Commission des affaires européennes

Réunion du 22 janvier 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nous avons été saisis au titre de l'article 88-4 d'une demande d'autorisation de mise en culture d'un maïs génétiquement modifié.

La proposition devait être discutée initialement lors du prochain Conseil « Agriculture », prévu le 10 février. Or, la Présidence grecque a annulé cette réunion.

En raison de la procédure d'autorisation concernant les OGM, le Conseil doit pourtant se prononcer avant le 12 février. C'est pourquoi, la Grèce propose d'inscrire le texte à l'ordre du jour du prochain Ecofin qui se réunit le 28 janvier.

Ce qui me gêne particulièrement dans cette affaire, c'est que le texte est inscrit à l'ordre du jour en point A, c'est-à-dire pour une adoption sans débat !

Notre Gouvernement s'y oppose et négocie actuellement pour que la proposition fasse l'objet d'un débat, et cela lors du prochain conseil « Affaires générales » le 11 février.

Cette solution me paraît la seule possible sur un sujet aussi sensible et, si vous en êtes d'accord, je vous propose de l'appuyer.

Sur le fond, la position que notre commission a adoptée, en octobre 2010, sur proposition de Gérard César et Richard Yung, me paraît devoir être réaffirmée : le système actuel d'autorisation n'est pas bon et tant que la réforme (toujours en discussion depuis 2010) n'aura pas été adoptée, nous devons être défavorables aux nouvelles autorisations.

Je vous propose d'écrire au Gouvernement pour le lui dire et lui apporter notre soutien dans sa démarche. Êtes-vous d'accord ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Vous connaissez mes convictions concernant les OGM. Nous ne cessons de repousser la décision, ce qui entraîne une distorsion de concurrence sans cesse plus grande. Le temps économique n'est pas le temps du politique et, à mes yeux, l'Europe prend du retard dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je constate qu'il y a néanmoins une large majorité au sein de la commission pour suivre la proposition que je vous ai faite. J'écrirai donc au ministre des affaires européennes dès ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nous allons débattre d'un rapport important. Chacun de nous a été destinataire d'un résumé et d'une liste des propositions. Notre collègue mettra la dernière main à son rapport en tenant compte du débat que nous allons avoir aujourd'hui. Nous nous prononcerons sur l'autorisation de publier le rapport lors d'une réunion ultérieure, lorsque le rapport aura été complètement finalisé. Sans préjuger des positions des uns et des autres, je n'ai pas besoin d'insister sur l'utilité de la réflexion qui nous est proposée, en cette année de renouvellement des institutions européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Je remercie le président et mes collègues qui ont accepté le principe d'un tel rapport et qui m'en ont confié la responsabilité.

Ce rapport n'est pas technique. Il est politique. Il est le fruit de convictions. Il propose une orientation. Je comprendrai très bien qu'il ne fasse pas l'unanimité ou même qu'il ne recueille pas l'assentiment d'une majorité d'entre vous, mais je suis heureux qu'un débat puisse avoir lieu sur ce thème.

La construction de l'Europe est en crise. Elle a jadis rassemblé un très large consensus. Elle est aujourd'hui confrontée au populisme, au nationalisme, au séparatisme, mais aussi, depuis assez longtemps, au scepticisme, à l'indifférence, à la peur de la part des hommes politiques à s'affirmer fermement Européens.

L'objet de ce rapport est de s'interroger sur cette évolution, de réfléchir aux moyens de relancer cette construction qui m'apparaît vitale pour l'avenir de chacun de nos pays, de nos peuples, du type de société que nous avons construit.

L'Europe, à travers de nombreuses crises, a affronté trois grands défis : le défi de la paix, le défi de la réunification, et aujourd'hui le défi de la mondialisation. Le premier a été parfaitement relevé. Le second aussi, même si la réunification a rendu la gestion de l'Europe plus difficile. Le troisième défi est devant nous.

En 1945, l'Europe représentait 30 % de la population mondiale ; en 2020, elle en représentera 7 %. Aujourd'hui, nous comptons 4/5 pays dans les huit premières puissances mondiales. En 2050, il n'y en aura plus qu'un : l'Allemagne. Ce défi est évidemment exacerbé par la crise financière née aux États-Unis en 2008 et qui s'est répandue à la surface de la planète sous la forme d'une crise non seulement financière, mais aussi économique, sociale, morale. L'Europe a davantage souffert que les autres parce que cette crise est survenue alors que sa construction n'était pas achevée. Notamment, on n'a pas construit le pilier économique de l'euro à côté du pilier monétaire ; on n'a pas instauré un mode de gouvernance efficace, l'Europe politique reste à construire ; on est passé de 6 à 28 États membres sans changer sensiblement de mode de gouvernance qui reste largement intergouvernemental. Dans le même temps, l'horizon conceptuel des hommes politiques, des chefs d'État, s'est raccourci. On a l'impression que l'horizon, c'est la prochaine élection. C'est ce que j'appelle la gouvernance par le « carré tragique » : les sondages, le marketing, la tactique électorale, la communication.

En outre, la plupart des chefs d'État n'ont pas tiré les leçons de la fin des trente glorieuses. Ils n'ont pas eu le courage de présenter la vérité à leurs peuples. On ne peut pas gérer de la même façon avec une croissance à 1 % et avec une croissance à 6 %. Ils ont camouflé cette réalité en endettant leurs pays, ce qui réduit sensiblement les marges de manoeuvre lorsqu'une crise nécessiterait une politique de relance. D'autre part, les exécutifs se sont renforcés. Ceux à qui on en a confié l'exercice y ont pris goût et ont du mal à déléguer une part de la souveraineté qu'ils exercent, d'où la permanence du mode de gestion intergouvernemental qui vient encore, par exemple, d'être illustré dans le domaine de la supervision bancaire et que vient de dénoncer le Parlement européen.

Par ailleurs, des pratiques se sont installées qui ne vont pas dans le sens d'une présentation positive de l'Europe :

- la tendance à prendre pour soi ce qui est positif et à rejeter sur l'Europe ce qui est impopulaire ;

- l'inflation normative de l'Europe, qui est mal présentée, parfois superflue, jamais bien expliquée, souvent faite à contretemps.

Mais, de façon plus fondamentale, la difficulté naît de la permanence de la juxtaposition de deux conceptions de l'Europe qui ont du mal à cohabiter, entre lesquelles il n'a jamais été tranché, ou dont on n'a pas clairement organisé la cohabitation, à savoir :

- d'une part, l'« Europe-puissance », qui est une Europe politique, intégrée et à vocation fédérale ;

- d'autre part, l'« Europe-espace », organisée autour du marché unique, et qui est intergouvernementale, sans transfert de souveraineté.

L'élargissement de 6 à 28 États membres, politiquement nécessaire, indispensable même, a néanmoins accru sensiblement la désarticulation structurelle de l'Europe avec :

- des différences de performances économiques Nord-Sud ;

- des flux migratoires de travailleurs Est-Ouest ;

- une divergence des compétitivités ;

- un déséquilibre économique du couple franco-allemand.

Tout cela constitue un manque flagrant d'homogénéité, rendant toute gestion de l'Europe plus difficile.

La gestion de la libération mondiale des échanges qui se développe depuis plusieurs décennies semble conduite par l'Europe avec une certaine naïveté par rapport à nos grands partenaires. Nous sommes peut-être trop les bons élèves du libéralisme mondial sur le plan commercial.

Face à la mondialisation, face à des pays émergents en passe de devenir « submergents », de fortes interrogations se posent auxquelles nous devons répondre. Certes, tout n'est pas négatif dans cette construction européenne. Face à la crise, beaucoup de bonnes réactions ont été enregistrées qui ont permis de sauver l'essentiel, en particulier la zone euro. Au premier rang d'entre elles, la gestion de la crise par la Banque centrale européenne - ce n'est certainement pas un hasard si c'est l'organe le plus fédéral qui a été le plus performant dans la crise -, mais aussi la réglementation financière - 28 directives de Michel Barnier - même si tout n'est pas terminé. Il faut encore régler le problème du Shadow-Banking, parachever le contrôle budgétaire et la supervision bancaire.

Quoi qu'il en soit, la question fondamentale de notre avenir reste posée. Il s'agit de savoir si nous avons encore l'intention d'être l'un des principaux acteurs de la scène internationale et de participer à l'élaboration du destin de la planète ou si, indifférents, fatigués, craintifs ou impuissants, nous nous replions sur chacune de nos nations, voire de nos régions, laissant libre court à la démagogie populiste, abandonnant à d'autres le soin de gérer les affaires du monde, mettant en péril notre modèle sociétal et en prenant le risque de réveiller les affreux démons qui nous ont déjà conduits à deux guerres mondiales.

Alors, que peut-on faire ? Que peut-on proposer ?

Si l'on pense que notre destin est conditionné par la réussite de la construction européenne, il me semble que cet effort peut être résumé par le passage de l'Europe économique à l'Europe politique. Il est vrai que l'on ne connaît pas de puissance économique de niveau mondial qui ne soit pas conduite par un pouvoir politique et que c'est tout de même à travers la concertation entre hommes politiques que s'organise la gestion de la planète. Dans cette direction, je présente en définitive 28 propositions à votre jugement.

D'abord, il est nécessaire de renforcer les acquis de l'Union européenne. Cela implique non seulement de poursuivre les actions en cours, mais aussi d'aller vers plus d'harmonisation fiscale et sociale.

Il faut réformer en profondeur la communication européenne. Nous avons été frappés par des annonces malencontreuses sur la suppression éventuelle de l'aide alimentaire, sur la mise en cause du programme Erasmus, puis sur le système bancaire à travers l'affaire chypriote. Trop souvent, la Commission fait prévaloir une approche bureaucratique, comme l'a mis en évidence par exemple le projet d'interdire les bouteilles d'huile déjà ouvertes sur les tables des restaurants. L'annonce de la négociation d'un accord de libre-échange avec les États-Unis dans un contexte où l'opinion publique est plutôt en attente de protection est aussi apparue comme une maladresse.

Plus profondément, il faut refonder la gouvernance européenne. Je propose de promouvoir une Europe des cercles concentriques ou à plusieurs étages. Les rythmes seront différenciés mais avec l'objectif d'une cohérence globale. Il faut distinguer les États membres qui veulent une véritable intégration et ceux qui considèrent l'Union européenne comme une zone de libre-échange. Nous devons organiser l'Union pour permettre à ceux qui veulent avancer de le faire. Cela implique un dialogue ferme avec ceux qui veulent une « Europe-espace », ne serait-ce que pour empêcher une régression de la construction européenne.

Le premier cercle serait constitué par le couple franco-allemand. Ce couple doit être équilibré, ce qui rend indispensable le rattrapage économique de la France. Il peut aussi admettre des États membres qui partagent la même volonté de construire l'Union européenne. Je pense par exemple à l'Italie et à la Pologne. Il faudra par ailleurs développer des coopérations renforcées au sein de la zone euro qui constituera un deuxième cercle, et organiser de nouvelles relations avec le troisième cercle, celui des États qui veulent s'en tenir à l'« Europe espace ».

Je propose aussi de renforcer la capacité économique de l'Europe. Pour cela, il faut augmenter le budget européen. Je rappelle que ce budget ne représente que 1 % du PIB européen alors que le budget fédéral américain atteint 23 % du PIB. Il est impératif de définir de nouvelles ressources propres pour alimenter le budget européen. Les États membres ont transposé au niveau européen le raisonnement restrictif qu'ils appliquent aux budgets nationaux. C'est une erreur car c'est au niveau européen qu'il est possible de mener des politiques de relance. Je crois aussi qu'il devrait être envisagé de créer des « euro-bonds » dès lors que les dettes nationales seront contrôlées et les compétitivités remises en convergence. Enfin, l'Europe doit mener une politique des taux de change qui doit devenir un instrument de politique économique.

La réforme des institutions me paraît constituer un autre chantier. Jean Monnet disait que « rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions ». L'Union européenne doit avoir une voix, un visage, et un patron. Je propose de faire élire un président de l'Union européenne par tous les parlementaires nationaux et européens, ce qui représenterait un collège de quelque 10 000 grands électeurs. Doté d'une véritable légitimité, ce président ne pourrait plus être un simple « honnête secrétaire général ».

Le président de la Commission devrait, à mon sens, être élu par le Parlement européen. Je fais par ailleurs des propositions pour renforcer l'organisation de la zone euro. Enfin, il serait nécessaire d'encourager une meilleure identification de l'Europe par les citoyens en adoptant une série de mesures qui renforcent la visibilité européenne.

Pour conclure, j'estime que l'Europe, qui est notre avenir, est aujourd'hui sur la mauvaise pente. Le travail de sape des nationalistes, la pusillanimité des pro-Européens conduisent l'Europe à sa perte. Plutôt que la prudence, le compromis ou les petits pas, je propose le sursaut, le courage, la détermination. John Maynard Keynes disait « La difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles mais d'échapper aux idées anciennes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je remercie le rapporteur pour l'important travail qu'il a accompli et je salue sa force de conviction européenne. Nous aurons aujourd'hui un débat général. Le rapport sera ensuite adopté au cours d'une prochaine réunion. Pour ma part, je partage très largement les propositions qui sont faites, même si leur mise en oeuvre prendra du temps. Mais c'est le rôle de notre commission de faire des propositions qui contribuent à faire avancer la construction européenne. Je citerai un proverbe chinois : « Quand l'arbre est tordu d'un côté, si tu veux qu'il soit droit, tords-le de l'autre côté ». Le tout est de ne pas le casser !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je salue aussi la qualité du rapport et l'enthousiasme européen de notre rapporteur. Sans cet enthousiasme, on ne peut rien construire. L'Union européenne a de gros atouts. Elle est notamment le premier marché mondial. Mais il faut tordre le cou à certains dogmes. En particulier, l'élargissement n'est pas inéluctable. C'est au contraire l'approfondissement qui est prioritaire.

La subsidiarité me paraît constituer un enjeu majeur. Elle constitue la contrepartie du fédéralisme en permettant aux citoyens de se sentir à l'aise dans l'Union européenne. Elle est un facteur de cohésion.

L'évolution fédérale est obligatoire afin de permettre à l'Europe d'exister dans le concert mondial et de peser sur des mutations qui auront une incidence sur les niveaux de vie des citoyens européens. La langue est aussi un facteur essentiel, l'absence de langue commune constituant une fragilité.

La construction d'une défense européenne serait un facteur de cohésion. Elle est indispensable au moment où les États-Unis redéployent leurs forces vers le sud-est asiatique. Malheureusement, beaucoup d'États d'Europe centrale et orientale n'ont pas suffisamment la motivation européenne indispensable pour avancer dans ce domaine.

Il y a une responsabilité collective au sentiment de déception que l'on observe dans l'opinion publique à l'égard de l'Europe. L'euro reste un instrument essentiel mais on a trompé les citoyens sur son impact réel. Il faut éviter les promesses anticipées qui ne sont ensuite pas tenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le rapport me paraît excellent et présenté avec une passion de bon aloi. Le triple défi - construction de la paix, réunification et mondialisation - me paraît bien résumer la réalité. Je serai moins critique sur la méthode intergouvernementale qui a permis en particulier de prendre les décisions nécessaires après la faillite de la banque Lehman Brothers alors que la Commission européenne brillait par son absence. Il ne faut donc pas opposer la méthode communautaire et la méthode intergouvernementale qui sont en réalité complémentaires. Mais il est vrai que l'union bancaire et l'approfondissement de l'union économique et monétaire devraient permettre de réduire la place de l'intergouvernemental.

Je déplore également l'inflation normative. Je prendrai l'exemple des règles « Bâle II » et « Bâle III ». Les États-Unis ont indiqué que seule une minorité de leurs banques serait concernée par ces nouvelles règles. De plus, les entreprises américaines se financent avant tout sur les marchés alors que les entreprises européennes font appel aux banques, l'effet de la réglementation n'est donc pas le même.

Il faut craindre le risque d'une désarticulation structurelle de l'Union européenne qui conduirait à une fracture entre le Nord et le Sud de l'Europe. L'idée d'un noyau dur et de coopérations renforcées peut apporter une réponse efficace.

Je rappelle que la Banque centrale européenne a sauvé l'euro. Nous devons remercier son président Mario Draghi dont la voix porte. L'impact de son annonce sur le fait que la Banque centrale procèderait aux achats nécessaires de dettes souveraines en est une illustration. Il me semble néanmoins qu'un peu d'inflation faciliterait le remboursement de ces dettes.

Il est urgent de construire l'Europe politique à la suite de l'union économique et monétaire. Le couple franco-allemand doit jouer un rôle essentiel. Un nouveau contexte a émergé avec l'accord de grande coalition en Allemagne. La parole de la France est attendue. Or, elle ne s'exprime pas beaucoup aujourd'hui. L'Allemagne elle-même, déjà en position de force en raison de sa bonne santé économique, peut difficilement prendre une initiative politique qui pourrait être perçue par ses partenaires comme une volonté d'hégémonie. La France doit donc retrouver un rôle moteur.

Je souligne que les politiques financées par le budget fédéral américain ne sont pas les mêmes que celles qui sont soutenues par le budget européen. Les comparaisons sont donc difficiles. Je terminerai en soulignant que la construction d'une Europe de l'énergie est aussi un enjeu essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Si l'on passait à un budget européen représentant 2 % du PIB, ce serait déjà un progrès considérable !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je remercie le rapporteur de nous donner l'occasion de ce débat qui est trop rare. Aujourd'hui, « on rase les murs », on n'ose pas parler de l'Europe. Le désamour à l'égard de celle-ci naît d'un manque de valeurs. Or, y a-t-il une entreprise plus belle et plus noble que celle qui consiste à unir des vieilles nations qui se sont longtemps combattues ? Beaucoup d'autres régions du monde qui n'arrivent pas à cette union nous observent avec intérêt.

Il faut construire l'« Europe-puissance », sinon les États européens seront marginalisés et ne pourront plus peser dans les affaires du monde. Nous faisons preuve de trop de timidité ou de naïveté à l'égard des États qui n'ont pas de véritable engagement européen. On trouve cette situation normale et l'on reste sans réagir. Or, il est possible d'avoir des liens étroits avec le Royaume-Uni tout en considérant que ce pays ne doit pas nécessairement rester dans l'Union européenne. Certaines situations sont inacceptables. Je prends l'exemple de l'union bancaire à laquelle le Royaume-Uni ne participe pas. Ce qui ne l'empêche pas d'expliquer aux autres États membres comment elle devrait fonctionner !

Le vrai problème est de savoir avec quels États il est possible d'avancer. Je soutiens entièrement les propositions du rapporteur, mais comment les mettre en oeuvre ? Qui est prêt à changer les traités et les institutions ? Quelle voie politique suivre ? Comment renforcer le contrôle démocratique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Le rapport est passionnant. C'est le moment de clarifier et de faire preuve d'ambition. Le citoyen doit être la priorité car c'est lui qui est aujourd'hui en plein doute. Les institutions sont complexes, lointaines et peu lisibles. L'utilité même de l'Union européenne est discutée.

Nous devons prendre garde aux distorsions économiques. L'opinion publique se prononce sur des cas précis, comme l'a montré la situation en Bretagne. L'industrie agro-alimentaire connaît des difficultés. Or, il y a une incompréhension face à des acteurs économiques qui n'appliquent pas des règles du jeu proches dans un espace qui est pourtant commun.

L'euro devrait protéger, or il n'y a pas de véritable gouvernance active comme dans les autres parties du monde. Cela donne l'image d'une naïveté européenne, d'une Europe qui se laisse faire par d'autres puissances. Il faut aussi corriger les distorsions sociales.

Une clarification est indispensable sur la position du Royaume-Uni. On doit être dedans ou dehors !

Pendant la période de crise, on a laissé critiquer l'Union européenne sans réagir. Or, ce n'est pas elle qui a falsifié les comptes de la Grèce !

L'Europe est perçue comme trop technocratique. La Commission apparaît hors contrôle. Il faut renforcer les pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux et répondre aux questions citoyennes en mettant un terme aux ambiguïtés.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

En tant que fédéraliste européen, je me reconnais dans les analyses du rapporteur et le félicite pour son travail. L'architecture institutionnelle de l'Union est baroque. Elle est le fruit de décisions successives. En réalité, il n'existe pas de modèle fédéral pur. Mais le fédéralisme permet de garantir la subsidiarité.

L'Union européenne constitue un grand marché mais sans avoir la force économique et industrielle. Les investissements des puissances extérieures sur ce marché sont très importants. L'Union européenne est très naïve sur la protection de ses frontières économiques.

Le Parlement européen assure une légitimité électorale pour l'ensemble des États membres. Si des politiques étaient mises en oeuvre par un petit nombre d'États membres dans le cadre des coopérations renforcées, elles seraient sous le contrôle de parlementaires représentant des États qui ne participent pas à ces politiques. La Commission doit émaner de la légitimité donnée par le Parlement européen. Les parlements nationaux jouent un rôle très important pour garantir l'engagement européen des États membres.

Je partage l'objectif de favoriser une meilleure identification de l'Europe par les citoyens, ce que permettrait l'ensemble de propositions faites par le rapporteur, qui pourraient être regroupées. Comme je l'avais souligné dans un précédent rapport, les conditions d'accès à la citoyenneté européenne doivent être unifiées. Le cas de Malte, qui vend l'accès à sa nationalité, est inacceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je partage les analyses du rapporteur et celles exprimées par mes collègues au cours du débat. Je souscris en particulier à l'idée que l'Europe doit être un « projet de civilisation servi par une puissance ». Elle doit avoir la capacité de fonctionner comme une puissance.

Je suis rapporteure de la mission commune d'information « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet ». La révolution numérique a un impact majeur. Elle redéfinit les espaces et entraîne des pertes de souveraineté dans de nombreux domaines, comme celui de la protection des données ou la fiscalité avec le développement du dumping fiscal. Cet enjeu doit être pris en compte dans le rapport. Comme l'a souligné Mario Monti, on construit le marché unique du numérique au profit des consommateurs, mais pas du tout dans l'intérêt des producteurs européens.

L'Union européenne porte des valeurs qui figurent dans la Charte des droits fondamentaux. Elle doit défendre sa vision de la société en se donnant les moyens de maîtriser sa souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je veux à nouveau souligner la qualité du rapport et du débat. Je demanderai à la Conférence des présidents qu'un débat de contrôle sur ce thème puisse être organisé en séance publique au mois d'avril.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Je remercie nos collègues pour leurs analyses que je prendrai en compte dans le rapport final.

L'Europe de la défense me paraît devoir être construite dans le cadre du troisième cercle de l'« Europe-espace », dans la mesure où la participation du Royaume-Uni est indispensable.

Le bon fonctionnement des institutions est certes en cause, mais beaucoup dépend également de l'engagement des responsables politiques. La France doit annoncer sa position de façon claire, précise et audacieuse. La prudence ne peut qu'alimenter le populisme.

Je précise que le deuxième cercle que j'envisage pourrait être constitué à partir d'« appels d'offres fédérales » au sein de la zone euro.

Il faut renforcer la démocratie européenne. C'est pourquoi le président de la Commission doit être élu par le Parlement européen. Je propose par ailleurs de conserver le nombre de commissaires mais d'établir une hiérarchie entre eux en fonction de l'importance des responsabilités exercées. Il y aurait ainsi des hauts commissaires, des commissaires et des commissaires-adjoints.

J'intègrerai dans le rapport l'enjeu des évolutions technologiques qui sont en effet un enjeu de souveraineté pour l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Nous allons à présent écouter le rapport de Richard Yung sur la proposition de règlement concernant les nouveaux aliments. Le groupe de travail sur le contrôle de subsidiarité de notre commission avait en effet estimé il y a quelques semaines que ce texte méritait un examen plus approfondi. Richard Yung nous présente aujourd'hui le résultat de son analyse.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le 18 décembre 2013, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement relatif aux nouveaux aliments. Cette proposition modifie le circuit d'examen sanitaire préalable à la mise sur un marché des nouveaux aliments.

Je ne peux que confirmer les premiers doutes émis il y a quelques semaines par le groupe de travail « subsidiarité ». C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter une proposition d'avis motivé.

Les nouveaux aliments - novel foods - sont ceux qui n'ont pas d'historique de consommation dans l'Union européenne avant 1997. Chaque année, plusieurs nouveaux aliments ou ingrédients alimentaires sont introduits dans les produits de consommation en Europe : l'huile d'argan, la pulpe de baobab, l'huile de krill, des vitamines synthétiques, etc.

Tout aliment ou ingrédient qui correspond à cette définition doit faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché. Ce régime repose aujourd'hui sur une analyse par les autorités nationales chargées du contrôle sanitaire du pays dans lequel la mise sur le marché est demandée. En France, le service responsable est la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Le circuit suit plusieurs étapes. La DGCCRF, sollicitée par un industriel, demande une évaluation sanitaire à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). L'ANSES procède à l'évaluation et formule, le cas échéant des observations. La DGCCRF transmet ces observations à la Commission européenne qui, à son tour, transmet l'avis aux agences nationales des autres États membres. Si, dans un délai de 60 jours, ces dernières n'ont pas formulé d'observations, la mise sur le marché est autorisée. Lorsqu'il y a des observations de la part d'une autorité nationale, la Commission peut saisir l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui, à son tour, procède à une évaluation et formule des observations.

L'évaluation porte sur la sécurité du produit. Les questions portent sur les incompatibilités avec d'autres produits, sur l'utilisation de l'aliment par certaines populations fragiles. Le manque de documentation scientifique est également un motif d'observations. Sur tous ces fondements, les agences d'évaluation peuvent être amenées à demander des restrictions d'utilisation ou des limites de dose. Les agences nationales ont un niveau d'exigence variable. L'ANSES est réputée pour être parmi les plus rigoureuses.

Chaque année, entre cinq et dix aliments de ce type sont introduits en Europe en suivant les procédures que je viens de vous décrire.

La proposition de la Commission consiste à réformer ce système d'évaluation, en confiant l'évaluation à la seule EFSA.

Sur un plan industriel, cette proposition apporte incontestablement un allégement des procédures et une simplification des circuits. Les industriels, à l'origine des innovations alimentaires, se sont souvent plaints des délais et des lourdeurs de la procédure actuelle. Si l'introduction de nouveaux aliments, sans observations particulières, est assez rapide, en cas d'objection d'une autorité nationale et d'appel à l'évaluation de l'EFSA, les procédures peuvent durer plusieurs années. Incontestablement, le rythme institutionnel de l'évaluation n'est pas celui de l'innovation.

Par ailleurs, l'Union européenne a déjà confié l'évaluation des allégations nutritionnelles à la seule EFSA, au lieu et place des évaluations nationales. Il est vrai que ce sujet ne pose pas des problèmes aussi importants que l'introduction d'aliments nouveaux.

Néanmoins, cette proposition suscite des réserves quant au respect du principe de subsidiarité.

En premier lieu, la proposition est très peu et très mal motivée. La Commission n'évoque pas les arguments rappelés ci-dessus. Elle se contente de mentionner « des niveaux de sécurité différents qui peuvent induire en erreur les consommateurs » et de rappeler la tautologie classique selon laquelle « une action menée au niveau de l'Union européenne constitue le meilleur moyen d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ». À aucun moment, la Commission ne mentionne d'éventuels dysfonctionnements qui justifieraient de réduire les compétences des États membres en la matière.

En second lieu, la mise sur le marché des médicaments suit une procédure d'évaluation nationale, comparable au régime actuel d'évaluation des nouveaux aliments et ce système donne satisfaction. Or, l'introduction de nouveaux aliments, avec les incertitudes qu'elle peut compter, est finalement assez comparable à l'autorisation de nouveaux médicaments.

En troisième lieu, s'agissant d'un domaine lié à la santé publique, l'existence d'un double contrôle ne paraît pas superflue. Dans le passé, il y eut des divergences d'appréciations entre l'EFSA et les agences nationales, en particulier l'agence française. Ce fut le cas lors de l'examen des risques liés à l'ESB et à l'embargo sur les viandes. Sans contester les compétences des experts de l'agence européenne, - issus des agences nationales -, il est légitime de marquer sa préférence pour un contrôle à double détente, garant d'une sécurité maximum, comme c'est le cas aujourd'hui.

Pour quitter le champ juridique, plusieurs affaires récentes ont révélé les inquiétudes et, en parallèle, les attentes des citoyens européens en matière de la sécurité alimentaire. L'Union européenne ne doit pas envoyer de signal contraire à cette attente légitime. Ainsi, la proposition apparaît contraire au principe de subsidiarité pour deux motifs :

- remplacer un système décentralisé par un système centralisé doit être justifié : la Commission doit prouver la nécessité de cette centralisation. Or, elle n'avance pratiquement pas d'arguments ;

- la proposition n'apporte pas de réelle plus-value par rapport au système en vigueur : elle entraîne certes une simplification, mais au prix d'une certaine diminution des garanties. Or, du point de vue de la subsidiarité, il faut que la proposition apporte une plus-value indiscutable.

Pour ces raisons, je vous propose d'adopter la proposition de résolution portant avis motivé qui vous a été distribuée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je suis d'accord avec cette proposition de résolution. La France est très en avance en matière de sécurité alimentaire, il ne s'agit pas de perdre cet avantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je tiens à souligner qu'il est rare pour moi de ne pas défendre le point de vue communautaire. Mais force est de constater que cette proposition de règlement n'est pas une amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Cet avis motivé, après examen par la commission des affaires économiques, sera envoyé à la Commission européenne. Je vous rappelle qu'il faut un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux pour que celle-ci révise éventuellement son texte. Nos collègues de l'Assemblée nationale doivent également se pencher sur ce sujet.

La commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution portant avis motivé dans le texte suivant :

La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative aux nouveaux aliments (COM (2013) 894 final) modifie le système d'évaluation de l'introduction des nouveaux aliments dans l'Union européenne

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat :

constate l'insuffisance de la motivation de la proposition de règlement. La Commission se limite à affirmer qu'« une action menée au niveau de l'Union européenne constitue le meilleur moyen d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur » sans démontrer une insuffisance ou d'éventuels dysfonctionnements du système actuel ;

considère que, s'agissant d'un domaine aussi sensible que la sécurité alimentaire, le système actuel de contrôle reposant sur une évaluation nationale des États membres et, le cas échéant, sur une évaluation européenne, paraît le plus adapté pour garantir une sécurité alimentaire maximum et pour assurer la confiance des consommateurs ;