Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur le texte de la proposition de loi organique déposée sur le Bureau du Sénat.
La réunion est close à 11 h 20.
- Présidence de M. Philippe Bas, président -
La réunion est ouverte à 17 h 05.
Nous avons le plaisir d'accueillir pour cette audition Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales, pour débattre des questions financières qui concernent les collectivités territoriales.
Vos nominations, par la constitution d'un ministère de plein exercice en charge des relations avec les collectivités territoriales, sont un signal par lequel le Président de la République a voulu montrer son souci de rétablir et d'amplifier le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales. Je crois que cette intention est sage.
À vrai dire, cela ne répond pas uniquement aux intérêts de l'État, ni même seulement à ceux des collectivités territoriales, mais ceux de nos concitoyens. Au quotidien en effet, plus encore que l'État, les collectivités sont des prestataires de services. Lorsque ces services connaissent des difficultés de financement, ce sont la qualité de la vie et la capacité à créer des emplois qui s'en trouvent affectées. C'est donc à ce niveau que nous situons l'enjeu du débat sur le partenariat entre les collectivités territoriales et l'État.
Nous souhaitons aborder deux sujets en particulier au cours de cette audition. Le premier concerne les conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation pour le financement des collectivités territoriales et pour le maintien d'un lien fiscal entre le citoyen bénéficiaire des services publics locaux et les élus qui gèrent ces services. Il s'agit pour nous d'un point majeur qui peut déstabiliser le financement des collectivités territoriales et la vie démocratique locale.
Nous sommes curieux de vous entendre nous expliquer quels sont les critères que vous entendez retenir pour décider de la ressource qui viendra remplacer la taxe d'habitation. Vous vous êtes donné le temps de la réflexion, la décision de supprimer la taxe d'habitation ayant été prise il y a longtemps - et c'est heureux si cela permet de déboucher sur une bonne solution. Nous sommes prêts à vous accompagner dans cette réflexion.
Le second sujet que nous souhaitons aborder concerne l'évolution des dotations. Il est sûr, comme l'a dit M. Lecornu à l'Assemblée nationale avec beaucoup d'enthousiasme, qu'il est préférable de maintenir le niveau des dotations que de les réduire. Ce point fait consensus entre nous.
Néanmoins, nous constatons que le gel des dotations, combiné avec une inflation plus élevée qu'elle ne l'était sous le précédent quinquennat, entraîne une réduction du pouvoir d'achat des collectivités. Je ne crois pas que cela puisse être interprété autrement. En revanche, la volonté du Gouvernement à travers le processus de contractualisation est claire : il s'agit de diminuer les dépenses des collectivités de 13 milliards d'euros en cinq ans. La commission des finances du Sénat estime que ce processus aboutira, en réalité, à 21 milliards d'euros de réduction des dépenses.
Nous sommes également inquiets car le gel des dotations est assorti d'un certain nombre de mesures qui réduisent les moyens financiers des collectivités. Je pense à la diminution des contrats aidés - 800 millions d'euros -, aux prélèvements sur les ressources des agences de l'eau qui vont être renouvelés en 2019 d'après ce que je comprends, et à ce que l'on demande aux offices HLM, contraints de compenser la baisse de l'aide personnalisée au logement (APL). Au vu de ces éléments, comment faire pour éviter une déstabilisation majeure des finances locales ?
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, les questions que vous posez dépassent le strict périmètre du budget.
Tout d'abord, la réforme de la taxe d'habitation est un engagement que le Président de la République a pris durant sa campagne électorale. Il est élu, il le tient.
Cela n'a rien de très surprenant, car cette taxe était devenue très inégalitaire. Aucun gouvernement n'a engagé la réforme des bases fiscales sur laquelle elle repose. J'ai été maire suffisamment longtemps pour me souvenir que cette réforme a été envisagée à deux reprises. Lorsqu'on réalisait des simulations cependant, tout le monde était réservé sur la mise en oeuvre de la réforme car elle aurait provoqué des augmentations d'impôt importantes dans de nombreux endroits.
Nous avons ainsi abouti à de très grands écarts entre les territoires, voire à l'intérieur des quartiers d'une même commune. Ils pouvaient même concerner des logements de confort et de taille similaires, mais dont la différence résidait simplement dans la date de construction.
L'engagement initial du Président de la République portait sur le dégrèvement de la taxe d'habitation pour 80 % des contribuables. Le Conseil constitutionnel a cependant décidé, au nom de l'égalité devant l'impôt, que cela devait concerner la totalité des personnes assujetties à l'impôt.
La compensation pour les collectivités devait initialement intervenir sous forme de dégrèvement, l'État prenant progressivement la place du contribuable sur trois ans. On peut comprendre que les élus se demandent comment sera compensée la taxe d'habitation une fois qu'elle aura été supprimée. Cela a fait l'objet d'un rapport d'Alain Richard et du préfet Dominique Bur, mais aussi de diverses autres réflexions.
Je ne peux bien évidemment pas vous annoncer aujourd'hui ce que nous allons faire, dans la mesure où le Président de la République s'est engagé devant le congrès des maires, l'année dernière, à effectuer un travail préparatoire avec les associations d'élus et les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Cela étant, il n'existe que deux grandes familles de mesures permettant de préserver les ressources propres des collectivités : les transferts d'impôts locaux d'une collectivité à une autre et le partage d'un impôt national.
Les élus municipaux souhaitent conserver une capacité de taux pour maintenir leur lien avec le territoire. À titre personnel, je suis d'accord avec le fait que plus la collectivité est proche des citoyens, plus il est important qu'elle ait un pouvoir de taux. Les régions bénéficient d'une part de la TVA, qui est un impôt national. S'agissant d'une collectivité plus éloignée des citoyens que les municipalités, elles se contentent d'une part d'un impôt dynamique sans avoir besoin d'un pouvoir de taux.
Une des solutions envisagées pour compenser la suppression de la taxe d'habitation serait que la taxe foncière sur les propriétés bâties redescende vers les communes. Cela ne plaît pas aux départements, qui estiment que ce serait les priver d'un impôt.
Rien n'est pour l'instant écarté.
J'étais sénatrice lors de la réforme de la taxe professionnelle en 2010 : il a bien fallu trouver des solutions. Aujourd'hui, les solutions se trouvent entre le bloc communal et les départements. L'ancien gouvernement a anticipé la réforme fiscale pour les régions en leur attribuant une part de la TVA, disposition sur laquelle elles ne souhaitent pas revenir.
La réforme de la fiscalité locale devra être bouclée avant l'été, en prévision des futures échéances électorales municipales et départementales.
S'agissant ensuite de l'évolution des dotations, l'ancien gouvernement avait choisi d'opérer un prélèvement sur l'ensemble des collectivités, de la plus petite à la plus grande, pour contribuer au redressement des finances publiques. Nous en avons décidé autrement.
Vous dites que l'on va soustraire aux collectivités territoriales 13 milliards d'euros en cinq ans. Il existe cependant une différence entre le fait de prélever une part de la dotation globale de fonctionnement (DGF), et le fait de demander aux collectivités territoriales de ne pas augmenter leurs dépenses de fonctionnement au-delà d'un certain seuil. C'est bien pourquoi nous avons contractualisé avec 322 collectivités par l'intermédiaire des préfets et de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Cela représente environ 85 % des collectivités initialement visées.
Aujourd'hui, les dépenses de fonctionnement de ces 322 collectivités progressent de 0,7 % par an en moyenne. Nous sommes donc tous ensemble sur la bonne voie.
La DGF a été stabilisée depuis 2017. Pour mémoire, en 2018, elle a été augmentée de 300 millions d'euros pour rattraper la baisse importante subie entre 2014 et 2017. Nous l'augmentons cette année de 11 millions. Cela représente environ 311 millions supplémentaires par rapport à 2017. Le Gouvernement aimerait en distribuer plus et les collectivités en recevoir davantage, mais nous devons veiller ensemble aux contraintes budgétaires.
Je ne reviens pas sur les évolutions des dotations individuelles. La DGF est une dotation vivante, reposant sur des critères objectifs, mais dont il est difficile d'expliquer les variations individuelles qui dépendent de nombreux facteurs.
Les critères de répartition sont en effet liés à la situation objective de chaque collectivité, mais également à la solidarité. En outre, les modifications de la carte intercommunale ont été l'élément le plus perturbateur dans la répartition de la DGF des communes et des intercommunalités. À Poitiers, par exemple, certaines communes, initialement situées dans des intercommunalités plus rurales et plus pauvres, sont subitement devenues artificiellement plus riches en entrant dans le Grand Poitiers.
Les répercussions des modifications de la carte intercommunale sur la DGF ont souvent été douloureuses, les territoires ayant enregistré le plus de baisses étant ceux où il y avait eu le plus de modifications du périmètre des intercommunalités.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais revenir sur le chiffre de 13 milliards d'euros, qui constitue souvent un abus de langage que l'on retrouve dans la presse. Ce n'est pas la même chose de demander à 322 collectivités parmi les plus importantes de limiter leurs dépenses réelles de fonctionnement que de diminuer les recettes de l'ensemble des collectivités, comme on a pu le faire dans le passé !
Je m'attarderai tout d'abord sur la question des dotations que l'on ne diminue plus. Je considère qu'il s'agit du premier pilier de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour le budget 2019. Il est vrai que nous gelons les dotations et que l'ensemble est plafonné, mais c'est une trajectoire que nous assumons : on ne peut d'un côté reprocher au Gouvernement de ne pas faire suffisamment d'économies et, de l'autre, lui demander d'augmenter l'ensemble des concours financiers.
Plusieurs choix ont été opérés, parmi lesquels celui de faire avancer la péréquation. C'est une demande de l'ensemble des associations d'élus, que nous mettons en oeuvre à la fois pour les communes urbaines très pauvres, avec une augmentation de 90 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), et pour les communes rurales très pauvres, avec une augmentation de 90 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR). Nous prévoyons par ailleurs une augmentation de 10 millions d'euros des dotations de péréquation des départements, la dotation de péréquation urbaine (DPU) et la dotation de fonctionnement minimale (DFM). Il s'agit de faire en sorte que personne ne soit oublié.
À cela s'ajoute la réforme de la dotation d'intercommunalité - la DGF des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. C'est également une demande ancienne des associations d'élus - qu'il s'agisse de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) ou de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) - et surtout du comité des finances locales (CFL), qui a étudié l'année dernière quatorze ou quinze scénarios de réforme.
Rappelez-vous : la dotation d'intercommunalité était divisée en sous-enveloppes en fonction de la catégorie juridique des intercommunalités. La loi NOTRe a cependant eu pour conséquence un accroissement du périmètre de la majorité des EPCI à fiscalité propre, et l'on s'est retrouvé avec des déséquilibres importants au sein de ces sous-enveloppes. Un certain nombre de communautés de communes et bien souvent de communautés d'agglomération ont connu en 2018 des baisses importantes de dotation que les services de l'État n'étaient pas capables de justifier. On se retrouvait dès lors avec des évolutions totalement imprévisibles et des dotations qu'on n'arrivait plus à financer, le besoin pouvant aller jusqu'à 70 millions d'euros sur un exercice budgétaire.
Le CFL a proposé de réformer cette dotation en fusionnant ces quatre sous-enveloppes et en intégrant le critère du revenu par habitant des EPCI en question, ce qui stabilise l'ensemble du dispositif. Des simulations nous ont permis, en lien avec les associations d'élus, de détecter quelques anomalies. Lors des travaux devant l'Assemblée nationale, certains effets pervers ont ainsi pu être corrigés. 90 % des EPCI à fiscalité propre verront donc leur DGF stabilisée ou augmentée en 2019. Cela s'explique, d'une part, par l'abaissement à 1,1 du coefficient de majoration du coefficient d'intégration fiscale (CIF) des métropoles, d'autre part, par la mise en place d'une garantie de stabilité pour les métropoles, communautés urbaines et communautés d'agglomération dont le CIF est supérieur à 0,35 et pour les communautés de communes dont le CIF est supérieur à 0,6.
Par ailleurs, plusieurs groupes politiques à l'Assemblée nationale ont demandé à faire entrer le produit des redevances d'eau et d'assainissement dans le calcul du CIF des communautés de communes, qui exercent bien souvent ces compétences. Cela va prendre un peu de temps, mais nous nous sommes engagés à avancer dans cette voie.
Le deuxième pilier de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » concerne la prévisibilité. Les députés, tout comme les sénateurs, souhaitent que l'on explique mieux les dotations de l'État aux collectivités. J'y suis favorable, dans la mesure où cela éviterait à beaucoup de démagogues de raconter n'importe quoi. Si les dotations évoluent, c'est tout simplement parce que la population, les critères de pauvreté ou de richesse évoluent également. Il faut se réjouir d'ailleurs que les dotations de l'État soient vivantes : si elles étaient figées, on figerait aussi les inégalités. Par exemple, le maire d'une commune qui voit sa population passer de 200 à 300 habitants percevrait une dotation fixe et ne pourrait construire une nouvelle classe pour absorber les populations nouvelles. À l'inverse, un maire qui verrait sa population diminuer continuerait à avoir droit aux mêmes dotations de l'État ! L'enjeu est de pouvoir suivre ces évolutions. Pour ce faire, il faut expliciter les critères de répartition des dotations. J'ai parfois moi-même, en tant qu'élu local, bien du mal à comprendre les notifications des dotations de l'État telles qu'elles me sont adressées.
Cela demandera beaucoup de travail aux services de l'État et n'est pas si évident à mettre en place, mais je veux que l'on puisse avancer sur le sujet, en lien avec les sénateurs.
Concernant la DSR-cible, outil de solidarité important pour le milieu rural, cher au Sénat, une garantie de sortie en cas de perte d'éligibilité a été mise en place pour assurer une transition. Auparavant, le bénéfice de la DSR était perdu du jour au lendemain. On a imaginé un système de transition permettant d'en percevoir 50 % l'année qui suit, ce qui permet d'avoir une année pour adapter son budget. C'est un véritable signal en termes de respect des élus locaux.
Par ailleurs, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale a souhaité imaginer des dispositions nouvelles dans le calcul de la DGF pour les communes dont une grande partie du territoire est classée en zones Natura 2000. Il y a derrière tout cela un débat très ouvert en termes d'aménagement du territoire, sur lequel nous reviendrons sans doute. Les échanges ont été riches à l'Assemblée nationale.
Enfin, le troisième pilier de cette mission est bien sûr la question de l'investissement local. Une aide de 2 milliards d'euros aux territoires, cela ne s'est jamais vu ! Cette aide se compose d'un gros milliard de dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), d'un gros demi-milliard de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et d'un gros demi-milliard pour les départements et la dotation politique de la ville (DPV).
Le sort des communes rurales regroupées dans des intercommunalités au périmètre élargi est à ce titre significatif. Prenons par exemple le département de la Manche qui, du fait de la loi NOTRe, a vu diminuer le nombre de ses intercommunalités par la constitution de vastes EPCI à fiscalité propre : ce n'est pas parce que les communes rurales sont désormais incluses dans des communautés d'agglomération qu'elles ne sont plus rurales. Mécaniquement, elles auraient cependant pu se voir privées de l'éligibilité à la DETR. On a introduit une certaine souplesse dans l'affaire. Le débat sur le sujet a cependant été passionné à l'Assemblée nationale, certains considérant que les communes rurales inclues dans des métropoles ne devaient plus être éligibles à la DETR. Je me suis opposé à cette logique en prenant pour exemple la métropole de Nice et ses villages de montagne en milieu rural. Le débat est ouvert. Ce n'est pas un débat politique, mais un débat d'aménagement du territoire. Il faut qu'il se tienne en toute transparence, car il faudra ensuite que tout le monde assume la décision qui aura été prise.
S'agissant de la métropole du Grand Paris, elle est un mystère pour le Normand que je suis. Un consensus large est ressorti de l'Assemblée nationale sur le fait qu'il fallait reconduire les dispositifs tels qu'ils existaient jusqu'à présent, la réforme institutionnelle ne relevant pas de la loi de finances. C'est l'accord politique sur la réforme institutionnelle qui doit permettre de modifier les circuits financiers entre la métropole et les établissements publics territoriaux (EPT). J'ai cru comprendre que les Franciliens s'étaient plus ou moins accordés autour d'une forme de statu quo. Je ne sais ce qu'il en sera ici au Sénat, mais sachez que le Gouvernement est à votre disposition pour travailler sur ce sujet.
Enfin, s'agissant des départements, le fonds d'urgence est rebaptisé fonds de stabilisation et doté de 115 millions d'euros par an. Pour la première fois, les présidents de conseils départementaux vont pouvoir disposer de ce fonds d'urgence jusqu'à la fin du mandat départemental. On va ainsi donner de la visibilité. Cela permet de répondre aux graves tensions que l'on observe dans les Ardennes, l'Aisne, etc., où le bouclage même du budget n'est pas assuré.
Par ailleurs, le plan Pauvreté bénéficiera de 135 millions d'euros l'année prochaine, et son enveloppe demeurera en augmentation jusqu'en 2021-2022. J'ai entendu des choses assez inexactes sur la nature des politiques sociales qui sont menées, comme si le plan Pauvreté réclamait des dépenses nouvelles. Je parle ici en tant que conseiller départemental : dans un département qui a une politique de lutte contre la fraude qui fonctionne, une politique d'inclusion efficace et qui travaille bien avec les opérateurs de l'emploi, le taux de sortie des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) est satisfaisant et l'on est « dans les clous » du plan Pauvreté. Toutes les gestions départementales du RSA ne se valent pas, si j'en crois les présidents de conseils départementaux élus en 2015.
Il existe également un enjeu de péréquation et de solidarité entre les départements. La dynamique des recettes du département des Hauts-de-Seine ou des Yvelines n'est pas celle que l'on observe dans l'Aisne ou dans les Ardennes. Avec Jacqueline Gourault, nous avons demandé à l'Assemblée des départements de France (ADF) de nous faire des propositions consensuelles sur la manière de bâtir la péréquation sur la base de ces 250 millions d'euros. Un amendement a déjà adopté à l'Assemblée nationale. Les critères sont appelés à évoluer dans la mesure où nous souhaitons que l'ADF fasse des propositions. Je crois savoir qu'un certain nombre de présidents de département, notamment d'anciens sénateurs - je pense au président du conseil départemental du Calvados - travaillent actuellement d'arrache-pied sur ces sujets.
Le projet de loi de finances pour 2019 signe la fin de la dotation globale d'équipement (DGE) des départements, qui n'était pas forcément très connue des conseils départementaux. Elle constitue une aide à l'investissement. Elle ne fonctionnait pas très bien - nécessité d'une ingénierie financière, factures, avances d'argent, un peu à la manière du FCTVA. Nous avons décidé, en lien avec l'ADF, de la réformer et de la transformer en dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID) afin que les départements, dès l'année en cours, bénéficier de subventions d'investissement.
La DGE ne concernait que les seuls travaux d'aménagement foncier. La dotation de soutien à l'investissement départemental serait ouverte à l'ensemble des travaux. Nous avons souhaité - et l'Assemblée nationale nous a suivis - qu'elle ne soit pas conditionnée à la signature des contrats de Cahors.
Enfin, il n'y aura pas de baisse ou de ponction sur le budget des agences de l'eau dans le projet de loi de finances pour 2019. Une ponction importante a eu lieu l'année dernière, car il fallait que les agences fassent un effort au regard du fonds de roulement extraordinairement important qu'elles détenaient. Entre-temps, les comités de bassin se sont prononcés sur les nouveaux programmes. Nous avons imaginé cette année un système de plafond mordant pour limiter la dépense publique : on applique un plafond qui permet d'éviter que la dépense publique ne s'envole. Ce qui est au-dessus du plafond retournera dans le budget général de l'État. Pour l'année prochaine, le plafond sera fixé à 2,1 milliards d'euros.
Une nouveauté cependant, qui a pu amener certaines agences de l'eau, notamment celle de Seine-Normandie, à parler de baisse de leur budget : nous avons fait droit à une demande des élus portant sur la solidarité entre les bassins. Les agences sont également appelées à verser 41 millions d'euros à l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), considérant que l'AFB a des missions de police de l'eau. L'eau paye l'eau ainsi que la police régalienne de l'eau. Un débat a eu lieu l'année dernière sur le sujet au Sénat, permettant à un accord d'émerger.
Madame la ministre, monsieur le ministre, ma première question concerne la DGF et le traumatisme vécu l'année dernière par un certain nombre de communes qui ne s'attendaient pas à la voir diminuer. Je voudrais m'assurer auprès de vous que des simulations ont été faites cette année pour que cela ne se reproduise pas, et relayer la proposition de l'AMF de créer un fonds de lissage à destination d'environ 3 000 communes, lesquelles ont vu la baisse de leurs dotations de péréquation dépasser 1 % de leurs recettes de fonctionnement. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
De manière générale, je m'interroge sur le fait d'avoir introduit un nouveau dispositif destiné aux communes en zone Natura 2000 au moment où chacun trouve que la DGF est déjà suffisamment compliquée. Pourquoi encore complexifier le système ?
Il y aura toujours des différences entre communes en matière de DGF. Un certain nombre de critères - population, richesse, etc. - jouent sur la répartition. Il faut aussi tenir compte de la péréquation. On l'a dit, la DGF est vivante et cela a toujours été le cas. On ne peut assurer que tout le monde y gagne. Ce serait mentir. Si vous perdez de la population, vous perdez de la DGF, c'est absolument évident. C'est une dotation qui évolue et qui se répartit sur l'ensemble du territoire.
Les mécanismes que l'on a mis en place, notamment la réforme de la dotation d'intercommunalité, vont évidemment amoindrir les différences entre les communes et les intercommunalités. Nous faisons le maximum pour que la répartition se fasse sans chocs aussi importants que ceux que l'on a connus lors des modifications de la carte intercommunale. Mais il y aura toujours des évolutions dans les montants de la DGF.
Quant à Natura 2000, il ne s'agit pas d'un critère de la DGF. C'est une politique spéciale. Certaines communes sont presque totalement classées en Natura 2000. Le Gouvernement a donc accepté un amendement du rapporteur général créant une dotation en faveur des communes dont une part significative du territoire est comprise dans un site Natura 2000. Environ 1 000 communes sont concernées. Un autre amendement du Gouvernement sera nécessaire pour améliorer le financement de cette dotation.
Dans les territoires où des évolutions significatives ont eu lieu, avec des agrandissements de périmètres intercommunaux, voire des communes nouvelles, il peut être nécessaire de « déCIFer », c'est-à-dire de restituer un certain nombre de compétences aux communes, conformément au principe de subsidiarité. Ce faisant, l'intercommunalité voit sa dotation baisser. N'avoir pour seule règle de répartition de la dotation que l'intégration fiscale n'est pas toujours adapté.
Le fait de restituer aux communes des compétences qui étaient intégrées stabilise le fonctionnement d'une communauté de communes. Mais le CIF évolue alors négativement, car les charges de la communauté de communes diminuent. Cependant, les charges des communes augmentent sans que leurs dotations soient modifiées. Il faudrait que les choses soient proportionnées, et ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Ce qu'il faut, c'est que le territoire dans son ensemble - intercommunalité et communes - n'y soit pas perdant. Il faut combattre l'effet pervers des dotations basées sur l'intégration.
Il faut que le coût soit le même pour l'État mais que la répartition soit différente.
On pouvait avoir cette vision intégrative tant que la carte intercommunale n'était pas achevée. Elle l'est à présent. Des espaces intercommunaux plus puissants et plus forts se constituent. On est déjà arrivé par endroits à un niveau d'intégration conséquent et à des périmètres intercommunaux dont on sait à peu près qu'ils ne bougeront plus.
Par ailleurs, estimez-vous pertinent de maintenir la DSIL au niveau des préfectures de région, alors même que l'enveloppe régionale est le plus souvent répartie entre les départements au prorata de leur population ? Pour ma part, j'estime qu'il serait plus opportun transférer le pouvoir d'attribution aux préfets de département, au plus près des élus. On aurait ainsi une plus grande cohérence entre la DSIL et la DETR.
On pourrait aussi créer auprès des préfets une forme de commission départementale des investissements publics locaux, sur le modèle de la commission DETR qui fonctionne à peu près bien partout et qui permet une forme de dialogue entre le préfet de département et les élus locaux.
En ce qui concerne la DSIL, la plupart des projets sont déterminés au niveau départemental, envoyés et validés au niveau régional, avant de revenir au niveau départemental. Il est vrai que quelques projets dépassent le strict cadre départemental. Nous ne serions pas hostiles, si vous acceptiez de faire redescendre au préfet de département l'attribution de la DSIL, au fait que le préfet de région garde une quote-part permettant le financement de projets régionaux.
Il nous semble qu'il serait intelligent de rapprocher la méthode d'attribution de la DSIL de celle de la DETR, et de faire en sorte qu'une seule commission départementale examine l'ensemble des projets. Pour les services de l'État, le mode de répartition de la DSIL est aujourd'hui une usine à gaz.
L'AMF ne dit pas comment le fonds de lissage qu'elle propose serait financé. Il faudra en parler lorsque l'AMF aura retrouvé le chemin du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. J'ai malheureusement cru comprendre qu'il s'agirait d'ajouter de l'argent. François Baroin, qui a été ministre du budget, connaît les contraintes auxquelles nous faisons face. Il faudra en discuter avec lui.
Le CIF, vous avez raison, monsieur le sénateur, a parfois donné lieu à une forme de course à l'intégration. La stabilisation des dotations est l'enjeu le plus important. Nous y parvenons dans le projet de loi de finances en plafonnant le CIF à 0,6 au maximum, et en garantissant le niveau de dotations grâce au fameux amendement passé à l'Assemblée nationale, qui a fixé à 0,35 le CIF minimal pour bénéficier d'une garantie. La maquette, telle qu'elle est sortie de l'Assemblée nationale, répond à votre interpellation.
Le critère du revenu par habitant fait par ailleurs son apparition dans le calcul de la dotation d'intercommunalité. Les communautés de communes rurales vont être les grandes gagnantes de l'opération.
Quant à la DSIL, une grande partie de cette dotation est effectivement distribuée, en pratique, par les préfets de département. Mon objection à votre proposition tient plutôt à la forme qu'au fond : la modification voulue relève plus d'une circulaire aux préfets de région et de la doctrine d'emploi au quotidien de la DSIL que de la loi. Le président Larcher est attentif au fait que l'on ne mette pas dans la loi trop de dispositions qui relèvent du règlement ou du fonctionnement interne de l'État. L'attribution de la DSIL correspond déjà, il me semble, à ce que vous demandez. Peut-être suis-je induit en erreur par ce qui se passe en Normandie, où cela fonctionne bien. Il faut étudier ce point.
Concernant la distinction entre la DETR et la DSIL, le législateur et le gouvernement de l'époque avaient décidé que, sur les 2 milliards d'euros dédiés à l'investissement local, la moitié s'adressait aux projets locaux. Les commissions DETR fonctionnent bien dans certains départements, où l'on observe une vraie élaboration des critères, une véritable hiérarchisation des priorités. Dans d'autres départements, les commissions sont plus « baroques » - sans porter de jugement. Vous êtes parlementaires : nous sommes là pour que cela fonctionne bien dans tous les départements.
L'objet de la DSIL, en revanche, était de financer les projets répondant à des priorités nationales. Il est bien normal que l'État, dont vous êtes les représentants, ait aussi ses priorités. Il faut que l'on dispose d'un outil permettant de les décliner dans les territoires. Je prends toujours le même exemple, celui de la transition écologique : 200 millions d'euros de DSIL issus du grand plan d'investissement sont « verdis ». Sans cela, un grand nombre de projets n'auraient pas été réalisés dans une logique de transition énergétique.
J'entends bien qu'il faut que le Gouvernement travaille davantage avec les parlementaires pour définir les critères de répartition à l'échelle nationale, mais une commission départementale va quelque peu à rebours de la logique présidant à la création de la DSIL.
L'année 2018 a vu la conclusion des contrats visant à limiter l'augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales à 1,2 % par an. Quelles inflexions entendez-vous donner à cette contractualisation ? Nous sommes face à des situations qui nous interpellent en matière de dépenses ou de sollicitations de l'État. Comment envisagez-vous de faire évoluer le dispositif afin de lui conférer intelligence et souplesse ?
Nous ferons le bilan après un an de contractualisation avec les collectivités territoriales. Inutile de dire que beaucoup de choses nous ont déjà été remontées. Nous effectuerons les adaptations qui sembleront nécessaires à tout le monde.
Le projet de loi de finances pour 2019 ne bouscule pas le paysage des finances locales. Nous devrions examiner l'année prochaine un collectif budgétaire spécialement consacré à ce sujet. Il s'agira de savoir alors si l'on se contente d'un ajustement pour compenser la suppression de la taxe d'habitation ou si l'on engage une véritable réforme fiscale, sachant que la revalorisation des valeurs locatives risque d'avoisiner cette année le taux de 2,3 %. Ce ne sera pas neutre.
Quelques réactions sur ce qui vient d'être dit.
S'agissant du fonds qui pourrait être créé pour compenser les baisses de DGF, je voudrais rappeler que l'année 2018 a été très particulière du fait des variations de périmètres intercommunaux. La plupart des écarts ont été dus au changement de régime fiscal de certains EPCI. Il est donc un peu gênant de créer un fonds alors que l'argent existe déjà et pourrait très bien être rendu.
Ce projet de loi de finances comporte surtout deux dispositions importantes, qui concernent la dotation d'intercommunalité et la métropole du Grand Paris. Ce qui a été voté pour la métropole du Grand Paris ne pourra aller au-delà d'une année, il faudra trouver des solutions.
Pour ce qui est de la dotation d'intercommunalité, le comité des finances locales avait souhaité revoir ses règles de répartition, afin que les montants par habitant ne varient pas autant d'un type d'EPCI à fiscalité propre à un autre et qu'il soit plutôt fait référence aux charges réelles des intercommunalités. On avait choisi pour cela le coefficient d'intégration fiscale, qui semblait le meilleur critère, faute de mieux.
Depuis, les amendements adoptés à l'Assemblée nationale ont réduit très sensiblement l'impact du CIF, puisqu'on s'est aperçu que trop de villes étaient « perdantes ». Je pense qu'il faut laisser les choses en l'état et ne pas bouder notre plaisir d'avoir réussi à harmoniser les choses.
Il faudra toutefois évoluer vers un système qui tienne davantage compte de l'importance des charges. Le CIF varie d'un montant epsilonesque à 80 % ou 85 %, tandis que le revenu moyen par habitant varie de plus 10 à moins 10 - et ce n'est pas forcément cela qui change fondamentalement les charges de la collectivité. Il faudra être prudent à l'avenir.
L'intégration des redevances d'eau et d'assainissement aux bases de calcul du CIF est une très bonne idée, mais il ne faudrait pas avantager temporairement le secteur urbain au détriment du secteur rural. Tout le monde sait que les communautés de communes ont jusqu'à 2026 pour assumer les compétences eau et assainissement. Pendant ce temps-là, il n'y a pas lieu de modifier le calcul du CIF.
S'agissant de la DSIL, on peut essayer d'en avoir une meilleure vision, mais il est assez délicat de trouver un mode de représentation départementale, sauf à reprendre la commission qui existe pour la DETR.
En revanche, je m'inscris en faux contre l'affirmation du Gouvernement selon laquelle les dotations aux investissements n'auraient jamais été aussi élevées. Par rapport à 2017, le compte n'y est pas. Peut-être n'est-ce pas mal par rapport à une certaine époque, mais on ne peut dire que l'on est au sommet.
Je reconnais que les dispositions relatives à la Métropole du Grand Paris ne valent que pour un an et que la réforme de la dotation d'intercommunalité est également provisoire.
Le CIF est un sujet qui passionne, entre ceux qui en sont partisans et ceux qui considèrent qu'il s'agit d'un critère contraignant. Il faudra en discuter à l'occasion de la réforme de la fiscalité locale.
L'architecture de la dotation d'intercommunalité prévue par ce texte est la même que celle que préconisait le comité des finances locales. Peut-être n'avait-il pas suffisamment tenu compte des contraintes pesant sur quelques métropoles. On ne peut souhaiter de la stabilité pour nos EPCI et dire que le dispositif transitoire que nous proposons et qui amortit un peu le choc provoqué par la loi NOTRe manque d'ambition. Quand on fait preuve d'ambition, on entend peu les membres du CFL venir en aide au Gouvernement pour expliquer cette ambition sur le terrain... Il nous faut donc être prudents.
Les élus demandent de la stabilité pour cette fin de mandat. Nous mettons d'ailleurs un dispositif de crémaillère qui évite les augmentations ou diminutions trop brusques d'attributions. Le débat à l'Assemblée nationale a été riche et intéressant, et il me semble que nous sommes parvenus à un équilibre.
S'agissant des dotations d'investissement, les contrats de ruralité sont progressivement mis en oeuvre et il est normal que cela ait une incidence sur les crédits. Je rappelle que la DSIL n'existait pas auparavant.
Je ne vais pas refaire le débat sur le CIF mais il reste, quoi qu'on en pense et quoi qu'on en dise, pénalisant pour les communautés de communes. En effet, les EPCI à fiscalité propre qui ont aujourd'hui le plus besoin de cette dotation d'intercommunalité sont les communautés de communes. Il y a du mieux, mais on est encore à mi-chemin. Il faut repenser la dotation d'intercommunalité de façon plus ambitieuse et globale pour tenir compte des restitutions de compétences aux communes, notamment dans les communautés de communes. L'Histoire va dans le sens de la suppression du critère du CIF, qui a selon moi un effet pervers s'agissant des plus petites structures intercommunales.
Enfin, s'agissant de la question de l'eau et de l'assainissement, les agences de l'eau demandent aujourd'hui que les intercommunalités, auxquelles ces compétences doivent être obligatoirement transférées, les transfèrent à leur tour à des syndicats : il y a là une incohérence.
S'agissant des agences de l'eau, tous les comités de bassin ne prennent pas les mêmes orientations. Je souscris toutefois à la philosophie de votre propos, et vais vérifier que la direction de l'eau et de la biodiversité n'ait pas sévi par erreur. Je m'engage à vérifier ce point avant la séance.
Quant à la réforme de la dotation d'intercommunalité, les communautés de communes en seront les grandes gagnantes. Sans réforme, tous les EPCI à fiscalité propre auraient été perdants, métropole comme communautés de communes. Cela explique que nous nous soyons attaqués à cette affaire. Pas moins de 171 communautés de communes à fiscalité additionnelle et 667 communautés de communes à fiscalité professionnelle unique vont voir leur dotation augmenter. Une seule communauté de communes à fiscalité additionnelle va voir sa dotation baisser, de même que 76 communautés de communes à fiscalité professionnelle unique. Toutes les autres verront leur dotation stabilisée.
Comme le dirait l'ancien rapporteur général et ancien président du CFL, Gilles Carrez, il ne faut pas trop regarder les simulations, sinon on ne réforme jamais. Néanmoins, nous donnerons en séance publique tous les chiffres des simulations en gains et en pertes - même si je n'aime pas ces mots. Cela permet de comprendre que ce qui est proposé est le meilleur équilibre qu'on ait pu trouver.
Je voudrais aborder le cas de communes qui ont intégré des intercommunalités plus riches, et qui ont vu leur DGF baisser. Il existe une solution très simple : mettre en oeuvre la solidarité interne. La majorité des intercommunalités concernées ne le veut malheureusement pas. Pourrait-on, dans la loi de finances, se mettre d'accord sur un amendement permettant de régler ce problème ?
Par ailleurs, l'État républicain n'a jamais répondu à la question de savoir ce qu'il convient de faire des soldes, positifs ou négatifs, des budgets annexes de l'eau et de l'assainissement. Ne pourrait-on faire en sorte qu'ils aillent à l'intercommunalité ? L'absence de règles crée un mauvais climat, entretient l'anarchie et favorise les injustices.
Ce que vient de dire M. Sueur rejoint ce que j'ai dit tout à l'heure : généralement, lorsque les communes qui sont entrées dans une nouvelle intercommunalité ont vu leur dotation baisser, l'argent n'est pas perdu pour tout le monde... Certaines intercommunalités l'ont même rendu.
On va accuser l'État de s'immiscer dans la gestion locale et de devenir jacobin ! Nous préférons nous en remettre à l'accord local.
Je vous ai entendu dire qu'il n'y aurait plus de tsunami territorial, qu'il faut à présent de la stabilité. Cela n'empêche pas d'apporter les nécessaires corrections aux réformes du quinquennat précédent. Je pense que les élus ont besoin de visibilité, quand on sait que la réalisation d'un projet d'investissement nécessite plusieurs années et qu'on a besoin de connaître la réalité des dotations au moment où l'on va commencer les travaux.
Par ailleurs, quand on parle de la réforme des finances locales, personne n'évoque le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui hérisse à la fois ceux qui reçoivent et ceux qui donnent. Il ne faut jamais oublier les classes moyennes, y compris parmi les intercommunalités. Certaines collectivités ont vu leur contribution au FPIC passer de 75 000 euros à 750 000 euros en cinq ans sans que leurs ressources aient augmenté, tout simplement parce que le nombre de leurs contributeurs a beaucoup diminué.
Enfin, s'agissant de la DSIL, il existe un écart entre l'enveloppe allouée et ce qui est effectivement consommé. Vous n'y êtes pour rien : c'est que les collectivités ont parfois des moyens limités pour monter des projets. Il me semble d'ailleurs que, cette année, de nouvelles dépenses deviennent éligibles à la DSIL, ce qui fera en définitive baisser l'enveloppe pour les autres projets. Je pense notamment au deuxième volet de l'appel à projets État-régions pour la revitalisation des bourgs-centres.
La DSIL est attribuée en fonction des projets réalisés, quelle que soit la nature des projets. Des orientations ont été données par le Gouvernement s'agissant par exemple du numérique, mais toutes sortes de dossiers peuvent être subventionnés. Les opérations de revitalisation des bourgs-centres étaient déjà éligibles auparavant.
Vous avez dit qu'une aide de 250 millions d'euros serait apportée aux départements, par le biais d'un fonds de stabilisation de 115 millions d'euros et de 135 millions issus du fonds de lutte contre la pauvreté. Vous avez également expliqué que le Gouvernement avait prévu d'augmenter la péréquation entre les départements, qui doivent en discuter entre eux. Il me semble que vous avez annoncé que les négociations allaient se poursuivre avec les départements. Qu'en est-il ?
En second lieu, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté en juillet 2018 une proposition de loi visant à allonger la durée de prise en charge des mineurs par les départements au-delà de leurs 18 ans et jusqu'à 21 ans, ce qui engendrera un surcoût considérable, notamment si l'on ne fait pas la différence entre ces mineurs et les mineurs non accompagnés - et il n'y a pas de raison a priori de le faire. Avez-vous envisagé un mode de financement pour cet allongement de la prise en charge ?
Envisagez-vous de permettre aux départements de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ?
Le déplafonnement des DMTO signifierait, en clair, une augmentation des frais de notaire. Il n'en est pas question, j'en prends l'engagement. Ces frais de transaction sont déjà suffisamment dynamiques dans certains départements, ce qui permet de porter le niveau de péréquation à 250 millions d'euros. Augmenter les DMTO serait contre-productif dans les zones en tension.
Oui, nous continuons de discuter et de travailler avec les conseils départementaux. Nous l'avons dit à Rennes vendredi dernier. Nous n'avions pas la prétention, en quatre jours, de régler dix ans de problèmes juridico-financiers. Le premier fonds d'urgence date du quinquennat de Nicolas Sarkozy. C'est François Baroin, alors ministre du budget, qui l'avait mis en place. Entre-temps, le RMI est devenu RSA, et la crise économique de 2008 est passée par là.
Il faut que l'on puisse avancer sur le sujet. Seul membre du Gouvernement à avoir présidé un conseil départemental, je milite pour que l'on ait l'année prochaine une réflexion globale sur les départements dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale. On ne peut confier autant de dépenses dynamiques à une strate de collectivités sans avoir une réflexion sur les recettes qui, elles aussi, doivent être dynamiques. Le lien entre le citoyen et la collectivité créé par le consentement à l'impôt est un superbe sujet, mais le caractère dynamique de la recette demeure tout aussi important.
La question de la fiscalité locale est majeure pour les conseils départementaux. Il faut donc avancer sur le sujet, notamment pour financer les allocations individuelles de solidarité, la pauvreté, le RSA et l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Dans certains départements, c'est la dépendance qui pose problème plutôt que la pauvreté. Dans d'autres, c'est l'inverse. Les situations sont disparates.
Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, il y a tout un débat au sein de l'ADF entre ceux qui considèrent que ce sujet est devenu régalien et ceux qui estiment que, dès lors qu'il s'agit d'un mineur non accompagné, il relève de l'aide sociale à l'enfance (ASE). D'ailleurs, l'ensemble des traités internationaux le rappellent, on ne peut distinguer un enfant étranger d'un enfant français.
Le débat porte sur l'aval, c'est-à-dire la prise en charge. Il faut continuer à travailler sur l'amont, c'est-à-dire la phase d'évaluation qui permet de s'assurer qu'on a bel et bien affaire à un mineur, etc. Tout un volet purement régalien a été acté avec le président Bussereau l'été dernier, et commence à porter ses fruits. Il faudra l'évaluer ensemble.
Sur l'aval, l'État augmente son aide financière aux conseils départementaux pour leur permettre de faire face au flux. Pour le reste, la compétence amont comme aval ne rentrera plus dans la base de calcul de l'évolution des dépenses de fonctionnement, plafonnnée à 1,2 %. Cela fait l'objet des discussions que nous avons actuellement avec l'ADF, le ministère de l'intérieur et celui de la justice.
Enfin, s'agissant de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative à la prise en charge par les départements des mineurs au-delà de 18 ans et jusqu'à 21 ans, nous sommes en discussion avec les présidents de conseils départementaux, qui ne sont pas tous d'accord entre eux.
Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de ponction sur les agences de l'eau. Ce n'est pas ce que l'on entend. Le principe selon lequel l'eau paye l'eau a été piétiné. Aujourd'hui, le produit des redevances d'eau qui revient aux agences de l'eau est plafonné à 2,1 milliards d'euros au niveau national. Si l'on ajoute à ce plafond mordant les prélèvements opérés depuis plusieurs années, on aboutit des ponctions qui produisent aujourd'hui leur plein effet et qui conduisent beaucoup de collectivités partenaires des agences à réduire considérablement leurs programmes.
J'aimerais savoir si vous allez maintenir ce principe du plafond mordant, qui met à mal le principe qui veut que l'eau paye l'eau, mais aussi le financement de l'Agence française de la biodiversité (AFB) et de l'Office national des forêts (ONF) par les agences de l'eau. La question du périmètre des agences est donc posée.
Toute cela se fait au nom du principe du redressement des comptes publics. Continuez-vous à le faire vôtre ? Les premières victimes en sont les collectivités locales...
Enfin, que faites-vous de la réflexion du Conseil des prélèvements obligatoires sur l'avenir des taxes affectées ?
Il n'y a pas de nouvelle ponction sur les agences de l'eau. Elle a eu lieu l'année dernière. Le plafond mordant contraint seulement les comités de bassin à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires au-delà d'un certain niveau. Sans plafond mordant, jusqu'où permettrait-on de lever l'impôt sur la facture d'eau ?
L'eau doit-elle payer l'eau ? C'est un beau débat qu'il faut avoir au Parlement. L'eau revêt désormais une acception plus large chez beaucoup d'élus locaux. Il est compliqué de considérer que l'eau ne paye que le petit cycle de l'eau. Si tel est le cas, on risque d'avoir des difficultés dans nos campagnes. Cela reviendrait à dire qu'on ne considère que l'urbain.
Quant aux opérateurs, il ne s'agit pas de l'ONF, mais de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ainsi que de l'AFB, maître d'ouvrage des opérations du grand cycle et de la police de l'eau. D'ailleurs, les pêcheurs de France appellent à renforcer la police de l'eau le long des rivières et des fleuves. Tout cela est cohérent. Par solidarité gouvernementale, j'ai assumé les ponctions sur les agences de l'eau l'an dernier, mais j'ai fait en sorte qu'il n'y en ait plus.
Enfin, 2 milliards d'euros, c'est ce que la Caisse des dépôts met sur la table par le biais de produits financiers tout à fait innovants. Un tuyau d'eau qui transporte de l'eau claire que l'on va facturer à nos concitoyens, cela s'amortit. Pour le coup, la Caisse des dépôts et consignations a fait un effort considérable, notamment pour les communes rurales ou la montagne, là où les investissements sont les plus coûteux.
Je suis à votre disposition pour avancer sur ce sujet, que le réchauffement climatique rend encore plus important.
Nous aurons l'occasion, en séance, de revenir sur l'interprétation que l'on peut avoir quant aux trois piliers que vous avez présentés comme étant ceux du PLF.
La DSIL passe de 615 millions d'euros à 570 millions d'euros, soit une baisse de 45 millions d'euros correspondant aux crédits des contrats de ruralité. Ces derniers arrivant à leur terme, le Gouvernement décide de les supprimer. Considérez-vous pour autant qu'il n'y ait plus de besoins ? J'estime quant à moi que ces 45 millions d'euros seraient bien utiles pour poursuivre les investissements nécessaires dans nos campagnes.
Par ailleurs, s'agissant de la DPV, de nouveaux critères de population ont été introduits : sont éligibles les communes dont 19 % des habitants vivent dans les quartiers concernés par la politique de la ville. Or la comptabilisation des habitants desdits quartiers remonte à juin 2016, alors que la population totale est recensée chaque année. Le risque est que certaines communes deviennent inéligibles. Comment comptez-vous régler ce problème ?
Par ailleurs, il est prévu d'augmenter la dotation d'intercommunalité de 30 millions d'euros, somme reconductible chaque année. Mais cela va se faire à enveloppe constante, donc nécessairement au détriment d'autres bénéficiaires de la DGF. Envisagez-vous le cas échéant une augmentation de la DGF à due proportion ?
La DGE des départements serait transformée en une dotation de soutien à l'investissement départemental, distribuée à 77 % selon une procécure d'appel à projets. Autrement dit, l'on passe d'une dotation à des subventions. Est-ce conforme à l'esprit qui doit présider au soutien de l'État aux départements ?
Enfin, à Saint-Martin, la reconstruction doit être financée sur l'enveloppe de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Est-ce normal, alors que le Président de la République avait expliqué que cette aide relevait de la solidarité nationale ?
Je me faisais la même observation : réduire les dotations aux collectivités territoriales pour financer la solidarité avec Saint-Martin, ce n'est pas exactement ce que j'appelle la solidarité nationale.
Je veux vous rassurer : pour Saint-Martin, il s'agit bien d'argent budgétaire - pris sur la même ligne budgétaire que l'aide apportée à l'Aude.
Ce n'est pas du tout la présentation qui en est faite dans votre budget. J'ai la même analyse que M. Marie. Ce que vous appelez « crédits budgétaires », c'est une enveloppe qui est limitée et qui est destinée aux collectivités territoriales.
Nous sommes nombreux à nous poser la question : qu'est-ce que de l'argent budgétaire ?
Tout est de l'argent budgétaire, mais il y a de l'argent vraiment budgétaire, et de l'argent qui relève de redistributions dans les dotations de l'État. C'était d'ailleurs le sens de la question du sénateur Marie, qui dit que l'on fait appel pour Saint-Martin à une enveloppe destinée aux collectivités territoriales, ce qui n'est pas de la solidarité nationale. Nous referons un point précis, les montages entre l'année dernière et cette année n'étant pas tout à fait les mêmes. Je n'avais pas la responsabilité de cette mission budgétaire l'année dernière.
Selon votre projet de loi de finances, ces crédits sont bien inscrits dans l'enveloppe normée des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Autrement dit, ces 50 millions d'euros, qui sont absolument indispensables pour Saint-Martin, seront prélevés sur les autres concours de l'État aux collectivités, sauf à ce que vous présentiez un amendement...
Jacqueline Gourault complétera. J'ai dû manquer de clarté et vous demande de m'en excuser.
Quant à la DSIL, elle évoluera chaque année, les contrats de ruralité étant vivants par définition. C'est toute la différence entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.
Sur la DPV, il y a un sujet majeur sur lequel nous avons dû avancer assez rapidement. En effet, le comptage des habitants des quartiers éligibles à la DPV se faisait tous les trois ans, alors que celui du nombre d'habitants de la ville était réalisé tous les ans. En conséquence, certaines villes pouvaient se retrouver inéligibles - Calais par exemple, qui connaît les mouvements de population que l'on sait, ce qui n'aurait pas manqué de sel !
Nous avons donc choisi de prendre la même année de référence pour les deux chiffres, ce qui permet d'éviter la sortie d'un certain nombre de communes et d'en rattraper quelques autres. J'en tiens la liste à votre disposition. Je l'ai lue à l'Assemblée nationale.
Je reviens sur l'aide à Saint-Martin. En 2018, 50 millions d'euros ont été versés par prélèvement direct sur le budget, hors concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Pour 2019, vous avez raison, l'aide est comprise dans les concours financiers, ce qui conduira à diminuer les variables d'ajustement.
Ma question porte sur deux territoires particuliers, la métropole du Grand Paris et celle d'Aix-Marseille-Provence. Quel est le calendrier des réformes ?
Je n'ai pas de calendrier à vous indiquer.
La réforme du Grand Paris était prévue pour 2018. À Aix-Marseille, nous avons entamé une concertation avec le préfet, il y aura des conséquences budgétaires.
J'attends avec impatience le rapport du préfet Dartout.
Concernant la ville de Marseille, l'État aura-t-il une politique volontariste pour l'aider dans les difficultés qu'elle traverse aujourd'hui ?
Oui, bien sûr. Avec Julien Denormandie, nous avons reçu hier le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, et avons pris quatre grandes mesures pour aider la ville.
Dans un premier temps, nous détachons sur le terrain des spécialistes du ministère du logement et de la cohésion des territoires. Il existe de très fortes angoisses, parfois à juste titre, parfois moins justifiées, mais lorsqu'il arrive des accidents aussi dramatiques, les gens ont peur, et il faut pouvoir répondre psychologiquement et matériellement à ces craintes.
Les autres mesures consistent à lutter contre les marchands de sommeil, grâce notamment aux dispositions de la loi ÉLAN. Nous attendons que le Conseil constitutionnel valide définitivement la loi. Nous allons également apporter notre aide à la mairie de Marseille en ce qui concerne les copropriétés.
Madame la ministre, monsieur le ministre, chaque fois qu'on vous pose des questions, on entend parler d'un fonds de péréquation par-ci, d'un fonds de péréquation par-là.
Il y a peu encore, j'étais à la tête d'une collectivité pour laquelle nous avions de grandes ambitions. Si l'on veut percevoir des recettes de DGF complémentaires, le nombre d'habitants doit augmenter. Pour ce faire, on doit réaliser des investissements. Comment peut-on y parvenir avec des fonds de péréquation qui relèvent chaque année de la loterie ?
La question est légitime. Une fois de plus, ce sont des choix politiques qui ont été faits par les majorités parlementaires successives en matière de solidarité afin de tenir compte de l'évolution de la situation des collectivités territoriales. Je note que peu de parlementaires demandent d'ailleurs à figer les critères de péréquation.
Je me suis mal exprimé. Nous comprenons très bien la dynamique, mais réclamons qu'elle soit lisible et tenue dans le temps. Aujourd'hui, les fonds de péréquation ne présentent aucune visibilité.
Votre propos est frappé au coin du bon sens. Lorsque la DGF a été gelée pendant la dernière année du quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis diminuée de manière très brutale sous le quinquennat de François Hollande, la péréquation servait à limiter la casse pour certaines communes. Si vous ajoutez à cela la loi NOTRe, qui a conduit à modifier le périmètre des intercommunalités, donc leur DGF, c'est à n'y plus rien comprendre.
C'est pourquoi Jacqueline Gourault et moi-même vous présentions ce budget sous l'angle de la stabilité et de la prévisibilité. Ce n'est pas qu'un slogan : nous avons le même sentiment que vous en la matière. C'est aussi la raison pour laquelle nous étions impatients de réaliser la réforme de la dotation d'intercommunalité. Je rappelle que la DSIL a été imaginée pour faire passer la baisse de la DGF. Nous ne diminuons donc pas les dotations globales, mais maintenons les dotations d'investissement, ce qui commencera normalement à produire son effet à la fin du mandat municipal en stabilisant globalement les comptes des collectivités territoriales.
Merci. Nous nous donnons bientôt rendez-vous pour la discussion de votre budget en séance publique.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 55.