Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 4 novembre 2014 : 3ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Avec 99,3 milliards d'euros de crédits en 2015, soit 26 % des recettes fiscales brutes, la mission « Remboursements et dégrèvements » constitue un volet important de notre politique fiscale, même si ce montant est en diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La mission retrace des dépenses découlant de dispositifs réduisant l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la TVA ainsi que les principaux impôts locaux. Ses indicateurs de performance révèlent les difficultés rencontrées par un nombre croissant de contribuables : le léger allongement du délai de traitement des réclamations contentieuses relatives à l'impôt sur le revenu et à la taxe d'habitation résulterait, selon la direction générale des finances publiques (DGFiP), de la hausse du nombre des recours gracieux, les mêmes agents ayant à traiter les recours gracieux et contentieux. Cela pose évidemment la question de l'évolution de leurs effectifs.

Je regrette, comme chaque année, que les documents budgétaires soient aussi peu étoffés. Malgré ma demande, nous ignorons combien de ménages bénéficient d'exonérations et dégrèvements d'impôts locaux - un chiffre cependant nécessaire pour apprécier l'impact de la politique fiscale nationale sur la vie de nos concitoyens.

Les remboursements et dégrèvements liés aux impôts d'État devraient s'élever à 87,7 milliards d'euros en 2015, soit environ 90 % des crédits de la mission. Leur baisse de 2,9 milliards par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2014 est en trompe-l'oeil : la comparaison des crédits prévus pour 2015 à leur estimation révisée pour 2014, qui s'appuie sur l'exécution du premier semestre 2014, montre qu'ils augmenteraient plutôt d'environ 4 milliards d'euros en 2015. Si ce différentiel est moins inquiétant que pour une autre mission, puisque les crédits de cette mission reposent sur des prévisions, toujours appelées à évoluer, cet écart important rend d'autant plus nécessaire de présenter l'estimation révisée dans l'ensemble des documents budgétaires et d'expliquer les écarts à la prévision.

L'augmentation prévue pour 2015 prolonge la tendance observée depuis le début des années 2000 : trois observations peuvent être faites à ce sujet. Premièrement, les politiques fiscales s'appuient de plus en plus sur des mécanismes d'exonération ou de crédit d'impôt, peu pilotables par l'État d'une année sur l'autre, et peu lisibles pour le citoyen.

Deuxièmement, cette hausse profite avant tout aux entreprises : même lorsque les remboursements et dégrèvements liés à la TVA sont retranchés du montant qui leur est destiné, les remboursements et dégrèvements en direction des entreprises restent bien supérieurs aux transferts vers les ménages et ils connaissent également une évolution beaucoup plus dynamique (+ 46,9 % entre 2012 et 2015 contre - 1,5 %).

Enfin, si les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt (72 % des crédits du programme), consistant principalement en remboursements d'impôt sur les sociétés et de TVA, sont relativement stables, ceux qui relèvent d'une politique publique (14 % des crédits du programme) augmentent fortement depuis 2013 avec la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), retracée dans la mission « Économie ». Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion de l'impôt (13 % des crédits du programme) devraient quant à eux augmenter légèrement du fait de l'augmentation du remboursement de sommes indûment perçues dans le cadre de la condamnation de la France dans les contentieux « Précompte » et « OPCVM ».

Si les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux (environ 11 milliards d'euros) sont relativement stables depuis la suppression de la taxe professionnelle en 2011, cette stabilité recouvre en 2015 deux mouvements de sens contraire mais de faible ampleur (environ 200 millions d'euros) : une augmentation du coût du plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu fiscal de référence, ainsi qu'une diminution du dégrèvement transitoire et une diminution anticipée des restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Quant aux impôts « ménages », je regrette que l'expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation n'ait toujours pas été initiée : l'on ne connaît toujours pas les départements pilotes.

Je remarque que l'évolution de la CVAE varie selon les secteurs d'activité : la contribution du secteur des activités financières et d'assurance a particulièrement diminué entre 2010 et 2012. Serait-ce le résultat de comportements d'optimisation ?

Je soutiens enfin le projet de la DGFiP et des associations d'élus favorisant la transmission aux collectivités territoriales des données relatives aux recettes fiscales, la prévisibilité de la CVAE étant de la plus grande importance pour nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les admissions en non-valeur de nos impôts locaux progresse de quarante millions d'euros, soit de 9,88 %. Les services fiscaux assurant les encaissements manifesteraient-ils une moindre appétence pour le recouvrement de la fiscalité locale, ou bien cette progression est-elle liée à la conjoncture économique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je soutiens la proposition de la rapporteure spéciale d'une coopération avec la DGFiP sur la prévisibilité de la CVAE. Cet impôt, résultant de réforme de la taxe professionnelle, avait été très compliqué à mettre en place ; le Sénat avait souhaité la territorialisation de l'impôt reposant pour moitié sur les effectifs, sur la surface pour l'autre moitié. Aujourd'hui, nous rencontrons énormément de difficultés à obtenir les données précises entreprise par entreprise. Il est quasiment impossible aux élus locaux, auxquels l'on oppose le secret fiscal, de détecter des comportements d'optimisation, des erreurs, voire des fraudes...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le montant des admissions en non-valeur était aussi important en exécution en 2013 que celui prévu pour 2015. Nous attendons encore le montant d'exécution pour 2014. Cela nous aiderait de disposer des éléments d'approche révisée, mais les impôts locaux sont acquittés plus tardivement que les autres... Sans doute devrons-nous attendre ces chiffres jusqu'au début de l'année prochaine.

Une meilleure connaissance du nombre d'emplois au niveau local est évidemment nécessaire pour contrôler le recouvrement de la CVAE. Une mission de l'Inspection générale des finances a présenté un premier travail sur cette question au Comité des finances locales. Espérons qu'en joignant nos voix à la sienne, nous serons mieux entendus et nous surmonterons l'objection du secret fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Quelle est votre préconisation, madame la rapporteure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Les crédits de cette mission étant évaluatifs, la commission peut les voter. Pour ma part, mon profond désaccord avec le CICE me conduira à m'abstenir.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur les missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Principale mission du pôle économique et financier de l'État, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte principalement sur les crédits de l'administration fiscale (DGFiP) et de l'administration des douanes (DGDDI), deux administrations de réseau, ainsi que sur les moyens alloués à plusieurs structures et politiques transversales qui relèvent de Bercy.

Les crédits de paiement (CP) demandés (11,3 milliards d'euros) baissent de 174 millions d'euros (- 1,4 %) par rapport à 2014. La baisse est encore plus marquée en autorisations d'engagements (AE), puisqu'elle atteint 277 millions d'euros (- 2,4 %) sur un an. Comme les années précédentes, cette mission est fortement mise à contribution dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques.

La DGFiP, qui représente à elle seule 73 % des crédits de la mission, fournit l'effort le plus important : ses crédits baissent de 112 millions d'euros sur un an sur un total de 8,2 milliards d'euros, soit une baisse de 1,3 %. Les économies reposent avant tout sur les dépenses de personnel, qui représentent 77 % des crédits de la mission. Celles-ci baissent de 105 millions d'euros en 2015 (-1,2 %), ce qui correspond à 2 400 suppressions de postes, dont 2 000 pour la seule DGFiP. La mission arrive ainsi en second, après la mission « Défense » et ses 7 500 suppressions de postes, et largement devant toutes les autres, dans l'ordre des missions dont les effectifs baissent le plus.

Les autres catégories de dépenses sont elles aussi réduites, mais de manière plus modeste et surtout plus ambiguë. D'importants gains de productivité sont attendus des progrès de la dématérialisation des procédures : télédéclaration de l'impôt sur le revenu ou de la TVA, dématérialisation des factures, télé-dédouanement.... La déclaration fiscale simplifiée annoncée par Thierry Mandon, ministre de la réforme de l'État et de la simplification, lors du Conseil de la simplification du 30 octobre dernier, s'inscrit également dans cette logique.

Il devrait résulter de tout cela une baisse des dépenses de fonctionnement : 72 millions d'euros d'économies sont prévus en AE. Pourtant, en CP, les crédits de fonctionnement sont... en hausse de 8 millions d'euros. De fait, en attendant que la dématérialisation et la simplification diffusent tous leurs bienfaits, les dépenses de fonctionnement courant continuent à croître, et les efforts nous semblent insuffisants à cet égard.

Les investissements constituent en réalité l'autre grande source d'économies pour 2015 : ils connaissent, en AE, une baisse drastique de 29 % en un an, soit 89 millions d'euros. Elle s'explique en partie par l'achèvement de grands programmes d'investissement, notamment du renouvellement des avions, de garde-côtes de la douane - à cet égard, la douane entretient actuellement une double flotte et ne renouvelle pas certains matériels, ce qui est source de dépenses importantes. Mais cette baisse tient aussi à l'abandon de projets majeurs engagés ces dernières années : ainsi celui de l'opérateur national de paye (ONP), lancé en 2007 ; il a finalement été décidé d'y mettre fin le 10 mars 2014. D'après les chiffres communiqués à notre commission en mai dernier, 286 millions d'euros auraient été dépensés en pure perte. Ce n'est pas une première : que l'on se rappelle LOUVOIS, le logiciel de paye du ministère de la défense, ou le progiciel comptable ACCORD, remplacé à grand frais par CHORUS en 2007. Avant eux, l'abandon de certaines « briques » du logiciel COPERNIC avait déjà donné lieu à d'importants dépassements de crédits.

L'autre grand sujet est la suspension sine die de l'écotaxe, devenue péage de transit poids lourds, annoncée le 9 octobre 2014. Ceci pose la question de l'avenir du centre de gestion installé à Metz et des 130 douaniers qui y sont affectés.

Je terminerai en rappelant que les administrations relevant de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont concernées au premier chef par la lutte contre la fraude fiscale, qui est, comme l'a récemment rappelé le ministre des finances, un enjeu politique et budgétaire majeur. À cet égard, il serait important que la baisse des effectifs ne s'applique pas de façon uniforme à tous les services, afin que soient préservées nos capacités de contrôle fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je regrette le manque de responsabilité collective dont les élus de la majorité comme de l'opposition ont fait preuve au sujet de l'écotaxe. Nous en avions approuvé la création à une large majorité ; combien étions-nous pour la défendre à la fin ? Je regrette, ensuite, que nous n'ayons pu obtenir un chiffrage précis des coûts pour l'État. Je parle non seulement de l'indemnisation d'Ecomouv', mais aussi des coûts liés au service de Metz - où sont bien affectés 130 douaniers ainsi que près de 150 salariés d'Ecomouv', dont les emplois sont en jeu - ou encore à la reconversion des portiques. Je regrette, enfin, que les collectivités volontaires n'aient pas été autorisées à mener des expérimentations.

La mission « Provisions » est une mission spécifique, prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dont les deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances ; elle n'est donc pas assortie d'une stratégie de performance. Avec 165,3 millions d'euros en crédits de paiement, c'est la moins dotée du budget général. Sont compris dans cette enveloppe les crédits de subventions versées sur proposition du Parlement, qui seront répartis ultérieurement au cours de la discussion budgétaire.

La dotation du programme « Provision relative aux rémunérations publiques » n'est pas budgétée pour 2015, signe d'une bonne répartition des dépenses de personnels sur les différentes missions.

La dotation du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » assure notamment les dépenses urgentes rendues nécessaires par des catastrophes naturelles qui pourraient survenir en France ou à l'étranger. Pour 2015, 465,3 millions d'euros d'AE et 165,3 millions d'euros de CP sont demandés sur cette dotation. La différence de 300 millions d'euros en AE correspond, comme les années précédentes, à la constitution d'une provision destinée à financer d'éventuelles prises à bail privées des administrations. Il serait évidemment préférable, au vu de l'usage qui en a été fait en 2014 et compte tenu du fait que la plupart d'entre elles soient possibles à anticiper, que celles-ci soient incluses dans les budgets des ministères. Nous vous suggérons donc de préciser la doctrine d'emploi de cette dotation afin d'en circonscrire le recours au seul critère accidentel.

Conformément à une recommandation récurrente de la Cour des comptes et afin d'éviter toute confusion avec le terme de « provisions » emprunté à la comptabilité générale et répondant à une tout autre définition, nous vous proposons un amendement visant à modifier la dénomination de la mission au profit de l'intitulé « Crédits non répartis ».

Outre les budgets ministériels, la politique immobilière de l'État repose tout d'abord sur le programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui finance les travaux d'entretien lourd des propriétés de l'État. Il est doté de 166 millions d'euros en 2015, soit une légère baisse de 1,6 %. La maintenance corrective sera moins dotée en 2015, au profit de la maintenance préventive, mais surtout des contrôles, audits et diagnostics qui la précèdent.

Second outil de la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance les travaux structurants de reconversion. Il est alimenté par une partie des produits de cession des immeubles de l'État, évalués à 521 millions d'euros pour 2015. C'est un objectif ambitieux, comparé notamment aux 470 millions d'euros prévus pour 2014, mais réaliste selon les services de France Domaine. On peut toutefois regretter que très peu d'éléments soient disponibles pour juger du bien-fondé d'un prix de cession et s'assurer, notamment, qu'un bel immeuble n'est pas cédé à vil prix pour produire des recettes immédiates. La valorisation des biens par France Domaine fait cependant l'objet d'améliorations constantes.

Le taux de contribution du CAS au désendettement, qui devrait théoriquement atteindre 30 % du montant des cessions, ne sera l'année prochaine que de 16 %, du fait des exonérations dont bénéficient le ministère des affaires étrangères sur les biens situés à l'étranger, et surtout le ministère de la défense. Compte tenu des efforts demandés à ce dernier, cette dérogation nous paraît justifiée. La hausse attendue des produits de cessions fait mécaniquement augmenter la contribution au désendettement de l'État, toutes choses égales par ailleurs. Celle-ci sera donc de 108 millions d'euros en 2015.

Le reste des dépenses du CAS, soit 413 millions d'euros, finance les travaux de restructuration immobilière. Les crédits sont en baisse de 5,3 % en crédits de paiement, mais de fortes variations ne doivent pas surprendre, la plupart des projets s'étendant sur plusieurs années.

Je terminerai par trois remarques. Premièrement, certains arbitrages stratégiques pour la politique immobilière n'ont jamais été vraiment opérés : la valorisation locative du patrimoine de l'État et de ses opérateurs pourrait souvent se révéler plus avantageuse qu'une cession en une fois. La stratégie de France Domaine est trop souvent guidée par des objectifs de court terme.

Ensuite, le pilotage de la politique immobilière des opérateurs reste défaillant. Alors que nous avions demandé, dès 2009 à l'Assemblée nationale, à ce que le patrimoine immobilier des opérateurs soit évalué, aucune vision d'ensemble fiable n'est disponible à ce jour. La nouvelle génération de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) et le « suivi renforcé » de certains opérateurs seront peut-être l'occasion d'améliorer les choses, mais il n'est pas normal que, plusieurs années après la circulaire du 16 janvier 2009 du Premier ministre, nous n'ayons toujours pas l'inventaire des biens de chacun des opérateurs.

Enfin, le pilotage du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » est soumis à des objectifs contradictoires. Comme vous le savez, la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé avec une forte décote, pouvant aller jusqu'à 100 %, lorsque ces terrains sont destinés à la construction de logements sociaux. Sans remettre en cause les bonnes intentions qui l'ont inspiré, nous constatons que ce dispositif ne correspond pas à la vocation du CAS, qui est de contribuer au désendettement et de financer des travaux lourds. Ces décotes devraient faire l'objet d'une compensation en provenance du budget général, et particulièrement de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » afin d'avoir, comme le demande la LOLF, la reconstitution d'une politique à coût complet.

Dans cette perspective, je vous propose à titre personnel un amendement visant à minorer les dépenses immobilières accordées à chaque ministère d'un montant égal à la décote consentie. De cette manière, le budget général assumera bien, conformément à sa vocation, la politique en faveur du logement social.

Nous proposons de réserver le vote sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais d'approuver ceux de la mission « Provisions » et du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Merci, mes chers collègues, pour ce rapport en binôme, qui manifeste une expérience acquise en d'autres lieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je partage le regret que les effets d'annonce ne soient pas suivis de propositions de textes ou d'amendements. Lorsqu'on annonce unilatéralement la suspension de l'écotaxe, avec les conséquences que cela comporte, il faudrait modifier le code des douanes, dont beaucoup de dispositions font référence à cette taxe.

Au cours de ses récents échanges avec la Commission européenne, Michel Sapin a déclaré que, sur les 3,6 milliards d'euros d'économies, 900 millions d'euros viendraient de la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscale. D'où viennent-ils ? Serait-ce de la lutte contre la fraude à TVA, dont la Commission européenne estime qu'elle s'élève à 32 milliards d'euros pour la France ?

Quant au CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », il est regrettable que la vente des biens immobiliers de prestige soit toujours conduite dans l'opacité. Je m'étonne que nous ne connaissions toujours pas le prix de la vente de l'ancien couvent de Penthemont qu'occupait le ministère de la défense. Peut-on prévoir des clauses de retour des produits de cession en cas de plus-values lors d'opérations de reventes successives ? Je pense évidemment au mauvais exemple de l'Imprimerie nationale. Comment se prémunir contre la répétition d'une telle erreur d'évaluation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L'hôtel de Clermont, mon ancien ministère, est resté dix-huit mois en vente avant que l'on y renonce. L'État a une conception très curieuse de la gestion de son patrimoine. Il n'a pas les moyens d'entretenir les bâtiments historiques, mais ne se résout pas à les vendre. Il faudra pourtant bien se décider.

L'État ne brade pas toujours son patrimoine. Le conseil régional d'Île-de-France a essayé d'acheter un terrain à Paris : on a commencé par nous répondre, il y a trois ou quatre ans, que ce serait une mauvaise affaire pour l'État parce que les prix montaient ; on nous oppose maintenant la baisse des prix. L'État fait tout pour ne pas vendre ses terrains dans Paris. Sa gestion est erratique. J'en appelle à davantage de réalisme dans la détermination des objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Quel différentiel entre les prévisions et les réalisations de cessions ! Disposez-vous d'éléments tangibles pour juger possibles les 521 millions d'euros inscrits au budget 2015 ? Ces cessions conditionnent largement l'équilibre du budget de la défense ; or le ministère de la défense n'a procédé en 2014 à pratiquement aucune cession immobilière. Si je rejoins les rapporteurs spéciaux lorsqu'ils parlent de l'exception qui doit présider à la gestion des cessions immobilières du ministère de la défense, je ne puis que constater que les recettes ne se sont pas réalisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L'exemple de l'hôtel de Clermont me fait penser à celui des ambassades. Ce sont souvent des lieux chargés d'histoire, mais il n'y a pas un fifrelin pour les entretenir. On les laisse tomber en ruine, pour finalement tirer la conclusion qu'il faut de nouveaux bâtiments. Les Allemands, eux, ont une règle simple et saine : 2 % ou 3 % du budget annuel doit être investi dans l'entretien des bâtiments.

Les rapporteurs ont fait allusion aux Affaires étrangères comme à une exception. À l'étranger, les ventes ne sont pas conduites par France Domaine, mais par des agences immobilières qui connaissent le prix du marché. Cependant, à ma connaissance, le ministère des affaires étrangères est tenu de verser à l'État un minimum de 25 millions d'euros de contribution au désendettement : compte tenu du fait qu'il doit par ailleurs financer des dépenses immobilières sur le CAS, les cessions doivent donc atteindre environ 50 millions d'euros pour que ce ministère en retire un véritable bénéfice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La baisse des effectifs de la direction générale des finances publiques ne risque-t-elle pas d'affaiblir la lutte contre l'évasion fiscale ? Le ministre des finances avait pourtant parlé d'y affecter une sorte de brigade spéciale.

La dématérialisation des procédures affecte nos collectivités, auxquelles elle demande des investissements importants. La mise en route n'est pas si simple sur le terrain, et les réductions de coût paraissent douteuses...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Au-delà des 25 millions d'euros de contribution au désendettement des ventes du ministère des affaires étrangères, le ministère a également l'obligation d'investir plusieurs millions d'euros, pris eux aussi sur le montant des ventes, dans la sécurisation et la rénovation lourde des postes à l'étranger. On en arrive rapidement à un total de 65 millions d'euros de produits de ventes nécessaires chaque année. Cela ne fonctionnera probablement pas au-delà de trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

L'objectif de dégager 1,9 milliard d'euros en 2014 par la lutte contre la fraude devrait être largement atteint. En mai 2014, 23 000 dossiers avaient été déposés dans le cadre de la lutte contre la fraude passive, dont 1 260 étaient déjà traités ; au 19 septembre, 2 400 dossiers avaient été traités, l'avoir médian se montant à environ 400 000 euros. Il ne s'agit pas pour autant de ressources pérennes.

Les différents ministres du budget, à commencer par Éric Woerth, s'étaient engagés à maintenir les effectifs des brigades de contrôle. De plus, la gestion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) suscite des charges supplémentaires qu'il convient d'examiner.

On parle beaucoup en France de dématérialisation, mais d'autres pays européens la mettent bien davantage en oeuvre, conformément aux directives communautaires. Le parlement danois a décidé, à compter du 1er septembre 2014, de ne plus envoyer de lettres aux particuliers, et a demandé aux collectivités locales de faire de même. Certaines orientations européennes posent le problème des possibilités d'accès à Internet dans certains de nos territoires. La dématérialisation des relations entre la DGFiP et les collectivités territoriale nécessite en outre de réfléchir à la certification comptable. Il faudra être vigilant.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La valorisation ultérieure des biens constitue en effet un problème, auquel il conviendrait de répondre par un intéressement de l'État sous la forme d'une clause d'earn out. Certaines opérations de ce type auraient pu être portées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), si l'État l'avait souhaité. Il n'est pas trop tard pour ouvrir le débat.

Roger Katoutchi soulevait à juste titre le problème du patrimoine historique. La France possède à Florence deux palais, appartenant l'un à la chancellerie des universités de Paris, l'autre au Quai d'Orsay, et qu'elle n'a pas les moyens d'entretenir. Il faudrait en céder un.

Des terrains parisiens estimés à 60 millions d'euros ont été vendus à la Ville pour 40 millions d'euros, certes afin de construire des logements sociaux, mais il y a bien là une subvention indirecte de l'État à la ville de Paris qu'il convient de retracer dans le budget de l'État.

L'objectif de cessions immobilières pour cette année est certes ambitieux, mais l'on peut porter au crédit du ministère le fait que les 470 millions d'euros inscrits au budget de 2014 seront probablement atteints. Espérons que l'on puisse faire un peu mieux en 2015.

La règle relative aux biens situés à l'étranger sera bien modifiée en 2015. Je vérifierai le seuil de 50 millions d'euros de ventes à atteindre par le ministère des affaires étrangères pour « absorber » la contribution au désendettement de 25 millions d'euros. Une politique de provisions pour les grosses réparations sur ces biens serait raisonnable. Les ambassadeurs ont une compétence globale sur l'ensemble des biens français à l'étranger, ce qui autorise des réaffectations entre ministères.

À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Michel Bouvard propose un amendement portant article additionnel rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La loi « Duflot » autorise l'État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale, lorsqu'ils sont en partie destinés à la construction de logements, cette décote pouvant atteindre 100 % lorsqu'il s'agit de logements sociaux. L'amendement vise, dans un simple souci de transparence dépourvue de jugement politique, à rendre possible l'évaluation de cette politique du logement à coût complet, en faisant apparaître le montant de la décote dans les crédits du ministère concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

Nous voterons contre cet amendement, qui est une position comptable mais avec des conséquences politiques : nous ferons primer l'aspect politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Cet amendement rejoint la position exprimée par le conseil de l'immobilier de l'État (CIE) par des élus de toutes les sensibilités politiques, et j'y suis naturellement très favorable. Si l'on appliquait l'exemple à l'extrême, l'îlot Saint-Germain du ministère de la défense pourrait être cédé pour un euro... L'opération de Balard serait grandement compromise. Nous pouvons ne pas remettre en cause la possibilité d'une décote en faveur du logement social, tout en considérant que cela relève de politique du logement, et pas du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous rejetterons cet amendement : la politique du logement est déjà très compliquée à mettre en oeuvre, et tout signal qui inciterait les ministères à encore plus de prudence serait néfaste. Il n'est déjà pas évident de convaincre les ministères d'accorder une décote : ne les freinons pas encore davantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Le patrimoine que cèdent les ministères n'est pas le leur, mais celui de l'État. C'est un patrimoine global. Le produit de la vente doit revenir au pot commun, comme les impôts, et son affectation être soumise à un choix politique, tel que le logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je comprends l'approche de l'amendement de Michel Bouvard, conforme à l'esprit de la LOLF ; mais je n'ai pas souhaité le cosigner.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

L'amendement répond à un souci de transparence. Si la priorité est le désendettement, cette décote est un trou ajouté dans le gruyère... En toute logique, ces sommes auraient vocation à être prises en compte dans le budget consacré au logement, sinon il s'agit d'une débudgétisation.

La commission adopte l'amendement proposé par M. Michel Bouvard, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je m'oppose à l'adoption des crédits de la mission « provisions ».

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Provisions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Notre amendement modifie l'intitulé de la mission « Provisions » en « Crédits non répartis ».

La commission adopte l'amendement proposé par MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux.

Enfin, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

La commission procède ensuite à l'audition de M. Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État, directeur de l'Agence des participations de l'État, sur la mise en oeuvre de la doctrine de l'État actionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous entendons maintenant Régis Turrini, nouveau commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État (APE), sur la mise en oeuvre de la doctrine de l'État actionnaire.

Nous avions entendu votre prédécesseur, David Azéma, en 2013 et au début de cette année, à l'occasion de l'investissement de l'État dans PSA. Votre actualité est riche : le Gouvernement a annoncé que des cessions de participations de 5 à 10 milliards d'euros pourraient avoir lieu dans les prochains mois.

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

La publication en début d'année de la doctrine de l'État actionnaire clarifie notre mission : au-delà du suivi en bon père de famille d'un portefeuille hérité du passé, il s'agit pour la première fois d'adopter une gestion active. Ses lignes directrices, présentées au Conseil des ministres du 15 janvier dernier, fixent quatre objectifs : maintenir un niveau de contrôle suffisant dans des entreprises intéressant la souveraineté ; s'assurer de l'existence d'opérateurs résilients pour pourvoir aux besoins fondamentaux du pays ; accompagner le développement et la consolidation d'entreprises, en particulier dans des secteurs déterminants pour la croissance ; intervenir ponctuellement, dans le respect des règles européennes, dans des opérations de sauvetage d'entreprises dont la défaillance présenterait des conséquences systémiques. Cela sort l'État du flou qui régnait auparavant, mais doit encore être approfondi. Ainsi un comité stratégique de l'État actionnaire validera la stratégie et jugera la performance de l'APE ; un comité des nominations de l'État actionnaire professionnalisera le processus de nomination des dirigeants et des mandataires.

Deuxième événement, l'ordonnance du 20 août 2014 renforcera le rôle de l'État comme actionnaire et comme administrateur : abandonnant un statut de tutelle faussement protecteur, il lui donnera autant de poids qu'à un actionnaire de droit commun ; la simplification favorise une meilleure allocation du temps et de l'énergie de l'APE, supprime des contrôles a posteriori qui doublonnaient souvent avec les règles internes à l'entreprise : procédures administratives simplifiées, sécurisation du cadre juridique, clarification et modernisation de règles antérieures donnant aux sociétés concernées plus de flexibilité pour la meilleure gouvernance possible. Les tailles impératives des conseils d'administration sont abandonnées, l'État se donnera la possibilité de nommer des administrateurs extérieurs, et créera un comité des nominations. Des spécificités sont néanmoins conservées, telle que la règle du tiers pour les salariés ou la protection des intérêts stratégiques.

La politique de cessions entamée en 2013 s'est poursuivie, conformément aux objectifs du désendettement et de réinvestissement. L'APE a procédé à trois cessions : un bloc d'Airbus en début d'année pour 450 millions d'euros ; des actions de GDF-Suez en juin pour 1,5 milliard d'euros ; la participation de l'État dans la société Aéroport de Toulouse-Blagnac en ce moment, dont la recette est estimée à plusieurs centaines de millions d'euros - nous avons reçu les offres définitives vendredi dernier.

Nous avons procédé à trois grandes dépenses : la prise de participation dans PSA pour 800 millions d'euros via la Société de gestion de participations aéronautiques (Sogepa) ; l'achat au commissariat à l'énergie atomique (CEA) de ses titres Areva, conformément à la convention qu'il avait signée avec l'État en 2010 ; l'inscription de 1,5 milliard d'euros au titre du désendettement de l'État.

Les perspectives pour 2015 telles que dessinées dans le projet de loi de finances pour 2015 ne constituent pas une rupture. L'inscription de 4 milliards d'euros pour le désendettement est conforme à ce qui se faisait les années précédentes. Quelques opérations sont en cours : Alstom, sociétés de projet dans le domaine de la défense, logement intermédiaire - le Gouvernement avait annoncé le 27 août la construction de 30 000 logements sur les cinq prochaines années, qui passerait par une recapitalisation de la Société nationale immobilière (SNI) via son actionnaire Caisse des dépôts et des consignations (CDC) et la structuration d'un véhicule ad hoc - peut-être un fonds immobilier - doté d'un milliard d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Emmanuel Macron, le ministre de l'Économie, a annoncé le 15 octobre des cessions de 5 à 10 milliards d'euros, soit environ 10 % du portefeuille. Je ne vous demanderai pas lesquelles ; mais avez-vous un mandat pour réfléchir à des cessions ? Quel secteur stratégique serait concerné ?

Alstom nous a beaucoup occupés avant l'été : l'État devait en devenir le premier actionnaire, un prêt d'actions a eu lieu, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a rendu un avis. Avec une action aujourd'hui à 28 euros, à comparer avec le prix de 35 euros auquel l'État pourrait acheter, cela reste-t-il un sujet d'actualité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Nous avons été plus ou moins rassurés par le gouverneur de la Banque de France sur la situation de Dexia. Mais l'État y a 44 % de participation. Y a-t-il encore des risques ? La Société de financement local (Sfil) se développe-t-elle conformément au plan d'affaires retenu ? Bien des collectivités territoriales y sont attentives, que ce soit du fait d'emprunts ou de contentieux en cours.

Que pensez-vous du modèle économique qui préside au compromis entre Nexter et KMW ? Que répondez-vous aux questions que se posent les salariés ? De même, la prise de participation de 14 % dans PSA a conforté la relance de cette société, mais doit-on craindre des réorganisations dans certaines régions ?

À quelle date le comité de suivi de l'État actionnaire sera-t-il constitué ? Qui seront ses membres et quelle sera sa fonction précise ?

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Le ministre de l'économie a parlé de céder 5 à 10 milliards d'euros de participations. Aller au-delà de 4 milliards d'euros pour le désendettement est à notre portée : le portefeuille est coté autour de 75 à 80 milliards d'euros, ce qui laisse de bonnes marges de manoeuvres. Je n'ai pas reçu de mandat. Il s'agirait d'effectuer ces cessions sur dix-huit mois, nous aurons le loisir d'en parler. Même si certaines de nos participations, comme dans EDF, GDF-Suez ou Aéroports de Paris, sont soumises à des contraintes légales, la marge de manoeuvre reste considérable.

Il conviendra d'être attentif au momentum : certains titres sont sous-cotés au regard de leurs fondamentaux et nous ne pouvons pas les céder en l'état. Bien malin qui peut dire quelle sera leur valeur dans dix-huit mois. Notre stratégie est de continuer à accompagner des entreprises comme Renault et Air France dans leur développement. Il faut aussi tenir compte, pour les sociétés cotées, des capacités d'absorption du marché, qui peuvent varier dans le temps. Dans un contexte de forte volatilité intraday, il n'est pas toujours aisé de procéder à des opérations de grande envergure. L'APE pourra néanmoins répondre à la demande du ministre.

Bien que nous en parlions depuis longtemps, l'opération Alstom n'est pas derrière nous : rien n'a été signé. L'accord conclu en juin entre l'État et Bouygues n'entrera en vigueur qu'après la réalisation des opérations entre General Electric (GE) et Alstom, soit vers la fin du deuxième trimestre de l'année prochaine. C'est du long terme ! Grâce à un prêt de titres par Bouygues dès la fin de l'opération, l'État pèsera comme s'il en était le propriétaire, avec des droits de vote à l'assemblée générale et une représentation au conseil d'administration ; les promesses de vente par Bouygues à l'État sur 20 % du capital, réalisables sur vingt mois à partir de mai ou juin 2015, ne constituant qu'une option pour l'État, la décision reviendra au Gouvernement le moment venu. Le montant dépend des conditions de marché de l'époque, jusqu'au début de l'année 2017. La capitalisation d'Alstom est de 8,6 milliards d'euros, à corriger au vu des cessions d'actifs à GE. L'État pourra bénéficier d'une décote sur le prix de marché.

Dexia a échoué aux stress tests avec un ratio Tier One de 4,95 %, donc un déficit de 339 millions d'euros en dessous du seuil de 5,5 % ; ces informations, validées par le conseil des gouverneurs de la BCE le 22 octobre, ont été communiquées à la banque et aux marchés. Ce déficit se décompose en un surplus de capital de 68 millions d'euros au-dessus du seuil obtenu dans le scenario adverse, un déficit de 300 millions d'euros et un déficit de 106 millions d'euros lié à la réconciliation entre impact du stress test et le bilan post-test. Ce montant ne nécessitera aucune mesure de remédiation : le conseil des gouverneurs a en effet pris en compte deux mesures dérogatoires qui en exemptent Dexia : des ventes d'actifs par Dexia entre le test et le 30 août 2014 et l'introduction d'un filtre prudentiel sur les moins-values latentes ayant pour conséquence une augmentation significative du capital Tier One à l'issue du scénario adverse.

Debut de section - Permalien
Astrid Milsan, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'État

La Sfil, qui est dans la même situation que Dexia, échappe elle aussi au plan de remédiation. Nous n'avons pas d'inquiétude particulière sur le respect de ses engagements à l'égard de la Commission européenne.

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Nous sommes en pleine discussion avec KMW et son actionnaire sur son rapprochement avec Nexter. L'accord de principe annoncé avant l'été doit maintenant être finalisé. Après la signature, une nouvelle phase aboutira au premier, voire au deuxième trimestre 2015. Les sociétés ont échangé des plans d'affaires, ouvert des data rooms, procédé à des due diligences, avant une signature bientôt, en tout cas avant la fin de l'année. Nexter est en bonne santé et peut négocier sans pression ; les deux membres de la future joint-venture partagent une vision de l'avenir dans un contexte difficile, avec une contraction des budgets de défense européens. KMW est un bon partenaire pour ce bon projet industriel ; la famille actionnaire est un investisseur de long terme : dans cette activité depuis longtemps, elle ne compte pas en sortir. Si elle avait été dans une logique à court terme, elle aurait cherché à vendre ses actifs à Rheinmettal, l'acheteur naturel allemand. Or aucun actionnaire ne vend quoi que ce soit.

Les deux managers sont convaincus que chacun est pour l'autre le bon partenaire. Les gammes sont complémentaires, sauf quelques recoupements. La concurrence entre les deux entreprises n'est qu'apparente, voire inexistante sur de nombreux marchés. Elles pourront former un EADS du tank et de la machine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ces entreprises se placent sur des marchés difficiles. Nexter a-t-il l'intention de monter dans le capital de Manurhin ?

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Je ne suis pas en mesure de vous répondre pour l'instant. Je le ferai à l'occasion.

Notre investissement dans PSA et l'entrée au capital de Dongfeng s'accompagnent d'une refonte de sa stratégie, appliquée par le nouveau président, Carlos Tavares : différenciation en trois marques, croissance à l'international, amélioration de la compétitivité. Pour l'État, les objectifs étaient le renforcement de la filière, un investissement patrimonial - non un sauvetage - et la préservation d'un fleuron français. Vous en connaissez les résultats en termes d'emploi. Cette stratégie est bien en place. Le nouveau management avec Louis Gallois et Carlos Tavares obtient déjà des résultats sensibles.

J'espère que le comité stratégique de l'État actionnaire se mettra en place le plus vite possible. Nous en discutons avec les ministres et leurs cabinets. Dès que nous serons d'accord sur la liste de ses membres, le comité pourra fonctionner.

Debut de section - Permalien
Astrid Milsan, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'État

Le comité devra fixer les orientations stratégiques dans le cadre de la doctrine - ou si nécessaire en proposer des modifications - afin de nous donner un mandat comme en dispose tout gestionnaire de fonds et fixer des objectifs de rendement financier tous supports confondus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Avec la réforme ferroviaire, l'État contrôle l'établissement public de tête SNCF, dont dépendent SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Comment suivez-vous cette réforme et comment arbitrez-vous les intérêts contradictoires entre les deux établissements publics ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Chacun se réjouit de la publication d'une doctrine de l'État actionnaire. Comment cela se coordonne-t-il avec les positions de l'État actionnaire de la Banque publique d'investissement (BPI), qui a ses propres doctrines d'investissement, comme dans la cession des titres d'Orange ? L'apport financier à la SNI passera-t-il par une ouverture de son capital, aujourd'hui détenu à 100 % par le groupe Caisse des dépôts ? Est-ce le retour de l'État à la SNI ? Quel en est l'intérêt ? Comment se coordonnent les stratégies de l'État, de la BPI, du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) vis-à-vis d'Eramet ? Pierre Frogier s'interroge sur ses stratégies en Nouvelle-Calédonie : l'APE a-t-elle une opinion au vu des investissements d'autres grands groupes et du maintien d'un outil de travail vieillissant au coeur de Nouméa ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Où en est-on de la cession de l'aéroport de Toulouse ; fera-t-elle école ? Avec l'objectif de céder pour 5 à 10 milliards d'euros d'actifs, la question de céder Aéroports de Paris peut se poser, même si cela suppose une évolution législative. Comment garantir dans ce cas les intérêts de l'État ? Notre collègue député Bruno Le Roux a proposé hier dans son rapport sur la compétitivité du transport aérien de stabiliser, voire de baisser les redevances perçues par Aéroports de Paris. N'est-ce pas contradictoire avec une cession ? Les parts dans les industries aéronautiques et de défense sont à un niveau tel que des cessions dégraderaient l'influence de l'État dans des domaines de souveraineté. Changez-vous de doctrine, considérant que des golden shares suffisent ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Sur quelle base arbitrez-vous entre les deux critères d'une gestion plus active des investissements, rendement de court terme et intérêt stratégique ? Y a-t-il une méthode, un processus de concertation avec la Caisse des dépôts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Deux des cessions que vous citez concernent la Haute-Garonne : Airbus et l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Comment définissez-vous l'intérêt stratégique concernant Airbus : l'équilibre franco-allemand à tous les niveaux (actionnariat, différentes fonctions, implantations) est un sujet majeur. Je ne vois pas d'un très bon oeil la privatisation des aéroports - on peut imaginer que celui de Toulouse sera suivi d'autres. Comment l'intérêt stratégique de l'État se manifeste-t-il dans cette vente ? Je pense aux garanties données à Airbus et généralement à la filière aéronautique pour l'accès aux pistes dans des conditions financières convenables.

Les collectivités territoriales souhaitent que le foncier qui entoure les aéroports soit géré dans une optique de long terme, en imaginant les développements à venir de l'industrie aéronautique et en tenant compte des enjeux d'urbanisme. Elles doivent être associées à cette gestion. Au terme du processus, les collectivités territoriales et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) détiendront environ 40 % du capital, ce qui leur donnera un pouvoir de blocage. Elles seront associées aux grandes décisions, et notamment à la l'élaboration du plan prévisionnel d'investissement ou à la mise en place d'un comité technique permanent, dans lequel la place de l'État reste à préciser. Le futur gestionnaire de l'aéroport devra s'impliquer dans la stratégie internationale des collectivités territoriales et se préoccuper de leur rayonnement touristique. Ces exigences figurent-elles dans le cahier des charges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Une doctrine, une gouvernance, des secteurs d'intervention... Êtes-vous à la tête d'un fonds souverain ? Dans le dossier Alstom, où est l'intérêt de la France ? Cette entreprise relève-t-elle du contrôle stratégique ou d'un sauvetage ? L'approvisionnement et les opérations de démantèlement ont-ils été correctement provisionnés par EDF ? Areva reste l'une des grandes entreprises françaises susceptibles de gagner des marchés à l'étranger. Pouvez-vous nous en dire plus ? Puisque vous vous apparentez à un fonds souverain, faut-il rassembler les participations que vous gérez avec celles détenues par la Caisse des dépôts ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Arnaud Montebourg avait appelé à la création d'une entreprise publique d'exploration minière. Cette annonce a-t-elle eu des suites ? La presse a mentionné un rapport confidentiel de la Cour des comptes sur Areva, qui relevait l'absence de contre-pouvoir dans la gouvernance de cette entreprise jusqu'en 2011 et les conséquences de son mode de gouvernance sur certains dossiers, comme le rachat d'Uramin. L'État actionnaire a-t-il bien joué son rôle au sein d'Areva, avant et après 2011 ? Qu'attendez-vous de la transformation d'Areva en une société à conseil d'administration ?

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

La Caisse des dépôts recapitalisera la SNI à hauteur de 900 millions d'euros ; l'Etat, lui, interviendra pour la création des 30 000 logements intermédiaires par un fonds ad hoc...

La loi de réforme ferroviaire a été promulguée le 4 août dernier et ses décrets d'application sont en cours d'élaboration. Notre objectif est de stabiliser autour de 60 milliards d'euros la dette du système, qui s'élève actuellement à 40 milliards d'euros et menaçait de doubler en dix ans. Pour cela, l'amélioration de la gouvernance renforcera la synergie entre les deux bras de l'opérateur ferroviaire et mettra fin aux dysfonctionnements. La création de l'EPIC de tête renforcera le pilotage stratégique et financier de l'ensemble du système. Nous devrons veiller à ce qu'il ne s'agisse pas simplement d'un étage supplémentaire provoquant de nouveaux coûts. De même, la constitution de SNCF Réseau simplifiera la gestion des infrastructures et devra mettre un terme aux dysfonctionnements. Une meilleure coopération améliorera la maîtrise des coûts et des délais.

Les investissements de l'État ne transitent pas seulement par la BPI et la Caisse des dépôts : il y a aussi l'IFP, le CEA ...

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Créée il y a deux ans, la BPI résulte du rapprochement du Fonds stratégique d'investissement (FSI), de CDC Entreprises et d'Oséo. Son capital est détenu pour moitié par l'État et pour moitié par la Caisse des dépôts. Elle comporte des activités de financement, essentiellement issues de celles d'Oséo, et réalise des investissements, dans le prolongement du FSI et de CDC Entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Son capital est-il totalement libéré ? Lors de la mise en place de la BPI, l'État devait apporter des fonds au FSI. L'a-t-il fait ?

Debut de section - Permalien
Astrid Milsan, directrice générale adjointe de l'Agence des participations de l'État

Non, une partie du capital doit encore être libérée.

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Les objectifs de la BPI diffèrent de ceux de l'APE : sa doctrine, adoptée par son conseil d'administration, consiste à privilégier les participations minoritaires, dans des PME ou des ETI, avec une perspective de sortie au terme d'une phase de croissance ou de consolidation. L'APE, elle, prend des participations d'influence ou de contrôle, dans des grandes entreprises, avec un horizon très long. Les intersections entre les deux domaines sont le fruit de l'histoire et devraient disparaitre. Ainsi, la BPI a-t-elle vingt ou trente participations minoritaires (3 ou 4 %) dans de grandes entreprises. Seules les participations dans Orange et Eramet sont partagées entre l'État et la BPI.

Un fonds souverain est, en général, adossé à un État plaçant à l'extérieur ses excédents. À l'inverse, nous n'avons pas d'excédent et investissons en France...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

À travers votre participation de 15 % au capital de Renault, vous contrôlez un grand constructeur japonais. Telle est la stratégie des fonds souverains chinois : en êtres-vous un ?

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

De même, la SNCF détient 20 % de NTV, le premier opérateur ferroviaire italien... Nous possédons aussi, à travers EDF, la moitié d'une joint venture d'exploitation d'une centrale nucléaire aux États-Unis. L'objectif de l'APE reste néanmoins d'investir en France. Notre principale coopération avec la Caisse des dépôts s'effectue au sein des organes sociaux de la BPI.

L'État cède 49 % du capital de l'aéroport de Toulouse, de sorte que les actionnaires publics et parapublics restent majoritaires. Sur les 11 % qui lui restent, l'État dispose d'une option de vente qu'il ne pourra exercer qu'après trois ans. La procédure de cession a pris la forme d'un appel d'offres avec cahier des charges, sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts (CPT), avec qui nous coopérons étroitement. Elle est ouverte, transparente, non-discriminatoire et répond aux exigences européennes. Le cahier des charges a été publié le 18 juillet 2014. Les premières offres des candidats retenus ont été reçues entre le 1er et le 15 septembre, et jusqu'au 31 octobre pour les deuxièmes offres, fermes, que nous examinons actuellement.

Conformément aux engagements qui ont été pris, les collectivités territoriales seront consultées sur les aspects industriels et sociaux, qui figurent sur le cahier des charges. Je tiens des réunions avec leurs représentants, nous leur avons écrit, les ministres leur ont écrit, ainsi qu'aux dirigeants d'Airbus. Après quelques semaines d'agitation et de préoccupation, les discussions avec la Direction générale de l'aviation civile et l'APE ont rassuré ce dernier.

Le schéma de cession proposé résulte d'une concertation avec les actionnaires publics de l'aéroport. Les collectivités territoriales et les CCI ont été associées à son élaboration comme elles le seront à son exécution. Malgré quelques incompréhensions ponctuelles, la communication avec les collectivités territoriales est satisfaisante. Le résultat de la procédure sera rendu public avant la fin du mois. Les ministres choisiront sur avis conforme de la CPT.

Aucune autre cession de la participation de l'État dans un aéroport régional n'est prévue, malgré les rumeurs. Notre but est de réussir la cession à Toulouse. Chaque aéroport est unique et aucune cession ne sera envisagée sans dialogue préalable avec les élus locaux. Une éventuelle cession de la participation de l'État au capital de l'aéroport de Nice ou de Lyon devra faire l'objet d'une autorisation législative préalable. De même, Aéroport de Paris qui constitue un bel objet au sein de notre portefeuille, une très belle entreprise, très bien valorisée en Bourse, ne fait l'objet d'aucun projet de privatisation.

Sans être un spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, je puis dire que le projet de société nationale des mines, dont l'ancien ministre de l'économie s'était fait le héraut, est toujours à l'étude. Les comptes d'Areva se sont dégradés au premier semestre, et le second semestre risque de n'être pas meilleur. Le changement de gouvernance et de dirigeant répond à nos voeux : lorsque les comptes étaient arrêtés par le directoire, les membres du conseil de surveillance avaient moins de pouvoir. Malgré la transformation en société à conseil d'administration, nous souhaitons une direction dissociée avec un président du conseil d'administration et un directeur général.

Le rapport de la Cour des comptes que vous avez évoqué est confidentiel...

Debut de section - Permalien
Régis Turrini, commissaire aux participations de l'État et directeur de l'Agence des participations de l'État

Les recommandations de la Cour rejoignent notre propre analyse : transformer Areva en société à conseil d'administration, simplifier l'organisation, sécuriser les conditions juridiques de passation de grands contrats... La modification des statuts renforce le contrôle sur ces contrats : un comité du conseil d'administration validera les offres commerciales significatives par leur montant ou leur sensibilité. La Cour recommande également d'améliorer la sélection des sous-traitants et les relations avec eux dans la maîtrise d'oeuvre des grands projets. Le conseil d'administration évaluera les risques associés aux nouveaux projets, notamment par son comité d'audit.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. François Baroin, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (et articles 56 quinquies et 56 sexies).

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je donne la parole à notre collègue François Baroin, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Je salue la présence de notre collègue Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis sur l'audiovisuel et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » à la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

La mission « Médias, livre et industries culturelles » retrace les crédits dédiés à la presse écrite - avec l'Agence France Presse et les aides directes à la presse écrite -, à la politique du livre et à la lecture, aux industries culturelles et aux radios associatives. Elle porte également les crédits budgétaires consacrés à compenser la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Le compte de concours financiers retrace quant à lui toutes les avances faites aux organismes de l'audiovisuel public financés par la contribution à l'audiovisuel public, anciennement appelée « redevance audiovisuelle ». Les dépenses totales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2015, à 4,38 milliards d'euros, contre 4,36 milliards d'euros en 2014. Cela représente une légère hausse de 0,43 %. Dans le contexte actuel, on peut donc dire que ces secteurs sont globalement préservés et que les crédits transcrivent la volonté gouvernementale.

Le Gouvernement a annoncé dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2014 son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires dédiées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Cette évolution soulève des questions sur la pérennité et les modalités du financement public des organismes concernés. Pour ma part, j'estime que le Gouvernement manque de courage sur ce point. Plutôt que de réformer l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public, afin de tenir compte des nouveaux usages - notamment l'utilisation des smartphones - et de l'évolution de notre société, comme l'ont fait nos voisins allemands ou d'autres pays qui sont sur cette voie d'intégration globale des nouveaux usages dans l'assiette des contributions au financement de leur pôle audiovisuel public, la politique est « court-termiste » et consiste à augmenter l'an prochain le montant de la redevance de deux euros supplémentaires, hors inflation. C'est un choix qui pèsera sur le contribuable à travers cette non-réforme.

D'après les informations dont je dispose, des travaux sont en cours sur cette question, qui pourrait être traitée dans le projet de loi de finances pour 2016. Mais il n'y a pas de raison objective d'attendre 2016. On entend parler de l'extension de l'assiette de la redevance depuis de nombreuses années - c'était déjà le cas dans le gouvernement auquel j'appartenais. À partir du moment où la décision de supprimer la publicité a été prise, ce qui revenait à réduire une part importante des sources de financement, la question a été posée. Il faut donc mettre le Gouvernement en face de ses responsabilités lorsque la loi de finances ne répond pas aux enjeux et aux attentes.

J'en viens plus précisément à quelques secteurs couverts par les deux missions dont je suis le rapporteur spécial. L'Agence France Presse (AFP) bénéficie d'un traitement favorable, en lien avec la mise en oeuvre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens qui clarifie les relations financières qu'elle entretient avec l'État, à la demande de la Commission européenne. Les performances commerciales de l'agence ont par ailleurs progressé, mais cette tendance positive doit être confirmée en 2015.

S'agissant des aides à la presse écrite, les dotations sont stables pour la plupart des aides, à l'exception de l'aide à la modernisation sociale de la presse d'information politique et générale. La réduction s'explique par l'évolution de la démographie de la population concernée. Je note par ailleurs que la seule autre dotation qui diminue est celle du fonds stratégique pour le développement de la presse. Cela me paraît paradoxal, peut-être même contestable, alors que ce fonds est présenté comme l'outil principal pour permettre à la presse de s'adapter aux évolutions du numérique.

Je voudrais également souligner l'accélération inquiétante de la disparition progressive des diffuseurs de presse, qu'il s'agisse des kiosquiers ou des maisons de la presse, notamment dans les villes moyennes, mais aussi dans les grandes villes. C'est un processus engagé sur l'ensemble du territoire. Je regrette à cet égard la non-réponse du Gouvernement face à cette évolution préoccupante. Il n'est pas possible d'avoir une ambition en matière d'aides directes à la presse sans avoir également une ambition pour la distribution, sachant par ailleurs que des tensions sociales existent et vont bientôt faire l'actualité, entre Presstalis d'une part, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) d'autre part. La politique publique d'accompagnement de la diffusion de la presse écrite qui répond à une mission presque institutionnelle de l'État devrait pourtant se lire dans les choix budgétaires de la mission.

En ce qui concerne les dépenses fiscales du secteur, l'extension du taux super réduit de TVA à 2,1 % aux publications de presse en ligne, adoptée en application du principe de neutralité technologique, fait peser un risque de contentieux communautaire, et donc de sanction financière en cas de condamnation.

Le soutien aux radios locales associatives demeure stable, pour la cinquième année consécutive. Dans le contexte actuel des finances publiques, cela me paraît satisfaisant, ces radios jouant un rôle fondamental de proximité, notamment dans les territoires les plus reculés. À cet égard, je relève également la préservation des crédits d'intervention déconcentrés en faveur de la politique du livre, ce qui me semble aller dans la bonne direction.

Le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, se poursuit et devra être surveillé avec attention. Son coût global a en effet été réévalué de 6,3 millions d'euros par rapport à la prévision initiale, pour un montant global de 218,3 millions d'euros. Il y a un dérapage, il faudra en contrôler les raisons.

S'agissant des dépenses culturelles, deux évolutions appellent plus particulièrement des commentaires. Tout d'abord, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est transféré vers le programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », alors qu'il était précédemment rattaché au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Cette évolution me paraît cohérente. Le CNC est une institution fondamentale pour le dynamisme de l'industrie culturelle qu'est le cinéma. L'opérateur n'est pas mis à contribution dans le cadre de l'assainissement général des comptes publics en ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015. On peut s'interroger sur la doctrine du Gouvernement en matière de fiscalité affectée et notamment sur sa rationalisation équilibrée entre les différents opérateurs. Je ne prends pas de position et je ne proposerai pas d'amendements, mais il est important de noter que le CNC, qui bénéficie d'une importante fiscalité affectée et d'une trésorerie de plus de 500 millions d'euros, n'est pas contributeur à l'effort partagé de réduction des déficits publics dans le projet de loi de finances pour 2015 tel que proposé par le Gouvernement.

Enfin, le sort de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) demeure incertain. Il ne s'agit certes pas d'un enjeu budgétaire important, mais je voudrais mettre en lumière cette institution. La ministre a indiqué que ses missions ne seraient finalement pas transférées au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), mais la dotation budgétaire de 6 millions d'euros, stable par rapport à 2015, après deux années de très forte baisse, ne permet pas de considérer que cet organisme peut remplir correctement ses missions. Je rappelle que la Haute Autorité a subi une baisse de 51 % de sa subvention budgétaire en quatre ans. Dans ces conditions, il me semble que le Gouvernement doit clarifier la situation : soit il supprime la HADOPI, parce qu'il tire les conséquences des faibles crédits de fonctionnement restant pour financer cette structure indépendante dotée de 60 personnes, soit il la conserve en lui donnant les moyens de fonctionner. En tout état de cause, cette situation d'entre-deux et de non-choix n'est pas satisfaisante. Elle témoigne à tout le moins d'un manque d'ambition du Gouvernement. On peut imaginer - je me tourne en cet instant vers le rapporteur général - un partage de mission avec le CNC, qui a également vocation à accompagner la protection des créateurs et des oeuvres.

J'en viens maintenant aux organismes de l'audiovisuel public. 2015 marquera une année importante, voire cruciale, pour la plupart d'entre eux. France Télévisions, dont les moyens publics diminuent de 0,5 % par rapport à 2014, doit en effet revenir à l'équilibre financier. C'est un objectif sur lequel pèsent de fortes incertitudes, tenant notamment au caractère erratique de ses ressources publicitaires. Dans ces conditions, l'entreprise publique devra poursuivre avec détermination la réforme entamée en 2013. Le processus d'élaboration du prochain contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 se met par ailleurs en place, différents groupes de travail ayant été nommés. Ce document devra en particulier trancher la question de l'avenir de France 3.

France Médias Monde bénéficiera d'une hausse de sa dotation, en cohérence avec le contrat d'objectifs et de moyens signé en avril 2014. La réalisation des objectifs de ce document stratégique a été perturbée par la réduction imprévue des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014. À cet égard, je souhaite insister sur la nécessité pour l'État de respecter ses engagements contractuels. C'est une question de crédibilité pour lui et de continuité de politiques publiques. Les sociétés concernées ont besoin d'un minimum de visibilité sur leurs ressources. Cela n'enlève rien au constat qu'elles doivent de leur côté poursuivre les efforts et réformes engagés pour réduire leurs dépenses.

Arte France bénéficiera également d'une légère hausse de sa dotation, après deux années de baisse. Le groupe se distingue depuis deux ans par la réussite de sa stratégie de reconquête de l'audience et de développement du numérique, et par sa capacité à maîtriser ses charges de fonctionnement. Il faudra donc confirmer en 2015 ce qui est considéré comme des bons résultats.

Radio France bénéficiera d'une dotation stable par rapport à 2014. Il lui faudra mettre en oeuvre le plan stratégique du nouveau président visant, je cite, à « adapter l'entreprise aux exigences d'une audience qui doit se renouveler et aux impératifs induits par le digital ». Il faudra par ailleurs analyser, en termes de performance, l'impact de l'ouverture du nouvel auditorium à l'automne 2014 qui permettra normalement d'augmenter la fréquentation des concerts, alors que la Philharmonie de Paris ouvrira ses portes début 2015. Il y a là une politique publique ambitieuse sur laquelle exercer un suivi.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) retrouvera en 2015 un niveau de dotation comparable à celui de 2013, après une année 2014 marquée par une ponction de 20 millions d'euros sur son fonds de roulement, ce qui l'a contraint à annuler son projet immobilier. Le prochain contrat d'objectifs et de moyens, en cours de négociation, devra donc définir un nouveau projet immobilier susceptible de garantir la préservation des collections dans les meilleures conditions. La nouvelle présidente, nommée au printemps 2014, ambitionne de renforcer les ressources propres de la société. Il sera donc intéressant d'étudier la performance de l'INA à cet égard en 2015.

Je précise que l'Assemblée nationale a examiné le 30 octobre les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », et qu'elle les a adoptés sans modification.

En conclusion, je dirais que ce budget manque d'ambition - en tout cas, il ne traite pas avec courage les problématiques d'avenir sur les différents thèmes et sujets. Que ce soit pour l'accompagnement de la presse dans son processus de modernisation et de restructuration, que ce soit dans le cadre de la réforme du financement de l'audiovisuel public ou de la protection des droits de propriété intellectuelle, nous restons au milieu du gué.

Je vous propose donc de ne pas adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté deux articles rattachés à la mission « Médias, livre et industries culturelles » à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Ce sont des dispositions purement formelles qui visent à décaler la date d'entrée en vigueur des mesures adoptées dans la loi de finances rectificative de décembre 2013, relatives à l'extension et au renforcement du crédit d'impôt jeux vidéo. Je rappelle que cette dépense fiscale vise à doper le secteur dans sa partie développement industriel. Aux termes de la loi, les mesures votées en décembre 2013 devaient entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2015.

Ces dispositions correspondent à une aide d'État qui procure un avantage concurrentiel et doivent à ce titre préalablement être notifiées à la Commission européenne ; elles requièrent son autorisation pour être appliquées. Or, le Gouvernement ne les a notifiées que cet été, ce qui témoigne d'un manque de diligence, sachant que la loi a été adoptée fin décembre 2013. La Commission n'a pas encore statué, ce qui rend difficilement envisageable l'entrée en vigueur de ces dispositions dès le 1er janvier 2015. Les deux articles rattachés tirent les conséquences de cette situation.

Je vous propose néanmoins d'adopter ces deux articles sans modification car les mesures adoptées l'an dernier sur le crédit d'impôt jeu vidéo ont vocation à raffermir la compétitivité de notre industrie culturelle et il me paraît important, à ce titre, qu'elles puissent entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Ne rajoutons pas, en repoussant les dispositions votées par l'Assemblée, une complexité supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je remercie le rapporteur spécial d'avoir souligné les enjeux de cette mission qui est sans doute celle qui est la plus marquée par les évolutions technologiques, qu'il s'agisse du secteur du livre ou de celui de la presse. Il est vrai que nos dispositifs d'aides à la presse, de TVA à taux réduit, de perception de la redevance, sont sans doute devenus un peu obsolètes par rapport à ces évolutions technologiques. De ce point de vue, je suis d'accord sur le fait que ce budget manque de courage.

Le rapporteur spécial nous invite à rejeter les crédits de la mission et je le suivrai. Il n'est donc pas possible de déposer à présent un amendement sur la HADOPI, mais je proposerai sans doute un dispositif en vue de la séance. Il faut en effet être clair : soit on considère que le téléchargement illégal doit être traité par un autre organisme ou que ce n'est pas un enjeu, soit on dote la HADOPI de crédits nécessaires. On ne peut pas être dans un non-dit qui consiste à baisser les crédits de la Haute Autorité au point qu'elle ne puisse plus remplir les missions pour lesquelles elle a été créée. Mon futur amendement visera à faire clarifier la position du Gouvernement quant à ces enjeux majeurs que sont la lutte contre le téléchargement illégal et le développement parallèle d'une offre légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je voudrais réagir sur deux points, la HADOPI et le financement de France Télévisions. La HADOPI a été au coeur d'un combat politique dont elle subit encore aujourd'hui les conséquences. Le rapport Lescure avait proposé de transférer ses compétences au CSA. La ministre a indiqué que ce n'était plus d'actualité. Il faut donc clarifier la situation de la HADOPI. Pour ma part, je l'ai toujours soutenue. Ce n'est pas un gendarme, mais un pédagogue. Depuis sa création, elle a envoyé 3,5 millions de premières recommandations et 359 092 secondes recommandations. En outre, la commission de protection des droits de la Haute Autorité a rendu 1 339 délibérations. Seuls 124 dossiers ont fait l'objet d'une transmission aux procureurs de la République, ce qui a donné lieu à 25 décisions de justice. Nous constatons dans les auditions que nous menons que l'aspect pédagogique fonctionne, notamment chez les jeunes. À notre avis, il faut soutenir cette lutte contre le piratage, ne serait-ce que par pédagogie. Si la commission des finances proposait un renforcement des moyens de la HADOPI, j'y serais extrêmement favorable car, en l'état actuel, elle ne peut plus tenir ses missions.

Sur le financement de France Télévisions, il est temps d'étendre l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Il y aura un « effet de ciseaux » le jour où le téléviseur unique dans les maisons disparaîtra et que l'on regardera les images animées uniquement sur les autres types d'écrans. Il faudrait qu'assez rapidement nous ayons le courage d'asseoir la contribution sur l'ensemble des écrans, même si la formule à trouver n'est pas simple. Personnellement, je suis favorable à la fin de la subvention de l'État à France Télévisions pour une question d'indépendance de l'audiovisuel public. Et il faudra que la contribution à l'audiovisuel public assure le financement de ce service public dont il faudra bien définir les missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis un peu réticent à l'idée d'augmenter la contribution au gré des besoins de France Télévisions. France télévisions ne devrait-elle pas plutôt faire quelques économies ? Il y a eu récemment une polémique sur le fait qu'une des chaînes du service public faisait 0 % d'audience. La question s'est posée pour savoir si ce 0 % représentait 10 ou 100 téléspectateurs... Avant de savoir s'il faut augmenter la contribution ou son assiette, n'y a-t-il pas une question à se poser sur le périmètre du service public et de son offre ? La BBC, qui est en meilleure santé que France Télévisions, a supprimé une chaîne. Est-il bien sérieux de garder toutes ces petites radios ou chaînes qui ne font que très peu d'audience ? Les chaînes du câble ferment lorsqu'il n'y a pas assez de ressources, pas assez de spectateurs. Seul le service public pourrait continuer de s'étendre, de créer des chaînes de radio, de télévision, de ne pas avoir de spectateurs ou d'auditeurs et de bénéficier de la contribution ? Est-ce possible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Je ne partage pas l'appréciation générale de manque de courage de notre rapporteur spécial que je trouve sévère. On peut être en désaccord sur les modalités, mais on ne peut taxer un Gouvernement de manquer de courage quand il procède à des ajustements financiers, dès lors qu'il a arrêté une politique ambitieuse en matière d'audiovisuel public. Sur la HADOPI, les chiffres cités posent réellement question. Faut-il acter l'échec une bonne fois pour toutes de ce type d'institution et de procédures qui mobilisent des moyens conséquents pour arriver à des résultats limités en nombre d'actions concrètes ? On peut en effet imaginer que l'aspect pédagogique puisse être mené au sein d'autres institutions. Je pense pour ma part qu'il faut acter l'échec de cette stratégie et réfléchir à d'autres approches pour maîtriser les risques du téléchargement illégal.

Enfin, je souhaiterais réagir sur un point qui est peu évoqué dans le rapport, mais qui est fortement ressenti, me semble-t-il, en province. C'est le coût, en période de pénurie budgétaire, d'un certain nombre de chantiers culturels dans la capitale et de leurs dérapages, en particulier la Philharmonie de Paris.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Cela relève de la mission « Culture ». Notre ancien collègue Yann Gaillard qui s'occupait de cette mission avait fait un remarquable rapport sur la Philharmonie de Paris qui doit être encore d'actualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Germain

On peut attendre du rapporteur général une proposition d'augmentation ou d'extension de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. On a choisi de faire peser la contribution sur un poste de télévision par foyer. Ensuite, il y a eu des tentations de l'étendre aux résidences secondaires. À partir du moment où il y a de la télévision connectée, il est bien évident que ce n'est plus forcément la détention d'un appareil de télévision qui indiquera que l'on suit un programme de télévision. Il ne s'agit pas de faire preuve de courage, mais d'essayer de se tenir un minimum à la page de ce qui se passe. Mais ce n'est pas si simple. En Allemagne qui a été citée comme exemple, la réforme a été suspendue fin 2013 en raison des protestations contre ce qui a été perçu comme la transformation de la redevance en taxe. Je précise que leur niveau de redevance est équivalent à la nôtre, à 13,80 euros par mois.

Pour la BBC, c'est le même sujet, même s'ils ont des moyens de contrôle plus importants. Tout le monde est conscient du problème et il faut arriver à se mettre d'accord pour que le courage soit partagé. Par ailleurs, acte-t-on à tout jamais l'absence de publicité à partir de certaines heures ? On passe ici du courage aux religions révélées. Quelle est la personne qui a décidé une fois pour toutes qu'il n'y aurait plus jamais de publicité, y compris sur l'audiovisuel public ? On ne peut décider en France de rester à l'écart de tout. À mon avis, la question de la publicité devra être rediscutée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

J'observe l'apparition du nouveau programme 847 « TV5 Monde », à côté du programme 844 « France Médias Monde ». Or je pensais que TV5 Monde participait à la présence médiatique et audiovisuelle internationale de la France. Nous avons un rapport encore récent de Jacques Attali sur la francophonie, nous nous efforçons de développer une politique de la francophonie, nous avons créé une chaîne d'information France 24 qui est légitime. Il faudra bien à un moment donné, dans une période budgétaire difficile, se poser le problème de la coordination de tout cela et de l'implication de TV5 Monde dans cette stratégie d'ensemble. Nous ne sommes pas tous seuls dans TV5 Monde. Il serait bon que cela nous inspire pour réfléchir à l'ouverture des autres médias à des pays contributeurs dans le cadre de la francophonie. Je suis déçu de constater la logique de cloisonnement avec laquelle sont traités TV5 Monde et France Médias Monde et le refus de traiter globalement l'audiovisuel extérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Je crois que nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la recherche d'économies dans un secteur qui n'arrête pas de nous donner des leçons en la matière. Le monde de l'audiovisuel, et notamment de l'audiovisuel public, ne donne pas l'exemple. Je vous propose de regarder les organigrammes. Le nombre de chefs, de sous-chefs, de directeurs, de sous-directeurs, est hallucinant ! Je ne parle pas du nombre de cameramen car il faut maintenir les acteurs de terrain. Il est légitime que la commission des finances du Sénat interpelle ces gens, qui sont selon moi presque en tête des donneurs de leçon sur la nécessité de donner l'exemple par les temps qui courent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Les problèmes soulevés sont au moins du niveau d'un ministre de la culture, peut-être plus ! Sur la question du nombre trop élevé du chaînes, les exemples comparés en Italie, en Allemagne, et singulièrement en Grande-Bretagne, montrent qu'il est possible de faire des économies en conservant sa part de marché, qui est la problématique centrale, qu'on soit une télévision privée ou publique. Dans le système concurrentiel actuel, il faudra a contrario faire la démonstration que supprimer des chaînes publiques permet au « vaisseau amiral » de la télévision publique de récupérer ses parts de marché. Je rappelle que le contrat d'objectifs et de moyens actuel prévoit une trajectoire d'économies sur la période 2013-2015. Dans ce cadre, France Télévisions s'est engagé à réduire son budget de fonctionnement et ses dépenses de personnel, le nombre de postes étant passé de 10 490 équivalents temps plein (ETP) en 2012 à 10 120 en 2013. L'objectif est de ramener le nombre d'ETP à 9 750 fin 2015. Parallèlement, l'entreprise a entrepris une lutte contre la précarisation, en prenant en compte la problématique des intermittents. Il reste encore malgré tout certainement des marges de manoeuvre au niveau des sources d'économies.

Taxer le Gouvernement de « manque de courage » peut paraître à certains un peu fort, mais permet de faire réfléchir les acteurs concernés. Sur la HADOPI, je ne pense pas qu'on puisse en acter l'échec sans en avoir transféré les compétences au CSA, il en avait été question il y a un an. J'ajoute que le modèle HADOPI sert d'élément de référence à l'étranger, y compris aux États-Unis aujourd'hui. Pour sortir d'un référentiel libéral et anglo-saxon, ils se sont tournés vers de vieux pays producteurs de droit comme les nôtres. Ils observent en particulier ce qu'a fait la France en matière de protection de la diffusion des oeuvres et des droits de propriété intellectuelle sur Internet pour s'en inspirer. J'ajoute que la HADOPI est également un centre de recherche et de réflexion sur des logiciels qui permettraient d'avancer sur une meilleure protection des auteurs. Elle mène notamment des travaux sur une rémunération proportionnelle du partage des oeuvres sur Internet.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » et d'adopter sans modification les articles 56 quinquies et 56 sexies.

Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Teura Iriti et M. Georges Patient, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer »

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Avec près de 2,7 millions d'habitants, les territoires ultramarins rassemblent plus de 4 % de la population française. Par leur situation géographique, leur niveau de développement et leur population, les outre-mer - il me semble préférable d'employer le pluriel - ne constituent pas un ensemble homogène.

Or, malgré leur diversité de cultures, les territoires ultramarins sont confrontés à une même situation de crise, avec un dénominateur commun : l'urgence.

Une urgence sociale, tout d'abord. Une étude récente de l'agence française de développement (AFD) souligne ainsi que l'indice de développement humain des territoires d'outre-mer est significativement plus faible que celui de l'hexagone. Le retard de développement de ces territoires s'élèverait, selon l'AFD, à une vingtaine d'années en moyenne.

Cette urgence sociale se double d'une urgence économique. Selon les chiffres de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le produit intérieur brut par habitant s'élevait en 2005 à 19 349 euros dans les quatre départements d'outre-mer, contre 31 420 euros dans l'hexagone. Par ailleurs, le taux de chômage en outre-mer est très élevé. Il représente ainsi plus du double de celui de l'hexagone et touche plus particulièrement les jeunes.

C'est pourquoi, je me félicite que le budget de la mission « Outre-mer » soit préservé en 2015.

En effet, avec un peu plus de 2 milliards d'euros en autorisation d'engagement comme en crédits de paiement, la mission « Outre-mer » fait partie des rares missions dont les crédits augmenteront sur l'ensemble de la programmation triennale 2015-2017.

Plus de 90 millions d'euros supplémentaires seront ainsi consacrés, sur les trois prochaines années, aux deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138 « Soutien à l'emploi outre-mer » et le programme 123 « Amélioration des conditions de vie outre-mer ». En 2015, les crédits de la mission seront relativement stables. Ils progresseront de 0,39 % en crédits de paiement et diminueront de 0,7 % en autorisations d'engagement, hors mesure de périmètre.

Ce budget traduit donc à la fois une volonté de l'État de répondre à cette urgence économique et sociale, mais il traduit aussi la participation de la mission « Outre-mer » à l'effort de réduction des dépenses publiques. Je citerai comme exemples le recentrage des exonérations de charges intervenu en 2014 et qui devrait produire ses pleins effets en 2015, la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du ministère, la suppression ou la réforme de plusieurs dispositifs d'aide en 2015.

Le budget de la présente mission est avant tout un budget de soutien. Il est constitué à près de 90 % de dépenses d'intervention. Le dispositif de compensation des exonérations de charges aux organismes de sécurité sociale représente ainsi à lui seul plus de la moitié des crédits de paiement de la mission.

Je rappelle cependant que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une part minoritaire de l'effort de l'État en faveur des territoires ultramarins. L'effort global est porté par 85 programmes relevant de 26 missions auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes. Il atteindra, en 2015, 14,25 milliards d'euros. Il convient cependant de noter, que hors dépenses de personnel, le montant des autorisations d'engagement consacrées à l'outre-mer diminue de 0,6 % en 2015, après une diminution de 2,8 % en 2014. La hausse des crédits globaux en faveur des territoires ultramarins est, par conséquent, essentiellement imputable à une hausse des dépenses de personnel qui atteindra, en 2015, 7,26 milliards d'euros.

Je conclurai en rappelant que, selon la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM), l'effort de l'État en faveur des onze territoires ultramarins s'élève à 5 194 euros par habitant, contre 5 668 euros pour l'hexagone.

Chers collègues, vous l'aurez tout de même compris, je suis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et de l'article 57 rattaché sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Teura Iriti

Comme l'a souligné Georges Patient, le budget consacré à l'outre-mer ne représente que 0,5 % du budget de la nation, alors que la population ultramarine rassemble plus de 4 % de la population française.

S'agissant du soutien aux entreprises, je m'associe à la demande de l'intergroupe parlementaire des outre-mer visant à majorer le taux du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dans certains secteurs prioritaires. En effet, contrairement à ce que j'entends souvent, la misère n'est pas moins pénible au soleil ! En tant qu'élus des outre-mer, nous nous devons donc d'être les porte-paroles de ces populations qui connaissent d'importantes difficultés. Ainsi, comme l'a rappelé Georges Patient, le taux de chômage en outre-mer représente le double de celui de métropole.

Le service militaire adapté (SMA) est un instrument utile et efficace, mais il ne peut constituer une réponse suffisante aux besoins, compte tenu du nombre limité de jeunes concernés. Je rappelle ainsi que le SMA ne concernera en 2016 que 6 000 volontaires. Or, plus d'un quart des jeunes ultramarins sont aujourd'hui au chômage, soit environ 180 000 personnes.

Je me félicite du dispositif « Duflot-Pinel » en faveur de la construction de logements intermédiaires dans les outre-mer. En effet, de nombreuses personnes, notamment jeunes, ont un emploi mais ne parviennent pas à quitter le domicile parental en raison du coût des loyers ou des conditions trop restrictives pour obtenir un logement social. Il est, par conséquent, important d'apporter un soutien aux ménages des classes moyennes.

S'agissant du soutien aux collectivités ultramarines, je prends acte du fait que les financements des contrats de plan État-régions seront maintenus à un niveau identique pour la prochaine génération de contrats. Je constate cependant que les crédits en faveur du contrat de la Polynésie française diminueront en 2015. La ministre des outre-mer m'a toutefois indiqué qu'un réajustement en cours d'année serait accordé si la consommation des crédits devait dépasser les prévisions.

Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu'il ne faut pas confondre égalité et équité.

La stabilisation du budget en faveur des outre-mer en 2015 constitue la contribution de ces territoires à l'effort de la nation. Aussi, je vous propose de voter les crédits de cette mission en espérant que l'ensemble des observations portées par l'intergroupe parlementaire des outre-mer seront entendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Il me semble exagéré de parler d'une augmentation des crédits de la mission « Outre-mer », alors qu'il ne s'agit que d'une stagnation. Certes, le contexte budgétaire est dégradé mais, comme l'ont souligné nos collègues, les écarts entre l'hexagone et les outre-mer restent immenses. Une augmentation des crédits de la mission de 0,39 % ne représente, en réalité, qu'une dépense supplémentaire de 6 millions d'euros, soit 2,22 euros par habitant.

J'ajoute que des choix ont été faits qui remettent en cause certains dispositifs de cohésion sociale.

S'agissant du logement social, le projet de budget prévoit une stabilisation des crédits de la ligne budgétaire unique. Je me pose néanmoins la question de la pertinence de l'affectation de ces crédits vers le logement social et la construction de logements neufs uniquement. Cela laisse de côté la question de la résorption de l'habitat insalubre alors que, je le rappelle, entre 60 000 et 70 000 logements en outre-mer sont concernés.

Par ailleurs, la réforme de l'aide à la continuité territoriale se traduira par une diminution de crédits de 10 millions d'euros. Je considère, avec d'autres élus, que la continuité territoriale est un droit. Je regrette donc certains propos qui ont été tenus et qui me paraissent excessifs. Il me semble, pour ma part, que l'on ne peut pas parler d'une « explosion » du coût de ce dispositif en quatre ans alors que la dépense n'a crû que de 7 millions d'euros pour l'ensemble des outre-mer. Par ailleurs, la dépense de l'État est ciblée sur les populations les moins favorisées.

Enfin, je crains que la dotation dont bénéficiera le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui s'élèvera à 40 millions d'euros en 2015, ne permette pas de respecter l'engagement du Président de la République de doter ce fonds de 500 millions d'euros sur la durée du quinquennat.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Les rapporteurs spéciaux pourraient-ils nous expliquer l'importante augmentation de la dépense en faveur du passeport-mobilité études, dont les crédits progresseront de 16 % en 2015. Cette augmentation est-elle due au paiement par l'État de restes à charge vis-à-vis des compagnies aériennes ou à un élargissement de périmètre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Il s'agit essentiellement d'une mesure de périmètre. Mais cette augmentation traduit aussi une réorientation des crédits entre les différents dispositifs de continuité territoriale. Les moyens seront concentrés sur le passeport-mobilité études, qui bénéficie aux jeunes, plutôt que sur l'aide à la continuité territoriale.

À l'issue de ce débat, la commission des finances décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer » et de l'article 57 rattaché.