La réunion est ouverte à 14 heures 30.
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. René-Paul Savary, sur le projet de loi n° 636 (2013-2014) portant nouvelle organisation territoriale de la République.
EXAMEN DU RAPPORT
La commission des affaires sociales s'est saisie pour avis des articles 23 et 24 du projet de loi relatif à l'organisation territoriale de la République, dit « NOTRe ».
Avant de vous présenter en détail ces deux dispositions, je reviendrai quelques instants sur le contexte dans lequel nous examinons ce texte. Le projet de loi « NOTRe » constitue le troisième volet de la réforme territoriale proposée par le Gouvernement. La loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles, dite « Mapam » a été promulguée le 27 janvier dernier. Le projet de loi relatif à la délimitation des régions est en cours de discussion au Parlement et doit être examiné par le Sénat la semaine prochaine en nouvelle lecture. Le troisième volet - cela est régulièrement regretté - n'est pas un texte de décentralisation. Il n'a pas pour objet, comme cela a été fait par le passé, de transférer des compétences de l'Etat vers les collectivités territoriales, mais doit permettre, selon le Gouvernement, de renforcer l'efficacité de l'action des collectivités territoriales par une clarification de leurs compétences respectives et par l'affirmation des niveaux régional et intercommunal. Plutôt qu'un texte de décentralisation, il s'agirait donc, dans l'esprit, d'un texte de rationalisation.
Dans le champ des politiques sociales, c'est au département qu'a été confié, depuis 2004, le rôle de chef de file. Or, à la date du dépôt au Sénat du texte que nous examinons aujourd'hui - il a été enregistré à la Présidence le 18 juin dernier -, l'avenir des départements semblait scellé puisque l'exposé des motifs du projet de loi envisageait clairement leur suppression à l'horizon 2020, dans le cadre d'une révision constitutionnelle. Mais les données du problème ont évolué. Lors du débat organisé au Sénat le 28 octobre dernier, le Premier ministre a reconnu le rôle indispensable que jouent les départements « en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes ». Il a par ailleurs indiqué que les conseils départementaux, qui seront renouvelés au mois de mars prochain, devraient être confortés dans leurs compétences de solidarités territoriales et humaines, renvoyant à l'après 2020 l'hypothèse d'une réforme dont les contours ne sont aujourd'hui pas définis. C'est donc au regard de ces éléments nouveaux que nous devons désormais examiner la façon dont le projet de loi « NOTRe » envisage l'articulation entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
Deux articles concernent plus spécifiquement le champ de compétences de notre commission. L'article 23 prévoit la possibilité d'organiser, dans le cadre d'une convention, le transfert ou la délégation de sept groupes de compétences, ou d'une partie d'entre eux, des départements vers les métropoles. Six de ces groupes de compétences entrent dans le champ des politiques sociales, le septième étant relatif au tourisme, à la culture et à la gestion des équipements sportifs. L'article 23 dispose par ailleurs que, dans l'hypothèse où aucune convention n'aurait été conclue sur au moins trois des sept groupes de compétences au 1er janvier 2017, leur totalité serait transférée, de droit, aux métropoles.
Quelles sont les six groupes de compétences sociales pouvant faire l'objet d'un transfert ou d'une délégation ? Il s'agit de la gestion du fonds de solidarité pour le logement, des missions confiées au service départemental d'action sociale, c'est-à-dire en pratique des travailleurs sociaux des circonscriptions d'action sociale du département, de l'adoption, de l'adaptation et de la mise en oeuvre du programme départemental d'insertion, de la gestion du fonds d'aide aux jeunes en difficulté, des actions de prévention spécialisée menées auprès des jeunes en difficulté et de leurs familles, de l'action sociale menée notamment auprès des personnes âgées. La rédaction de cette dernière disposition étant particulièrement floue puisqu'elle laisse à penser que l'ensemble de la compétence d'action sociale des départements pourrait être transférée aux métropoles.
Je vous présenterai quatre amendements à cet article. Les trois premiers visent à mieux définir les groupes de compétences susceptibles de faire l'objet d'un transfert ou d'une délégation et à supprimer toute ambigüité quant à l'étendue des missions concernées. Je vous proposerai en particulier d'en exclure le service départemental d'action sociale. Les équipes qui travaillent au sein des circonscriptions d'action sociale jouent en effet un rôle pivot pour l'orientation vers les différents services du département, notamment ceux de l'aide sociale à l'enfance ou de la protection maternelle et infantile, qu'il n'est pas prévu de transférer aux métropoles. Introduire une dissociation entre ces services m'apparaît donc peu pertinent voire dangereux pour la qualité du service rendu aux populations. Le quatrième amendement que je vous soumettrai a quant à lui pour objet de supprimer le caractère automatique du transfert de compétences au 1er janvier 2017. J'estime en effet que seule une démarche volontaire, pleinement partagée par les deux acteurs concernés, peut s'avérer pertinente en la matière.
L'article 24 supprime la clause de compétence générale des départements, tout comme le fait l'article 1er pour les régions. Il propose par ailleurs de réécrire en partie l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales afin de fixer une liste des domaines dans lesquels le département est compétent. Sont notamment compris l'aide aux personnes en situation de fragilité, l'accueil des jeunes enfants, l'autonomie des personnes ou l'accès aux droits et services. L'intérêt d'une telle liste me semble limité. La règle selon laquelle, du fait de la suppression de la clause générale de compétences, le département intervient « dans les domaines de compétences que la loi lui attribue », se suffit à elle-même. En outre, l'article L. 3211-1 dispose d'ores et déjà que le département a pour mission de « promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale ». Conserver cette formulation générale tout en l'améliorant afin de faire clairement apparaître les deux piliers sur lesquels repose l'action des départements - la solidarité des hommes et la solidarité des territoires - me paraît plus pertinent. Je vous proposerai donc un amendement en ce sens.
A ce stade de mon intervention, j'aimerais pouvoir aller plus loin. Nous examinons un texte de clarification des compétences entre collectivités territoriales, il serait légitime que je puisse vous proposer un certain nombre de mesures structurelles permettant de mettre fin à des doublons qui, dans le domaine social et médico-social, freinent l'action publique et limitent son efficacité. Le rapport Jamet en 2010, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) en 2012, la Cour des comptes au mois de septembre dernier, pour ne citer que quelques-uns des travaux qui ont été menés sur ces questions, ont tous recommandé de clarifier les règles d'autorisation et de financement dans le secteur médico-social. Nous aurions notamment pu, en nous inspirant de leurs préconisations, créer un chapitre nouveau au sein du projet de loi qui aurait été consacré à la clarification des relations entre les conseils généraux et les agences régionales de santé (ARS). J'envisageais principalement trois mesures en la matière :
- mettre fin au financement conjoint par l'assurance maladie et par les conseils généraux des centres d'action médico-sociale précoce (Camsp) afin d'aligner leur régime juridique sur celui qui s'applique à l'ensemble des autres structures pour enfants en situation de handicap ;
- entamer un rapprochement entre les maisons d'accueil spécialisées (MAS) et les foyers d'accueil médicalisés (FAM), dont nous savons qu'ils accueillent des publics aux profils sensiblement identiques ;
- confier aux départements la responsabilité des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer (Maia) afin de faciliter l'articulation entre ces dernières et les centres locaux d'information et de coordination (Clic).
Malheureusement, je ne peux rien vous proposer en la matière. Tout transfert de compétences entre personnes publiques, même s'il s'effectue à enveloppe de financement constante, est considéré comme irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Les règles de recevabilité financière sont particulièrement strictes en temps normal. Elles confinent à l'absurde lorsqu'il s'agit d'examiner un texte dont l'objet même est d'organiser la répartition des compétences entre collectivités territoriales : en souhaitant exercer pleinement sa mission, le Parlement prendrait le risque de contrevenir à la lettre de la Constitution. J'ai soulevé le problème à plusieurs reprises au cours des auditions organisées sur le projet de loi. Jeudi dernier, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu, s'est montrée attentive et m'a indiqué qu'elle évoquerait la question avec la ministre des affaires sociales, Marisol Touraine. Je souhaite vivement que nous puissions entamer un dialogue constructif avec le Gouvernement afin que l'article 40 ne conduise pas à empêcher toute initiative du Parlement sur ce texte.
Je vous proposerai malgré tout un amendement qui, en contournant la contrainte de l'article 40, vise à mettre l'Etat face à ses responsabilités concernant la prise en charge des mineurs isolés étrangers. Il s'agit d'instituer un prélèvement sur les recettes de l'Etat destiné à compenser le coût financier que représente pour les départements la prise en charge de ces jeunes. Cette solution n'est pas parfaite et il aurait été bien préférable de pouvoir proposer un dispositif plus abouti. J'avais ainsi songé, m'inspirant en cela de recommandations du rapport remis par Isabelle Debré en 2010, à un dispositif se fondant sur le financement par l'Etat de la période de mise à l'abri, d'évaluation de la situation des jeunes et d'orientation et créant, au sein du fonds national de la protection de l'enfance, une section spécifique destinée aux départements particulièrement confrontés à l'accueil de mineurs isolés étrangers. Une telle solution n'était cependant pas recevable financièrement.
J'en viens au sujet de la régionalisation de la compétence « emploi », qui n'est pas abordé dans le texte, mais qui a été mis sur la table par l'Association des régions de France (ARF). En effet, dès lors que la région est compétente en matière de développement économique, de formation professionnelle et d'apprentissage, pourquoi ne pas aller au bout de la logique en lui confiant également la compétence « emploi » ?
Tout en conservant les règles actuelles nationales pour l'indemnisation des demandeurs d'emploi, l'ARF propose ainsi une expérimentation pour décentraliser l'accompagnement des demandeurs d'emploi aux régions volontaires, en leur transférant les crédits nécessaires de l'Etat et en prévoyant des conventions d'objectifs et de moyens conclues avec chaque acteur de la politique de l'emploi : Pôle emploi bien sûr, mais aussi les missions locales, Cap emploi, les maisons de l'emploi, ou encore les structures en charge des plans locaux d'insertion pluriannuels pour l'insertion et l'emploi (Plie)... Cette proposition ne peut cependant pas, selon moi, être portée par un amendement parlementaire, en raison, là encore, des règles très rigoureuses de recevabilité financière découlant de l'article 40 de la Constitution. J'observe avec satisfaction que lors de son audition jeudi dernier au Sénat, la ministre la décentralisation s'est dite ouverte à une expérimentation pour transférer certaines compétences en matière d'emploi aux régions, sans en définir toutefois, ni la portée, ni les modalités.
Afin de renforcer le rôle des régions en matière d'emploi tout en conservant les avancées de la loi du 5 mars dernier relative à la formation professionnelle, je vous proposerai tout à l'heure un amendement qui poursuit un double objectif.
D'une part, il renforce les missions de Pôle emploi, sur lesquelles devront se caler celles de tous les autres acteurs de la politique de l'emploi, tout en accélérant la déconcentration de l'opérateur public au niveau régional. D'autre part, il donne un rôle de chef de file aux régions pour coordonner l'action des différents intervenants, en modifiant au profit de celles-ci la gouvernance des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), créés par la loi du 5 mars dernier.
Cet amendement trace un chemin, il initie une dynamique, sans bouleverser le paysage institutionnel actuel. Pôle emploi a vocation à devenir à moyen terme l'opérateur de référence en matière d'emploi : des structures comme les missions locales et les Cap emploi doivent en devenir des émanations, tandis que le rôle des Plie et des maisons de l'emploi doit être évalué en toute objectivité pour déterminer au cas par cas leur plus-value. En outre, le Gouvernement devrait choisir un seul financeur public par type de structure, afin de supprimer les financements croisés devenus incompréhensibles. Les régions ont quant à elles un rôle à jouer pour mettre un terme à la « cacophonie » et au « capharnaüm » actuels, bousculer les habitudes et les inerties de certaines structures, et endosser la responsabilité politique des actions menées sur leur territoire. Trop d'énergie est dépensée pour coordonner les acteurs de la politique de l'emploi, au détriment des demandeurs d'emploi et des entreprises.
J'estime enfin nécessaire d'aller plus loin dans la réflexion autour de l'accompagnement social vers l'emploi. Nous devons absolument replacer l'individu au centre de politiques d'accompagnement globales sans se soucier de savoir si le demandeur d'emploi bénéficie ou non du revenu de solidarité active (RSA). Les actions d'insertion demeureront de la compétence du conseil général, comme aujourd'hui à travers le pacte territorial pour l'insertion (PTI), mais il faudra mieux les articuler avec les missions du Crefop, afin de conforter son rôle d'ensemblier des politiques de l'emploi au sens large à l'échelon régional.
J'interviendrai sur la forme. Les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à examiner ce texte limitent considérablement notre capacité à y apporter des amendements. A l'heure où nous parlons, nous ne connaissons pas la forme définitive du texte et néanmoins, depuis la semaine dernière, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Par ailleurs, nous commençons la discussion générale le 16 décembre, ce qui clôt le délai limite pour le dépôt des amendements mais nous n'examinerons les articles qu'en 2015.
Le texte du Gouvernement a été déposé au mois de juin mais il est vrai que nous attendons des modifications qui doivent intervenir par voie d'amendement. Je partage votre frustration sur nos possibilités d'amendement, notamment, je l'ai dit, du fait des limites qu'impose l'article 40 de la Constitution. Cela nous contraint à vous proposer des évolutions qui marqueront les orientations à prendre mais qui ne pourront être que des demi-mesures par rapport à nos objectifs. Nous souhaitions clarifier les compétences et, pour les établissements et services d'aide par le travail (Esat) par exemple, ce texte était l'occasion pour nous de faire bouger les choses. Nous aurions pu également transférer les lycées aux départements mais c'est impossible en raison de l'article 40.
Je regrette également la limite posée à notre capacité d'amendement. Il y a de réelles difficultés pour les maisons de l'emploi. Les structures d'insertion par l'activité économique ont des difficultés de coordination administrative ou de trésorerie qui conduisent parfois certaines d'entre elles à arrêter leur activité.
Le rapport pose de bonnes questions sur le volet de l'action sociale. Je me concentrerai sur l'aspect emploi.
En effet, ce serait une erreur que de ne pas profiter de ce texte pour aborder cette question. Je préside une mission locale, un Plie et une maison de l'emploi, et le nombre de structures qui s'occupent d'emploi et l'empilement des dispositifs, auquel les gouvernements successifs ont tous contribué, aboutissent à une situation véritablement « kafkaïenne ». Les demandeurs d'emploi ne peuvent plus s'y retrouver, d'autant qu'il n'y a pas de guichet unique. Les élus locaux qui président les structures sont confrontés à des publics en grande difficulté qu'ils n'ont pas la capacité d'accompagner correctement.
Il faut faire oeuvre de salubrité publique en simplifiant les compétences, en faisant évoluer Pôle emploi et en confiant la compétence « emploi » aux régions. Ces dernières pourront alors contracter avec les intercommunalités qui sont l'échelon réellement pertinent.
Le texte soumis à notre examen date de juin mais le contexte a fortement évolué depuis. Il était question à l'époque de supprimer les départements. De ce point de vue, le texte est obsolète. Or des élections départementales sont prévues en 2015 et les candidats ne savent même pas ce que le Gouvernement entend mettre dans le texte.
On prétend qu'il faut simplifier le millefeuille territorial mais en même temps on en rajoute une couche avec la création des métropoles. Aujourd'hui, il semble que les départements ne disparaîtront pas. Les amendements qui nous sont proposés sont donc pertinents mais uniquement si les départements continuent à exister aux côtés des métropoles.
Mais nous sommes encore au milieu du gué et les amendements seront évanescents tant que le problème central ne sera pas réglé.
Je souhaite insister sur la question des mineurs isolés étrangers. Les structures départementales sont rapidement insuffisantes et il y a un besoin de clarification des compétences.
Il ne faut pas proposer des simplifications qui entraîneraient une uniformisation des dispositifs. Chaque acteur de la politique de l'emploi a ses spécificités. Les financements croisés peuvent être utiles. Il est très important de maintenir le PTI aux départements.
Faire des missions locales de simples émanations de Pôle emploi me paraîtrait dangereux, et seraient contraires à la philosophie à l'origine de leur création. Je pense aussi qu'il faut professionnaliser les accompagnants des structures locales.
On ne peut accuser le Gouvernement d'obstination quand il refuse de céder à la pression de la rue et d'indécision quand il reconnaît devoir faire évoluer ses projets pour une meilleure prise en compte de l'intérêt général. Effectivement, notre discussion démarre dans le flou. Cependant, les départements sont confortés dans leurs missions afin d'assurer les solidarités humaines et territoriales.
Je m'interroge sur l'articulation entre départements et métropoles là où ils coexisteront. Par ailleurs, la possibilité de délégation des compétences des départements vers les intercommunalités, qui n'est pas abordée dans ce texte mais est très importante.
D'autres questions relèvent de textes financiers comme la nécessité que l'assurance maladie finance bien l'ensemble des dépenses de santé et que les départements financent, pour leur part, ce qui relève du social.
Tout d'abord, une question peut-être naïve : ce texte est-il recevable alors même qu'il est partiellement obsolète ? Par ailleurs, je rejoins le constat selon lequel nous ne sommes pas toujours en capacité d'accueillir les mineurs isolés étrangers. Enfin, il est nécessaire de promouvoir l'accompagnement global dans l'emploi en mobilisant toutes les structures.
Je note nos contradictions. Nous voulons plus de lisibilité et de simplicité mais en même temps, quand on s'adresse à l'humain, il faut que chaque action soit la plus individualisée possible. Dans les relations entre les départements et les métropoles, il faut retrouver un équilibre qui n'existe pas à l'heure actuelle.
Sur les mineurs isolés étrangers, le Gouvernement a reconnu sa responsabilité en matière de politique d'immigration et de mise en sécurité. Le dispositif mis en place en 2013 n'est pas parfait mais un premier pas a été franchi.
Je ne pense pas que Pôle emploi saura faire ce que font les maisons de l'emploi et il ne faut pas qu'il se substitue à elles. Par ailleurs, les financements croisés offrent un réel intérêt.
J'estime que ce n'est pas une bonne chose que de réduire le département à un rôle de guichet et je suis opposé au fait de supprimer, comme le fait le texte du Gouvernement, la clause de compétence générale. Le département ne peut-être une collectivité locale au sens de la Constitution que s'il s'administre librement.
En supprimant la clause de compétence générale, on va vers une augmentation des dépenses publiques et la création de véritables usines à gaz. Il me paraît aussi très difficile de séparer, dans les départements, politique sociale, politique de l'emploi et politique économique.
Il faudrait par ailleurs financer une véritable politique de prévention : 40 % des demandes d'APA sont liées à des chutes.
Je souhaite simplement préciser que, quand un mineur isolé étranger arrive sur le territoire, la mise à l'abri, l'évaluation et l'orientation doivent être prises en charge par l'Etat. En revanche, l'accueil de long terme dans les structures de l'aide sociale à l'enfance relève bien des départements.
Concernant les mineurs isolés étrangers, un dispositif a été mis en place qui assure la prise en charge par l'Etat de la période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation. Mais cette prise en charge est limitée à cinq jours, ce qui n'est pas suffisant. Les modalités d'évaluation de l'âge ont également été améliorées. Mais il faut davantage former les personnels chargés de cette évaluation. Plus globalement, il nous faut parvenir à un juste équilibre dans la répartition des compétences entre l'Etat et les départements. J'indique par ailleurs que la prise en charge par les départements ne s'arrête pas une fois que le jeune atteint l'âge de 18 ans. Bien souvent, un contrat jeune majeur lui est proposé pour faciliter son insertion. Des règles ont été définies pour répartir les mineurs isolés étrangers dans les départements. Ces derniers jouent le jeu mais leurs capacités d'accueil sont bien souvent insuffisantes.
Je vous propose de réécrire en partie l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales. Il s'agit de faire clairement reposer les départements sur leurs deux pieds : la solidarité des hommes et la solidarité des territoires.
La loi « Mapam » avait rendu facultatifs les transferts de compétences aux métropoles. Ce que nous propose aujourd'hui le Gouvernement est donc contraire à ce qui a été décidé il y a quelques mois. En outre, je ne vois pas comment un département et une métropole qui ne se sont pas entendus sur le transfert de trois compétences pourraient parvenir à une solution satisfaisante pour sept compétences. Je vous propose donc que le transfert ne puisse être que volontaire. En outre, toutes les compétences sociales ne doivent pas être transférées. Il faut que le département puisse continuer à être en mesure de mener des politiques cohérentes sur son territoire. Il faut davantage cibler les politiques susceptibles d'être transférées. J'estime également que les transferts de compétences aux intercommunalités doivent être regardés avec prudence, même s'ils peuvent être pertinents dans certains cas.
Sur la clause de compétence générale, il faut avancer. Dans une période de raréfaction des deniers publics, celle-ci n'a plus qu'une pertinence limitée. Les départements et les régions ne font d'ailleurs appel que très rarement à la clause de compétence générale.
S'agissant de l'emploi, les inquiétudes sont nombreuses. Nous avons mené un grand nombre d'auditions avec les rapporteurs de la commission des lois. Les acteurs de terrain semblent privilégier le statu quo et le maintien de financement d'origines multiples. L'administration ne fait en revanche pas mystère du progressif tarissement des financements pour un certain nombre de structures. Nous ne pouvons plus continuer ainsi. Il faut simplifier pour, dans la mesure du possible, conforter les dispositifs qui fonctionnent. L'amendement que je vous soumets tient compte de la création des Crefop, qui sont des parlements de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelles, dotés d'un bureau exécutif. Je vous propose que ces Crefop soient présidés par le seul président de région.
Nous ne pouvions pas proposer de véritables transferts financiers. Les auditions nous ont d'ailleurs montré, au regard de la réforme passée de l'apprentissage, que les modalités retenues lors de la régionalisation de la politique de l'emploi pouvaient poser question. Il convient d'être prudent et de maintenir une capacité d'impulsion au niveau national, ce qui ne doit pas empêcher d'associer les régions aux décisions du Cnefop.
Le premier amendement a pour objet d'exclure le service départemental d'action sociale du champ des compétences susceptibles d'être déléguées ou transférées aux métropoles. Celui-ci constitue en effet le socle sur lequel repose l'ensemble de l'organisation du département en matière d'accompagnement social.
L'amendement n° 1 et l'amendement n° 2, rédactionnel, sont adoptés.
L'amendement n° 3 vise à clarifier les possibilités de transferts de compétences concernant les jeunes et l'action sociale auprès des personnes âgées.
Je crains que nous ne restions dans la même logique de transfert obligatoire des compétences des départements aux métropoles. Je préfèrerais que le conventionnement puisse rester libre.
Votre amendement propose de transférer tout ce qui touche aux jeunes et aux familles en difficulté et de limiter les possibilités de transfert concernant les personnes âgées. Je ne partage pas cette logique.
Pour les jeunes et les familles, il s'agit des actions prévues à l'article L. 121-2 du code de l'action sociale et des familles.
Je vous propose en effet de retenir un champ plus large que celui de l'actuel « 5° » pour les jeunes et les familles en difficulté mais de restreindre les possibilités de transferts s'agissant de l'action sociale.
Le fait d'avoir plusieurs acteurs, notamment en matière de prévention, va-t-il apporter une véritable simplification ? Quelle sera ensuite la cohérence de l'action départementale ?
Les actions de prévention dont il est question sont par définition mixtes et elles sont mises en oeuvre dans des zones urbaines. Les transférer peut être source de simplification si les acteurs concernés sont volontaires.
L'amendement n° 3 est adopté.
Je m'interroge sur l'opportunité de ces transferts de compétences aux métropoles. Qu'adviendra-t-il des territoires situés en dehors de celles-ci ? Nous risquons de créer des distorsions.
C'est bien pour cette raison que je vous propose d'amender le texte afin que les transferts ne puissent être que volontaires.
Je partage l'esprit de cet amendement mais il me semble en contradiction avec ce qui a été adopté précédemment. A partir du moment où le conventionnement sera libre, pourquoi limiter le champ des compétences pouvant être transférées ?
J'estime préférable de fixer un cadre aux possibilités de transferts ou de délégations.
Pourquoi traiter différemment les jeunes qui vivent en ville et ceux qui vivent en milieu rural ? Nous avons déjà la possibilité de transférer certaines compétences. Pourquoi vouloir aller plus loin ?
C'est ce que prévoit le texte du Gouvernement. Je ne fais que vous proposer des adaptations au projet de loi initial sans chercher à tout supprimer.
Dans le texte du Gouvernement, les transferts interviendront après convention, pour un nombre limité de compétences. L'amendement du rapporteur vise à supprimer tout transfert de plein droit et donc tout caractère obligatoire à ces transferts. Si nous supprimons l'article 23, il n'y a plus aucune possibilité de conventionnement.
L'amendement suivant crée un prélèvement sur recettes destiné à compenser pour les départements la prise en charge des mineurs isolés étrangers.
L'Etat prend d'ores et déjà en charge la période de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation. Certes, le montant est forfaitaire et la durée limitée mais, sur le principe, l'amendement est satisfait. Concernant la prise en charge dans les structures médico-sociales, cela relève de la compétence des départements et non de l'Etat.
La première phase de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation n'est pour le moment financée par l'Etat que sur une durée de cinq jours. Or nous savons que ce délai est insuffisant. C'est pour cette raison que l'amendement que je vous soumets doit permettre d'assurer le financement de l'ensemble de cette première période, quelle que soit sa durée.
L'amendement n° 6 est adopté.
Le dernier amendement que je vous présente pose les jalons de la décentralisation de la compétence « emploi » aux régions, tout en confortant les missions de Pôle emploi au niveau national et régional.
Le premier volet porte sur Pôle emploi, afin d'en faire un acteur incontournable de la politique de l'emploi. D'une part, il devra conclure des conventions pluriannuelles de coopération avec l'ensemble des autres acteurs de la politique de l'emploi puis présenter régulièrement des propositions visant à réduire le nombre de ces intervenants et à rationaliser l'organisation du service public de l'emploi. Ensuite, les conseils régionaux seront dorénavant consultés avant la conclusion de la convention pluriannuelle nationale conclue entre l'Etat, Pôle emploi et l'Unédic, tandis que les régions bénéficieront d'un siège spécifique au conseil d'administration de l'opérateur public. Par ailleurs, Pôle emploi pourra désormais acheter directement des formations collectives si elles présentent un intérêt national définies par décret, ce qui permettra notamment de préserver certains centres de formation de rayonnement national de l'Afpa actuellement fragilisés.
Le second volet porte sur la région, qui aura la charge d'assurer la coordination des intervenants du service public de l'emploi sur son territoire. La présidence du Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) sera désormais confiée au président de région, et ne sera donc plus partagée avec le préfet de région. Le contenu des conventions signées entre le Crefop et les intervenants du service public de l'emploi est précisé, en accordant une place privilégiée à Pôle emploi. Ainsi, le directeur régional de Pôle emploi devra venir régulièrement devant le bureau du Crefop présenter l'état d'avancement de sa convention. La légitimité du représentant régional est d'ailleurs renforcée puisque sa nomination par le directeur général devra intervenir après avis du conseil d'administration de Pôle emploi.
Au total, cet amendement, soutenu par les co-rapporteurs de la commission des lois, ne remet en cause ni la définition de la politique de l'emploi au niveau national, ni son financement par l'Etat, ni les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi, mais il renforce le rôle de Pôle emploi et poursuit le mouvement de décentralisation au profit des régions, afin de rationaliser le service public de l'emploi.
J'ajoute que les Crefop ne sont pas installés dans toutes les régions. L'objectif fixé par le Gouvernement aux préfets de région est de réunir les bureaux des Crefop avant la fin de l'année pour aborder notamment la question du compte personnel de formation. Il n'est donc pas trop tard selon moi pour en modifier la gouvernance.
Mon groupe ne prendra pas part au vote, compte tenu de la technicité de cet amendement qui demande une analyse approfondie. Je suis d'ailleurs étonnée que cet amendement n'ait pas été précédé d'une concertation avec les partenaires sociaux...
Nous avons en effet estimé que cet amendement ne rentrait pas, à proprement parler, dans le champ de l'article L. 1 du code du travail, qui a été décliné par un protocole spécifique au Sénat en 2009.
Cet amendement nécessite en effet une expertise complémentaire de notre part.
Le mérite de cet amendement est de faire bouger les lignes dès maintenant.
Il nous faudra lire attentivement cet amendement, qui me paraît important pour ouvrir le débat et que le Sénat pourrait accepter. Le Premier Ministre s'est dit ouvert à une discussion avec le Parlement lors de l'examen du projet de loi : faisons lui crédit de cet engagement. Je ne suis pas sûr que le rôle qui pourrait être confié à Pôle emploi par cet amendement soit justifié, même si cet acteur est incontournable. Je rappelle que les maisons de l'emploi, lors de leur création, avaient précisément comme objectif de coiffer tous les autres intervenants du service public de l'emploi. C'est ce rôle que vous souhaitez donner à Pôle emploi, et il y a là matière à réflexion. Mais je soutiens à ce stade cet amendement pour que le débat puisse avoir lieu.
Les maisons de l'emploi peuvent effectivement être utiles dans certains bassins d'emploi. Il serait alors dommage de s'en priver. Mais une chose est sûre : si on ne fait rien, ces structures disparaîtront d'elles-mêmes.
La portée de cet amendement prouve, quoiqu'en disent certains collègues, qu'un travail de fond est possible à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.
L'amendement n° 7 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi dont elle est saisie, assorties des amendements qu'elle a adoptés.
AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS
La réunion est levée à 16 h 20.