Commission des affaires économiques

Réunion du 1er juillet 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • CGI
  • PIA

La réunion

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La séance est ouverte à 15h10.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous sommes heureux d'accueillir Louis Schweitzer, troisième commissaire général à l'investissement - nous avions entendu ses prédécesseurs René Ricol et Louis Gallois -, afin de suivre la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le programme initial, décidé en 2010, représentait 35 milliards d'euros ; le deuxième, décidé cette année, porte sur 12 milliards d'euros.

Monsieur Schweitzer, quelles sont vos priorités dans la mise en oeuvre et le suivi du PIA ? Vous placez-vous en continuité ou en rupture avec vos prédécesseurs ? Vous évoquerez également les évolutions institutionnelles du commissariat général à l'investissement (CGI) et nous direz si son autonomie pourrait en être affectée. Vous préciserez l'articulation de vos interventions avec celles de la Banque publique d'investissement (BPI), de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), de la Caisse des dépôts, ainsi que de l'Agence des participations de l'État. Enfin, vous nous indiquerez les filières privilégiées par le CGI - télécommunications, transition énergétique, programmes de renouveau industriel... - et les modalités de votre intervention.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Mon action s'inscrit dans la continuité de celle de mes prédécesseurs. MM. Alain Juppé et Michel Rocard, dans le cadre de la mission que leur a confiée le président Nicolas Sarkozy, ont élaboré un programme clair : lutter contre la tentation, naturelle en période d'austérité budgétaire, de sacrifier l'investissement, et donc l'avenir. Ce projet n'a rien perdu de sa pertinence. MM. Alain Juppé et Michel Rocard avaient en outre proposé la création d'une structure de portage de ces investissements, le CGI, doté d'un comité de surveillance dont ils ont été nommés membres - ce qu'ils n'avaient pas proposé.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

En tant que troisième commissaire général, je poursuis l'action de mes prédécesseurs, fidèle aux intentions originelles, dont les résultats sont positifs. Le haut niveau d'exigence des projets soutenus a été et sera maintenu. Tous doivent être de grande qualité et portés par des bénéficiaires solides. Cela exclut tout soutien aux actions qui auraient été de toute façon financées par le budget de l'État. Nos moyens d'action spécifiques - avances remboursables, prêts, subventions - sont destinées à préparer l'avenir.

Nos interventions obéissent à des règles de procédure spécifiques, dérogatoires aux règles budgétaires de droit commun : nous bénéficions de dotations où les autorisations d'engagement égalent les crédits de paiement ; nous ne sommes pas soumis à la régulation budgétaire, ni au principe de spécialité : des redéploiements de crédits sont possibles par décision du Premier ministre et sous réserve que le Parlement en soit informé.

Le CGI est une toute petite administration, qui fonctionne grâce à une trentaine de personnes de grande qualité. C'est qu'il n'agit pas directement, mais au moyen d'opérateurs spécialisés dotés, eux, de moyens plus importants : l'Agence nationale de la recherche (ANR), l'Ademe, la Caisse des dépôts et consignations, la BPI, l'Agence nationale de la rénovation urbaine, l'Agence nationale de l'habitat... Bref, le personnel du CGI n'est qu'une petite partie de celui placé au service des PIA. Nous concluons des conventions avec ces opérateurs. Après instruction des dossiers, ils font des propositions au commissariat général, qui lui-même en fait au Premier ministre.

Deux marges de progrès sont à notre disposition : la célérité et la simplicité. La qualité des projets n'est pas remise en cause : nous faisons appel à des experts et à des jurys internationaux pour nous prémunir de la tentation de répartir les crédits trop largement et de manière indifférenciée. Toutefois, nos procédures peuvent être accélérées. Les crédits sont d'abord affectés par le législateur à différents domaines ; nous passons ensuite des conventions avec des organismes répartiteurs ; puis les crédits sont engagés ; nous contractualisons avec les bénéficiaires ; nos actions sont enfin mises en paiement. Au total, dix-huit mois peuvent s'écouler entre le dépôt d'un dossier de projet par un bénéficiaire potentiel et le paiement du premier acompte. Mes prédécesseurs ont déjà engagé le travail nécessaire pour réduire les délais de trois à six mois. Simplicité, ensuite : nos procédures imposent la validation d'une quantité déraisonnable de papiers.

Sur le fond, je ne puis, au bout de deux mois à la tête du CGI, indiquer s'il faut réorienter nos actions vers tel ou tel secteur. Des réaffectations de crédits ont déjà eu lieu en 2013, lorsque le deuxième PIA a réparti 12 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Le projet de loi de finances rectificative procède à des modifications d'affectations, mais celles-ci ne proviennent pas de l'initiative du CGI.

Vous m'interrogez sur le rattachement institutionnel du Commissariat général. MM. Alain Juppé et Michel Rocard ont souhaité qu'il soit placé auprès du Premier ministre. Le gouvernement actuel l'a rangé sous l'autorité de M. Arnaud Montebourg, ainsi que de M. Benoît Hamon pour ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche. Cette décision a suscité l'inquiétude des deux anciens Premiers ministres, qui ont démissionné de son comité de surveillance. Il apparaît désormais que leurs craintes n'étaient pas fondées : le pouvoir décisionnaire du Premier ministre, que le législateur a autorisé à déléguer au Commissaire général, n'a pas été remis en cause. Les procédures d'instruction interministérielles n'ont pas non plus été affectées. L'esprit d'autonomie, voire d'indépendance du Commissaire général n'a pas davantage été atteint. Notez que celui-ci exerce sa fonction à titre bénévole - ce qui constitue une garantie supplémentaire de son indépendance d'esprit...Convaincus, MM. Alain Juppé et Michel Rocard ont accepté de reprendre leur fonction au sein du comité de surveillance qui se réunira au cours du mois de juillet, et auquel nous rendrons compte de notre action et solliciterons leurs avis, conseils et orientations.

Un mot sur les relations que nous entretenons avec nos partenaires. Avec l'Ademe : nous avons la compétence technique mais les délais d'instruction des dossiers demeurent déraisonnables ; nous nous sommes engagés à les réduire. Avec la BPI, les relations de travail sont excellentes ; elle apporte de fortes garanties financières, et perçoit à ce titre une rémunération ; nous avons également le souci d'accélérer nos procédures, sans remettre en cause leur rigueur. Nous intervenons dans certains des 34 plans industriels présentés par M. Arnaud Montebourg, selon les procédures normales, c'est-à-dire après comité de pilotage interministériel et décision du Premier ministre, ou du Commissaire général lorsque le bénéficiaire ne reçoit pas plus de 5 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les délais d'instruction des dossiers sont-ils aussi longs devant l'ANR que devant l'Ademe ?

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Nous n'avons pas encore traité avec l'ANR, car le gouvernement n'a pas encore nommé son directeur général. Son mode d'intervention est en outre particulier, qui fait appel aux initiatives d'excellence (Idex) et aux laboratoires d'excellence (Labex). L'ANR octroie d'abord des crédits sous forme de dotations non consommables ; le PIA 2 prévoit ensuite, au cours de l'été, une phase d'appels à projets. Ceux-ci sont jugés sur le fond, ainsi que sur la gouvernance proposée. On sait que la mise en place des Comue (communautés d'universités et d'établissements) n'est pas sans complexité. Rares sont les universités qui, comme Strasbourg ou Bordeaux, ont choisi la fusion, hypothèse simple et efficace. Jury international, sélection à deux tours... Le rythme d'instruction des dossiers dépend davantage des interlocuteurs de l'ANR que d'elle-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En effet. Le problème se pose entre la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. Le temps qu'elles prendront à se mettre d'accord sur la gouvernance de la Comue en fera perdre au passage de leur dossier devant l'ANR. J'ignore d'ailleurs laquelle des deux régions portera le dossier.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

En la matière, simplicité et célérité ne sont pas de notre ressort...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Et l'on peut faire confiance aux universitaires pour rendre les choses plus complexes...

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Notre métier ne se limite pas à la distribution d'argent. Nous suivons la mise en oeuvre des programmes et évaluons leur efficacité. Les dotations non consommables versées aux universités sont déposées sur un compte rémunéré au Trésor public - donc non comptabilisées dans le déficit maastrichtien -, aujourd'hui à presque 3,5 %. Dans la seconde phase, ce taux sera plus proche de 2,5 %. Mais cette dotation n'est pas permanente : en juillet 2016, le jury pourra soit confirmer son choix, soit prolonger la période probatoire de l'établissement, soit supprimer ou diminuer le montant de l'allocation versée.

En 2013, le CGI a reçu, à la demande du Parlement, la mission d'évaluer les grands investissements de l'État. Le mécanisme en a été précisé par décret : nous recensons tous les projets d'investissement que l'État ou un organisme public finance à hauteur de 20 millions d'euros au moins. Une contre-expertise systématique est réalisée pour les investissements faisant l'objet d'une participation de l'État ou d'un organisme public à hauteur de 100 millions d'euros, et transmise aux deux assemblées. Cela concerne par exemple les investissements ferroviaires majeurs dans le Sud-Ouest, ainsi que les grands hôpitaux ou les grands établissements universitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Où en est la consommation des 35 milliards d'euros de crédits initiaux, auxquels s'ajoutent les 12 milliards d'euros complémentaires ?

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Les crédits initiaux s'élevaient exactement à 34,7 milliards d'euros. Le total avoisine en effet les 47 milliards d'euros. La première tranche a été consommée à hauteur de 29,6 milliards d'euros, dont la moitié en dotations consommables, l'autre en dotations non consommables.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quel est le mécanisme des dotations non consommables ?

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Leur bénéficiaire ne peut utiliser que les intérêts qu'elles produisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Elles ne concernent que les investissements universitaires.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Oui. Elles répondent à trois considérations. D'abord, elles sont un engagement de l'État dans la durée, mais sans décaissement. La dotation en capital dont seul l'intérêt est consommé est ensuite une technique financière utilisée par les plus grandes universités internationales ; songez que la première d'entre elles, Harvard, dispose ainsi de 30 milliards d'euros qui, investis ailleurs qu'en bons du Trésor, lui rapportent 10 % par an... Enfin, elles ne financent pas du bâtiment et des travaux publics, mais des dépenses supplémentaires, affectées à l'excellence. Dans la plupart de nos universités, une telle allocation, de 25 à 30 millions d'euros par an, correspondent aux besoins de consommation dans la durée, sachant que d'autres dispositifs, comme Labex, Equipex (établissements d'excellence) peuvent répondre aux besoins de dépenses uniques.

Quant au PIA 2, doté de 12 milliards d'euros en décembre 2013, 1,5 milliards ont été engagés, et 0,78 milliard effectivement versés. Ces versements étaient principalement destinés au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), opérateur et utilisateur final des crédits, qui sait les consommer rapidement...Jusqu'en 2015 inclus, nous engagerons plus de crédits que nous en consommerons. À compter de 2016, nous en paierons plus que nous en engagerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

A sa création, j'ai craint, malgré la qualité de ses fondateurs et la pertinence de ses principes, que le CGI ne finance que de gros projets. Je puis témoigner que ce ne fut pas le cas. Je tiens aujourd'hui à remercier vos services, qui se sont intéressés à des projets modestes dans l'Orne, qui me tenaient à coeur.

Avez-vous identifié des domaines dans lesquels il faut à tout prix investir, ainsi que les leviers d'action pertinents ? En clair : avez-vous une stratégie ? Louis Gallois, que nous avons auditionné, avait manifesté son intérêt pour deux domaines : l'énergie nucléaire et le gaz de schiste. Ceux-ci n'entrent pas forcément dans vos attributions, mais avez-vous des idées sur la question ? Le CGI pourrait-il entretenir certaines filières comme celles-ci ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Plus généralement, que peut le CGI en matière de transition énergétique, dans la perspective du sommet international de 2015 sur le climat à Paris ?

Le numérique est un autre domaine majeur, dans le cadre des négociations relatives au futur traité transatlantique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

J'ai du mal à discerner l'articulation des différentes actions de redressement économique et industriel. Des contrats de filières ont été annoncés : où en sont-ils ? De même, il existe des comités stratégiques de filières : combien de filières concernent-ils ? Quel lien y a-t-il entre les contrats de filières, le Conseil national de l'industrie, et le CGI ? Dans le cadre des PIA et des contrats de filières, quel est le rôle de la BPI ? Que deviennent les acteurs qui ne se rattachent à aucune filière ? Il faut une vision politique à tout cela : pour mobiliser les citoyens, et pour aider ceux qui en ont besoin.

Dans le PIA, de l'argent a été prévu pour l'économie sociale et solidaire. Or peu a été dépensé. Les critères ne sont-ils pas élaborés sans prise en compte du terrain, ce qui les rend insusceptibles d'être remplis ? Je me souviens des fonds européens promis au Nord-Pas-de-Calais, qui n'ont pu être entièrement versés, faute de projets en nombre suffisant. J'espère voir les projets éligibles à l'aide du CGI foisonner, quitte à submerger ses capacités d'intervention, plutôt que l'hypothèse inverse...Ne peut-on déployer de nouvelles méthodes, s'il en est besoin, pour attirer de nouveaux projets ?

Vous avez été sibyllin sur le projet de loi de finances rectificative : si les modifications qu'il contient n'ont pas été proposées par vos services, il faut regarder du côté de Bercy... Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L'audition de M. Arnaud Montebourg est prévue le 15 juillet : nous évoquerons notamment l'organisation des filières industrielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nous avons mis en place des programmes plus ambitieux que nos capacités de financement, au risque d'en reporter la mise en oeuvre aux calendes grecques. Les grands investissements pourraient être portés par les très grandes entreprises, comme Vinci ou Eiffage... Vous avez entendu la demande de notre collègue des Hautes-Alpes s'agissant des autoroutes.

L'État et les collectivités territoriales sont dans une situation budgétaire difficile, ce qui freine les possibilités d'investissement. Où trouver les marges de manoeuvre nécessaires ? Certaines techniques, comme les partenariats public-privé (PPP), ont montré leurs limites. L'investissement est bon pour l'emploi, et entraîne des recettes de TVA. Comment progresser dans ce domaine ?

L'écotaxe était censée apporter de l'oxygène. Elle a été réduite à peau de chagrin. Certes, elle n'était pas populaire, mais elle aurait permis aux conseils généraux de financer des investissements utiles.

La France a pris du retard en matière de très haut débit, qui requiert des investissements lourds. Je n'en fais pas le reproche à la seule majorité actuelle : la responsabilité politique est partagée. Comment investir plus rapidement, pour améliorer notre compétitivité dans la guerre économique mondiale ?

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Nous versons parfois de grosses sommes pour d'importants projets, mais nous remplissons également une fonction de guichet, en accordant des subventions à de petits projets, de quelques dizaines de milliers d'euros, dans le cadre du PIA.

Louis Gallois est favorable à l'expérimentation et à la recherche sur le gaz de schiste. À titre personnel, je partage son point de vue, mais cela n'entre pas dans les attributions du CGI. Avec le CEA, nous intervenons en revanche dans le nucléaire. Non pas directement pour le domaine militaire, mais nous participons au financement des investissements d'avenir, comme la construction du réacteur à neutrons rapides Jules Horowitz. Les grands projets de nouveaux réacteurs d'EDF, davantage de nature industrielle, ne nous concernent pas.

Dans le cadre du grand emprunt, le CGI avait une stratégie sectorielle. Je ne vois pas de raisons de remettre en cause les orientations du rapport Juppé / Rocard. Des domaines qui sont toujours prioritaires ont été définis, qui couvrent une large part des activités industrielles et de services de notre pays, davantage dans certains secteurs que dans d'autres. Je ne vois aucune raison valable de revenir sur la stratégie déterminée en 2010. Au reste, pour porter ses fruits, une stratégie industrielle ne devrait pas être redéfinie tous les trois ou quatre ans : c'est la meilleure façon de faire des bêtises. Les 34 plans industriels de M. Arnaud Montebourg ne sont pas comparables aux plans stratégiques de l'ère pompidolienne, qui dirigeaient les investissements de l'État, sans limite, vers un secteur donné. Le cadre juridique européen ne le permettrait pas. Sauf, peut-être, en matière de numérique, nous avons abandonné ce mode de fonctionnement.

Le numérique est un enjeu majeur des PIA. Nous n'intervenons pas dans les négociations internationales, mais considérons à bon droit la maîtrise de ce secteur comme nécessaire à notre indépendance nationale. La création d'un cloud souverain est fondamentale pour la conservation et la protection des données personnelles des utilisateurs.

Quelle est l'articulation des contrats de filières et du Conseil national de l'industrie avec le CGI ? Je suis en coopération constante avec Jean-François Dehecq et le conseil national de l'industrie. Nous discutons régulièrement des 34 plans et nous sommes souvent sur la même ligne : nos domaines de compétences sont différents, mais nos visions de l'avenir industriel de la France se ressemblent.

Le CGI a développé des projets labellisés « filières » : 580 millions d'euros y sont consacrés, dont 540 millions d'euros sont déjà engagés. Je suis convaincu depuis longtemps que l'Allemagne et l'Italie ont pour avantage, par rapport à nous, leur conception des filières et de la solidarité inter-entreprises. Nous sommes le seul pays au monde où les petites entreprises font crédit aux grandes, et non l'inverse ! J'avoue toutefois que lorsque je dirigeais une grande entreprise, remettre en cause cela n'allait pas de soi, mais c'est une aberration.

Nous faisons en sorte que les actions que nous mettons en oeuvre n'engagent pas seulement le donneur d'ordre principal, mais aussi l'ensemble de la filière. De même que nous cherchons à rassembler les universités vers l'excellence, nous nous efforçons de rassembler une filière autour d'une dynamique d'avenir. La visibilité sectorielle de la politique industrielle est assurée par les 34 plans. La création de la BPI a rendu plus visible la capacité d'intervention en matière de crédits en faveur des PME. Elle offre aussi à ces entreprises l'accès à une expertise financière et économique.

Un programme de 100 millions d'euros est consacré à l'économie sociale et solidaire : 65 millions d'euros sont déjà engagés, et 90 millions d'euros le seront d'ici la fin de l'année. Dans ce domaine, la difficulté n'est pas de faire le tri entre les projets mais d'en trouver qui aient à la fois une viabilité économique et un intérêt social. Nous nous y efforçons.

Dans certains domaines, les projets abondent. Ainsi, le concours mondial d'innovation, que j'appelle le « concours Lauvergeon », et qui invite des start-up, dans sept domaines, à soumettre des projets, a sélectionné, en deux premières vagues de candidatures, cent projets. Trois mois ne sont pas écoulés entre le dépôt des projets et le versement des subventions de cent mille euros aux lauréats. Ceux-ci pourront bénéficier dans un deuxième temps d'une aide publique de deux millions d'euros et, dans un troisième temps, de vingt millions d'euros - mais pas sous forme de subventions. Ainsi, nous accompagnons le développement de ces nouvelles entreprises, pour qu'il ne soit pas dit qu'elles ne peuvent trouver de financement qu'à l'étranger. Les lauréats avec qui j'ai discuté considéraient que la procédure avait été légère, efficace, et qu'elle n'avait pas d'équivalent ailleurs. Les candidats ont été beaucoup plus nombreux dans certains domaines - médecine individualisée, numérique - que dans d'autres, comme l'économie circulaire. La plupart des candidatures étaient françaises. C'est un bon exemple de méthode nouvelle, pour attirer des projets.

Marie-Noëlle Lienemann, vous avez relevé dans mon introduction un propos sibyllin. Lorsque l'État est pauvre, toute poche d'argent public crée des tentations. Ainsi, certaines dépenses qui sont dans le PIA pourraient figurer dans le budget de certains ministères. Les avances à Airbus, qui autrefois figuraient au budget du ministère des transports, font à présent partie du PIA. La part des programmes du PIA qui concernaient le CEA a été augmentée de 250 millions d'euros en loi de finances rectificative. Ces arbitrages ne sont pas liés à la présence de M. Arnaud Montebourg à Bercy...

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Ces décisions sont prises dans d'autres palais nationaux.

Gérard Bailly a évoqué l'écotaxe. Je ne puis que constater avec lui que c'est une ressource d'investissement qui manquera. Les réseaux d'infrastructures ne sont pas dans le champ du PIA. Les PPP qui portent sur des infrastructures dont la rentabilité financière est insuffisante posent problème : leurs mécanismes de financement accroissent les coûts, et les péages découragent les usagers. À titre personnel, j'estime que ces mécanismes me semblent devoir être utilisés avec prudence.

Le PIA prévoit la couverture de 100 % du territoire par le très haut débit (THD) en 2022. Les parties les plus densément peuplées peuvent être couvertes par des opérateurs privés, qui y trouvent leur intérêt. Pour les autres, le plan THD prévoit un financement de plus de trois milliards d'euros réparti entre des subventions - les 900 millions d'euros prévus sont presque intégralement engagés -, des prêts - même si ce type de financement ne répond pas parfaitement aux besoins - et l'apport d'une ressource affectée issue des télécommunications. Nous attendons l'achèvement du mouvement actuel de regroupement des opérateurs de télécommunications pour relancer ce plan, dont le gouvernement a récemment réaffirmé le caractère prioritaire. Comment assurer la couverture effective de tout le territoire ? Le choix est entre fibre optique et couverture par satellite, qui offre aussi un débit élevé à un coût plus faible.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le satellite peut-il se substituer à la fibre ? Je ne le crois pas. Le débit qu'il procure est peut-être acceptable pour la voie descendante, mais il est insuffisant pour la voie ascendante. Je suggère plutôt l'utilisation de la 4G, voire de la 5G lorsqu'elle sera disponible, pour couvrir les zones blanches et réduire la fracture numérique. Je l'ai dit à tous les opérateurs, ainsi qu'à l'Arcep. Cette solution est réalisable techniquement dans des délais rapides. Elle résoudra à la fois les problèmes de réseau téléphonique et la question de la couverture par le haut débit, à un coût raisonnable.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

En ce domaine, votre compétence scientifique est supérieure à la mienne. Nous finançons des activités de recherche et de développement à hauteur de 70 millions d'euros sur le débit ascendant. Nous prendrons position, comme je l'ai dit, dans les semaines à venir. Je tiendrai compte, alors, de vos réflexions.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La vitesse de la lumière est une constante dans l'univers : le temps mis par l'information à monter et à redescendre pose problème en termes d'interactivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je suis pour ma part de l'avis du commissaire général à l'investissement sur la couverture par satellite. Dans un département rural comme le mien, l'Orne, nous sommes las d'attendre la 2G, la 3G, la 4G... La couverture par satellite apporte beaucoup aux populations qui n'ont pas d'autre solution, à un prix raisonnable. Un débit de 15 à 20 Mo est un progrès appréciable : continuez !

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Je vais m'efforcer de développer ma compétence sur ce sujet, n'ayant pas une formation initiale scientifique mais littéraire...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La couverture par satellite pose différents problèmes : d'une part, le débit de la voie ascendante est insuffisant, d'autre part, un nombre d'abonnés trop important conduit à une saturation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Un nouveau satellite a été lancé par Eutelsat, qui devrait régler ce problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Et que se passera-t-il quand tous les pays utiliseront cette solution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Pour ceux qui n'ont rien, elle est providentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous en reparlerons. Il me reste à remercier M. le commissaire général à l'investissement. Il est exact que les filières sont un atout précieux. Nous l'avions vu en Italie lors d'une mission portant sur le thème de l'organisation des filières.

Debut de section - Permalien
Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

Merci pour votre accueil.

La réunion est levée à 16h20.