Commission des affaires économiques

Réunion du 27 janvier 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine le rapport pour avis sur la proposition de loi n° 7 (2013-2014), visant à reconquérir l'économie réelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Notre commission s'est saisie pour avis de la proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 1er octobre 2013 et soumise à la procédure accélérée. Initiative parlementaire fortement soutenue par le pouvoir exécutif, elle a vocation à être définitivement adoptée dans les prochaines semaines. Quoique renvoyée pour un examen au fond à la commission des Affaires sociales, ses dispositions sont d'une nature et d'une importance qui justifient que notre commission prenne position sur chacune de ses trois grandes parties.

La première, composée des titres Ier et Ier bis, modifiant le code du travail et le code de commerce, crée l'obligation pour une entreprise de plus de 1 000 salariés de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement. Sans entrer dans le détail, car ces dispositions relèvent plutôt de la commission des Affaires sociales, voici le dispositif : l'entreprise de plus de 1 000 salariés qui envisage la fermeture d'un établissement ayant pour conséquence un projet de licenciement collectif devra réunir et informer le comité d'entreprise (CE), puis entreprendre des démarches pour rechercher un repreneur en facilitant l'accès aux informations ne portant pas atteinte aux intérêts de l'entreprise ou à la poursuite de l'ensemble de son activité. Elle doit examiner les offres reçues et leur apporter une réponse motivée dans des délais de deux à quatre mois, selon l'ampleur du plan de licenciement envisagé. Le comité d'entreprise, informé des offres reçues, pourra émettre un avis, participer lui-même à la recherche d'un repreneur et formuler des propositions. Au terme de cette procédure, soit l'entreprise souhaite donner suite à une offre et elle indique au CE ses raisons, notamment au regard de la capacité à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement, soit aucune offre de reprise n'a été reçue ou retenue et l'employeur indique ses motifs au CE. Ce dernier peut alors engager une procédure judiciaire devant le tribunal de commerce, qui examinera la conformité des démarches de l'entreprise aux obligations du code du travail, le caractère sérieux des offres reçues au regard notamment de la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement, et l'existence d'un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l'ensemble de l'activité de l'entreprise. Le tribunal pourra, en cas de manquement, imposer une pénalité pouvant atteindre vingt fois la valeur mensuelle du Smic par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif.

Cette procédure va dans le bon sens, car une entreprise n'est pas seulement la chose de ses propriétaires. Permettra-t-elle des reprises qui n'auraient pas eu lieu sans elle ? Pour le savoir, il faudra attendre l'épreuve des faits. Une entreprise qui possède un site de production viable cherche généralement à le vendre sans que la loi l'y oblige ! Sinon, c'est qu'elle n'a pas intérêt à le faire : ainsi dans un marché en surcapacité - c'est le cas de très nombreuses industries en Europe depuis 2008, acier, automobile... - l'intérêt d'une entreprise est de réduire la production excédentaire pour faire remonter les prix. Le gain financier d'une cession serait compensé par la dégradation de sa position concurrentielle.

La procédure judiciaire prévue en cas de rejet d'offre de reprise, calquée sur celle des entreprises en difficultés relevant du livre VI du code de commerce, présente en l'état un risque constitutionnel. Qu'un tribunal se prononce sur les offres de reprise d'une entreprise en difficulté, cela va de soi : si cette entreprise n'honore plus ses obligations vis-à-vis des créanciers et des salariés, elle est logiquement placée sous tutelle judiciaire et elle n'a plus à décider elle-même ce qu'est une offre sérieuse. Mais les règles constitutionnelles de liberté d'entreprise et de liberté de gestion s'appliquent sans limitation à des entreprises en bonne santé. Certes le tribunal de commerce n'obligera pas à céder les sites, ce qui serait manifestement inconstitutionnel, mais il pourra sanctionner financièrement le refus de céder. Quid alors du principe constitutionnel de nécessité des peines, qui implique un manquement clairement défini par la loi et clairement démontrable dans les faits ? Comment le tribunal établira-t-il de manière indiscutable la faute d'une entreprise qui refuse de céder un site à un concurrent, estimant que ce n'est pas dans ses intérêts ou que le prix proposé est insuffisant ? La liberté de commerce et de gestion implique la liberté d'entreprendre ou de cesser d'entreprendre : le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de le dire. Elle implique la liberté de céder à qui l'on veut, au prix que l'on veut. Prononcer sur le fondement de ces nouvelles dispositions une sanction financière pourrait être délicat pour les tribunaux...

La deuxième partie du texte met en place des règles qui évitent les logiques actionnariales opportunistes, voire prédatrices, en créant les conditions favorables à la formation de blocs actionnariaux stables, privilégiant les actionnaires qui accompagnent dans la durée le projet économique de l'entreprise. Il contient de nombreuses modifications du droit des offres publiques d'acquisition, sujet très technique et qui relève de la compétence de la commission des finances. Concentrons-nous sur la principale disposition de cette partie du texte : la généralisation de la règle du vote double pour les actionnaires stables.

L'article L. 225-123 du code de commerce prévoit d'ores et déjà - cela a été abordé par Alain Chatillon dernièrement - qu'un droit de vote double puisse être attribué, par les statuts ou en assemblée générale extraordinaire, à toutes les actions justifiant d'une inscription nominative depuis deux ans au moins au nom du même actionnaire. L'article 5 de la proposition de loi inverse ce principe en prévoyant que les droits de vote double sont désormais de droit, sauf clause contraire dans les statuts ou opposition d'une assemblée générale extraordinaire. C'est une mesure demandée de longue date par de grands industriels tels que MM. Jean-Louis Beffa ou Louis Gallois. C'est à mon sens une bonne mesure qui peut permettre de garder sous contrôle national des groupes d'intérêt stratégique.

Un autre avantage considérable - pourtant passé très largement inaperçu - est celui que retirerait l'État d'une telle mesure. Actionnaire stable dans plusieurs grandes entreprises, il bénéficiera systématiquement de votes doubles, gardant ainsi un niveau de contrôle identique sur ces sociétés tout en utilisant beaucoup moins de capital. Si l'État veut prendre une participation, par exemple dans PSA...

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il pourra revendre une partie de ses actions Airbus sans entamer son pouvoir dans ce groupe. Ce qui compte, pour un actionnaire stratégique comme l'État, c'est le pouvoir de contrôle et d'orientation, pas la quotité de capital détenu. S'il n'y a pas de vote double, pour contrôler 25 % des droits de vote, il faut détenir 25 % du capital. Imaginez la formidable opportunité qui s'ouvre pour l'État stratège en ces temps de rareté des ressources financières publiques ! Selon les données fournies par l'agence des participations de l'État, il pourrait dégager de 10 à 12 milliards d'euros de capacité d'investissement. Nous en avons bien besoin pour rendre notre économie compétitive ! C'est plus de la moitié du capital public injecté dans la BPI ! Évidemment, si le pays décide de mobiliser cet argent tiré des participations actuellement détenues par l'État, il ne faudra pas l'utiliser pour des dépenses courantes, ni même pour du désendettement ; mais l'investir dans le soutien au redressement productif.

Il n'y a pas grand-chose à dire sur la troisième partie du texte relative à l'urbanisme et aux règles applicables aux friches industrielles, sinon qu'il faut la supprimer d'urgence !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Conçu pour favoriser le maintien des activités industrielles sur les sites qu'elles occupent, l'article 9, introduit à l'Assemblée par voie d'amendement, prend complètement à rebours le projet de loi ALUR. Méconnaissant l'urgence de mobiliser des terrains pour construire, il rend impossible tout changement de destination des sites industriels, et empêche donc leur reconversion. Tous les élus qui gèrent des territoires possédant d'importantes friches industrielles trouvent ces dispositions aberrantes. Je vous proposerai un amendement de suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Malgré quelques doutes sur la portée des dispositions finales de la première partie - sans doute les débats au Sénat les amélioreront-ils grandement - j'estime qu'il s'agit d'un bon texte, notamment dans sa deuxième partie. Aussi je vous demander de donner un avis favorable à son adoption, sous réserve d'un amendement de suppression à l'article 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Je partage les conclusions de Martial Bourquin sur la troisième partie ainsi que sur les transferts d'actifs de l'État - nous réclamons depuis longtemps cette mesure. Je m'interroge en revanche sur la première partie : qu'apporte-t-elle de plus, par rapport aux procédures actuelles ? Y a-t-il des cas concrets dans lesquels l'application de ces dispositions aurait sauvé durablement des emplois ? Je m'en tiendrai sur ces articles de la première partie à une abstention positive...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je ne suis pas loin de partager votre avis, chère collègue. Notre rapporteur a laissé entendre que les dispositions en question pourraient comporter des risques juridiques, je suis moi aussi très réservé, pour ne pas dire inquiet. Venons-en à l'examen de l'amendement unique présenté par Martial Bourquin.

Article 9 (nouveau)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je m'en félicite car l'article est inquiétant, dans sa rédaction même : « nonobstant... ».

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je ne doute pas qu'un consensus se dégagera au Sénat sur ce point.

L'amendement de suppression n° 1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à la proposition de loi ainsi amendée.

La commission examine les amendements sur le texte n° 283 (2013-2014), adopté par la commission, sur le projet de loi n° 244 (2013-2014), relatif à la consommation.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

À l'article 4 (Obligation générale d'information du consommateur), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

À l'article 4 bis A (Utilisation de la mention « fait maison » dans la restauration), elle a adopté un premier amendement visant à rétablir le caractère obligatoire de la mention du fait maison pour les plats servis dans les restaurants et un second amendement supprimant l'obligation pour les cartes des restaurants de préciser le caractère « d'élevage » ou « sauvage » des produits concernant les plats cuisinés à base de produits de la mer.

À l'article 5 (Réglementation relative à la vente à distance), elle a adopté, outre un amendement de rectification rédactionnelle, un amendement repoussant la date d'entrée en vigueur du dispositif suite à la modification des effets de la rétractation au titre d'un crédit affecté sur le contrat de vente.

À l'article 11 (Absence de droit de rétractation dans le cadre des contrats conclus dans les foires et salons, encadrement des ventes d'or et de métaux précieux et contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfié), la commission a adopté un amendement corrigeant une référence.

À l'article 18 D (Réduction de la durée des plans conventionnels de redressement), elle a adopté un amendement prévoyant que le rapport d'évaluation soit remis au Parlement deux ans après l'entrée en vigueur de la durée des mesures de traitement du surendettement et du fonctionnement opérationnel du registre des crédits, soit au plus tard cinq ans après la promulgation de la loi.

À l'article 19 octies (Assurance emprunteur), elle a adopté un premier amendement de précision relatif à l'émission d'un avenant et un second amendement tendant à instaurer une sanction permettant d'assurer la bonne application des dispositions relatives à la délégation d'assurance emprunteur.

À l'article 22 sexies (Entrée en vigueur du registre national des crédits aux particuliers), la commission a adopté un amendement de coordination.

À l'article 23 (Protection de la dénomination des collectivités locales et création d'indications géographiques pour les produits non alimentaires), elle a adopté un amendement visant définir de façon précise le régime de protection dont devraient bénéficier les indications géographiques définies par le présent article.

À l'article 53 (Modalités de prononciation d'une amende administrative), elle a adopté un amendement visant à supprimer la condition que la sanction administrative prononcée par l'autorité chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne puisse être publiée qu'une fois devenue définitive.

À l'article 59 (Création d'un régime de sanctions administratives en cas de manquements au droit des pratiques commerciales restrictives de concurrence), la commission a adopté un amendement tendant à aligner les conditions de publicité des sanctions administratives qui pourront être prises par l'autorité chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en application du code de commerce sur les conditions de publicité des sanctions administratives prises par l'Autorité de la concurrence.

À l'article 61 (Renforcement des sanctions en cas de non-respect des délais de paiement), elle a adopté un amendement de coordination avec la modification similaire apportée à l'article 59.

À l'article 62 (Amélioration de l'équilibre contractuel entre fournisseurs et distributeurs), la commission a adopté un amendement rédactionnel, visant à corriger une incohérence dans le texte.

À l'article 63 (Renforcement des sanctions en cas de non-conformité des instruments de mesure), elle a adopté un amendement visant à supprimer la condition que la sanction administrative prononcée par l'autorité chargée de la métrologie légale ne puisse être publiée qu'une fois devenue définitive.

À l'article 64 (Aggravation des peines applicables en cas d'atteinte portée au libre choix du consommateur), elle a adopté un amendement de cohérence.

À l'article 72 quater (Définition des loteries et des jeux d'argent et de hasard), elle a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement visant à tirer les conséquences d'une jurisprudence de la Cour de cassation relative à l'ensemble des loteries commerciales faisant naître l'espérance d'un gain.

Les avis de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous.