Conjointement avec la Délégation pour l'Union européenne, la commission a entendu M. Pierre Sellal, Ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne.
a tout d'abord rappelé que lors de sa dernière audition, une situation de crise prévalait après l'échec du référendum. La situation actuelle était profondément différente grâce à l'accord réalisé autour du traité simplifié.
Il a relevé que ce traité, dit modificatif, était très proche du traité simplifié proposé par Nicolas Sarkozy, alors candidat à l'élection présidentielle, en septembre 2006. Tous les observateurs bruxellois ont été frappés par la rapidité de cette sortie de crise qui ne sera cependant achevée qu'après la ratification du traité par les 27 Etats membres et son entrée en vigueur, si possible, au 1er janvier 2009.
Il a souligné que le « Traité simplifié » ne signifiait pas « simplicité ». C'est un traité qui reflète la complexité d'un système institutionnel régissant l'exercice quasi fédéral de certaines compétences centralisées en impliquant plusieurs institutions dans le cadre d'une répartition des pouvoirs entre des Etats souverains et l'Union.
Il a rappelé que la simplicité institutionnelle n'était d'ailleurs pas un objectif en soi et qu'il importait avant tout que le système soit capable de prendre des décisions efficaces, fondées, explicables et légitimes. Pour autant, le traité reste un traité simplifié au sens de la démarche retenue par le Conseil européen en juin et confirmée depuis par l'accord politique d'octobre. Fondamentalement, il s'est agi de tirer les leçons de l'échec, en 2005, de la démarche constitutionnelle et de revenir à une forme plus traditionnelle d'adaptation des institutions et de modification des traités.
Cette démarche constitutionnelle consistait en effet à refonder les traités européens, à réécrire dans un seul instrument juridique tous les traités qui s'étaient succédé depuis le traité de Rome et à donner à cette refondation juridique un caractère aussi ambitieux que possible pour conférer à l'ensemble européen une entité politique pouvant conduire à un Etat unitaire.
Il a souligné que le nouveau traité revenait à la méthode traditionnelle qui consiste à apporter des modifications aux traités en vigueur, sans en changer l'organisation générale, ni même la numérotation. Le nouveau traité ne cherche pas à redéfinir les grands objectifs de l'Union. Il modifie simplement certaines règles à raison des leçons de l'expérience et des besoins fonctionnels dans le contexte d'une Europe élargie. Le traité constitutionnel avait une autre ampleur - ne serait-ce qu'en nombre de pages - parce qu'il intégrait la Charte des droits fondamentaux et les politiques de la troisième partie qu'il décrivait dans le détail.
Ce traité s'inscrit ainsi dans la ligne des précédents traités modificateurs, comme ceux d'Amsterdam ou de Nice. Seul, le traité de Maastricht avait apporté des modifications de fond au traité de Rome. Le traité constitutionnel lui-même n'apportait pas de changements aussi profonds en termes de compétences ou de fonctionnement que le traité de Maastricht.
a indiqué que cette simplicité ne se faisait cependant pas au détriment du contenu, notamment des modifications institutionnelles et procédurales qui avaient été imaginées par la Convention et retenues par la Conférence intergouvernementale, parfois avec un ajustement de vocabulaire, comme pour le ministre des affaires étrangères, dont le titre sera finalement celui de Haut représentant. Avec l'instauration de nouveaux délais, comme pour l'application du mécanisme de la double majorité, qui est reportée jusqu'en 2014 à la demande de la Pologne. Les autres novations institutionnelles significatives se retrouvent néanmoins dans le nouveau traité, comme la présidence stable du Conseil européen pendant deux ans et demi ou la présidence du Conseil Relations extérieures par le Haut représentant.
Il a noté que d'autres modifications relevaient aussi de préoccupations et d'initiatives françaises.
Il a d'abord évoqué la concurrence, qui n'est plus un objectif, mais simplement un moyen de l'Union, soulignant que cette modification a été souvent mal interprétée. Elle ne visait pas à priver l'Union de toute politique de concurrence, mais à définir la concurrence comme un instrument pour poursuivre des objectifs plus généraux : la croissance, l'emploi, la prospérité. Cette nuance aura nécessairement un impact lorsque la Cour de Justice sera amenée à se prononcer dans des cas d'espèce.
Par ailleurs, a poursuivi M. Pierre Sellal, un protocole sur les services publics a été annexé au traité à l'initiative des Néerlandais, soutenus par les Français. Ce protocole, de même valeur que le traité, comporte et donne des garanties que l'organisation des services publics et leur financement par les Etats membres seront compatibles avec les règles du marché intérieur et la politique de la concurrence.
Le traité contient en outre un thème nouveau : celui de la protection des citoyens européens qui marque la reconnaissance du fait que les Européens attendent de l'Union qu'elle défende leurs intérêts face à des comportements déloyaux ou illicites. Elle figure parmi les objectifs, constituant ainsi une réponse au message envoyé par la majorité du peuple français lors du référendum de 2005.
a noté que le changement le plus important apporté par le nouveau traité tenait certainement aux conditions faites au Royaume-Uni, le référendum français s'étant traduit, de façon paradoxale, par des exigences britanniques de dérogations supplémentaires. Le renoncement à la démarche constitutionnelle, la confirmation de l'exclusion du Royaume-Uni de la monnaie unique et de Schengen, l'absence pour lui de contraintes dans la mise en oeuvre des coopérations policières et judiciaires et la non-application juridique de la Charte des droits fondamentaux devant les tribunaux britanniques sont les conditions exigées par les Britanniques pour éviter une consultation référendaire.
Il a considéré que ce statut d'exception n'était pas une victoire pour les Anglais, comme certains l'avaient estimé un peu superficiellement. Ce statut dérogatoire n'empêche pas les autres pays d'engager les politiques qu'ils veulent mener. Un tiers du mandat de la Conférence intergouvernementale portait d'ailleurs sur des exceptions sollicitées par les Britanniques, apportant la preuve qu'ils se situaient en dehors d'un système qu'ils ne pouvaient influencer.
S'agissant du processus de ratification en France, il a souligné l'importance du choix de la voie parlementaire et de son annonce précoce, dès octobre 2006, par le candidat à l'élection présidentielle. Ce choix a permis de convaincre tous ceux qui restaient très attachés à la Constitution - notamment ceux qui l'avaient déjà ratifiée à l'issue d'un processus de consultation référendaire. La condition exprimée par les partenaires de la France pour s'engager dans un nouveau processus d'élaboration d'un traité était la garantie que notre pays - devenu pour eux imprévisible depuis l'échec du référendum - ne manquerait pas cette fois à sa signature, surtout dès lors qu'il était lui-même à l'origine d'un nouveau processus.
Evoquant la phase des ratifications, M. Pierre Sellal a rappelé qu'avait été fixé l'objectif d'achèvement des vingt-sept ratifications au 31 décembre 2008, pour une entrée en vigueur du traité au 1er janvier 2009. Il a estimé que ce calendrier était plausible parce que de nombreux pays avaient déjà adopté la précédente Constitution, qu'il existe par ailleurs une volonté générale d'en terminer avec cet exercice institutionnel en cours depuis plus d'une dizaine d'années et qu'un seul pays devrait procéder par voie référendaire, l'Irlande.
Il a souligné qu'après la levée de cette hypothèque institutionnelle, la présidence française du second semestre 2008 interviendrait à un moment charnière, celui du dernier semestre complet de législature du Parlement européen, et, compte tenu de l'importance de la codécision entre le Conseil et le Parlement, celui du dernier semestre utile, et aussi celui du dernier semestre plein de la Commission présidée par José Manuel Barroso. Dès le mois de février 2009, le Parlement interrompra ses travaux avant les élections européennes du printemps 2009 et une nouvelle Commission entrera en fonction en novembre 2009. La présidence française va ainsi se dérouler à la fin d'un cycle politique. Elle aura le souci d'achever le processus législatif entamé et de régler un certain nombre de dossiers qui se sont accumulés ou ont été retardés du fait de l'échec du projet de Constitution.
Il a rappelé que la présidence française serait aussi le moment de tracer des perspectives et d'ouvrir des pistes pour la période suivante sur la politique agricole commune (PAC) pour laquelle la Commission vient d'engager l'exercice du « bilan de santé » qui devrait déboucher sur des propositions au printemps 2008, ainsi que sur la révision à mi-parcours du cadre financier 2007-2013 établi fin 2005. Il ne s'agira pas de se lancer de manière prématurée dans une nouvelle négociation budgétaire, mais de poser des jalons pour l'avenir pour l'après 2013 sans être contraint par les enjeux immédiats d'une négociation en cours.
a rappelé que la présidence était d'abord une fonction essentielle de l'Union exercée par un Etat membre, dont la première responsabilité était de faire fonctionner le système institutionnel, exercice de plus en plus difficile dans une Europe nombreuse, diverse et dans une architecture complexe. L'exercice sera d'autant plus important que la présidence française sera la dernière ou l'une des toutes dernières de plein exercice. En effet, dès l'entrée en vigueur du nouveau traité sous présidence tchèque, la présidence sera partagée entre la présidence tournante - qui subsistera dans la plupart des domaines -, la présidence stable du Conseil européen et la présidence du Haut représentant pour le Conseil affaires étrangères.
Il a souligné que la présidence devait couvrir l'ensemble des politiques européennes, ce qui rendait plus difficile la sélection des priorités.
Quatre priorités fondamentales ont déjà été exprimées par le Président de la République. D'abord la croissance et l'emploi à partir d'actions inspirées de la stratégie de Lisbonne : économie de la connaissance et de l'innovation, dimension externe (notamment par la défense de nos intérêts et l'exigence de réciprocité dans les négociations internationales). Ensuite l'énergie et le changement climatique qui, dans les prochaines années, vont constituer une part essentielle de la production législative européenne : il s'agit de traduire en termes de normes et d'objectifs internationaux le cadre arrêté en juin dernier par le Conseil européen. Par ailleurs, la politique de gestion des flux migratoires : relations avec les pays tiers d'origine et de transit, construction d'une politique d'asile commune, progrès des politiques d'intégration dans les Etats membres, lutte contre l'immigration illégale. Enfin, la politique de défense européenne.
En conclusion, M. Pierre Sellal a souligné que, compte tenu de la réunion du Conseil européen avant la mi-décembre 2008, la présidence française serait courte. Un Conseil européen à mi-parcours aura lieu en octobre. En fonction des ordres du jour de ces deux Conseils européens, une programmation des conseils des ministres et des 220 groupes de travail est déjà engagée. La présidence française suivante n'intervenant qu'en 2022, la tâche était d'autant plus exaltante.
Evoquant les ratifications, M. Jean François-Poncet s'est inquiété d'une possible tentation de la République tchèque de retarder sa ratification pour pouvoir profiter d'une présidence de plein exercice. Il a estimé que le Président tchèque, adversaire résolu de Bruxelles, voudrait sans doute profiter de sa présidence pour donner des leçons. Il a souhaité savoir quelles seraient les relations entre le futur président stable du Conseil européen et le Président de la Commission désigné par le Parlement européen. Il s'est interrogé sur l'attitude à adopter par la présidence française, ses partenaires attendant certainement une certaine retenue. Enfin, il s'est interrogé sur le fait que les Britanniques participent pleinement à la définition des politiques pour les infléchir, mais s'en exonèrent finalement et n'y participent pas.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- la première présidence à appliquer les stipulations du nouveau traité pourrait estimer que son champ de responsabilité est un peu réduit, mais en réalité, elle aura la tâche très lourde de faire vivre pour la première fois ces dispositions nouvelles. Si ce n'est pas la République tchèque, ce sera la Suède. La situation politique complexe à Prague peut justifier une certaine vigilance. Mais la France travaille d'ores et déjà avec ses partenaires tchèque et suédois à la coordination des présidences successives. Mais il n'est pas possible de contraindre juridiquement un Etat membre à terminer son processus de ratification dans un délai donné. La question se pose également pour la Belgique, où le processus exige le vote de sept assemblées parlementaires.
- une des tâches de la présidence française sera de travailler à la mise en place des nouvelles structures issues du traité, notamment le nouveau Haut représentant pour la politique étrangère qui sera à la fois le président du Conseil des affaires étrangères - à ce titre mandataire du Conseil et des Etats membres - et le vice-président de la Commission en charge de la coordination de l'action extérieure. L'institution du Haut représentant est un bon compromis entre le maintien du rôle des Etats dans la politique étrangère et le non-amoindrissement des pouvoirs de la Commission. Mais, dans la pratique, sa fonction à la fois de mandataire des Etats et de représentant de la Commission sera difficile à ajuster. Il disposera d'un service d'action extérieure commun composé à la fois de fonctionnaires de la Commission, du Conseil et de diplomates nationaux. Mais il reste à préciser le périmètre de ce service et à organiser son fonctionnement ;
- les relations entre la présidence tournante, qui continuera à exister, et les présidences fixes du Conseil européen et du Conseil des affaires étrangères, les relations entre ces présidences, le rôle du Premier ministre de la présidence tournante, les relations entre le Président du Conseil européen et le président de la Commission désigné après les élections au Parlement européen, l'articulation entre le Président du Conseil européen et le Haut représentant dans leurs relations avec les pays tiers sont autant de questions sur le fonctionnement des nouvelles institutions ; il faut maintenant définir dès son entrée en vigueur les procédures et les mécanismes qui permettront de faire fonctionner harmonieusement le traité dès son entrée en vigueur. Ce travail de clarification et d'organisation sera indispensable et d'autant plus délicat que se dérouleront parallèlement les procédures de ratification du traité. Ce sont des questions sensibles au Royaume-Uni, au Danemark, en Irlande et dans d'autres Etats membres.
- la stratégie du Royaume-Uni peut rappeler un certain tropisme de l'ancienne diplomatie britannique, qui consistait à savoir rester en dehors tout en empêchant le continent de s'organiser. Les modalités techniques des dérogations britanniques permettent au Royaume-Uni d'appliquer le traité s'il le décide, tout en faisant en sorte qu'il prenne sa décision suffisamment tôt pour qu'il ne puisse empêcher les autres Etats de mener les négociations à leur guise et d'avancer sans lui ;
- une présidence doit faire preuve à la fois d'influence et d'écoute. Ce seront les clés de son influence et de son autorité. C'est le contraire de l'exaltation des revendications et des pulsions nationales. Tout comportement qui ne serait pas suffisamment à l'écoute des autres serait tout simplement inefficace.
s'est interrogé sur la possibilité de concilier les objectifs de la présidence et de faire avancer certains thèmes sur lesquels la France et le Président de la République se sont engagés, comme par exemple l'Union méditerranéenne, et sur l'articulation entre l'Union européenne, la démarche euroméditerranéenne et la politique européenne de voisinage, les travaux de la présidence et l'action de la France. Il a souhaité savoir comment la présidence pouvait prendre en compte les travaux du groupe des Sages souhaité par le Président de la République et quelle était la perception par nos partenaires du souci manifesté par la France de mise en oeuvre de la préférence communautaire. Enfin, il s'est interrogé sur l'exercice de la nouvelle compétence communautaire sur la cohésion territoriale.
a considéré que la complexité conduisait souvent à l'impuissance, comme en témoigne le fonctionnement actuel de la Commission depuis l'élargissement et où, de ce fait, la Commission n'est plus en état d'exercer la direction de l'Union. Il a appelé de ses voeux un renforcement de la position de retrait du Royaume-Uni qui conduirait peut-être, un jour, les Européens à lui demander de se mettre définitivement et totalement à l'écart des coopérations renforcées, comme la monnaie ou le casier judiciaire.
tout en partageant le regard porté sur l'attitude britannique, a considéré que les Anglais restent des partenaires qu'on ne pouvait pas écarter. Elle a souhaité des précisions sur la suppression de l'organisation en piliers.
a considéré que le nouveau traité était illisible, y compris pour les parlementaires compétents en matière européenne. Il s'est interrogé sur la capacité des peuples et des citoyens à s'enthousiasmer pour ce nouveau traité. Il a exprimé des doutes sur la capacité de ce texte à relancer le projet politique européen, alors même que l'intérêt des Etats l'avait emporté, lors de sa préparation, sur l'intérêt général de l'Europe. Le traité comportant des compromis et des dérogations pour de nombreux pays comme la Pologne, le Royaume-Uni, l'Irlande ou l'Italie, il a estimé qu'une Europe à plusieurs vitesses avait été officialisée. Il a enfin noté que si le Traité était paré de tant de qualités, il n'était pas cohérent de priver les peuples de s'exprimer à son sujet.
a rappelé que pour une entrée en vigueur du nouveau traité au 1er janvier 2009, le Haut représentant devait être désigné avant cette date. Il a souhaité savoir si la présidence française comptait inscrire au calendrier de l'Union la création et la mise en place du service d'action extérieure.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- le groupe des Sages et l'Union méditerranéenne sont deux questions importantes qui n'entrent cependant pas directement dans les objectifs de la présidence.
Le groupe des Sages doit s'interroger sur l'avenir de l'Europe à l'horizon 2020 ou 2030. Une des grandes leçons des référendums de 2005 est qu'il faut redéfinir un projet européen qui a perdu en lisibilité et en crédibilité. C'est le rôle de ce groupe des Sages proposé par le Président de la République, qui ne sera pas composé de représentants gouvernementaux et devrait être constitué dès le Conseil européen de décembre prochain, pour travailler pendant deux ans.
L'Union méditerranéenne répond à une conviction profonde du Président de la République. Elle ne constitue pas à proprement parler un objectif de la présidence française. Comme le Président Nicolas Sarkozy l'a confirmé dans son discours de Tanger, il y a une nécessaire complémentarité entre l'Union méditerranéenne et le processus euro-méditerranéen de Barcelone et, de manière générale, l'action de l'Union en direction du Sud. L'un des résultats de cette impulsion nouvelle est qu'on parle maintenant de plus en plus à Bruxelles de la Méditerranée dans le cadre de la politique de voisinage. Le premier sommet, destiné à lancer le processus avant le début de la présidence française, devrait avoir lieu en juin 2008, pour tous les pays de la rive Nord et de la rive Sud de la Méditerranée. Parallèlement, un important programme de réunions ministérielles Euromed est prévu au second semestre 2008, qui permettra de souligner la complémentarité entre ces deux processus ;
- la préférence communautaire est un concept fort. Il marque nettement l'identité européenne et traduit bien le souci de défendre les intérêts européens. Faut-il l'afficher comme un postulat ou en faire une résultante et une référence de l'action à mener ? Ne pas utiliser le terme ne signifie pas renoncer au concept et à ses effets ;
- la cohésion territoriale est un concept neuf et important du traité. Le comité des régions va pouvoir travailler sur l'application territoriale des règles européennes. Cette problématique de l'application dans les territoires est actuellement insuffisamment prise en compte au stade de la négociation. Ce thème de la cohésion territoriale pourra être traité sous différentes formes pendant la présidence française ;
- la possibilité de décider à la majorité qualifiée est un antidote à l'impuissance. L'Acte unique a marqué un changement profond de ce point de vue. Les procédures à vingt-sept en codécision sont certes plus compliquées qu'avant l'Acte unique, mais le temps de la décision s'est néanmoins accéléré par rapport à cette période. La généralisation de la codécision n'a pas, bien au contraire, ralenti le processus décisionnel européen. En revanche, il est exact que la Commission à vingt-sept a beaucoup plus de difficultés qu'autrefois pour traduire l'intérêt général européen. Elle est moins collégiale. Elle est plus présidentielle. Les commissaires sont beaucoup plus autonomes dans leurs domaines de compétence. Mais pour autant, la Commission vote peu ;
- il y a des domaines d'action en Europe - politique étrangère, défense, lutte contre le terrorisme - qui ne sont pas concevables ou seraient moins dynamiques sans la participation des Britanniques. C'est l'accord de Saint-Malo qui a permis ces cinq dernières années les progrès en matière de politique de sécurité et de défense commune. Sous présidence britannique, des progrès importants ont eu lieu en matière de coopération policière ;
- les piliers étaient incompréhensibles pour le public. Il n'y a plus qu'une Union dans le traité modifié qui décrit son fonctionnement et son organisation. Néanmoins, toutes les politiques ne sont pas alignées sur les mêmes procédures. Il subsiste quelques traces des anciens piliers, par exemple en matière de politique étrangère où la Commission n'aura pas le monopole de l'initiative comme dans les autres domaines et où la Cour de Justice n'aura pas les mêmes pouvoirs ;
- à lui seul, ce traité ne pourra naturellement pas convaincre les citoyens que le projet européen est remis sur les rails. De même qu'il était excessif de dire, après l'échec de la Constitution, que le système européen s'était effondré, de même il serait abusif de dire aujourd'hui qu'avec le nouveau traité, l'Europe est sauvée et qu'elle a définitivement convaincu l'opinion de la justesse du projet européen et du bien fondé de toutes les politiques de l'Union. Pour autant, le traité lève une hypothèque. C'était un préalable. Il fallait sortir de cette situation d'impasse institutionnelle, non pas parce que le Conseil et l'Union étaient paralysés, mais parce que cet échec traduisait l'incapacité de l'Europe à dégager des compromis et à trouver des voies d'accord ;
- la mise en place du service d'action extérieure fait bien partie du mandat de la présidence française. Sa montée en puissance avec plusieurs dizaines, voire à terme plusieurs centaines de diplomates nationaux, sera nécessairement très progressive. Mais il faudra que les bases, les structures et les procédures soient posées. Quant au Président du Conseil européen, il disposera de services et de moyens provenant de l'actuel secrétariat général du Conseil.
s'est interrogé sur la perception par nos partenaires de la situation économique et budgétaire de la France. Il a considéré que la campagne référendaire avait lancé plusieurs messages : la nécessité de rénover le projet politique, mais aussi la nécessité de progresser de manière pragmatique. Il a estimé qu'il ne serait pas souhaitable de donner des contours définitifs à l'Europe à l'occasion du mandat du groupe des Sages. Enfin, il s'est interrogé sur les conséquences de l'ordre dans lequel vont avoir lieu les ratifications du traité, souhaitant qu'une concertation entre les Etats intervienne pour faire passer en dernier les pays les plus réticents.
a précisé les points suivants :
- une présidence qui aurait de mauvais résultats nationaux ou qui serait en infraction par rapport aux règles européennes serait privée d'une part de sa crédibilité et de son autorité. Les résultats économiques, le dynamisme politique et le souci de se conformer aux obligations définies par les disciplines communes font partie des éléments qui fondent l'audience d'une présidence ;
- s'agissant du groupe des Sages, le Président de la République a toujours pensé que la question de l'adhésion de la Turquie ne pouvait être isolée d'une réflexion sur les frontières de l'Europe. Sans dresser la carte définitive de l'Europe, il ne faut pas non plus éluder la question de ses contours, dont l'absence a créé un malaise dans l'opinion au moment du référendum. Il faut un minimum d'identité et de lisibilité de l'ensemble européen pour en rénover le projet ;
- lors de la ratification de la Constitution, il avait été tenté de faire converger les calendriers nationaux en fonction des procédures et des situations internes. Mais les situations sont très différentes d'un pays à l'autre. L'ordre des ratifications n'est cependant pas neutre. C'est la raison pour laquelle la France, qui a eu une certaine responsabilité dans le blocage du processus, mais aussi qui a rendu possible sa relance, aurait tout intérêt, à la veille de sa présidence, à être parmi les tout premiers pays à ratifier le nouveau traité. C'est bien l'intention du Président de la République.