Nous avons le plaisir d'accueillir M. Patrick Lefas, vice-président du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), accompagné de M. Christophe Strassel, secrétaire général du CPO, et des magistrats qui ont préparé ce rapport.
Votre travail complète celui présenté il y a deux semaines par la Cour des comptes sur le financement des collectivités territoriales, dont vous reprenez d'ailleurs certaines propositions.
C'est peu de dire que le sujet du « zéro artificialisation nette » (ZAN) est un sujet d'actualité qui soulève de très grandes interrogations dans les collectivités locales. Vos travaux susciteront, j'en suis sûr, un très grand intérêt dans cette assemblée et je vous remercie de nous présenter vos conclusions avant que nous examinions la première partie du projet de loi de finances.
Cette commande faisait suite à un rapport remis par notre collègue Jean-Baptiste Blanc en juin dernier sur les outils financiers du ZAN. Vos travaux intéresseront également la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du ZAN, dont fait partie notre commission et qui est présidée par Valérie Létard dont je salue la présence parmi nous.
Je laisse la parole au président Lefas.
Je dois d'abord vous prier de bien vouloir excuser M. Pierre Moscovici, président du CPO, qui n'a pas pu être présent ce matin. Vous aviez eu l'occasion de l'entendre le 12 octobre dernier, en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes, pour la présentation des « scénarios de financement des collectivités locales », et il avait pu mesurer lors de cette audition le vif intérêt que soulève au sein de votre commission le sujet du « zéro artificialisation nette » des sols, qui nous réunit aujourd'hui. Je suis venu ce matin, accompagné de Christophe Strassel, conseiller maître et secrétaire général du CPO, ainsi que des rapporteurs : Mme Claire Falzone, conseillère référendaire en service extraordinaire et M. David Carmier, conseiller référendaire.
J'ai grand plaisir à vous présenter aujourd'hui les conclusions de l'étude que vous avez commandée au CPO sur « la fiscalité locale dans la perspective du ZAN ». Il y a plusieurs raisons à cela.
La première d'entre elles réside dans le caractère novateur de la procédure par laquelle vous avez bien voulu saisir le CPO. Il s'agit en effet de la première utilisation de l'article L. 331-3 modifié du code des juridictions financières qui prévoit que le CPO « peut être saisi pour avis, (...) en vue d'apprécier les incidences économiques, sociales, budgétaires et financières de toute modification de la législation ou de la réglementation en matière d'impositions de toutes natures ou de cotisations sociales. Les résultats de ces études et avis (...) sont rendus publics ». Introduite par la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques, cette nouvelle compétence est doublement ambitieuse. Tout d'abord, par sa portée sur la formulation des politiques publiques d'abord, puisqu'elle permet au CPO d'intervenir en amont des décisions de politiques fiscales et de prélèvements sociaux afin de les éclairer, et plus seulement, comme cela était le cas jusqu'à présent, en aval de ces décisions pour faire des évaluations et recommander des correctifs. Ensuite, par les délais de réalisation des rapports concernés. Même si la loi n'impose rien au CPO dans ce domaine, nous avons souhaité pouvoir nous mettre en situation de répondre à ces saisines dans un délai de trois mois, afin d'inscrire les réflexions du CPO dans le temps de la décision politique, c'est-à-dire en l'occurrence de l'examen du projet de loi de finances par votre haute assemblée. Nous espérons, à l'occasion de ce premier rapport, attester de l'intérêt de cette procédure pour éclairer les choix politiques en matière de prélèvements obligatoires.
La deuxième raison pour laquelle je me réjouis d'être devant vous ce matin, vient de ce que le sujet sur lequel vous avez sollicité l'expertise du CPO concerne l'environnement. Dans les années qui viennent, les prélèvements obligatoires seront mobilisés de plus en plus souvent pour faire face aux enjeux liés à la transition énergétique et climatique. Dans ce domaine complexe de la fiscalité environnementale, presque taboue depuis la crise des gilets jaunes et le quasi abandon de la taxe carbone, le CPO souhaite contribuer à la définition d'une stratégie qui permette un infléchissement effectif des comportements, ce qui suppose que les instruments mis en oeuvre soient à la fois pertinents sur le plan technique, mais aussi acceptables pour nos concitoyens et pour les entreprises.
Le rapport que nous vous présentons aujourd'hui porte sur « la fiscalité locale dans la perspective du ZAN », avec ses deux jalons que vous connaissez bien. De 2021 à 2031, le rythme d'artificialisation des espaces naturels agricoles et forestiers (ENAF) doit être divisé par deux par rapport au rythme de la consommation réelle de ces espaces observée sur les dix années précédentes. D'ici 2050, la France doit atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette des sols.
Vous nous avez fait parvenir la commande de votre commission par votre lettre du 8 juin dernier. Comme je l'indiquais précédemment, nous avons souhaité pouvoir vous répondre en moins de trois mois, afin de rester dans le calendrier de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Pendant cette période, une cinquantaine d'entretiens ont pu être réalisés par l'équipe de rapporteurs auprès des différentes parties prenantes : administrations, collectivités territoriales, organisations professionnelles, entreprises. Ces entretiens ont été décisifs pour nous permettre de faire progresser notre réflexion puisqu'il n'existe aujourd'hui que très peu de littérature administrative et académique sur le ZAN, qui reste encore un sujet très neuf, y compris chez nos partenaires européens. Nous avons souhaité rester au plus près de vos préoccupations en organisant plusieurs temps d'échange avec votre rapporteur général et le sénateur Blanc, que je remercie pour leur disponibilité. Les réponses attendues du CPO portaient essentiellement sur deux questions : est-ce que l'objectif ZAN va modifier les équilibres financiers des collectivités territoriales et de leurs groupements, et si oui, quels ajustements peuvent-ils être envisagés ? La fiscalité locale peut-elle envoyer un signal prix aux acteurs économiques pour faciliter l'atteinte de l'objectif ZAN, et, si oui, quelles modifications doivent-elles y être apportées ?
Nos réponses à ces questions sont séquencées dans le temps et distinguent les mesures qui peuvent être envisagées à court terme et celles qui concernent des évolutions à moyen ou à long terme.
En termes de périmètre, notre étude a porté sur les prélèvements fiscaux locaux les plus susceptibles de jouer un rôle dans les comportements d'artificialisation des sols : les taxes foncières, la cotisation foncière des entreprises (CFE), la taxe d'aménagement, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la taxe d'habitation sur les logements vacants, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, la taxe sur les friches commerciales et les taxes spéciales d'équipement. Ce périmètre représentait, en 2021, 65 milliards d'euros de recettes, soit un peu plus du tiers de l'ensemble des impositions de toute nature, affectées aux collectivités locales ou collectées par elles. Nous avons exclu la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) parce qu'un rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat avait fait un tour très complet du sujet en liaison avec les parties prenantes.
Partant de ce périmètre de prélèvements, notre réflexion a abouti aux trois grands messages suivants.
Tout d'abord, la fiscalité locale n'est pas responsable à titre principal de l'artificialisation, mais elle peut devenir un outil plus efficace au service de l'objectif ZAN.
Ensuite, un changement de paradigme pour adapter la fiscalité locale au ZAN est souhaitable.
Enfin, des travaux complémentaires sont nécessaires avant de conférer un rôle plus important à la fiscalité locale dans la mise en oeuvre du ZAN.
Concernant le premier constat, il nous semble important de souligner avec force que la fiscalité locale, telle qu'elle se présente aujourd'hui, est un déterminant très marginal dans les décisions qui conduisent à artificialiser des sols. Un rapport conjoint de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFFSTAR), qui constitue la principale analyse fiable à cet égard, aboutit sans ambiguïté à cette conclusion. Il montre notamment que le poids économique de la fiscalité locale - qui représente, par exemple, 5 % des charges dans une opération immobilière - ne peut avoir pour effet d'influencer de manière significative les décisions d'artificialisation. À l'inverse, la fiscalité locale n'incite pas davantage à lutter contre l'artificialisation des sols. Il n'y a, en effet, dans notre panoplie fiscale aucun instrument qui aurait pour effet d'inciter à la renaturalisation des sols, ou encore, à la conservation en l'état d'une parcelle non artificialisée.
De ces premiers constats, le CPO tire une première série de recommandations, tendant à mettre en oeuvre des dispositifs fiscaux ciblés favorables à l'objectif ZAN.
Les deux premières recommandations visent à utiliser la fiscalité pour limiter la vacance des habitations et réguler les résidences secondaires, afin de répondre à la demande croissante de logements.
Pour cela, il est proposé, en premier lieu, de supprimer le critère du nombre d'habitants, qui est fixé actuellement à 50 000, pour la taxe sur les logements vacants, tout en conservant le critère de tension sur le marché immobilier. La suppression du critère du nombre d'habitants est également proposée, pour la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires.
En deuxième lieu, il est proposé de fusionner les deux taxes sur les logements vacants en une taxe unique qui serait transformée en impôt local.
Une troisième recommandation vise à mieux sensibiliser les collectivités locales aux outils existants pour lutter contre l'artificialisation, ces outils restant souvent mal connus et, en définitive, peu utilisés lorsqu'ils existent. Pour cela, il est proposé d'inscrire à l'ordre du jour des assemblées municipales et communautaires, dans le cadre du rapport triennal sur l'artificialisation des sols, un débat portant sur le recours aux instruments fiscaux concourant à l'objectif ZAN.
Une quatrième recommandation porte sur les exonérations et abattements appliqués à la fiscalité locale, qui devraient être mise en cohérence avec l'objectif ZAN, en étant réservés aux opérations non artificialisantes. Plus précisément, le CPO recommande de réserver les exonérations de taxes locales aux opérations sur zones déjà artificialisées, en particulier les opérations de recyclage urbain.
Toutes les mesures qui viennent d'être énumérées présentent comme caractéristique de pouvoir être mises en oeuvre rapidement.
Dans un deuxième temps de sa réflexion, le CPO a souhaité proposer des orientations à plus long terme. La logique générale de ces recommandations est de taxer, pour les mutualiser, les rentes qui seront engendrées par un foncier plus rare. Ainsi, du fait de la mise en oeuvre de l'objectif ZAN, le prix des terrains nus devenus constructibles risque d'augmenter dans des proportions importantes. C'est pourquoi le CPO propose d'augmenter le taux de la taxe locale sur les plus-values de cessions de terrains nus rendus constructibles et d'envisager la suppression de la clause dite des « 18 ans », au-delà de laquelle ces plus-values sont aujourd'hui exonérées.
Le CPO a par ailleurs considéré que le ZAN allait entraîner des différences importantes dans la dynamique des recettes foncières des collectivités locales. En effet, ce sont non seulement les taxes foncières qui vont évoluer différemment en fonction de la répartition des espaces constructibles sur le territoire, mais aussi la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui est aujourd'hui directement corrélée au développement des communes. Pour les communes éligibles, environ 4 200 en 2021, la DGF est déterminée en fonction du potentiel financier, de l'effort fiscal, de la population et du classement en zone de revitalisation rurale, lequel majore de 30 % l'attribution perçue.
En conséquence, le CPO attire dès à présent l'attention sur la nécessité d'intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes de solidarité horizontaux et verticaux, à destination des collectivités et de leurs groupements.
Dans le même esprit, le CPO recommande d'intégrer les conséquences du ZAN dans la réflexion en cours sur la refonte du système de financement des collectivités locales. Ainsi, il est proposé, d'une part, d'envisager l'affectation des DMTO au bloc communal, comme la Cour l'a proposé dans le rapport qui vous a été présenté il y a 15 jours, et d'étudier la pertinence de taux variables de DMTO en fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières. Il est proposé d'autre part d'intégrer les conséquences du ZAN dans les projections réalisées pour la réforme des bases locatives cadastrales et d'envisager des mesures de correction ou de compensation si les résultats vont dans un sens contraire à l'objectif.
Dans un troisième temps de sa réflexion, le CPO a exploré les sujets sur lesquels des travaux complémentaires sont nécessaires avant de pouvoir donner un rôle plus important à la fiscalité locale dans la mise en oeuvre du ZAN.
Tout d'abord, un chiffrage des impacts financiers du ZAN pour l'ensemble des parties prenantes (collectivités, État, entreprises, ménages) reste à réaliser. Pour le moment, seule existe une étude très partielle du cabinet Carbone 4 pour le compte de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), qui chiffre le coût de réhabilitation des friches commerciales dans une fourchette comprise entre 77 et 106 milliards d'euros. C'est intéressant, mais évidemment trop partiel. C'est pourquoi le CPO insiste sur la nécessité de ce travail de chiffrage, qui devrait être confié aux administrations compétentes qui seraient également chargées d'identifier les pistes de financement de ces coûts.
Par ailleurs, en l'absence d'un tel chiffrage, le CPO a considéré que toute réflexion sur une « taxe ZAN » serait très prématurée. En revanche, il recommande d'étudier l'extension de la couverture géographique des établissements fonciers à l'ensemble du territoire national - cela concerne deux régions - Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire -, ainsi que celle de la taxe spéciale d'équipement affectée à leur financement.
Enfin, le CPO recommande d'étudier la pertinence d'un système de bonus-malus dans le calcul de la taxe d'aménagement pour favoriser les opérations de dépollution ou de réaménagement et taxer davantage les opérations artificialisantes.
Le chemin qui reste à parcourir pour mettre en cohérence la fiscalité locale et l'objectif ZAN est donc encore long. Le CPO ne prétendait pas, dans le délai qui lui était imparti, traiter l'ensemble des conséquences du sujet, qui suppose un important travail de documentation, notamment en matière d'analyse économique et économétrique, de la part des administrations compétentes et des chercheurs avec l'aide des secteurs économiques les plus concernés, qui doivent s'emparer du sujet. Le CPO reste à la disposition du Sénat pour approfondir tel ou tel aspect du présent rapport. Il ne s'interdit pas d'y revenir de sa propre initiative dans un proche avenir, tant les enjeux qui sous-tendent cette question sont importants et encore largement inexplorés malgré l'urgence climatique.
Je vous remercie pour votre attention et me tiens à votre disposition, avec le secrétaire général du CPO et les rapporteurs, pour répondre à vos questions.
rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ». - Je remercie également le CPO pour ce travail de grande qualité, d'autant qu'il n'existe pas de littérature sur le sujet. Tout est à construire. C'est ce qu'essaie de faire le Sénat avec la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette », présidée par Valérie Létard et dont je suis le rapporteur, qui rendra ses travaux dans les prochaines semaines. Le rapport du CPO alimentera nos travaux, car en marge de tous nos sujets ZAN qui interrogent les élus locaux, il y a en toile de fond le modèle économique du ZAN, son financement et les perspectives d'une nouvelle fiscalité locale.
En effet, vous ne pouviez pas en si peu de temps proposer un grand soir de la fiscalité locale, mais vous proposez de très nombreuses pistes que nous pourrions utiliser dès le projet de loi de finances.
Comme vous le signalez, il y a déjà des taxes existantes, dont s'emparent assez peu les élus locaux. Cela est regrettable car nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut fiscaliser ce sujet, en récompensant la vertu.
Des assiettes peuvent aussi être toilettées tout de suite.
Enfin, votre étude comporte un volet plus prospectif avec la nécessité de la création d'un impôt ou d'une taxe ZAN dans le cadre de la refonte de la fiscalité locale. L'aspect redistributif que vous abordez est essentiel, car il y aura des perdants du ZAN, ce qui implique des mécanismes de péréquation horizontale et verticale.
Nous avons au Sénat alerté sur les dangers de voter une loi trop vite, et sur la nécessité d'une approche territoriale ascendante, en partant des élus locaux, des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des droits de proposition. Les élus déposent dans chaque région des propositions via leur SCOT, puis les régions sont en train de prendre le relais pour discuter de ces propositions dans le cadre de la révision de leur schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Mais, votre rapport relève à juste titre que les villes moyennes dans leur périphérie notamment, et la ruralité, manquent d'ingénierie et d'accompagnement sur le sujet. Des réponses juridiques doivent être trouvées, éventuellement par la loi, et sans doute par les finances et la fiscalité.
S'agissant du renvoi aux travaux sur la TASCOM, nous aurions aimé en savoir plus.
Sur le modèle économique du ZAN, il faudra sans doute plus d'une étude, pour le chiffrer plus précisément. Vous produisez des chiffres concernant les friches industrielles qui sont très importants. En effet, pour l'heure nous ne savons pas si ce qui nous est proposé en matière de fonds friches, qui devient fonds vert, est suffisant pour répondre aux enjeux. Il apparaît que des sommes beaucoup plus importantes devront être mobilisées, mais il reste à savoir quelles seront les sources de financement.
Pour conclure, je souhaite évoquer les dispositifs fiscaux ciblés qu'on pourrait mettre en oeuvre rapidement.
Tout d'abord, la suppression du critère de 50 000 habitants pour la taxe sur les logements vacants et la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires me paraissent simples et rapides à mettre en oeuvre pour limiter la vacance et réguler les résidences secondaires.
Ensuite, je partage aussi votre étonnement sur la suppression du versement pour sous densité (VSD) l'an dernier. Il était certes peu utilisé, mais cela me paraitrait intéressant de le remettre au goût du jour.
Enfin, des réflexions sont en effet à mener sur les abattements et exonérations à la fiscalité locale. À ce titre, la suppression des niches fiscales artificialisantes me paraît intéressante.
La fiscalité est véritablement à même de modifier les comportements. Nous avons toutefois un léger désaccord sur le caractère artificialisant de la fiscalité. Nous sommes dans un pays qui s'est étalé, ce qui a généré par voie de conséquence de l'artificialisation et de la fiscalité.
Pour la réflexion plus prospective, de mon point de vue, il convient de taxer la rente, le comportement, ou du moins ouvrir le sujet sur la question dès lors que le foncier va devenir plus rare et plus cher. Il convient aussi de prendre en compte les écarts de potentiel fiscal. En effet, le littoral, la montagne, la ruralité sont restreints dans leurs capacités d'aménagement et seront ainsi pénalisés dans les possibilités de rendement pour financer le ZAN. Les dotations doivent sans doute être aussi revues.
Outre le potentiel fiscal, les rééquilibres nécessaires des critères de péréquation, pour qu'il n'y ait pas de perdants du ZAN, vont aussi être un sujet.
Sur la création d'un impôt ou d'une taxe ZAN, la suppression programmée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) aurait pu être l'occasion de se pencher sur la question, mais les DMTO sont une piste très intéressante. Le transfert des DMTO au bloc communal changerait tout, et il pourrait en effet avoir un volet additionnel à ces DMTO, si la taxe d'aménagement ne suffit pas.
Je suis très heureux que notre commission ait mandaté le CPO sur la question car nous imaginions bien qu'il y avait des interrogations sur le ZAN. Votre rapport démontre qu'il faut adopter une vision large du sujet. Il apparaît que de nombreux sujets peuvent assez rapidement faire l'objet de réformes, ou du moins de préconisations. D'autres nécessitent comme vous l'avez souligné des travaux complémentaires.
Dans tous les cas et de manière générale, ce sujet révèle encore une fois notre incapacité à travailler dans le bon ordre. Des textes sont votés et ensuite nous nous rendons compte que tout le travail préalable manque. Nous réfléchissons a posteriori à des sujets qui auraient dû être abordés par le gouvernement dès le dépôt du projet de loi. Cette pratique ne date pas que de ce quinquennat et de ce gouvernement, et a pu être constatée aussi pour la réforme de la taxe professionnelle. Je me félicite donc que le Sénat suscite cette réflexion en matière de ZAN.
Je souhaite tout d'abord remercier le président Raynal, le rapporteur général ainsi que le rapporteur de notre mission conjointe de contrôle, Jean-Baptiste Blanc, de leur invitation à cette réunion.
Cet éclairage du CPO sera particulièrement utile aux travaux du Sénat. Comme l'a constaté Jean-Baptiste Blanc lors de ses travaux précurseurs sur le sujet, et comme nous l'avons aussi constaté dans le cadre des travaux de la mission conjointe de contrôle, le Sénat est très attendu sur les solutions que nous apporterons à la fiscalité et au financement du ZAN. La demande de la commission des finances est donc essentielle. Elle n'est peut-être pas arrivée dans le bon ordre, il aurait fallu que le Sénat se positionne par rapport à une initiative gouvernementale qui aurait dû intervenir en amont.
Nos auditions ont aussi permis de constater que les études d'impact étaient bien trop muettes sur bon nombre d'aspects qui traitent du ZAN.
Notre mission conjointe de contrôle a identifié trois enjeux absolument centraux sur lesquels il nous faudra collectivement apporter des solutions.
Premièrement, il y a des « effets de bord » de la fiscalité au regard du ZAN. Originellement conçus pour d'autres fins - comme encourager la construction de logements ou taxer la détention de foncier valorisé grâce au bâti - nos impôts et taxes ne sont plus forcément adaptés à nos enjeux de transition environnementale du XXIe siècle. À tout le moins, il faut les repenser globalement.
Deuxièmement, il faut dégager de nouveaux moyens pour financer l'action de l'État et surtout des collectivités locales pour financer le « ZAN ». On s'oriente vers des opérations de recyclage foncier bien plus coûteuses que la construction nouvelle « simple » et des coûts de mise en réserve foncière qui augmenteront. Avec ces nouveaux équilibres, quelles ressources nouvelles prévoit-on pour la fiscalité locale ?
Troisièmement, et cet aspect me paraît fondamental, comment allons-nous aborder les effets redistributifs du « ZAN » ? Certains Français vont voir leurs terrains perdre fortement en valeur lorsqu'ils deviendront inconstructibles ; d'autres vont beaucoup gagner sans action aucune, grâce à la hausse des prix fonciers, voire la spéculation. Dans l'intérêt général, et dans un objectif d'équité, comment allons-nous modérer ces effets sur le patrimoine et les prix ?
Pour traiter de ces sujets, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Certains sujets sont simples, et pour ceux-ci nous pouvons avancer rapidement. Pour d'autres, il faudra mesurer l'ampleur et les conséquences des propositions que nous ferons. La réussite du ZAN passera par la capacité et les moyens que nous mettrons à trouver des solutions pour encourager à la mobilisation du foncier, tout en restant justes et équitables.
En premier lieu, je ne sais pas si le plan « France Nation verte » présenté par le Gouvernement, qui annonce à nouveau une nouvelle méthode, sera utile. Je crois autant au pragmatisme de notre assemblée, qui consiste au préalable à réfléchir à la manière de mettre en oeuvre le ZAN.
En deuxième lieu, il y a un enjeu majeur de financement. La suppression des taxes et impôts, remplacée par des dotations de l'État, a pour effet de déresponsabiliser, d'appauvrir et de créer des mécontentements. L'échec de la taxe carbone il y a quelques années ne doit pas être un prétexte pour éviter le sujet majeur de la fiscalité environnementale, qui doit être au coeur de nos débats, eu égard aux inquiétudes de nos concitoyens. Le Sénat doit donc solliciter des expertises pour construire des débats, avec des accords, des lignes directrices, mais aussi en prenant en compte les avis divers au sein de tous les territoires.
Cette méthode met parfois un peu plus de temps dans la recherche de modalités fiscales et financières, mais elle permet de trouver un point d'équilibre afin que le dispositif puisse fonctionner.
Je n'aurai que deux questions.
La première concerne votre proposition de fixer des taux variables sur les DMTO en fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières. Avez-vous identifié des travaux existants qui permettraient d'approfondir cette piste, et avez-vous en l'état des éléments sur les niveaux de densité, sachant qu'il faudrait qu'ils soient adaptés aux situations locales ?
Ma seconde question porte sur les travaux de l'administration centrale s'agissant de la prise en compte de la problématique ZAN dans la fiscalité locale. En avez-vous identifié sur le terrain, en parallèle des réflexions que conduisent les collectivités territoriales ?
La définition des taux variables est une piste intéressante, qui devra toutefois être validée par le Conseil constitutionnel.
L'idée de base qui nous permet de dire qu'il s'agit de la bonne direction est qu'aujourd'hui, il y a une réduction des DMTO sur le neuf. La question se pose donc d'inverser cette logique actuelle.
Sur les travaux des administrations au sujet de la prise en compte de la problématique ZAN dans la fiscalité, nous avons beaucoup sollicité la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la direction générale des finances publiques (DGFiP). Notre rapport dresse finalement l'état de l'art et nous n'avons pas de réponse supplémentaire.
Toutefois, cela renvoie à la question des études d'impact. Sur la période 2009-2010, 31 000 hectares d'ENAF ont été consommés, contre 21 000 sur la période 2020-2021. L'étude d'impact, qui vous a été présentée au moment où vous avez examiné la loi, ne prévoyait qu'une prolongation de cette tendance. Cela revient en 2031 à consommer 10 000 hectares, c'est-à-dire d'avoir diminué la consommation de 60 000 hectares sur la période, soit 6 000 hectares par an. On était sur une tendance en 2020 à 240 000 hectares, et il faut passer à 180 000 hectares. Ce n'est pas grand-chose à l'échelle de dix ans, mais cela pose la question de qui va supporter cet effort.
Le ZAN illustre une nouvelle fois les faiblesses des études d'impact, qui font seulement l'objet d'un contrôle juridique préalable par le Conseil d'État. La même situation s'est posée en 2018 avec le vote annoncé de la taxe carbone, alors que notre rapport de 2019 a clairement démontré qu'elle n'affectait pas de la même manière tous les acteurs, selon qu'ils vivaient en ruralité ou en ville, qu'ils avaient une contrainte automobile ou bien qu'ils pouvaient s'appuyer sur des transports collectifs.
Il y a donc une nécessité à passer du descendant à l'ascendant, comme l'évoquait le rapporteur général.
La TASCOM est une problématique qui a une incidence sur les différentes composantes de la distribution, les problématiques d'acteurs ainsi que le rôle du commerce en ligne. Les acteurs de la profession doivent donc être consultés.
Le ZAN est une question prioritaire pour nos territoires et pour nos élus. Je voudrais insister sur la notion de différenciation dans sa dimension juridique et fiscale. Au-delà de la compétence du CPO, cette question pourrait-elle être traitée sous l'angle du financement des collectivités territoriales ? C'est-à-dire dans son volet fiscal mais aussi à travers d'autres sources de financement, en résonance avec le rapport que la Cour des comptes nous a présenté la semaine dernière. Vous y faites notamment référence dans la proposition relative aux DMTO. Par ailleurs, je voudrais insister sur une approche, plus incitative que punitive, ce sont les fameuses aménités rurales qui ne pèsent au sein de la DGF que 30 millions d'euros, mais qui pourraient être un levier afin de répondre aux enjeux des ZAN. Comment pensez-vous que cette dimension pourrait être activée ?
Je partage tout à fait le point de vue du président de la commission des finances. Ce sujet illustre parfaitement le fait que l'on vote d'abord un texte et qu'on se préoccupe seulement ensuite des conséquences de ce dernier. Or, souvent nous sommes amenés à colmater les brèches.
En préambule, mon point de vue est que le ZAN doit être appliqué de façon différenciée, même si la question de la sobriété foncière est réelle, selon les territoires, urbains et ruraux, sauf à vouloir condamner des territoires ruraux à disparaître.
Sur la question de la fiscalité, il y a certes un surcoût à l'application du ZAN et il est nécessaire d'y apporter des réponses. Pour ma part, je ne suis pas favorable à la création d'une taxe supplémentaire spécifique ZAN. Les réponses peuvent, peut-être, être apportées par des réorientations de fiscalité locale et très certainement par des aides à l'investissement lorsqu'il s'agit d'acquérir ou de réhabiliter des immeubles afin de réduire le surcoût par rapport aux constructions neuves.
Pensez-vous que l'ensemble de vos propositions peuvent être appliquées de manière identique dans les territoires urbains et ruraux ? Je pense par exemple à la proposition tendant à réserver les exonérations de taxes locales aux opérations sur zones déjà artificialisées, intéressante en elle-même, mais la question des friches, des zones déjà artificialisées, ne se pose pas de la même façon en milieu urbain et rural.
Enfin, pourrez-vous nous préciser les modalités de mise en oeuvre de la proposition tendant à intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes de solidarité horizontaux et verticaux à destination des collectivités ?
Le sujet du ZAN interpelle de plus en plus et fait craindre une fracture territoriale. À la suite de Valérie Létard, je dirais qu'une partie de nos concitoyens et de nos élus n'ont pas encore conscience des conséquences de ce dispositif. Un dispositif de lissage fiscal entre les collectivités, par exemple la réaffectation d'une part de dotation, serait une première étape. Dans un deuxième temps la rationalisation à marche forcée de l'urbanisation des territoires qui est visée par l'objectif ZAN va faire grimper la valeur du foncier. Dès lors, comment éviter que la spéculation immobilière ne se glisse dans les appels d'offres et que l'objectif de sobriété foncière ne se traduise plus que par un vaste marché spéculatif du foncier constructible ?
Je suis opposée au ZAN. Je ne comprends pas l'objectif de zéro, je trouve que cela va trop vite et qu'on est passé d'une artificialisation dérégulée à l'interdiction totale. Je suis opposée à toute évolution de la fiscalité locale sur ce sujet étant donné que nous ne sommes d'accord ni sur l'objectif ni sur la trajectoire. Il y a deux ans, personne ne connaissait le ZAN. Aujourd'hui artificialiser est devenu un crime. On va créer une révolte au sein des territoires, notamment ruraux. On est en train de retirer un droit essentiel, celui à vivre dans le territoire où on est né. Je ne vois pas au nom de quoi on fermerait des territoires à l'accueil des populations. Nous n'avons pas suffisamment réfléchi à ces questions fondamentales. La solution consistant à recycler des friches pour accueillir les populations dans les territoires me semble trop simpliste et trop coûteuse puisqu'elle augmente le coût du foncier. Enfin, nous sommes soumis à des injonctions contradictoires puisqu'on doit relocaliser nos industries ou accueillir les populations. Je reste donc perplexe et demeure dans l'attente d'un débat sur l'objectif et la trajectoire.
Le travail mené par le CPO nous sera certainement très utile pour bien appréhender la question importante du ZAN. J'ai pour ma part deux questions sur les recommandations du rapport. D'abord, sur la recommandation numéro une, s'agissant de la taxe sur les logements vacants : pourquoi ne l'étendez-vous pas à toutes les communes françaises et pourquoi supprimer le critère des communes de 50 000 habitants ? Je pense, en effet, que cette taxe doit être instituée à la diligence des conseils municipaux sur l'ensemble du territoire national. Ensuite, s'agissant de la recommandation numéro sept relative aux DMTO, si l'idée de les confier aux communes est une bonne chose, il est nécessaire de faire attention aux disparités de financement entre les communes. En effet, les DMTO génèrent dans certaines communes des recettes considérables, du fait des prix élevés de l'immobilier et de la part des résidences secondaires. Or, il est nécessaire de trouver un critère de pondération afin de faire bénéficier de cette manne l'ensemble des communes.
Je ne reviendrai pas sur les problèmes techniques d'application du ZAN qui n'en sont qu'à leurs balbutiements. Je voudrais en complément des observations du président et du rapporteur général, souligner le rôle du Sénat dans les travaux qui nous sont présentés durant ce mois sur la fiscalité locale et également leur complémentarité, notamment avec l'enquête de la Cour des comptes portant sur les scénarios de financement des collectivités territoriales. Ce rapport du CPO, complété par l'expertise de Jean-Baptiste Blanc, introduit une dimension environnementale qui nous manquait et soulève à la fois des problèmes d'équité territoriale mais aussi la question du lien entre la fiscalité et les comportements des acteurs. L'ensemble de ces éléments apporte de la matière à la refonte inéluctable de la fiscalité locale s'agissant d'un système âgé de plus d'un demi-siècle devenu totalement obsolète.
Je rejoins les propos de Sylvie Vermeillet. Je n'ai pas encore mesuré toutes les conséquences de la disposition législative fixant l'objectif du ZAN et je pense que cette dernière va engendrer de lourds problèmes. En effet, les maires risquent de penser qu'ils perdent leur compétence quant à l'urbanisation de leur commune.
S'agissant de la question des finances, l'objectif essentiel de la loi est de transformer des friches pour les rendre habitables. Si cette finalité est louable, elle va néanmoins impliquer un coût de traitement supplémentaire qui va augmenter le prix des biens immobiliers. En conséquence, ce surcoût risque de détourner les investisseurs immobiliers des territoires ruraux car la rentabilité ne sera pas suffisante. Je suppose que ces coûts de traitement seront compensés par des aides publiques mais j'ai besoin que l'on m'éclaire sur le sujet, qu'en est-il exactement ?
Ensuite, concernant les terrains constructibles qui risquent d'être déclassés et donc devenir non-constructibles et perdre par conséquent en valeur, ce point soulève deux interrogations financières. En premier lieu, sur ces terrains, une fiscalité a été appliquée en tant que terrains constructibles. Or, lorsque ces terrains deviennent déclassés, est-ce qu'un remboursement du surplus de la fiscalité prélevée est prévu, notamment s'agissant de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ? En second lieu, un apport d'argent public est-il prévu pour compenser les pertes des propriétaires de ces biens ?
Je vous remercie pour ce rapport très éclairant. La question qui me paraît centrale est celle de la valorisation des aménités naturelles que vous avez qualifiées de rurales. Je les qualifierais de naturelles car le problème se pose également dans les métropoles. J'ai publié un article qui disait que « la métropole sera verte ou invivable » et qui soulignait que la nature ne paye pas de droit à construire quand le bâti en paye. Ce constat aboutit à beaucoup d'arbitrages. Par exemple, la métropole du Grand Paris, sur un périmètre pourtant de petite taille, a consommé 1 600 hectares au cours des vingt dernières années. Ainsi, le ZAN est tout à la fois une question rurale et urbaine si l'on veut revaloriser les conditions de vie dans ces espaces.
J'appuie les réflexions menées sur les DMTO et je m'interroge sur l'existence d'autres pistes. Je pense par exemple à la possibilité d'instaurer des niveaux de TVA différenciés. Si le surcoût induit par la reconstruction immobilière sur l'existant ne fait aucun doute, il faudrait joindre à nos réflexions le coût des artificialisations excessives. On le mesure très facilement lors d'inondations ou de catastrophes naturelles mais on peut également l'apprécier de façon moins visible, lorsque l'on songe au rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sur l'effondrement du vivant et la disparition d'espèces. Nous avons tendance à penser que ce ne sont pas des problèmes graves jusqu'au moment où ces derniers atteignent des niveaux qui remettent en cause notre qualité de vie.
Enfin, des réponses différenciées doivent être apportées en fonction de la nature des communes, rurales ou urbaines. J'avais suggéré que la promotion immobilière finance la « re-naturation » de la ville, notamment de la métropole du Grand Paris. En outre, j'avais proposé que tout projet immobilier fasse l'objet d'une contribution à hauteur de 1 % de son budget pour la « re-naturation » des communes. Deux grands promoteurs immobiliers m'avaient même auditionné et avaient fait part de leur intérêt pour cette proposition.
L'inquiétude qui remonte des territoires est bien l'objet de la mission commune de contrôle du Sénat, regroupant des membres des quatre commissions qui sont à son initiative. Sa finalité, au travers de l'ensemble des auditions menées, est que la loi « Climat et résilience » déjà adoptée, ainsi que ses décrets, qui sont allés pourtant bien au-delà de ce qui a été décidé en commission mixte paritaire, ne soient pas aux antipodes des aspirations des communes. En effet, la question de la méthode a été centrale dans nos travaux. Jean-Baptiste Blanc l'a rappelé, le gouvernement a pris conscience de la percussion entre cette loi avec les projets de lois que nous examinons actuellement, comme celui relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Le Sénat a aujourd'hui un travail déterminant à mener pour poser des curseurs sur des enjeux unanimement partagés tels que les projets d'intérêt national ou les échéances temporelles de mise en oeuvre du ZAN. Sur ce point, suites aux conférences des SCOT et aux restitutions de la copie des SRADDET, les régions doivent prendre des décisions à l'horizon de février 2023.
S'agissant du fonds vert, a-t-on évalué le besoin de requalification des friches ? Des études d'impact ont-elles été menées ? Savons-nous si ce fonds correspond au besoin attendu ? La question de l'ingénierie pour accompagner les transformations se pose également. Celle de la gouvernance est, en outre, déterminante pour la mise en oeuvre du ZAN et la réussite de cet objectif. La ruralité, le littoral, les zones de montagne, l'outre-mer illustrent l'impossibilité d'avoir une mise en oeuvre unique et commune à l'ensemble des territoires. Nous réinterrogeons l'ensemble de ces questions. Les travaux de la commission des finances et du CPO nous ont permis de connaître le champ des possibles quant à ces différentes interrogations et à leurs réponses et il est regrettable que ce travail n'ait pas eu lieu en amont.
Est-ce qu'un mécanisme de droit à artificialiser a du sens ? En effet, les communes pourraient avoir un droit à artificialiser qui serait revendable.
La question du marché des droits à artificialiser a été étudiée avec CDC Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts. Ce marché en est à ses balbutiements mais il y a une piste, et je pense que l'Union européenne va s'intéresser à la question des droits à artificialiser et donc à des marchés qui permettront ces échanges ou des montages financiers plus complexes. Mais cela ne pourra pas se situer au niveau de la commune, ce sera à un niveau suprarégional. Même dans le périmètre d'une grande région ce serait compliqué. C'est un sujet qui dépasse cependant la commande qui nous a été faite.
Je voulais attirer votre attention sur les développements de la page 17 du rapport qui montrent que plusieurs problématiques sont à l'oeuvre avec un certain nombre d'objectifs volontaristes qui vont contribuer à la pression immobilière : l'agriculture, notamment l'objectif de sécurité alimentaire, l'énergie, afin d'augmenter la part des énergies renouvelables, ou encore la réindustrialisation, avec la nécessité de développer des zones d'activité. Mais à l'inverse, les dernières projections de l'INSEE concernant la population française prévoient, pour 2050, une population totale de 69 millions d'habitants, alors qu'on était plutôt jusqu'à présent sur une trajectoire à 74 millions. La prévision de croissance démographique est donc revue à la baisse. Ainsi, la principale composante sur le besoin de logement est le vieillissement de la population, tandis que la croissance démographique et la décohabitation, liée à l'augmentation des séparations ou aux mises en couples de plus en plus tardives, auront sans doute un effet plus modéré. Cela démontre aussi que les aires d'attraction des villes vont concentrer, dans la plupart des régions, l'essentiel des besoins futurs et que les communes rurales ne seront donc pas la variable d'ajustement. Il existe des enjeux d'aménagement du territoire, des projets d'intérêt national, qui démontrent que la négociation des schémas directeurs est essentielle.
Concernant l'observation sur la recommandation relative à la taxe sur les logements vacants, à savoir, pourquoi ne l'étendons-nous pas à toutes les communes ? Tout simplement parce que c'est constitutionnellement impossible, car il faut tenir compte des zones sous tension, or ce n'est pas le cas de toutes les communes.
S'agissant des DMTO, il est nécessaire de réfléchir aux conséquences à la fois pour la fiscalité locale, notamment du point de vue des particuliers car il y a un enjeu de dépréciation, avec aussi la question du taux de rendement des propriétés foncières non bâties. Il est actuellement faible, lié au statut de fermage, et le fait de contribuer à l'écosystème devrait s'accompagner d'une rémunération, avec le meilleur système pour les acteurs concernés et pour la fiscalité.
Concernant le lien avec le rapport réalisé par la Cour des comptes sur les scénarios de financement des collectivités territoriales, la dimension liée à la transition écologique avait été intégrée, mais pas le ZAN en particulier. La Cour avait notamment proposé de réaffecter à l'État certains éléments de fiscalité relative à l'énergie aujourd'hui perçus par les collectivités territoriales, afin de lui laisser la maîtrise de ces dispositifs dans le cadre plus large de l'élaboration d'une stratégie nationale écologique, sans avoir à se préoccuper de la question de la compensation financière des collectivités concernées, mais elle n'avait pas été jusqu'à analyser chaque politique publique comme le ZAN. Il existe un autre point commun entre ce présent rapport et celui de la Cour sur la question des critères de répartition. La Cour a mis en exergue que les critères actuels de répartition des dotations étaient obsolètes et illisibles, et dans un contexte de transferts d'impôts nationaux vers les collectivités, la question de ces critères prenait une place importante. Mais ces critères, qui tiendraient compte par exemple des espaces naturels, restent aujourd'hui à inventer.
Enfin sur la question de la différenciation des droits à artificialiser, qui relève essentiellement de la gouvernance, le rapport laisse une palette la plus largement ouverte à la disposition des maires.
Je vous remercie.
La réunion est close à 12 h 25.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.