de la formation. En trente ans, nous avons formé 400 personnes, dont un tiers de médecins et nous n'avons jamais été reconnus. L'un de nos collègues est le responsable de la toxicologie chez Eramet, la seule société minière française. Il faut prendre le problème à la base. Si nous ne pouvons pas nous appuyer sur des personnes formées, du préfet jusqu'aux personnes qui sont sur le terrain, et même si celles-ci sont pleines de bonne volonté, nous sommes perdus.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Parfois, il nous manque aussi un peu de bons sens et de réflexion.

Debut de section - Permalien
Jean-François Narbonne

Voilà vingt ans, l'institut national de la recherche agronomique (INRA) avait défini des valeurs d'alerte et des valeurs de remédiation en fonction des sols. Même une personne non formée pouvait déterminer si un site se trouvait au-dessus du seuil. Sur Saint-Félix-de-Pallières, les valeurs sont dépassées 100 à 1 000 fois dans certains endroits. Or la France a cessé d'utiliser ces valeurs au profit des valeurs sanitaires en déterminant si chaque contributeur (poussières, aliments, contacts cutanés) va faire dépasser la valeur journalière admissible. Pour le calcul, il faut faire appel à des modèles très difficiles à comprendre pour le grand public.

En 1994, avec un certain nombre de collègues du Conseil d'hygiène, nous avons défini des valeurs en plomb et en cadmium pour les fruits et légumes. Ces valeurs sont suivies au niveau européen aujourd'hui. Dès lors, nous avons pu déterminer qu'Achères ne pouvait plus être le jardin de Paris. Par la réglementation, nous avons pu donner l'alerte. Cependant, cette alerte a été effectuée au niveau alimentaire et n'a pas été suivie d'effet au niveau d'environnemental.

Sur Saint-Félix-de-Pallières, toutes les études des différents organismes ont été niées. Les dosages, considérés comme non fiables, ont été écartés. Un seul habitant a été reconnu comme pollué et a été indemnisé, car il possédait un document de l'époque de Napoléon III reconnaissant que le sol était pollué par les activités minières.

Debut de section - Permalien
André Picot

Nous avons préparé quelques documents avec le témoignage de cette personne et du premier lanceur d'alerte sur Saint-Félix-de-Pallières, qui a subi toutes les pressions imaginables et a été obligé de quitter sa maison sans être indemnisé. Les riverains cherchent généralement leurs intérêts avant même leur santé et celle de leurs enfants. Je vous conseille la lecture de ces deux témoignages.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je rappelle que notre commission d'enquête ne peut pas s'immiscer dans des procédures judiciaires en cours. Nous pouvons connaître le volume des recours et les principales thématiques concernées, mais nous ne pouvons pas aller au-delà.

Debut de section - Permalien
Maryse Arditi

France Nature Environnement dispose d'un réseau juridique assez puissant et plutôt efficace. Je sais que nous attaquons souvent des pollutions industrielles.

Je souhaitais revenir sur nos propositions sur l'aspect minier. Je vous communiquerai un document complet. En France, nous expliquons précisément les démarches à accomplir pour la mise en route d'une installation, une usine ou une centrale nucléaire, mais nous ne prévoyons jamais les modalités de fermeture. Les installations obtiennent une autorisation ad vitam aeternam ; elles ferment seulement lorsque l'opérateur est en faillite et n'a donc plus les moyens pour dépolluer le site.

Depuis quelques années, nous avons cependant assisté à une petite évolution. Désormais, chaque ICPE doit donner des garanties financières qui, en cas de faillite, permettent au moins de gérer les stocks de déchets abandonnés et mettre le site en sécurité. Ce sont aussi les deux seules actions réalisées par l'agence de l'environnement et de la maîtrise d'énergie (Ademe). L'Ademe ne dépollue pas ; elle retire les déchets et clôture le site.

A Salsigne, 200 kilomètres carrés sont pollués, mais il n'existe aucun panneau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Ils commencent à apparaître à la suite de nos actions.

Debut de section - Permalien
Maryse Arditi

Sur tous les sites pollués, certains riverains eux-mêmes demandent à ne pas trop parler de la pollution, car ils craignent de ne pas pouvoir vendre leur maison. À Salsigne, il nous paraît fondamental de réaliser une cartographie pour bien identifier les endroits pollués.

Dans le code minier, il faudrait prévoir des garanties financières pour gérer la situation après la fermeture d'un site. Lors de la fermeture de Salsigne, l'un des industriels ne pouvait pas poursuivre son activité, faute d'argent. L'État lui a demandé de continuer, s'engageant à prendre en charge la pollution du territoire qui ne relèverait pas de son activité. In fine, il a absous l'industriel de toutes les pollutions. Nous avons préparé une série d'amendements rédigés de manière précise sur le code minier.

Debut de section - Permalien
Jean-François Narbonne

La cartographie permet d'identifier les sols. Les notaires pourraient ainsi, lors de la vente d'une maison, préciser la situation du sol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Selon l'administration, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) répond à cette problématique.

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Pascal Boury

J'ai entendu que l'ARS n'était pas forcément compétente pour gérer la pollution des sols. Je pense néanmoins que l'ARS dispose de certaines compétences. Même si je ne suis pas spécialiste, je sais quand même lire un seuil. Au-delà de 300 milligrammes par kilo, le Haut Conseil de santé publique préconise un dépistage systématique. Cela ne prête à aucune critique.

Vous venez d'évoquer deux sujets d'intérêt. Il existe aujourd'hui un véritable trafic de ces terrains pollués et il doit cesser. Les notaires sont des officiers ministériels. Ils sont soumis à des obligations de recherche, de conseil, etc., mais ils font un vrai business de ces terrains. Lorsque vous recherchez une responsabilité sur un acte notarié et que vous arrivez en cassation, vous devez obligatoirement vous faire assister d'un avocat de cassation. Or les avocats de cassation sont eux aussi des officiers ministériels. Nous sommes confrontés ici à un défaut d'indépendance institutionnelle et la Cour européenne des droits de l'homme indique qu'il est possible de passer outre la Cour de cassation pour s'adresser directement à elle. Je préconiserai donc de modifier le statut des avocats de cassation, car la situation actuelle est très questionnable.

Ces terrains sont, pour la plupart, captés par des promoteurs, notamment dans les grandes villes d'Île-de-France. J'encourage la commission à se rendre dans les anciennes plaines d'épandage. Avec deux cas positifs sur six dépistages à Carrières-sous-Poissy, je ne vois pas comment l'ARS peut nier tout problème. Pourquoi l'ARS ne réalise-t-elle pas ces dépistages comme le préconise le Haut Conseil de santé publique alors que des intoxications sont avérées ?

Je reviens sur des données parues dans la presse, précisant la dégradation du quotient intellectuel de certains pays européens. En quinze ans, nous avons perdu plus de 10 points de quotient intellectuel (QI). Le plomb crée des troubles et des baisses de QI. Il est grand temps d'agir. Au-delà des problèmes de compétences et de formation, il faut dire la vérité et agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

J'ai relevé deux angles morts dans l'organisation collective autour de ces questions de pollution. Sur le recensement et l'identification, il existe un delta important entre la législation et sa mise en pratique. Nous pourrions évoquer l'absence d'actualisation de Basol, l'arrêt de l'inventaire des établissements scolaires, etc. Il semble difficile d'aller jusqu'au bout de l'identification.

À cela s'ajoute une difficulté dans le passage entre mise en sécurité et dépollution et cette difficulté est peut-être de nature budgétaire. Des dispositifs existent pour la mise en sécurité, mais l'étape de la dépollution ne se franchit pas facilement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Dans chaque département, pourquoi ne mettrions-nous pas au point un protocole comme nous en avons déjà pour les alertes neige, pluie ou inondations pour ces problèmes de pollution ? Je suis un peu désarçonnée par le manque de réactivité de certains services. Pourquoi ne déclencherions-nous pas un dispositif de précaution avec des dépistages systématiques lorsque de tels événements se produisent ? Au départ, les services ont ciblé les enfants de 8 à 10 ans, puis jusqu'à 11 ans. À l'été, j'ai demandé à la ministre des solidarités et de la santé un dépistage à la fois des enfants et des adultes.

Face à ces événements, nous devrions dépasser les débats d'experts et appliquer une grille de procédure pour déclencher un dépistage et un suivi des personnes. Dans l'Aude, la problématique santé n'a fait surface que lorsque des familles se sont rendues à l'hôpital. Le suivi sanitaire a été abandonné à un moment donné sans que les résultats aient été portés à la connaissance du public. Nous souhaiterions aboutir à la proposition d'un processus qui soit le plus adapté possible et qui pourrait être appliqué de façon identique partout.

Debut de section - Permalien
Pascal Boury

Il existe un seul processus aujourd'hui, le processus relatif au plomb, et il est clair et net. Je ne peux que vous conseiller de vérifier la présence de plomb à Salsigne. Le saturnisme est une maladie à déclaration obligatoire, qui doit donner lieu à des mesures d'urgence. Appliquons déjà le seul processus qui existe. Nous sommes aujourd'hui dans le déni le plus total sur le sujet et cette situation doit cesser.

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Maryse Arditi. - E

ffectuer une réelle analyse d'un site pollué est tout un art. Trois mois après les inondations, le bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) a affirmé que celles-ci n'avaient pas entraîné de sur-pollution. Or ses équipes avaient réalisé des mesures à un endroit déjà pollué. D'autres ont étudié le passage de l'inondation et ont trouvé de la pollution dans des zones qui n'étaient pas polluées auparavant.

Nous devons évoquer Basol, Basias et les secteurs d'information des sols (SIS). Avant la mise en place des SIS, il était prévu de définir des secteurs d'alerte sur les sols, mais les élus ont rejeté le terme d'alerte. Si ces sites pollués se trouvent au milieu d'une ville, où le terrain coûte cher, vous trouverez toujours quelqu'un pour dépolluer plus ou moins bien, mais les sites de campagne ne seront jamais dépollués, car le terrain n'a pas de valeur.

Debut de section - Permalien
Nicolas Husson

La difficulté à laquelle nous sommes confrontés bien souvent en France touche aux disparités territoriales d'appréhension des problématiques environnementales. Dans un contexte urbain dense, réhabiliter du passif foncier dégradé ne posera aucun problème, compte tenu de sa valeur de reconversion d'usage. La situation se révèle beaucoup plus complexe lorsqu'il s'agit de sites orphelins dans des villages ou des milieux ruraux délaissés.

En introduisant des disparités de traitement dans les régimes de cessation d'activité, entre la déclaration simple, que nous retrouvons généralement en milieu rural, et l'enregistrement/autorisation, plus souvent utilisé en contexte métropolitain, nous risquons d'induire une augmentation du nombre de friches industrielles. Dans de petites villes, il faudrait peut-être introduire des notions financières. L'argent reste quand même le nerf de la guerre. Sur Salsigne, plusieurs millions de tonnes de terres sont contaminées à l'arsenic et le coût est absolument exorbitant. Pour les sites orphelins qui présentent potentiellement des risques sanitaires lorsqu'ils n'ont pas été mis en sécurité par le dernier exploitant, il convient de trouver des solutions imaginatives du point de vue réglementaire, technique et méthodologique pour sensibiliser les inspecteurs des installations classées et les doter d'outils leur permettant de prescrire, auprès du dernier exploitant, des solutions de reconversion, en s'appuyant sur des mécanismes financiers d'attractivité territoriale. Cette démarche rejoint d'ailleurs le groupe de travail lancé par Emmanuelle Wargon sur la réhabilitation des friches.

Une réflexion pourrait être menée avec des acteurs comme le laboratoire d'initiatives foncières et territoriales innovantes (Lifti), dont FNE, l'Ademe, le BRGM ou l'Ineris sont partenaires, pour trouver des leviers sur ces terrains délaissés qui présentent potentiellement des risques. Nous pourrions aussi rechercher des solutions fiscales permettant de redonner de l'attractivité au territoire, faire en sorte que ces friches redeviennent des lieux de vie ou des espaces de nature. La nature peut parfaitement reprendre sa place sur une friche urbaine qui peut redevenir un lieu de vie et d'attractivité socioéconomique, démographique et de relance des territoires.

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André Picot

Notre association ne défend pas du tout la fermeture définitive de toutes les mines. Nous sommes bien conscients que la demande de certains minéraux rares pourrait peut-être trouver une solution, mais à une condition, que nous réhabilitions ce qui peut l'être. À Saint-Félix-de-Pallières, je ne vois pas très bien comment nous pourrions traiter un terril présentant 500 grammes par kilo de plomb. En revanche, il existe sans doute des endroits où les mines pourraient être réhabilitées et retrouver un nouvel usage industriel.

Certaines personnes sont formées, mais elles ne peuvent pas parler. Je prendrai l'exemple du BRGM. Ses agents sont extrêmement compétents dans le domaine des mines, mais ils ne peuvent pas diffuser leur savoir. Cette problématique relève d'un enjeu politique qu'il faudrait relever, car le savoir doit être diffusé.

L'ARS doit réaliser des analyses en cas de pollution. À Saint-Félix-de-Pallières, devant la pression des riverains, le préfet ordonne des analyses. Un lundi matin, il est demandé aux riverains d'apporter un flacon d'urine. Une vingtaine de flacons présente des taux d'arsenic anormaux. Or l'ARS répond que ces personnes avaient certainement mangé des moules durant le week-end. Certains organismes marins accumulent effectivement de l'arsenic, mais celui-ci est totalement inoffensif. Cette réponse démontre encore une fois que les équipes des ARS n'ont pas de formation en toxicologie. Il s'agit moins d'un problème de moyens financiers que de volonté.

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Jean-François Narbonne

Il me semble indispensable d'établir une cartographie. Si vous abordez le problème d'un point de vue sanitaire, vous serez confrontés à des difficultés d'épidémiologie et de puissance statistique. Le QI n'est pas seulement affecté par le plomb ; il faut aussi tenir compte des antithyroïdiens et des perturbateurs endocriniens. Si vous dépassez un seuil de plomb dans le sol, il faut s'occuper du sol et ne pas attendre que les enfants soient malades. Nous n'avons pas besoin de prises de sang pour savoir que le sol est pollué. Pour déterminer si les pesticides déclenchaient la maladie de Parkinson chez les agriculteurs, il a fallu une étude de deux millions de personnes en Australie.

La cartographie vous donne déjà des informations. En outre, elle est indispensable pour lancer une étude épidémiologique. Vous ne réalisez pas une étude épidémiologique sur un département, mais sur un site pollué et un site témoin. Il existe un problème budgétaire. Une étude sanitaire avec des biomarqueurs d'exposition exige un budget. En général, les ARS, estimant que le sujet les dépasse, renvoient le dossier à Santé publique France. Il faut qu'un institut national intervienne, car certaines ARS ne sont pas formées et répondent mal. Pour pallier cette hétérogénéité locale, il faudrait un staff national qui puisse se déplacer dans la zone en cas d'alerte, pour effectuer une cartographie et juger si un site est pollué, en fonction des seuils. Sur cette base, nous pourrions alors définir des zones sur lesquelles une étude épidémiologique pourrait être menée.

A l'INVS, nous avons défini des valeurs de référence sur de nombreux métaux qui permettent de déterminer si les personnes qui habitent dans certains endroits sont plus exposées que la moyenne des Français. Nous avons gagné un procès sur un incinérateur non pas en affirmant que les habitants avaient plus de cancers, mais en montrant que la retombée des fumées avait contaminé les oeufs et le lait et que les personnes qui avaient consommé ces produits avaient plus de dioxine dans le corps. Cette surexposition entraînait une mise en danger.

Il faut des outils et des équipes pluridisciplinaires formées, avec des vétérinaires, des hydrogéologues, des médecins. Les médecins ne doivent pas être en charge de tout, car ils ne savent pas grand-chose de la pollution des sols. Ces équipes doivent être en mesure de se déplacer dans les différentes zones d'alerte pour travailler en collaboration avec les ARS. Sur Saint-Félix-de-Pallières, des prélèvements urinaires ont été réalisés par Santé publique France sur plus de 600 personnes et ont été comparés par rapport au dosage des sols et dans l'eau.

En nous concentrant sur les critères sanitaires humains, nous oublions aussi les critères sanitaires environnementaux. Il faut tenir compte des animaux, des plantes. Il existe des seuils sanitaires sur les impacts environnementaux. Si vous devez étudier la pollution d'un site, vous devez examiner le site dans toutes ses dimensions.

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Pascal Boury

Nous ne faisons pas une prise de sang pour déterminer si le sol est pollué, mais notamment pour détecter le saturnisme, « pour que les enfants et leur famille puissent échapper à la menace », comme l'écrit clairement le Haut Conseil de santé publique dans son rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Vos propos m'ont confortée dans l'idée qu'il existe une problématique d'ordre national sur ce sujet. Au-delà de la pollution du sol, nous devons provoquer une chaîne de réactivité, car la dimension santé n'est pas toujours prise en charge par l'ARS. J'ai noté une volonté de ne pas donner d'éclairage national. Or cette piste mérite d'être approfondie.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous allons nous arrêter là. N'hésitez pas à nous transmettre vos propositions dans les jours à venir.

Debut de section - Permalien
Nicolas Husson

Quelles seront les suites données à cette commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Nous avons démarré les auditions hier. Il est difficile de vous préciser à ce stade le résultat auquel nous aboutirons. Les commissions peuvent éventuellement donner lieu à des propositions de loi.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 20 h 10.