Commission des affaires sociales

Réunion du 11 janvier 2017 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 9 h 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Mme Agnès Buzyn, que nous recevons ce matin, a été nommée par le Président de la République, au mois de mars dernier, présidente du collège de la Haute Autorité de santé (HAS) en remplacement de M. Jean-Luc Harousseau et pour la durée du mandat restant à courir, jusqu'au début de cette année. Nous l'avions alors entendue dans le cadre de l'article 13 de la Constitution.

Sa candidature est de nouveau proposée, cette fois-ci pour un mandat plein de six ans. Nous procédons donc de nouveau, en application de l'article 13 de la Constitution, à son audition publique. Cette audition sera suivie d'un vote dont le dépouillement aura lieu mercredi prochain, simultanément à celui qui suivra l'audition de Mme Buzyn par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.

Écoutons-la nous présenter les enseignements des dix mois qu'elle vient de passer à la présidence de la HAS, sa vision des grands enjeux auxquels l'institution devra faire face dans les prochaines années, ainsi que les orientations sur lesquelles elle souhaiterait insister au cours d'un prochain mandat.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

J'ai de nouveau l'honneur de me présenter devant vous parce que le Président de la République a souhaité proposer mon nom pour assumer la présidence du collège de la Haute Autorité de santé, ou HAS. Il s'agit cette fois-ci d'un mandat de six ans tandis que, lorsque vous m'avez auditionnée au mois de mars dernier, il s'agissait simplement de remplacer M. le professeur Jean-Luc Harousseau jusqu'à la fin de son mandat.

J'ai ainsi assuré la présidence du collège de la Haute Autorité de santé au cours des dix derniers mois. Cette période a été pour moi, je dois le dire, extrêmement dense, tant les métiers de la Haute Autorité sont riches ; ce fut une présidence très active et passionnante.

Je veux d'abord vous faire part de la très grande fierté que j'ai eue à présider la Haute Autorité qui compte quatre cents salariés et mobilise plus de trois mille experts au sein des différents groupes de travail. J'y ai été confrontée à un très haut niveau d'expertise, tant en interne qu'en externe, et à un personnel exerçant ses compétences avec une très grande rigueur scientifique.

J'y ai également été confrontée à des valeurs professionnelles très fortes et clairement exprimées, notamment la transparence - expliquer nos méthodes de travail et nos avis - et l'indépendance, tant vis-à-vis du pouvoir politique que des lobbies, garantie par des règles déontologiques très strictement appliquées. Cette transparence et cette indépendance sont garantes de la qualité et de l'impartialité de l'action que nous menons au service de la santé des Français.

Je veux maintenant retracer brièvement les quelques faits marquants de ces dix derniers mois. Vous le savez, la HAS assure plusieurs missions, principalement l'évaluation des produits de santé, la certification des établissements de santé, les recommandations de bonnes pratiques et le renforcement de la sécurité des patients.

L'année 2016 a été marquée par un contexte particulier : d'une part, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, qui a confié à la HAS quinze missions supplémentaires et, d'autre part, l'annonce par Mme la ministre de la santé de la reprise, par la HAS, des activités du Comité technique des vaccination, à la suite de la publication du rapport sur la politique vaccinale de Sandrine Hurel. Nous avons ainsi dû nous mettre en ordre de marche pour être en mesure d'accueillir en avril 2017 les activités de ce comité, dans une période où les vaccins sont particulièrement controversés. Cela a évidemment nécessité pour la Haute Autorité de santé de monter en compétence.

En ce qui concerne la certification des établissements de santé, la version V 2014 de ce dispositif est montée en charge avec plus de 800 établissements visités et ayant fait l'objet d'une décision courant 2016, sur les 2 500 établissements de santé que nous sommes amenés à visiter. La grande nouveauté de ce dispositif réside dans la méthode du patient traceur, qui se rapproche des pratiques professionnelles et qui est extrêmement appréciée, tant des équipes professionnelles, que des associations de malades. Il s'agit de considérer les points clefs du parcours d'un patient dans un établissement ; nous appréhendons beaucoup mieux, ce faisant, la qualité des soins.

Nous avons également renforcé nos travaux sur les indicateurs de qualité des soins que nous souhaitons d'ailleurs publier. On nous a confié le soin d'animer le site Internet dédié aux établissements de santé - Scope Santé -, lequel rend compte du niveau de certification des établissements et du score attendu pour les différents indicateurs de qualité des soins. Ce site est non seulement destiné au grand public qui doit pouvoir s'orienter dans le système de santé, mais également aux professionnels de santé et aux établissements, qui doivent pouvoir se comparer entre eux.

Nous avons ajouté un indicateur pour les établissements de santé, le dispositif e-Satis, qui mesure la satisfaction des patients hospitalisés en médecine, chirurgie, obstétrique. Ce dispositif a démarré début 2016 ; plus de 56 000 patients ont été interrogés à leur sortie d'hospitalisation pour noter la qualité de l'établissement, sur l'accueil, le séjour, la sortie. Le score de satisfaction des patients a été publié en décembre dernier dans la presse et sur le site Scope Santé. Il s'agit du premier indicateur de résultat publié en France indiquant le degré de satisfaction des patients.

En ce qui concerne l'évaluation des produits de santé, nous avons émis de très nombreux avis. Plus de 900 dossiers de médicaments ont été déposés en 2016 auprès de la commission de la transparence, ce qui représente, par rapport à 2015, une augmentation de 11 % de l'activité. Parmi les avis dont vous avez pu entendre parler, je veux citer les anti-Alzheimer et l'élargissement de l'accès aux médicaments contre l'hépatite C. Nous avons également évalué des actes innovants, notamment l'intérêt du robot chirurgical pour la prostatectomie et la thrombectomie dans le cadre d'accidents vasculaires cérébraux.

Pour ce qui concerne les dispositifs médicaux, nous avons évalué plus de 160 dispositifs médicaux en 2016 et nous avons reçu les premiers dossiers pour le forfait « innovation » afin d'accorder une prise en charge dérogatoire pour des dispositifs médicaux innovants, à condition que ce dispositif fasse l'objet d'une étude apportant des données manquantes. Le premier forfait « innovation » a été accepté fin 2016 et deux nouveaux dossiers viennent d'être déposés et sont en cours d'évaluation.

J'en viens aux guides et référentiels. Le dossier relatif aux objets connectés et aux applications en santé était très attendu et s'est révélé très utile. Il permet de guider les industriels et les évaluateurs sur ce qui est attendu de ces objets du point de vue de la valeur ajoutée. L'idée est d'en promouvoir l'usage mais aussi de renforcer la confiance vis-à-vis de ces applications.

Enfin, nous avons pris un certain nombre d'initiatives pour favoriser ce que j'appelle une « évolution des mentalités » dans le champ de la démocratie sanitaire. Nous avons organisé en novembre dernier un grand colloque scientifique international portant sur l'intérêt à recueillir les points de vue des patients et des usagers dans nos différentes missions. À la suite de ce colloque, nous avons engagé plusieurs initiatives. Notamment, nous recueillons désormais l'avis des associations de patients en amont des évaluations de médicaments et de dispositifs médicaux avant que la commission de la transparence rende son avis. Les premiers enseignements sont extrêmement enrichissants.

Cela étant dit, je suis ici ce matin pour évoquer l'avenir et vous donner mes grandes orientations, à discuter au sein du collège et avec les collaborateurs de la Haute Autorité de santé. La HAS est une magnifique institution que vous avez créée par la loi en 2004. Il s'agit d'une autorité publique indépendante - la seule qui ait un caractère scientifique et la seule qui intervienne dans le champ de la santé. Quelles que soient les missions que nous exerçons - elles sont nombreuses -, notre objectif final est de contribuer à la meilleure qualité des soins pour nos concitoyens.

Depuis 2004, grâce à la qualité de ses avis et à mes deux prédécesseurs -Laurent Degos et Jean-Luc Harousseau-, la HAS s'est bien positionnée dans le paysage national et dans le paysage international - j'y reviendrai. Il est désormais clair qu'elle rend ses avis en toute indépendance et que ceux-ci sont reconnus.

Toutefois, malgré ces qualités, nous devons évoluer parce que le contexte change beaucoup. Nous devons ainsi faire face à une transition épidémiologique avec des patients de plus en plus âgés, atteints de pathologies complexes, multiples et qui rendent les prises en charge extrêmement difficiles, notamment pour les acteurs du premier recours. Notre démographie médicale est sous tension et inégalement répartie sur le territoire, ce qui soulève l'enjeu de la coordination des soins autour de la médecine de premier recours. Nous devons aussi mener une réflexion territoriale sur des filières de prise en charge de qualité.

Ce besoin de coordination est criant quand on se compare aux autres pays européens. Nous aurons besoin d'outils, notamment informatiques, pour les cabinets médicaux et les hôpitaux. En effet, sans un système d'information performant et partagé, cette coordination sera très compliquée à mettre en oeuvre.

En outre, il faut souligner l'arrivée d'innovations multiples dans le domaine thérapeutique et dans le domaine organisationnel. Ces innovations s'accélèrent et certaines d'entre elles sont clairement disruptives pour notre système ; je pense notamment à l'exploitation des grandes bases de données ou à la « e-santé » qui obligeront la HAS à faire appel à des compétences particulières, à une très forte agilité ainsi qu'à une capacité de réactualisation régulière de ses recommandations, de ses évaluations et de ses avis, car le contexte et les prises en charge évoluent de plus en plus rapidement.

Je veux par ailleurs évoquer l'évolution sociétale. Les citoyens expriment une très forte attente qui me paraît tout à fait légitime, de transparence et de démocratie sanitaire. Les usagers ont du mal à se frayer un chemin dans notre système de santé et c'est probablement là où les inégalités sont les plus criantes. Ils ont également du mal à se sentir acteurs de leur prise en charge et sont en attente d'information. La HAS doit leur apporter un éclairage dans ce champ-là.

Enfin, la HAS peut contribuer à la soutenabilité de la dépense publique dans le champ sanitaire, au travers de son expertise sur l'efficience des produits de santé et, plus largement, sur la pertinence des soins.

J'en arrive à mes propositions pour répondre à ces sujets. Commençons par l'innovation. La HAS doit évaluer les innovations - il s'agit d'un sujet majeur pour garantir un accès rapide et équitable aux nouvelles thérapeutiques - mais nous devons également assurer la sécurité des patients face à ces innovations en déterminant en permanence le juste équilibre entre ces deux impératifs.

J'insistais l'année dernière devant vous sur la nécessité d'une réforme des outils d'évaluation et des procédures d'évaluation des produits de santé, notamment dans le champ des médicaments. Cette réforme était prônée par le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, et par celui de Mme Dominique Polton. La HAS peut déjà, à droit constant, faire évoluer ses pratiques ; c'est ce que nous faisons actuellement. Nous sommes en train de travailler à la simplification et à la standardisation de l'évaluation des produits de santé, très attendues par les industriels pour que nos avis soient lisibles et que les laboratoires puissent les anticiper.

Nous travaillons aussi à l'homogénéisation des critères d'évaluation du service médical rendu, notamment sur le critère de l'intérêt de santé publique, compliqué à évaluer. Nous mettons en place une argumentation systématique et standardisée de l'amélioration du service médical rendu pour faire évoluer la doctrine de la commission de la transparence et pour objectiver cette amélioration du service médical rendu.

Il est malheureusement difficile d'aller plus loin sans une évolution du droit mais nous prenons tout de même des mesures pour accélérer l'accès à l'innovation au travers notamment de dialogues précoces avec les industriels de façon à les orienter vers ce qui est attendu d'eux. Ces rencontres précoces ont lieu à l'échelon soit national, soit international, avec l'European Medecines Agency (EMA) ou d'autres agences européennes avec une action conjointe coordonnée et financée par la Commission européenne.

À cet égard, la HAS souhaite être un moteur du travail en commun des agences européennes d'évaluation des technologies de santé. Nous participons un réseau européen -European Network for Health Technology Assessment, ou EUnetHTA- et à des actions conjointes pour évaluer collectivement certains médicaments ou dispositifs. La HAS a plus que jamais un rôle à jouer, surtout à l'heure du Brexit puisque le National Institute of Clinical Excellence (NICE) est susceptible de quitter ce réseau. Des débats sont d'ailleurs en cours sur l'avenir des agences HTA au sein de la Commission européenne et nous devons répondre à une consultation publique avant la fin du mois de janvier.

Nous participons aussi, à notre façon, au débat sur le prix des médicaments ; nous avons évoqué la possibilité de travailler sur des prix par indication, puisque la commission de la transparence rend déjà des avis par indication. La HAS est favorable à des mécanismes de remboursement temporaire, conditionnés à des recueils en vie réelle mais cela supposerait des modifications législatives.

Enfin, j'avais prôné devant vous la nécessité de rapprocher différentes commissions pour rendre des avis intégrés, notamment de rapprocher l'évaluation économique et l'évaluation purement médicale des produits de santé. Je pense qu'il sera possible de le faire à l'avenir ; néanmoins, je voudrais que la HAS s'oriente vers des avis d'efficience, non seulement sur les produits, mais aussi sur les stratégies. Vous nous avez donné un outil pour ce faire, l'article 143 de la loi de modernisation du système de santé - une avancée majeure - qui nous permettra de rendre des avis intégrés sur les stratégies, en donnant la liste préférentielle les médicaments les plus efficients par pathologie.

Les recommandations de bonnes pratiques ont souvent été considérées comme trop denses et trop peu actualisées. Nous avons adopté en 2016 une nouvelle procédure qui nous permet d'aller vers une contractualisation, vers un partenariat avec les sociétés savantes, de manière à co-construire des recommandations tout en maintenant notre indépendance, selon une méthodologie de la HAS. Cela nous permettra d'être beaucoup plus réactifs face aux avancées thérapeutiques. Autre intérêt de cette co-construction des recommandations : les professionnels s'en empareront davantage car nous éprouvons des difficultés à mesurer l'impact de nos recommandations sur la pratique professionnelle quotidienne.

Ainsi, tant pour l'efficience - notre capacité à faire des évaluations médico-économiques - que pour les recommandations purement médicales, nous avons clairement besoin de contractualiser avec des équipes académiques. C'est ainsi que procèdent le NICE et l'agence américaine. Tant que la HAS traitera tout en interne, elle aura des difficultés à être à la hauteur des attentes des professionnels et des citoyens.

Nous devons redoubler d'efforts sur les documents que nous mettons à la disposition de la médecine de premier recours ; nous devons produire des documents simples, facilement adaptables, pour les médecins généralistes, au logiciel d'aide à la prescription, voire au logiciel d'aide à la décision, notamment face à des prises en charge de plus en plus complexes.

J'en viens à la certification des établissements et aux indicateurs de qualité des soins. Plusieurs des évolutions sont en cours et semblent devoir se poursuivre. Il faut que nous poursuivions le processus de médicalisation de la certification et des indicateurs. Nous devons davantage prendre en compte les résultats des soins prodigués et le vécu du patient et nous éloigner autant que possible des indicateurs de processus, qui sont actuellement majoritaires. Nous devons prendre en compte les groupements hospitaliers de territoires, les GHT, qui sont une opportunité pour identifier des filières de prise en charge, et nous nous organisons pour adapter la certification aux GHT.

Par ailleurs, j'observe l'accueil favorable réservé au dispositif de financement des établissements en fonction de leurs résultats -le dispositif IFAQ qui consiste en des incitations financières à l'amélioration de la qualité- qui permet de financer les établissements les plus vertueux. Ce dispositif est coordonné par la direction générale de l'offre de soins (DGOS), nous devons identifier les indicateurs les plus pertinents.

Nous devons également simplifier les processus d'évaluation des établissements qui se plaignent d'un « millefeuille administratif » entre les autorisations qui relèvent des autorités régionales de santé, les ARS, et la certification. Nous travaillons avec les ARS et la DGOS à cette simplification.

Nous travaillerons aussi à l'amélioration du site Internet Scope Santé, dont je vous parlais, pour le rendre plus lisible et utile au grand public, car il reste majoritairement utilisé par les professionnels de santé.

Je termine par la sécurité des patients, un enjeu majeur. On considère aujourd'hui qu'environ 300 000 évènements indésirables sont associés aux soins, dont 40 % seraient évitables si l'on arrivait à mieux promouvoir le travail en équipe. En effet, beaucoup de ces évènements indésirables graves sont liés à un manque de coordination. Ce travail se poursuivra peut-être par le biais d'accréditations d'équipes médicales - nous accréditons déjà les professionnels à risque. Il s'agit pour l'instant d'une démarche volontaire.

En conclusion, je formule le voeu que notre programme de travail pour les années à venir, que je tâcherai de mettre en place avec les salariés et le collège, soit plus lisible. Aujourd'hui, le programme de travail de la HAS est très segmenté et il porte sur des sujets multiples. Je souhaiterais que l'on puisse le co-construire avec les différentes administrations centrales qui nous saisissent et avec la CNAMTS. Il s'agit ainsi de donner une cohérence à ce programme et à donner à la Haute Autorité de santé une capacité d'autosaisine, presque inexistante aujourd'hui, faute de moyens, ainsi qu'une capacité à prioriser ses actions en fonction des enjeux de santé publique pour la population. En d'autres termes, je souhaiterais que notre programme de travail soit plus stratégique et ne se résume pas à une liste de saisines.

Je souhaite en outre que la HAS se concentre sur ses missions à forte valeur ajoutée, c'est-à-dire sur les aspects médicaux et scientifiques ; nous devons à cet égard veiller collectivement à une adéquation des moyens aux missions, lesquelles ne cessent d'augmenter. Je vous ai parlé l'année dernière du budget socle, dont nous ne disposons pas aujourd'hui et qu'il sera nécessaire un jour de déterminer pour que la HAS puisse mener à bien ses missions.

Nous devons accompagner le virage ambulatoire et nous ouvrir à ce secteur. Aujourd'hui, la HAS se positionne trop sur les soins hospitaliers ; il faut accompagner les professionnels du premier recours, car cela affectera l'organisation et la coordination des soins.

Par ailleurs, la HAS doit progressivement intégrer la prévention dans ses recommandations, notamment pour accompagner correctement la médecine de premier recours. Nous devons cesser de parler de « parcours de soins » et nous orienter vers un parcours de santé tout au long de la vie, coordonné par la médecine de premier recours.

En outre, pour ce qui concerne l'innovation, la HAS doit jouer pleinement son rôle et être consciente de sa responsabilité pour, d'une part, rendre rapidement et équitablement accessibles les innovations et, d'autre part, assurer la sécurité des médicaments et des dispositifs médicaux - cela correspond à une forte attente de la population française.

Je souhaite placer les patients et les usagers au coeur du système, car ils sont les bénéficiaires ultimes de notre action et nous ne pouvons pas concevoir ni évaluer le système sans envisager les patients et les usagers comme des partenaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Merci pour votre exposé passionné et passionnant. Passer du parcours de soin au parcours de santé est une belle proposition. Je peux comprendre que vous souhaitiez un partenariat avec la caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) mais ne craignez-vous pas les conflits d'intérêts avec l'organisme payeur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Bravo pour votre investissement personnel : Mme Génisson a raison de vous dire passionnante. Vous avez eu raison de garder le regard du citoyen qui a besoin de sécurité et d'information. Si la santé est un thème privilégié des campagnes électorales, c'est qu'elle est au coeur des préoccupations des Français. Que vous manque-t-il ? En quoi les parlementaires que nous sommes pourraient-ils vous être utiles, en particulier pour la contractualisation que vous souhaitez développer avec les équipes académiques ?

Les interrogations du public ne sont pas spontanées : des personnes investies d'une autorité les nourrissent de mauvaises informations... Comment prévenir cette inquiétude ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

L'enjeu pour les parcours médicaux innovants, c'est de ne pas en priver les patients, sans pour autant considérer toute nouveauté comme innovante. La commission d'évaluation économique et de santé publique - première du genre à s'intéresser aux aspects économiques - a-t-elle trouvé sa place ? Pouvez-vous préciser ce que vous souhaitez en matière de rapprochement ou de fusion avec une autre commission ? Que pensez-vous du maintien des deux notions de service médical rendu et d'amélioration du service médical rendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je partage bon nombre de vos souhaits, notamment en termes de lisibilité. La HAS a rendu un intéressant rapport sur les violences sexuelles dont sont notamment victimes les personnes prostituées. Elle a sans doute un rôle à jouer également concernant le fléau que représentent les violences sexuelles envers les enfants et l'accompagnement médical non seulement des victimes, mais aussi des auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Permettez-moi de vous présenter une remontée du terrain. Un façonnier en médicament qui produit des génériques est installé dans mon département. Les génériques représentent une véritable économie et figurent en bonne place dans le plan d'économies de Marisol Touraine. Un générique produit pour quelques dizaines de centimes est vendu pour quelques dizaines d'euros... Ce façonnier attend une autorisation depuis plus d'un an pour un générique qui est déjà produit dans d'autres pays européens. Tant que nous ferons subir ce type de délais à nos entreprises, elles ne pourront pas être performantes. Autre cas, la certification des établissements, qui dure des mois, sinon des années ; cela réclame des personnels un temps pendant lequel les patients ne sont pas soignés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Vous souhaitez clarifier les rôles ; c'est bienvenu face à la confusion dans les messages de la HAS, de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ou de la ministre. Quel est votre degré d'autonomie ? Comment distinguez-vous votre rôle de celui de l'ANSM ? Comment s'y retrouver entre la commission de la transparence, la commission d'évaluation économique et de santé publique et le comité économique des produits de santé (CEPS) ? Avec Yves Daudigny, nous nous étions arrachés les cheveux pour rédiger notre rapport sur le médicament. Il est nécessaire que chacun agisse dans son domaine. Nos compatriotes n'y comprennent rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Je partage les interrogations de René-Paul Savary. Vous avez affirmé votre attachement à l'indépendance et à la transparence de cette seule autorité publique indépendante scientifique qu'est la HAS. La standardisation est effectivement attendue par les industriels. Mais cela n'est-il pas contradictoire avec l'idée de donner la parole aux citoyens - même si c'est à la mode... ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je rejoins Gilbert Barbier sur l'opacité des différentes agences. Lors de votre dernière audition, j'avais donné leur nombre, assez important, en matière de santé. Il faut faire un peu de ménage, pour que les choses soient plus claires et obtenir des économies d'échelle. J'ai été sollicité par des pharmaciens et des médecins qui témoignent de la recrudescence des ruptures de stock de médicaments. Un rhumatologue m'a parlé d'un médicament qui n'était plus approvisionné depuis sept à huit mois ! Certains laboratoires privilégient clairement l'exportation.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

La CNAM dispose de la capacité de saisir la HAS, car tout acte doit être évalué avant d'être remboursé. Même si nous avons un accord-cadre avec elle, nous ne la considérons pas comme un partenaire. Les partenariats que je souhaite sont, sur des champs très précis, avec des équipes académiques. La HAS n'est certainement pas là pour faire plaisir au payeur - même s'il arrive que ses décisions lui fassent plaisir. Un benchmark international m'a conduite à m'interroger sur les raisons de l'efficacité du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) britannique et des agences américaines : c'est qu'ils demandent une revue systématique de la littérature sur un sujet à un centre de preuves et connaissent ainsi toutes les innovations. Nous aimerions faire de même -avec la méthode de la HAS, bien sûr, qui garantit l'absence de conflit d'intérêts.

Vous me demandez ce qui manque pour y parvenir ? De l'argent, un peu d'argent, car nous ne pouvons plus aujourd'hui lancer d'appels à projets. Nous avions ainsi émis, avec la société française de dermatologie, une recommandation sur l'acné réactualisée presque en temps réel, très utile pour la médecine de premier recours. Or nous avons dû rogner sur toutes nos dépenses et n'avons plus de marges sur les fonctions support. Le NICE fonctionne avec des équipes extérieures notamment concernant l'économie de la santé. Nous en avons aussi besoin : notre douzaine d'économistes de la santé ne peuvent pas tout faire !

La HAS intervient peu dans le débat public, ce n'est pas sa vocation. Mais j'aimerais qu'elle devienne la référence pour des sujets comme la vaccination. Cela suppose un travail de longue haleine, une pédagogie de long terme.

Monsieur Daudigny, je ne souhaite pas que les commissions fusionnent, mais qu'elles donnent parfois des avis intégrés, comme sur le traitement de l'hépatite C : il faut juger de son utilité, mais aussi de son efficience. C'est aujourd'hui difficile à cause de l'organisation en silo de la HAS.

Avec Dominique Polton, nous avons préconisé de simplifier le service médical rendu et l'amélioration du service médical rendu pour évoluer vers la notion de valeur thérapeutique relative, qui nous permettrait d'être plus discriminants.

Au-delà des violences sexuelles sur les enfants, je crois que nous avons un déficit de recommandations en pédiatrie, qui est véritablement le parent pauvre de l'innovation. Je souhaite donc en faire un sujet transversal et de longue haleine.

Je suis très sensible, monsieur Savary, aux remontées du terrain. Pour ma part, je garde un cabinet de consultation, pour ne pas en être coupée. La HAS n'évalue pas les médicaments génériques, mais seulement le médicament princeps. Un générique peut être autorisé dans un autre pays et interdit en France si le brevet y a été déposé plus tard. J'ai piloté la deuxième version de la certification d'un établissement - je sais que cela peut être contraignant. Mais cela vous donne aussi des outils managériaux ; et si vous êtes certifié de niveau A, vous êtes tranquille pour six ans. Seuls les établissements ayant des progrès à faire sont revisités après six mois. Or j'ai vu des choses en matière de sécurité des patients assez choquantes en 2016. Je ne crois pas que nos concitoyens attendent de nous que nous soyons moins exigeants à cet égard.

Monsieur Barbier, vous avez raison : le grand public ne comprend pas bien « qui fait quoi ». La ligne de démarcation est pourtant claire : l'ANSM fait de la pharmacovigilance et évalue les risques médicaux, tandis que la HAS évalue la valeur ajoutée des soins et des stratégies de soin. Nous avons certes besoin d'harmoniser les messages. J'ai à cet égard une réunion avec l'ANSM la semaine prochaine, afin que les messages que nous lançons témoignent de la cohérence de l'action publique.

La commission de la transparence évalue la valeur ajoutée et les stratégies de soin, pendant que la commission d'évaluation économique et de santé publique en calcule le rapport coût-bénéfice par exemple pour des dépistages néonataux ou de cancers. Elles agissent en parallèle ; le CEPS utilise leurs avis dans sa négociation avec les industriels sur le prix. La HAS agit donc en appui du CEPS.

Madame Imbert, vous me demandiez s'il est bien légitime que les citoyens émettent un avis sur un produit avant même son évaluation médico-économique. En réalité, ils éclairent seulement la commission sur leurs besoins et attentes ; ils ne donnent pas un avis sur les médicaments, car, s'agissant souvent de médicaments innovants, les malades n'y ont pas eu accès.

Quand nous interrogeons des associations de malades en amont de l'évaluation d'un médicament, nous recueillons leurs attentes et les difficultés qu'ils rencontrent avec les médicaments existants, afin de confronter ces besoins aux caractéristiques de l'innovation considérée, qui n'y répond pas nécessairement.

Monsieur Cardoux, je ne sais que répondre à votre question sur l'opacité des agences. Il s'agit d'un choix politique. Si vous souhaitez rapprocher des agences, je me soumettrai évidemment à ce choix. Ce choix ne nous appartient pas et nous n'avons pas d'avis à vous donner à ce sujet.

Quant à la rupture des stocks, elle ne relève pas de la HAS mais de l'ANSM.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Vous évoquiez la démographie médicale tendue dans certaines zones. Pour l'instant, on n'emprunte pas la bonne méthode pour y répondre - l'augmentation du numerus clausus - et, en outre, sur les six stages de six semaines des quatrième et cinquième années de médecine, seules trois semaines sont passées en secteur rural. On maintient donc l'hospitalo-centrisme. J'y vois l'une des causes, avec le numerus clausus, du faible nombre d'étudiants s'orientant en secteur rural.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Malheureusement, cela ne relève pas du tout de la compétence de la HAS mais de celle du ministre et des ARS. Je ne peux donc pas vous répondre sur ce point.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Je vous remercie.

quitte la salle de réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous allons passer au vote à bulletin secret sur la candidature de Mme Buzyn.

Vous voudrez bien inscrire sur le bulletin la mention « favorable » ou « défavorable » ou bien laisser le bulletin vierge si vous souhaitez vous abstenir.

Je rappelle que « le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions ».

Par conséquent, seuls sont pris en compte les suffrages exprimés.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale procèdera à l'audition de Mme Buzyn mercredi prochain. Nous devons donc différer le dépouillement jusqu'à notre prochaine réunion, afin que les résultats soient annoncés simultanément.

La commission désigne en tant que membres titulaires : MM Alain Milon, Gilbert Barbier, Mmes Corinne Imbert, Élisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson, Laurence Cohen et en tant que membres suppléants : Mmes Catherine Deroche, Colette Giudicelli, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Louis Tourenne et Jean-Marie Vanlerenberghe.

La commission désigne en tant que membres titulaires : MM Alain Milon, Gilbert Barbier, Mmes Corinne Imbert, Élisabeth Doineau, M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Génisson, Laurence Cohen et en tant que membres suppléants : Mmes Catherine Deroche, Colette Giudicelli, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Patricia Morhet-Richaud, MM. Jean-Louis Tourenne et Jean-Marie Vanlerenberghe.

Enfin, la commission nomme M. Gilbert Barbier en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 233 (2016-2017) visant à mettre en place une stratégie nationale d'utilisation du transport sanitaire héliporté.

La réunion est close à 10 h 10.