Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de Mme Sylvie Desmarescaux sur la proposition de loi n° 651 (2010-2011), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la présence de notre collègue Jean-Claude Carle, qui a présidé la mission d'information de 2007 relative à la formation professionnelle dont j'ai été membre.
Cette proposition de loi relative au développement de l'alternance et à la sécurisation des parcours professionnels prolonge notre discussion de la semaine dernière sur l'article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2011 relatif à la réforme de la taxe d'apprentissage. Nous en venons aujourd'hui aux principales mesures législatives traduisant le plan annoncé par le Président de la République en faveur des jeunes suivant une formation en alternance, l'objectif étant d'atteindre le seuil de 800 000 jeunes en alternance en 2015. Ce texte propose des réponses simples et efficaces aux difficultés que peuvent rencontrer de nombreux jeunes pour accéder à l'emploi et certains employeurs pour recruter.
Depuis son dépôt à l'Assemblée nationale au mois d'avril, il a connu plusieurs évolutions importantes. Son article 6, le bonus-malus sur l'apprentissage, a ainsi été intégré à l'article 8 du projet de loi de finances rectificative. Ses deux derniers articles, consacrés au partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise, figurent maintenant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2011 que nous examinerons prochainement. En outre, saisis en application du protocole de consultation sur les propositions de loi touchant au domaine social, les partenaires sociaux ont conclu deux accords nationaux interprofessionnels (Ani) qui sont venus enrichir le texte initial. Surtout, le dispositif d'ensemble a considérablement évolué, puisqu'il est passé de douze à trente-neuf articles qu'il est assez difficile d'ordonner clairement.
J'ai retenu quatre thématiques principales, dont la première concerne le développement de l'alternance. Cette proposition de loi présente un ensemble de mesures en faveur des 600 000 jeunes qui suivent aujourd'hui une formation en alternance et qui, espérons-le, seront demain encore plus nombreux à le faire. Sans doute avons-nous tous, élus locaux, été un jour ou l'autre appelés à l'aide par des jeunes de nos départements qui ne parvenaient pas à trouver de place en apprentissage. J'ai moi-même, hier encore, reçu l'appel d'un jeune homme qui ne parvient pas à trouver de maître d'apprentissage dans le domaine de la maintenance informatique.
Le texte doit leur apporter des solutions concrètes : nouvelles possibilités de formation en CFA pendant qu'ils continuent leur recherche ; mise en place de passerelles pour ceux qui souhaiteraient changer de formation en cours de route et se réorienter vers un bac professionnel ou vers un CAP. L'alternance constitue une vraie réponse à la précarité grandissante qui touche certains jeunes, bien plus exposés aux effets des crises que nous ne l'étions à leur âge. C'est pourquoi cette proposition de loi s'attache à rendre l'apprentissage plus attractif et mieux valorisé.
Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, elle n'envisage aucunement d'ouvrir l'apprentissage à quatorze ans - un débat que nous avons déjà eu par le passé. En revanche, elle souhaite revaloriser le statut de l'apprenti en créant une carte « étudiant des métiers » qui lui accordera les mêmes avantages, économiques, sociaux et culturels, que la carte d'étudiant. Je vous proposerai, d'ailleurs, de réserver son attribution aux seuls apprentis et de ne pas l'étendre aux bénéficiaires de contrats de professionnalisation, comme cela a été voté à l'Assemblée nationale.
L'apprentissage ne se développera pas sans la coopération complète des entreprises. Pour y parvenir, le texte propose de l'ouvrir à de nouveaux secteurs économiques qui en ont fait activement la demande : le travail temporaire et les activités saisonnières. Un jeune s'engageant avec eux dans l'apprentissage en retirera un avantage comparatif sur le marché du travail.
L'apprentissage ne se développera pas non plus sans les personnes dévouées, passionnées et prêtes à transmettre leur savoir-faire, que sont les maîtres d'apprentissage. Les branches devront négocier sur les moyens de valoriser leur engagement.
Pour alléger certaines contraintes administratives, les formalités relatives à l'enregistrement d'un contrat d'apprentissage seront dématérialisées, et les contrôles redondants supprimés.
Au gré des débats et dans l'enthousiasme du vote, ont été adoptées des mesures qui relèvent plutôt du gadget, comme la création d'une labellisation des entreprises « alternantes », qui ne me paraît guère convaincante et que je vous proposerai de supprimer.
Ce sont plutôt les initiatives locales, concrètes, qui doivent être valorisées. Si elles présentent des résultats satisfaisants, pourquoi ne pas les expérimenter à plus grande échelle ? C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à élargir temporairement les missions des médiateurs de l'apprentissage, pour tirer partie de l'expérience de l'Alsace-Moselle - souvent citée en exemple - où, par leur action préventive, ils maintiennent le taux de rupture des contrats d'apprentissage à 8 % contre 24 % à l'échelle nationale.
Il faut aussi donner le goût de l'entreprise aux jeunes et mieux leur faire découvrir les métiers exercés dans leur région. Le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (Dima), que nous avons créé dans la loi sur la formation professionnelle de 2009, est ici renforcé pour les jeunes qui souhaitent, à la fin du collège ou au début du lycée, se familiariser avec le milieu de l'entreprise et le mode de fonctionnement de l'apprentissage.
Deuxième thématique : l'encadrement des stages. En application de l'Ani du 7 juin dernier sur l'accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise, des mesures viennent compléter celles déjà adoptées dans la loi « Egalité des chances », notamment à l'initiative du sénateur Jean-Pierre Godefroy. Elles sont ici renforcées dans un secteur où les abus sont nombreux, ce qui contribue à la précarisation des étudiants : durée maximale de stage de six mois par an ; encadrement pédagogique obligatoire et délai de carence entre deux stages.
Excellent moyen de parfaire une formation, les stages sont une étape clé pour l'insertion dans le monde du travail. Ils seront désormais mieux reconnus : les stagiaires accéderont, au même titre que les salariés, aux activités sociales et culturelles de l'entreprise et la durée du stage sera mieux prise en compte dans la période d'essai en cas d'embauche. Plusieurs de mes amendements vous proposeront de parfaire le dispositif.
Troisième thématique, l'aide aux personnes victimes d'un licenciement économique. Destiné à encadrer leur parcours de retour à l'emploi et à leur permettre, par une formation longue et des périodes de travail, de se reconvertir professionnellement, le nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP) réalise la fusion de deux dispositifs existants, le contrat de transition professionnelle (CTP) et la convention de reclassement personnalisée (CRP), qui coexistent difficilement : le CTP, piloté par l'Etat, s'applique aux bassins géographiques les plus touchés par le chômage et en situation économique et sociale défavorable ; la CRP, dispositif promu par les partenaires sociaux, est disponible sur l'ensemble du territoire mais dans une optique de retour rapide à l'emploi. Du fait de querelles internes, le pilotage et les méthodes employées dans ces deux dispositifs n'ont jamais été harmonisés. Les conseillers de Pôle emploi, chargés principalement de la mise en oeuvre de la CRP, n'ont eu ni la formation nécessaire ni l'incitation suffisante pour exploiter le potentiel qu'offre un accompagnement de long terme centré sur l'orientation et la formation.
Pour répondre aux critiques, la fusion des deux dispositifs dans le CSP s'opère sur la base de mesures qui ont fait leurs preuves : l'accent est mis sur le pilotage territorial du futur dispositif, qui a fait le succès du CTP lorsqu'il repose sur des acteurs locaux inventifs et compétents, comme j'ai pu en auditionner. Le lien avec le tissu économique local sera essentiel pour identifier les métiers vers lesquels orienter la reconversion des bénéficiaires du CSP.
Le 31 mai dernier, les partenaires sociaux ont conclu un Ani pour définir les modalités de mise en oeuvre du CSP. Bien que cet accord en lui-même ne soit pas l'objet de notre texte, on peut relever que le CSP sera ouvert aux salariés à partir d'un an d'ancienneté, contre deux ans pour la CRP ; qu'il donnera droit au versement d'une allocation équivalente à 80 % du salaire brut ; surtout, qu'il posera les bases d'une expérimentation de cette forme nouvelle d'accompagnement auprès des publics précaires, ceux qui ne bénéficient d'aucune sécurité dans le marché du travail, qu'ils soient en fin de CDD ou en intérim.
Quatrième thématique, enfin : les groupements d'employeurs. Créés en 1985, ces groupements par lesquels des entreprises adhérentes forment entre elles une association loi de 1901 permettant la mise à disposition non lucrative de salariés travaillant à temps partagé représentent aujourd'hui 23 000 emplois. Cette formule a pour intérêt d'offrir des emplois stables tout en répondant à un besoin temporaire de main-d'oeuvre des entreprises : les petites entreprises peuvent notamment partager de cette manière des techniciens qualifiés, un comptable par exemple ; les plus grandes, quant à elles, peuvent développer par ce biais une coopération avec les autres acteurs économiques locaux.
La proposition de loi simplifie les modalités d'adhésion et les règles de responsabilité financière applicables. Cela devrait encourager les entreprises à considérer le groupement comme le moyen de s'adapter aux variations de l'activité tout en protégeant leurs travailleurs et non pas, comme le craignent certains, être facteur de précarisation des salariés.
Je m'arrêterai un instant sur les relations entre groupements d'employeurs et collectivités territoriales, car celles-ci ne sont pas des acteurs économiques comme les autres. Elles tiennent de leur statut des responsabilités spécifiques : les besoins temporaires de main-d'oeuvre pour des travaux d'entretien peuvent ainsi être satisfaits en faisant appel à des entreprises d'insertion. L'Assemblée nationale ayant assoupli certaines règles, je vous proposerai un amendement pour assurer le respect des principes de fonctionnement de la fonction publique territoriale.
La proposition de loi permet aussi de faire des groupements d'employeurs de véritables vecteurs de l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés : grâce aux modalités de calcul de l'obligation d'emploi de 6 % de l'effectif qu'elle propose, les personnes handicapées mises à disposition par le groupement seront décomptées dans les mêmes conditions que les salariés de l'entreprise.
Toutes ces mesures me paraissent utiles Cependant, les partenaires sociaux ayant ouvert, la semaine dernière, une négociation interprofessionnelle sur le thème des groupements d'employeurs, je vous proposerai de reporter l'entrée en vigueur de ces dispositions au 1er novembre prochain, afin de laisser son temps à la négociation. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord d'ici là, la loi en tiendra compte, mais il ne faudrait pas que l'intervention du législateur soit entravée par des négociations qui pourraient ne jamais aboutir. Cela fait déjà plus de deux ans que la réforme des groupements d'employeurs est attendue, il est grand temps d'agir.
Pour conclure, ce texte n'a pas la prétention de proposer des solutions miracle aux problèmes de formation des jeunes ou de développement de l'emploi. Mais il présente de nombreuses mesures pragmatiques, à mettre en oeuvre sans délai et susceptibles d'amorcer une dynamique de croissance de l'emploi.
Je regrette néanmoins la précipitation avec laquelle nous l'examinons, dans des délais beaucoup trop courts pour mener une réflexion d'ensemble approfondie. Faisons donc en sorte d'aboutir au meilleur texte possible, en pensant à tous nos jeunes en recherche de stage ou d'apprentissage.
Je vous remercie de ce rapport, préparé dans des conditions tendues. L'Assemblée nationale ne l'a adopté formellement qu'hier après-midi et son examen en séance publique commencera lundi 27 juin prochain.
Le travail du rapporteur, dont je salue la conviction, n'a pas dû être facilité, en effet, par la précipitation qui marque l'examen de ce texte. Son vote a été engagé à l'Assemblée nationale hier à 16 heures 40 et il a été adopté à 16 heures 56, tandis que la date limite pour le dépôt des amendements dans notre commission était fixée à 17 heures...
Nous sommes tous favorables à la lutte contre le chômage comme au développement de l'emploi et, par conséquent, tant à la mise en place d'une forme d'alternance de qualité qu'à la sécurisation des parcours professionnels. Mais notre sentiment général sur ce texte est qu'il ne vise guère qu'à répondre au récent discours du Président de la République, en même temps qu'il allège la réglementation sur l'alternance et les groupements d'employeurs, aux fins de flexibilité. Il est loin, en tout état de cause, de constituer l'alpha et l'oméga de l'emploi des jeunes. D'ailleurs, lorsque l'on recrute un jeune, et on le sait, dans nos collectivités, ce n'est pas par commisération mais bien parce qu'il fait l'affaire et que les conditions s'y prêtent.
Notre rapporteur qualifie certaines dispositions de gadgets, je la suis, même si certaines procèdent d'une bonne idée de départ. Ainsi, la carte d'étudiant des métiers peut apparaître séduisante, mais pourquoi pas une carte d'étudiant tout court, ouvrant les mêmes facilités ? De même, l'idée du service dématérialisé est intéressante, néanmoins l'orientation aura toujours besoin de moyens humains. Les groupements d'employeurs ? Le parti socialiste en est à l'origine, pour l'agriculture. Mais comment faire coexister dans une même entreprise des salariés issus de plusieurs groupements d'employeurs ? La question reste ici posée.
Le texte, enfin, reste muet sur les régions, alors que la mission de créer des places en apprentissage leur est assignée et qu'elles jouent leur rôle dans les centres de formation d'apprentis. Mais il est vrai que nous sommes à trois cents jours des présidentielles...
Les conditions de travail qui nous sont faites sont, il est vrai, ubuesques. J'admire votre capacité à nous présenter un rapport sur ce texte qui, en passant de douze à trente-neuf articles, est devenu un fourre-tout destiné à répondre à des annonces présidentielles. Tout cela n'est guère respectueux du travail des parlementaires et de leurs équipes.
Sur le fond, je déplore la confusion entretenue entre deux réalités différentes, l'alternance et l'apprentissage, si bien que l'on ne sait jamais à quoi l'on se réfère. Les passerelles ? J'y suis favorable au sein de l'éducation nationale, pour permettre aux jeunes de se réorienter, mais j'aimerais plus de précisions. Comment un apprenti charpentier pourra-t-il changer d'orientation ?
Je ne suis pas favorable à ouvrir l'apprentissage - ou l'alternance, encore une fois, le texte n'est pas clair - au secteur du travail temporaire, qui n'offre pas la continuité nécessaire. La chose est un peu différente pour le travail saisonnier, qui constitue la réalité de certains métiers.
N'oublions pas que le taux de rupture des contrats d'apprentissage est de 24 % au niveau national. On n'en tient pas compte lorsque l'on évoque les 80 % d'apprentis qui trouvent un emploi au terme de leur apprentissage. Je remercie notre rapporteur d'avoir eu l'honnêteté de le rappeler.
Les articles relatifs aux stagiaires, et notamment la prise en compte de l'ancienneté, sont positifs ; ils vont dans le sens de la proposition de loi Godefroy que nous avions examinée pour la repousser voici quelque temps.
Sur les groupements d'employeurs, je suis, en revanche, très réservée. C'est à une dérégulation que l'on procède. Ces groupements avaient été mis en place pour répondre à des besoins spécifiques, dans l'agriculture ou le secteur forestier par exemple. Ils étaient utiles dans les régions où les emplois saisonniers sont nombreux. Désormais, ils seront ouverts aux grands groupes, de même qu'aux collectivités - en ce qui concerne ces dernières, vous nous annoncez un amendement, nous l'attendons.
Je sais que les partenaires sociaux se sont déclarés favorables au CSP, mais j'avoue ne pas comprendre.
Les salariés qui perdent leur emploi à la suite d'un licenciement économique se trouveront pris dans un carcan, sans possibilité de choisir leur orientation. A titre personnel, je ne suis pas favorable à ces contrats.
Je crois savoir que les propositions de loi qui concernent le secteur du travail et de la vie sociale doivent désormais d'abord faire l'objet de négociation entre les partenaires sociaux. Or, sur ce texte, j'ai le sentiment confus qu'on a agi avec désinvolture : tout s'est fait dans la précipitation. Je comprends qu'il y ait urgence à permettre aux jeunes d'entrer dans des parcours en alternance, mais enfin...
Merci à notre rapporteur d'avoir su travailler dans des conditions si contraintes. Il est vrai que dans le catalogue des mesures que porte ce texte, il en est de plus anecdotiques que d'autres. Mais l'objectif est bien d'aider les jeunes à trouver un stage ou une formation en alternance, et la mobilité a aussi ses vertus.
Oui au développement de l'alternance, oui à l'encadrement des stages, oui au CSP, solution dont je suis persuadée qu'elle portera ses fruits, au terme d'une phase d'adaptation. En revanche, je m'inquiète de l'annonce d'un amendement sur l'ouverture des groupements d'employeurs aux collectivités locales, qui ont besoin d'un peu de souplesse. La rigidité du statut de la fonction publique dessert parfois les collectivités comme les salariés.
Merci de ce rapport très clair sur un texte touffu, dans lequel je vois beaucoup d'éléments positifs, que vos amendements amélioreront encore. Je me suis beaucoup impliquée, depuis un an, dans la question des stages, et me réjouis par conséquent des mesures proposées, qui vont même au-delà des préconisations de l'Ani. Je regrette cependant que rien ne soit prévu pour réguler l'activité, fort lucrative, d'officines qui ne font rien d'autre que vendre 1 000 à 1 500 euros des stages et de l'alternance en proposant des pseudo-diplômes. J'avais posé, à ce sujet, une question d'actualité ; j'espère que nos débats permettront d'avancer.
Les mesures relatives à l'alternance ne sont pas nées d'un discours du président Sarkozy. L'alternance est une véritable voie vers l'emploi, et je puis dire, pour avoir participé depuis l'automne à bien des réunions avec les ministères concernés, que son développement répond à une volonté partagée.
La carte d'étudiant annoncée est promise depuis trois ans. Avec Jean-Claude Carle, nous l'avions voulue lorsque nous travaillions sur la formation professionnelle : rien n'est arrivé. J'espère que le projet aboutira ici.
Un dernier mot, enfin, pour dire que je regrette la façon dont ont été intégrées in extremis à ce texte des dispositions signées il y a quinze jours dans l'Ani.
J'ai dit que j'approuvais les mesures encadrant les stages, mais je trouve choquant que le texte soumis à l'examen de notre commission ne reprenne pas toutes les dispositions concernées. C'est ainsi que celles relatives au bonus-malus ont été intégrées dans la loi de finances rectificative, de sorte que les partenaires sociaux, qui connaissent mon souci du dialogue, n'ont pas manqué de me faire part de leurs regrets.
Sur les groupements d'employeurs, je ne partage pas l'avis de mes collègues de l'opposition. J'ai visité, il y a quelques années, dans le cadre de l'institut national du droit du travail, certaines de ces associations, et j'ai pu voir combien elles méritaient d'être mieux organisées, mieux intégrées dans le droit du travail, pour favoriser l'emploi, au bénéfice des salariés.
Ce texte comporte de bonnes choses, mais je regrette ses silences. Comment seront pris en compte les problèmes d'hébergement et de transport des jeunes au service de deux employeurs ? Rien n'est dit. Rien non plus sur la cotisation des apprentis aux régimes de retraite. De même, le texte est muet sur les régions, pourtant en charge de la formation professionnelle. Quid de la rémunération des stages ? Son faible montant, 417 euros, ne justifierait-il pas que les stages soient rémunérés lorsqu'ils durent au moins un mois, au lieu de la durée supérieure à deux mois actuellement exigée ? Je m'élève, enfin, contre la mention, persistante, des apprentis de quatorze ans.
J'ai connu les affres du rapporteur trop récemment pour ne pas savoir combien la tâche est ardue. L'Alsace-Moselle, donnée en exemple, a un rapport particulier aux corporations - charpentiers, ramoneurs, métiers de bouche. Envisagez-vous, lorsque vous évoquez les missions des médiateurs, d'améliorer leurs relations avec les chambres des métiers ?
Les collectivités ont encore des efforts à faire quant à l'accueil des apprentis : le texte est-il fait pour faciliter l'apprentissage et des regroupements d'écoles sont-ils envisagés ?
Qu'il n'y ait pas de malentendu avec Mme Procaccia. Pour m'être impliqué, comme elle, dans les discussions sur la loi du 24 novembre 2009, je sais que le processus est engagé depuis longtemps. Mais je m'interroge sur la méthode. Ces dispositions concernent la vie de l'entreprise : n'eût-il pas été préférable, de la part du législateur, de s'effacer d'abord devant les partenaires sociaux ? En l'espèce, je considère que nous sommes allés trop loin, et trop vite.
Je suis membre du conseil régional des Pays-de-Loire, où je me trouvais pas plus tard que lundi, et puis témoigner d'une certaine mauvaise volonté face aux initiatives gouvernementales. Sur l'apprentissage, seules deux régions, dont l'Alsace, ont signé une convention avec l'Etat. Chez nous, les négociations sont rompues. Je regrette la permanence de telles tensions sur un sujet aussi brûlant : les régions pourraient faire un pas en faveur des jeunes !
Je m'inquiète de la référence qui a été faite au quota de travailleurs handicapés. Le recours à un groupement d'employeurs déchargera-t-il l'entreprise de l'obligation d'emploi à la hauteur de 6 % de ses effectifs ?
J'indique à Mme Deroche que lorsque l'Etat met 1 euro pour l'apprentissage, les régions en mettent, en moyenne, 1,25.
Je suis très heureuse de voir allégées les contraintes administratives dont se plaignent beaucoup de chefs d'entreprise, en matière d'apprentissage, comme en beaucoup d'autres. Une question sur la carte d'étudiant des métiers : ouvrira-t-elle des avantages sur les transports ?
Les dispositions de cette proposition de loi sont issues d'une volonté partagée.
La carte d'étudiant a un précédent, la carte d'apprenti mise en place par la loi Borloo, qui n'a pas eu le succès escompté. Des négociations seront bien entendu conduites pour les transports, de même que pour le cinéma... En matière d'hébergement, il y a déjà une prise en charge par les branches ; une convention a également été signée avec le centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) et le grand emprunt consacre l'un de ses volets à la réhabilitation et à la construction de logements étudiants. Mêmes avantages pour la restauration, avec l'accès aux restos-U ; ceci étant, le problème reste posé dans les campagnes.
Les discussions avec les partenaires sociaux ont été brèves, mais en ce qui concerne les groupements d'employeurs, elles ne datent pas d'hier. C'est avec la proposition de loi Poisson qu'elles avaient commencé. Les négociations ont repris, lundi dernier, et c'est bien la raison pour laquelle mon amendement prévoit de reporter la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, dans l'espoir qu'interviendra un accord.
Les groupements d'employeurs sont une bonne solution pour les petites entreprises. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, j'ai mis, par amendement, un bémol, considérant qu'il est préférable de les voir faire appel aux entreprises d'insertion.
Les médiateurs de l'apprentissage travaillent déjà, monsieur Lorrain, auprès des chambres des métiers.
Les régions ? Je ne conteste pas les chiffres de M. Kerdraon, mais reconnaissons que l'opposition au Gouvernement n'y est pas toujours constructive et que la volonté de travailler de concert ne s'y manifeste guère.
Le sujet des travailleurs handicapés me tient à coeur. La situation, aujourd'hui, n'est pas claire, puisqu'ils sont comptabilisés deux fois : au titre du groupement d'employeurs et au titre de l'entreprise où ils sont employés. Il est, à mon sens, normal que les salariés des groupements, qui auront les mêmes avantages que ceux de l'entreprise où ils travailleront, soient comptabilisés dans l'effectif de celle-ci pour évaluer le respect de la règle du quota de 6 %.
Il s'agit, en somme, de faire en sorte qu'ils ne soient pas comptés deux fois.
Ce qui signifie néanmoins que le quota sera de 6 % pour les deux employeurs, au lieu de 12 %.
Les groupements ne sont pas employeurs : ce sont des associations loi de 1901 qui ne comptent que quelques permanents.
Nous ne voudrions pas que via les groupements, les entreprises se trouvent déchargées de leurs obligations ou exonérées du paiement de la taxe pour non-respect du quota.
Le personnel handicapé mis à disposition sera comptabilisé dans l'entreprise où il travaillera, je m'assurerai de cette disposition.
Je partage l'avis d'Isabelle Debré sur la nécessité d'alléger les contraintes. C'est d'ailleurs dans ce souci que j'ai déposé un amendement visant à la suppression de la labellisation : simple pour les grandes entreprises, elle le sera moins pour les petites, au risque de les pénaliser dans les appels d'offre.
Sur les passerelles, enfin, Jean-Claude Carle a déposé des amendements qu'il présentera lui-même dans un instant.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article additionnel après l'article 1er
Certains CFA refusaient de délivrer la carte apprenti créée en 2005 ; mon amendement n° 1 évite que cela se reproduise pour la carte d'étudiant des métiers.
L'amendement n° 1 est adopté et devient un article additionnel.
Article 1er bis
L'amendement n° 2 vise à exclure du bénéfice de la carte d'étudiant des métiers les titulaires d'un contrat de professionnalisation, qui relèvent de la formation continue et non de l'apprentissage.
Les amendements identiques de suppression n° 2 et 26 sont adoptés ; l'article 1er bis est supprimé.
Les articles 2 et 2 bis sont adoptés sans modification.
Article 2 ter
Mon amendement n° 3 vise à supprimer le label, qui crée une complexité administrative peu opportune. J'ajoute que la multiplication de labels dévalorise la pratique.
Les PME seraient défavorisées.
L'amendement de suppression n° 3 est adopté ; l'article 2 ter est supprimé.
Article 3
Il me semble que l'alinéa concerné n'est pas le dixième mais le onzième.
En effet, nous rectifions.
L'amendement n° 4 rectifié est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 3 bis, 3 ter, 4, 4 bis et 5 sont adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 5
Les ruptures de contrats d'apprentissage atteignent 24 % au niveau national, mais 8 % seulement en Alsace-Moselle, grâce à la mission des médiateurs de l'apprentissage : mon amendement n° 5 vise à expérimenter ailleurs ce dispositif, pour voir s'il peut être généralisé.
L'amendement n° 5 est adopté, et devient un article additionnel.
L'article 5 ter est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 5 ter
L'amendement n° 25 relève plutôt d'une loi de finances. Je ne puis lui être favorable.
L'amendement n° 25 est rejeté.
Article 6 bis A
Effectivement, l'employeur peut déjà apporter son soutien au salarié qui s'engage dans un processus de validation des acquis de l'expérience. J'en conviens mais une piqûre de rappel n'est pas inutile quand on sait les difficultés que rencontrent les salariés qui s'engagent dans une démarche de validation des acquis de l'expérience !
Les contrats d'accompagnement dans l'emploi ne sont pas ici le sujet, d'où mon amendement n° 6.
L'amendement de suppression n° 6 est adopté ; l'article 6 bis A est supprimé.
Article 6 bis B
Cet article demande encore un rapport sur le financement des formations en apprentissage. Cela ne me paraît pas utile.
Il me semble qu'il avait été introduit à l'Assemblée nationale pour mesurer l'engagement des collectivités locales et des services publics en faveur de l'apprentissage. C'était une préconisation de la mission d'information sur la formation professionnelle que de favoriser l'apprentissage dans les collectivités. Par ailleurs, nous savons bien que ces demandes de rapports ont en réalité pour but d'évoquer une proposition sans tomber sous le coup de l'article 40.
L'amendement de suppression n° 7 est adopté ; l'article 6 bis B est supprimé.
Article 6 bis
Un stage d'observation pour les collégiens, pourquoi pas, mais en le réservant aux deux derniers niveaux : les élèves de 6e et de 5e sont trop jeunes.
L'amendement n° 8 est adopté.
L'article 6 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 6 bis
L'amendement rédactionnel n° 9 est adopté et devient un article additionnel.
Les articles 6 ter, 6 quater et 6 quinquies sont adoptés sans modification.
Article 6 sexies
L'amendement n° 10 est de clarification rédactionnelle.
L'amendement n° 10 est adopté.
L'article 6 sexies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article sexies
Mon amendement n° 21 vise à permettre aux particuliers employeurs de recourir à des contrats de professionnalisation dès lors qu'ils construisent un dispositif d'accompagnement adapté. Ce secteur, en tension, connaît des difficultés de recrutement de personnels qualifiés - je pense tout particulièrement à la garde d'enfants ou à l'accompagnement des personnes âgées. La croissance des besoins constitue une source importante d'emplois et une réelle opportunité pour la formation des jeunes. Une politique de ressources humaines ambitieuse permettrait aux salariés du secteur d'acquérir les compétences professionnelles requises. Voilà une réelle opportunité d'engager des parcours attractifs.
Entendons-nous bien : je vise les particuliers employeurs qui emploient déjà une personne qualifiée, laquelle pourrait devenir le tuteur d'une autre, dans le cadre, non pas de l'apprentissage, mais bien de la professionnalisation. La situation serait comparable à celle des entreprises artisanales où, si l'employeur est le maître de stage, le tuteur est en réalité un compagnon.
Selon les mêmes modalités qu'une entreprise qui emploie quelqu'un en professionnalisation. Un organisme paritaire collecteur agréé sera ensuite chargé d'en assurer la prise en charge.
Qui évalue ? Je veux parler tant de l'évaluation des capacités de l'employeur et de son employé qualifié à la formation que de l'évaluation du salarié en professionnalisation.
L'amendement propose l'intervention d'un accord de branche, qui offrira un cadre. Il existe d'ailleurs une fédération des particuliers employeurs, la Fepem. C'est dans ce cadre que les conditions de financement seront définies et que l'organisme paritaire collecteur agréé sera chargé d'assurer la prise en charge.
Tout cela prendra du temps, mais on peut ouvrir là des perspectives intéressantes.
En effet... Je voterai l'amendement. Peut-être conviendra-t-il de commencer par une expérimentation, puis de dresser un bilan. Si le dispositif peut fonctionner, il est évidemment très prometteur.
Ne s'engage-t-on pas là dans une voie dangereuse ? D'autant que nous militons pour que ceux qui s'occupent des personnes âgées aient une vraie formation.
C'est précisément le but poursuivi : il s'agit d'un contrat de professionnalisation, soumis à conditions ; le formateur doit être qualifié.
Pas besoin, à mon sens, d'expérimentation : le nombre de personnes concernées sera suffisamment réduit. Un bilan suffira.
On touche là au code du travail. Les partenaires sociaux ont-ils été consultés ?
Leur consultation a bien eu lieu sur la proposition de loi Cherpion. Ensuite, l'Assemblée nationale a exercé son droit d'initiative en déposant des amendements, comme nous le faisons, aujourd'hui, au Sénat.
Pourquoi les partenaires sociaux seraient-ils opposés à un dispositif formateur ?
En tout état de cause, la négociation aura lieu, dans le cadre de l'accord de branche.
L'amendement n° 21 est adopté et devient un article additionnel.
Jean-Claude Carle a déposé trois amendements auxquels je me déclare dès à présent favorable. Je le laisse les présenter.
Je félicite le rapporteur pour son travail et lui témoigne ma compassion : j'ai connu ces contraintes de temps sur la formation professionnelle. Mon premier amendement, le n° 23, vise tout d'abord à faire suivre la préparation opérationnelle à l'emploi par un contrat d'apprentissage ; reprenant, ensuite, l'article 115 de l'Ani du 5 octobre 2009, il institue une préparation opérationnelle à l'emploi collective sur les métiers en tension ; enfin, il permet à la préparation opérationnelle à l'emploi de se dérouler dans un centre d'apprentis, au bénéfice des 200 000 « décrocheurs », qui pourront, dans les CFA, bénéficier d'un préapprentissage.
Mon amendement n° 24 vise à moraliser les périodes de professionnalisation, que certaines entreprises - les petites entreprises, n'étant pas visées, sont ici épargnées - utilisent pour des actions qui relèvent, non de la qualification mais du plan de formation. C'est un subterfuge condamnable.
Avec l'amendement n° 23, une préparation opérationnelle à l'emploi (POE), dont je croyais pourtant qu'elle était destinée à remédier à la sous-qualification d'un demandeur d'emploi, pourra déboucher sur un contrat d'apprentissage. Cet élargissement n'est-il pas un peu abusif ?
La POE est un système particulier de formation. Cet élargissement est en effet abusif, il revient à détourner les fonds paritaires de formation. Nous n'y sommes pas favorables.
Nous connaissons un problème sur les métiers en tension. La POE, très spécifique, est faite pour répondre aux offres de formation qui ne trouvent pas preneur. Loin d'être convaincu qu'elle soit appropriée pour les jeunes, je crains au contraire une dilution de la mesure.
L'élargissement permet à des jeunes de bénéficier d'un contrat d'apprentissage.
L'amendement n° 23 est adopté, ainsi que l'amendement n° 24 et deviennent articles additionnels.
Article 6 septies
L'amendement n° 22 va plus loin que le dispositif Cherpion. Il évite une ambiguïté. Le jeune apprenti préparant un bac professionnel et qui décide au bout de la première année de passer un CAP, n'aura pas à faire deux années : sa première année de bac professionnel sera validée.
L'amendement n° 22 est adopté, et devient l'article 6 septies.
L'article 6 septies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 6 octies et 6 nonies A sont adoptés sans modification.
Article 6 nonies
Les amendements de clarification rédactionnelle n° 11 et 12 sont adoptés.
L'amendement n° 13 prend en compte les formations comportant des stages pouvant durer jusqu'à trois ans. Tel est notamment le cas des écoles notariales ou des écoles d'experts-comptables.
L'amendement n° 13 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 14.
L'article 6 nonies est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 6 decies et 6 undecies sont adoptés sans modification.
Article additionnel avant l'article 7A
Nous abordons le titre II qui traite des groupements d'employeurs. La négociation des partenaires sociaux sur ce sujet aurait dû commencer depuis l'adoption par l'Assemblée nationale, en 2009, de la proposition de loi déposée par le député Jean-Frédéric Poisson. Aucun accord n'a été signé jusqu'à présent, mais une nouvelle réunion est prévue demain. L'amendement n° 15 dispose que la présente loi entrera en vigueur le 1er novembre 2011, sauf si un accord intervient d'ici là. En cas d'accord partiel, ses dispositions prévaudront sur le texte législatif.
Bref, en cas d'accord, il faudra modifier la loi. Bien qu'elle soit insatisfaisante, cette solution d'urgence a le mérite d'exister.
Nous espérons que les négociations aboutiront.
L'amendement n°15 est adopté et devient un article additionnel.
Les articles 7 A, 7, 8, 8 bis, 9, 9 bis A et 9 bis sont adoptés sans modification.
Article 10
Avec l'amendement n° 16, le travail de la personne mise à la disposition d'une collectivité territoriale par un groupement d'employeurs sera limité à un mi-temps.
Nous nous abstiendrons au nom du groupe socialiste.
L'amendement n° 16 est adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 10 bis est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 10 bis
Cet amendement concerne le prêt de main-d'oeuvre interentreprises, institué pendant la crise pour éviter des licenciements et qui constitue souvent une solution utile. Les confédérations FO et la CFDT demandent un cadre plus fort afin d'éviter un excès de libéralisme. Celui qui vous est présenté dans l'amendement n° 17 apporte une sécurisation juridique aux entreprises et il protège mieux les salariés.
L'amendement n° 17 est adopté et devient un article additionnel.
Article 11
L'amendement rédactionnel n° 18 est adopté.
L'Ani dispose que l'employeur contribue à financer le contrat de sécurisation professionnelle en versant à l'organisme concerné l'indemnité compensatrice de préavis, dans la limite de trois mois de salaire. Aux termes de l'amendement n° 19, lorsque l'accord d'entreprise conduit à verser une indemnité plus élevée, le surplus sera perçu par le salarié.
L'amendement n° 19 est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 11 bis, 11 ter et 12 sont adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 12
Je suis favorable à l'amendement n° 20, qui tend à responsabiliser les jeunes en les laissant prendre des initiatives citoyennes dans la vie associative.
Cette proposition de loi offre le meilleur véhicule législatif pour accueillir cet amendement.
L'article 15 de la Convention internationale des droits de l'enfant dispose que les mineurs ont le droit d'association et de réunion pacifique, mais la loi de 1901 est muette sur ce sujet, si bien que nul ne sait ce qui est licite ou ne l'est pas. Alors ministre de la jeunesse et des sports, Mme Frédérique Bredin avait élaboré un projet de loi consacré à la création d'associations par des mineurs, mais, peut-être faute de volonté politique, ce texte n'a jamais abouti.
Actuellement, trois circulaires de l'éducation nationale de mars et avril 1991 ainsi que de septembre 1992 limitent aux lycéens majeurs le droit de créer des associations, de les présider ou d'en être comptables, mais le ministère de l'intérieur a rappelé aux préfectures que le silence de la loi de 1901 n'autorisait pas à refuser l'enregistrement d'une association au motif que la demande était présentée par des mineurs. Il est donc nécessaire d'instituer un cadre destiné aux mineurs de seize ans révolus, à leurs parents et aux tiers.
L'amendement proposé prend en compte les critiques formulées en 2004 et en 2008 par le Défenseur des enfants, qui avait rappelé le droit reconnu aux mineurs de présider une association ou d'en être trésorier. Avec ce dispositif, les mineurs de seize ans révolus pourront créer une association et l'administrer, sous réserve de leur capacité juridique. Les articles 1990 et 1992 du code civil autorisant des mineurs à être mandataire - le mandant répondant seul de leurs actes sur son patrimoine - il convient d'autoriser les mineurs de seize ans révolus ayant obtenu l'autorisation écrite de leur représentant légal à effectuer les actes de la vie courante nécessaires à l'association. En revanche, seuls des majeurs pourraient intervenir pour les actes de disposition.
Nous soutiendrons cet amendement, inspiré par le projet que Frédérique Bredin avait élaboré, mais pour les mineurs de treize ans révolus, ce qui explique qu'il se soit encalminé.
Quand il était président de l'Assemblée nationale, M. Fabius avait proposé que les mineurs disposent du droit d'association. Les lycéens souhaitent un cadre juridique solide pour créer des associations.
Autorisés à conduire une voiture et pénalement responsables, les mineurs de seize ans révolus doivent pouvoir créer une association, même si le rattachement du dispositif à ce texte est quelque peu acrobatique. Savez-vous quel sera l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Peu importe, car nous ne sommes pas à ça près en matière de démagogie ! Je suis totalement opposé à cet amendement. Mieux vaudrait mettre fin à l'hypocrisie et abaisser la majorité à seize ans.
Pour les associations fonctionnant dans les lycées, en cas d'incident, ou pire, la responsabilité retombera toujours sur le chef d'établissement, donc sur l'Etat. Et si elles fonctionnent hors du monde scolaire, que dit le code des assurances ? J'aimerais disposer d'une étude précise des conséquences assurantielles de cette mesure car, si la responsabilité civile des parents devait se voir engagée, ceux-ci n'auraient que leurs yeux pour pleurer.
Je voterai contre ce cavalier législatif flagrant.
L'amendement n° 20 est adopté et devient un article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission procède à l'audition de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur la certification des comptes sociaux.
Nous accueillons ce matin Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, où il a succédé à Rolande Ruellan, pour entendre les conclusions de la Cour relatives à la certification des comptes de la sécurité sociale pour 2010.
Je vous rappelle que l'an dernier, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la caisse nationale d'assurance vieillesse mais qu'elle avait en revanche certifié, pour la première fois, les comptes de la caisse nationale d'allocations familiales.
Le suspense est donc à son comble : toutes les branches ont-elles obtenu la certification cette année et quelles sont les réserves éventuellement émises par la Cour ?
Je vais laisser sans plus attendre M. Durrleman nous présenter le rapport sur la certification des comptes.
Je vous rappelle simplement, mes chers collègues, que nous disposons d'environ quarante-cinq minutes pour cette audition. A onze heures, nos collègues de la commission des finances viendront nous rejoindre pour que nous procédions ensemble à l'audition de Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la situation des finances publiques, en vue du débat d'orientation des finances publiques qui se déroulera au Sénat le 7 juillet prochain.
La Cour des comptes a adopté hier, en chambre du conseil, son rapport sur la certification des comptes 2010 du régime général de sécurité sociale, qu'il doit transmettre avant le 30 juin au Parlement comme le prévoit la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette mission de certification, exercée pour la cinquième fois, a mobilisé une bonne partie des moyens de la sixième chambre, pendant toute une année de travail, de juin 2010 à juin 2011.
Avant d'entrer dans la présentation des positions de la Cour, vous me permettrez quelques remarques sur le sens de cet exercice de certification. La certification est une opinion écrite et motivée, que formule, par expression de son jugement professionnel, un organisme indépendant sur les comptes d'une entité. L'expression de cette opinion est l'aboutissement d'une démarche d'audit visant à obtenir une assurance raisonnable - par nature, cette assurance ne peut avoir un caractère absolu - que les comptes sont réguliers et sincères et qu'ils donnent une image fidèle du résultat de la gestion, de la situation financière et du patrimoine. Par ses travaux de certification, la Cour atteste ainsi de la fiabilité, de la sincérité et de la conformité aux règles et principes comptables des états financiers des branches et caisses nationales auditées.
Les comptes des autres régimes de sécurité sociale sont, quant à eux, audités par des commissaires aux comptes. Dans l'élaboration de ses positions, la Cour prend en compte leurs opinions, notamment, pour cette année encore, le refus de certification des comptes du régime agricole. Parallèlement, les commissaires aux comptes sont naturellement attentifs pour l'expression de leur propre opinion aux travaux de la Cour. A cet égard, les dispositions de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, en voie d'être complétées par des textes d'application, ont utilement permis de structurer les relations de travail. Indispensable, cette mesure a permis d'accompagner et d'encadrer des échanges qui s'intensifient d'année en année et qui, depuis le transfert du recouvrement des cotisations d'assurance chômage aux Urssaf, s'élargissent désormais aussi aux certificateurs des comptes de l'Unedic.
Le régime général de sécurité sociale réalise chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 350 milliards d'euros de charges et 325 milliards de produits. Avec de tels volumes, la certification n'est pas seulement une affaire de vérification de la justification de postes comptables par l'existence de pièces. Il faut en effet apprécier si les systèmes d'information et les dispositifs de contrôle interne sont adéquats pour maîtriser les risques d'anomalies comptables et financières.
Les procédures et instruments du contrôle interne des caisses de sécurité sociale sont donc systématiquement analysés et évalués à l'aune de leur capacité à couvrir les zones de risques identifiées par la Cour. Progressivement, les organismes de sécurité sociale ont pris conscience de la nécessité de mieux maîtriser les risques financiers liés à leur activité. D'année en année, ils renforcent leurs efforts pour réduire les erreurs dans la liquidation des prestations, lutter contre la fraude, formaliser et optimiser leurs pratiques et procédures de contrôle interne. Ce faisant, ils améliorent la qualité de leur gestion et par conséquent la qualité de service rendue aux assurés et aux cotisants. Dans son office de certificateur, la Cour les accompagne dans cette démarche.
Pour prendre un exemple concret, c'est dans le cadre de la certification que la Cnam a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées par les mutuelles pour le compte du régime général. Elle a également mis en place des liaisons informatiques qui ont permis aux assurés de ces mutuelles, au titre de la protection maladie de base, d'améliorer la qualité des services obtenus. Pour prendre un autre exemple, la Cnaf et la Cnav ont mis en place des systèmes de suivi de la fréquence et de l'incidence financière des erreurs de calcul des prestations et pensions. Maîtriser le risque d'erreur dans les comptes devient ainsi non seulement l'affaire des comptables mais aussi celle des directeurs d'organismes de sécurité sociale.
Dans son rapport, la Cour met également l'accent sur des problèmes de normes comptables, dont l'application ou la teneur même peut soulever des difficultés. Dans ce dernier cas, les caisses et leurs agents comptables ne sont pas en cause, puisqu'ils appliquent des règles qui s'imposent à eux. Mais certaines de ces règles ont pour effet d'affecter la sincérité des comptes. Ainsi, si les comptes du fonds de solidarité vieillesse, par exemple, étaient combinés avec ceux de la branche retraite, le déficit de cette branche en 2010 ne serait pas de 8,9 milliards d'euros, mais de 13 milliards d'euros, soit une différence de près de 50 %. Dans ce cas de figure, c'est au Gouvernement qu'il appartient de tirer les conséquences des observations de la Cour.
J'en viens maintenant aux neuf opinions de la Cour, relatives aux comptes des cinq branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, retraite, recouvrement) et des quatre caisses nationales auditées (Cnam, Cnaf, Cnav, Acoss).
La Cour a fait évoluer sa position sur deux des ensembles de comptes qu'elle examine. Je commencerai donc par évoquer ces opinions, qui concernent la branche vieillesse et la Cnav, d'une part, la branche AT-MP de l'autre.
En ce qui concerne la branche vieillesse, les travaux d'audit effectués avec le concours de la Cnav avaient permis, depuis l'exercice 2008, de constater une conjonction de limitations et d'incertitudes, qui avait entraîné un refus de certification des comptes. Des erreurs systématiques avaient révélé l'absence de maîtrise du processus de gestion des données de carrière, données indispensables à la correcte liquidation des pensions. De plus, nous avions relevé un taux élevé d'erreurs dans le calcul des pensions, pour un montant cumulé important, même si beaucoup d'erreurs étaient d'un faible montant unitaire. S'y ajoutaient enfin des incertitudes liées à des risques de fraudes, du fait des modalités de gestion des habilitations informatiques des agents et de l'absence de contrôles bloquants dans les applicatifs de la chaîne de paiements, ainsi qu'une problématique d'auditabilité des comptes.
Pour l'exercice 2009, la persistance d'erreurs de liquidation d'un montant cumulé significatif et les assurances seulement partielles procurées par le contrôle interne sur plusieurs points clefs des processus de calcul, de liquidation et de paiement des pensions n'avaient pas permis à la Cour de faire évoluer son opinion.
Durant ces deux années, la branche s'est cependant beaucoup mobilisée pour améliorer la situation. Programmée, la refonte du dispositif de contrôle interne et du système d'information comptable et financier n'a certes pas encore abouti en 2010. Dans l'attente de cette évolution lourde, dont la Cour est consciente qu'elle requiert du temps, la Cour a cependant constaté des avancées significatives sur quatre points majeurs :
- les mailles du filet que constituent les contrôles diligentés par les services ordonnateurs et comptables sur la liquidation des pensions se sont resserrées, ce qui a permis de faire diminuer le taux d'incidence financière des erreurs de liquidation des pensions. L'amélioration du dispositif de contrôle interne a ainsi permis de prévenir la survenance des erreurs dont l'impact financier est le plus fort ;
- le chantier de la sécurisation des données de carrière entrantes a beaucoup progressé ;
- les incidences du processus de révision des droits et services apparaissent mieux connues ;
- des études et travaux d'audit ont permis de compenser les incidences sur l'auditabilité des comptes de l'absence de piste d'audit entre l'applicatif de gestion et le système d'information comptable actuel, dont la refonte est programmée.
Devant ces avancées indéniables et les résultats mesurables obtenus, la Cour a décidé cette année de certifier avec réserves les comptes de la branche retraite et de la Cnav, faisant ainsi évoluer favorablement sa position.
Toutefois, les réserves dont cette opinion est assortie traduisent le fait que des progrès restent encore à accomplir. Par exemple, malgré la diminution de leur incidence financière, des erreurs dans la liquidation des pensions affectent encore une proportion trop élevée des pensions liquidées. De même, l'absence de référentiel unique des employeurs ne permet pas d'assurer l'exhaustivité et l'exactitude du processus de report des salaires au compte de carrière des assurés.
De plus, plusieurs des améliorations observées cette année sont à confirmer dans la durée. Il en va notamment ainsi de l'amélioration observée en 2010 du taux d'incidence financière des erreurs de liquidation.
Ainsi, si nous avons cette année accepté de franchir la ligne qui sépare le refus de certifier et la certification avec réserves, des progrès importants restent encore à accomplir. La mobilisation des équipes de la Cnav constatée ces deux dernières années ne doit donc pas faiblir.
J'en viens maintenant aux comptes combinés de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Depuis plusieurs exercices, l'examen du contrôle interne dans la branche et dans l'activité de recouvrement faisait apparaître des insuffisances qui se cumulaient pour ce qui concerne les ressources de la branche. Cette question avait donc fait l'objet, par le passé, d'une réserve de la Cour, réserve dont la formulation s'était progressivement accentuée au fil des ans.
Cette année, les constats effectués sont d'une intensité accrue et portent sur un champ plus étendu.
L'énumération des défaillances observées est en effet inquiétante : écarts importants entre les deux réseaux en matière de population d'établissements assujettis, application incomplète du plan de maîtrise des risques par les Carsat, absence d'interaction entre les données produites par les deux réseaux pour ce qui concerne la fixation du taux des cotisations, défaut d'exploitation des anomalies détectées par les systèmes d'information dans de trop nombreux organismes...
D'une portée et d'une intensité accrues, ces constats traduisent le fait que la Cour dispose d'une assurance insuffisante sur l'exactitude et l'exhaustivité des cotisations AT-MP, qui représentent les trois quarts des produits de la branche.
En plus de cet élément majeur, la Cour a constaté, comme pour la branche maladie, que des insuffisances du contrôle interne affectaient également les charges de la branche, pour ce qui concerne les prestations exécutées en ville, comme les versements aux hôpitaux. Enfin, comme pour toutes les autres branches prestataires, la Cour se doit, dans son opinion, de tenir compte du refus de certification du régime de la mutualité sociale agricole, le solde de la gestion du régime des salariés agricoles devant être intégré aux comptes combinés.
Compte tenu de leur nature et de leur conjonction, ces constats ont conduit la Cour à estimer qu'elle n'était pas en mesure de certifier les comptes de la branche pour l'exercice 2010.
Bien sûr, bien avant que l'opinion de la Cour ne soit formulée, les branches concernées avaient été alertées de l'aggravation des constats effectués et de ses possibles conséquences en termes d'opinion sur les comptes. L'Acoss et la Cnam nous ont ainsi d'ores et déjà fait part du contenu d'un plan d'action dédié, ainsi que de son calendrier, afin de procéder aux échanges de données informatisées et autres opérations permettant d'assurer l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations AT-MP. La Cour examinera la mise en oeuvre de ces engagements dès la prochaine campagne de certification. Les évolutions requises sont d'importance. Une pleine mobilisation des caisses est donc attendue.
J'évoquerai maintenant les branches et caisses nationales dont les comptes avaient déjà été certifiés, avec réserves, l'an dernier et sur lesquels le sens général de notre opinion n'a pas changé.
En ce qui concerne l'activité de recouvrement et l'Acoss, la campagne de certification des comptes 2010 a permis la réalisation de progrès déterminants en termes d'auditabilité des comptes, question évidemment centrale pour la Cour. Très substantiels, ces progrès reposent sur de lourds travaux engagés par l'Acoss, en collaboration étroite avec les équipes de la Cour. Ils permettent également de procurer des assurances supplémentaires sur la qualité de la répartition des produits recouvrés entre les différents attributaires. Pour l'activité de recouvrement, cette préoccupation est fondamentale. A ce titre, les avancées observées sont majeures.
Subsistent toutefois des points comptables qui motivent l'expression de réserves. Pour celles qui portent sur des questions comptables, je n'en mentionnerai qu'une, relative au désaccord de la Cour avec le producteur de comptes en matière d'évaluation des provisions pour risques et charges. Nous considérons en effet que ces provisions sont sous-évaluées pour un montant de 150 millions d'euros environ, ce qui conduit à améliorer artificiellement le résultat du régime général et notamment celui de la branche maladie.
Les problèmes - et donc les progrès à accomplir - sont donc désormais concentrés sur des questions de contrôle interne. En la matière, la branche a engagé de nombreuses actions en vue de répondre aux observations de la Cour. Celles-ci se sont notamment traduites par des engagements inscrits dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat. Des avancées ont d'ailleurs pu être constatées dès 2010, pour ce qui concerne, par exemple, le dispositif national de contrôle interne, avec le déploiement, en cours d'année, d'une cartographie des risques dans les organismes.
Mais en matière de contrôle interne, les investigations des équipes de la Cour ont mis à jour trois types de difficultés, qui motivent une partie des réserves dont l'opinion de certification est assortie :
- les premières concernent les insuffisances de conception et le déploiement des dispositifs de contrôle interne, par exemple, le fait que l'Acoss ne se soit toujours pas dotée à ce jour d'un plan de contrôle interne couvrant l'ensemble de ses activités propres ;
- les secondes portent sur les insuffisances du contrôle interne dans les principaux processus de gestion des prélèvements sociaux comme, par exemple, la gestion des données administratives, la liquidation des cotisations ou l'application des mesures d'exonérations ;
- les dernières, particulièrement vives, portent sur des flux financiers qui ne tiennent qu'une place minoritaire dans les comptes : cotisations AT-MP, cotisations et contributions des travailleurs indépendants relevant de l'interlocuteur social unique. Dans les deux cas, des progrès importants sont attendus en 2011.
Au sujet de la branche maladie et de la Cnam, la Cour certifie à nouveau en 2010 les comptes avec réserves, après les progrès notables obtenus en 2009, comme la mise en place d'une comptabilité auxiliaire des prestations et les premiers résultats obtenus en matière de sécurisation des flux en provenance des mutuelles gestionnaires de la protection maladie de base, par délégation du régime général.
Il subsiste toutefois encore des lacunes. Les dispositifs de détection et de correction des erreurs dans la liquidation des prestations doivent notamment être confortés. Des risques de double paiement ont ainsi été identifiés dans tous les segments de l'activité de la branche maladie : prestations exécutées en ville, dépenses hospitalières, paiements aux établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées. Par ailleurs, toutes les mutuelles gérant des prestations maladie relevant de la couverture de base, par délégation du régime général, ne sont pas encore couvertes par des dispositifs de contrôle interne adéquats.
Sur le plan comptable, où les enjeux sont, pour cette branche, limités, l'exercice 2010 a confirmé que l'administration et la branche ont progressé dans leur maîtrise des provisions hospitalières, sujet qui a longtemps été problématique.
Au final, si l'exercice 2010 n'a pas comporté pour la branche maladie et pour la Cnam d'avancées définitives, les problématiques identifiées sont circonscrites, ce qui justifie une certification avec réserves.
Le refus de certification des comptes de la branche AT-MP n'a pas conduit la Cour à un refus de certification des comptes de la Cnam mais à l'expression d'une réserve, dès lors que les produits des cotisations de cette branche ne représentent que 4,9 % des produits enregistrés dans les comptes de la caisse et que l'incertitude qui affecte leur exactitude et leur exhaustivité ne peut être évaluée.
Concernant la branche famille et la Cnaf, la Cour avait l'an passé, pour la première fois, certifié les comptes de la branche et de la caisse nationale, compte tenu de l'importance des progrès accomplis.
Le déploiement d'un fichier national des allocataires, le répertoire national des bénéficiaires, que la Cour appelait de ses voeux depuis plusieurs années, les avancées observées en matière d'échange de données pour sécuriser le versement des prestations, ainsi que la mise en oeuvre d'un chantier de rénovation du dispositif de contrôle interne de la branche, notamment sur le plan de la sécurisation de la liquidation et du paiement des prestations et sur celui du pilotage des projets informatiques continuent de procurer, en 2010, des assurances raisonnables à la Cour sur l'absence d'anomalies significatives dans les comptes.
En 2010, la branche a confirmé son inscription dans une trajectoire de progrès, notamment sur le plan comptable. Deux réserves ont ainsi pu être levées, compte tenu des ajustements obtenus dans la méthode d'estimation de certaines écritures d'inventaire et de leur meilleure présentation. En matière de contrôle interne, l'exercice 2010 a vu la mise en oeuvre de premières « boucles qualité », nouvel instrument de contrôle interne, pour la vérification des dossiers d'aide au logement, d'une part, l'identification des techniciens rencontrant des difficultés dans leur activité de gestion des prestations, d'autre part.
Le dispositif de contrôle interne souffre cependant toujours d'insuffisances et la Cour a alerté la branche sur les retards pris dans le déploiement de ces « boucles qualité ». De plus, les tests de reliquidation des dossiers réalisés par la Cnaf montrent que le pourcentage d'erreurs financières dans les droits liquidés reste substantiel. Enfin, sur le plan comptable, le processus d'établissement des comptes combinés doit encore être amélioré et mieux documenté et des fragilités demeurent dans la méthodologie appliquée pour passer certaines écritures d'inventaire.
En auditant, au fil des ans, les comptes du régime général de sécurité sociale, la Cour a conscience, à une époque où la confiance de la communauté financière et de l'opinion publique dans la sincérité des comptes publics est plus que jamais essentielle, de sa responsabilité de certificateur.
Chacun sait en effet qu'aujourd'hui, en France, les comptes de la sécurité sociale sont examinés et vérifiés par une institution indépendante, qui en rend compte au Parlement. Cet exercice vertueux est un levier d'une puissance insoupçonnée pour sensibiliser les branches du régime général à la nécessité d'une meilleure maîtrise des risques de portée financière et pour les faire progresser en termes de qualité des comptes, mais au-delà d'efficience de gestion et d'amélioration du service rendu à l'usager.
Même si chaque année, la Cour a refusé de certifier certains comptes, si chaque année la Cour a assorti ses opinions de nombreuses réserves, son objectif est bien sûr de parvenir à certifier avec le moins de réserves possibles les comptes de toutes les branches et de toutes les caisses. A cet égard, l'exercice 2010 indique que la trajectoire poursuivie est positive. Notre opinion comporte ainsi trente réserves ou éléments motivant un refus de certification, soit cinq de moins qu'en 2009, ou huit de moins qu'en 2010. Cette évolution témoigne qu'à des degrés certes encore inégaux et au prix d'efforts qui ne doivent pas s'affaiblir mais s'amplifier, les organismes du régime général de sécurité sociale ont compris que la certification de leurs comptes n'était pas qu'une contrainte comptable externe, mais un processus d'abord interne de mobilisation pour une amélioration en continu de l'ensemble de leur gestion. La Cour continuera à soutenir dans sa mission de certificateur avec exigence et rigueur, mais aussi pédagogie, cette démarche indispensable en mesurant les résultats atteints comme en pointant les engagements non mis en oeuvre ou en éclairant les domaines de progrès inaboutis.
D'une manière générale, la Cour joue-t-elle le rôle d'un gendarme des comptes publics et quelles sont les conséquences d'une absence de certification pour les branches ou organismes audités ?
Sur les comptes de l'Acoss et de l'activité de recouvrement, la Cour formule cette année encore des réserves. Je retiens celle qui concerne la comptabilisation des cotisations et contributions des travailleurs indépendants relevant du dispositif de l'interlocuteur social unique (Isu) : que reste-t-il à faire pour que les problèmes identifiés puissent être résolus ?
Sur les comptes de la branche maladie, la Cour émet également plusieurs réserves. Que faudrait-il faire pour que la sécurisation des opérations exécutées par les mutuelles soit satisfaisante ?
Sur les comptes de la branche AT-MP, la Cour indique que les insuffisances sur les activités de recouvrement se cumulent et s'intensifient. Que doit-on en déduire sur les modalités de gestion de la branche : y a-t-il une vraie dégradation ou bien la Cour a-t-elle relevé le niveau de ses exigences ? La branche est-elle véritablement engagée dans le processus de certification ? La Cour mentionne en particulier l'absence de contrôle sur les prestations des masseurs-kinésithérapeutes : quelles sont les actions à mener à ce sujet ?
Vous semblez inclure l'Acoss et les activités de recouvrement dans les branches de la sécurité sociale. Pourtant, lorsqu'on parle de la dépendance, on évoque régulièrement le cinquième risque. L'Acoss constitue-t-elle vraiment une branche ?
Comme Alain Vasselle, je souhaite vous interroger sur les conséquences d'une absence de certification des comptes pour les organismes. Par ailleurs, la Cour note globalement un ralentissement dans l'amélioration des résultats des caisses : faites-vous un lien entre ce ralentissement et les réductions d'effectifs qu'elles subissent ?
Les réserves que vous émettez sur les modalités de la gestion déléguée et « l'auditabilité » de tels organismes posent la question de leur maintien : une gestion directe ne présente-t-elle pas plus d'avantages ?
Les conséquences d'une absence de certification sont variables selon les branches. Il appartient d'abord au Parlement et au Gouvernement d'en tirer les conséquences. Par exemple, le refus de certification des comptes de la branche famille, qui reposait sur des problématiques lourdes, notamment en termes d'identification des bénéficiaires, a permis de créer un fichier national sur cette question. Par ailleurs, le Gouvernement peut être amené à simplifier certaines procédures pour les sécuriser.
La procédure de certification, qui prend en compte les incertitudes, a une vertu pédagogique pour les organismes audités mais aussi pour les administrations centrales qui les contrôlent ; elle permet ainsi une amélioration globale du processus de gestion. D'ailleurs, dans les conventions d'objectifs et de moyens, elle émerge comme un enjeu important.
Au-delà, une absence de certification peut avoir des conséquences directes pour certaines branches, par exemple lorsqu'elles doivent faire appel aux marchés financiers pour se financer. L'Acoss a émis 140 milliards d'euros de billets de trésorerie en 2010, dont 50 milliards restaient à son bilan au 31 décembre 2010 ; elle a été amenée à émettre directement en son nom, car la Caisse des dépôts et consignations ne pouvait plus financer des sommes aussi importantes et la Cades n'avait pas encore repris cette dette. Dans ce contexte, la certification est un élément essentiel pour l'Acoss en termes de qualité de signature sur les marchés.
Au sujet de l'Acoss, elle ne constitue en effet pas une branche de la sécurité sociale mais le bras financier du régime général.
En ce qui concerne l'Isu, l'Acoss et le RSI sont fortement mobilisés pour corriger les difficultés rencontrées lors de sa mise en place ; ils ont notamment engagé des travaux sur une nouvelle version « Isu 2 » qui devrait apporter les améliorations attendues. La Cour en rendra compte dans la prochaine campagne de certification puisque les efforts portent sur l'année 2011, mais elle l'évoquera aussi dès cette année, car elle réalise un audit plus large du RSI dans le cadre de ses contrôles réguliers.
Dans le processus de certification, la Cour procède par sondages sur des échantillons statistiquement représentatifs, ce qui explique qu'elle ne peut pas mesurer nationalement les écarts. Il en est ainsi de la branche AT-MP, où la Cour a identifié les difficultés mais ne peut donner d'estimation globale. Pour autant, des entreprises ne sont pas assujetties à cotisation et des dysfonctionnements importants apparaissent sur le taux de la cotisation : par exemple, en cas de création d'entreprise, un taux provisoire est défini au démarrage mais il n'est pas revu comme cela est prévu au regard du niveau des accidents du travail constatés en son sein.
Au sujet de la délégation de gestion à certaines mutuelles pour le régime obligatoire, des progrès ont été accomplis, notamment par le développement d'une nouvelle norme, Noémie 303, mais elle doit encore être mise en place dans les petites structures. En outre, des indicateurs de contrôle interne doivent être mis en oeuvre.
L'un des éléments ayant conduit la Cour à ne pas certifier les comptes de la branche AT-MP réside dans l'absence de justification des dépenses de masseurs-kinésithérapeutes ; en effet, les ordonnances ne sont pas transmises aux caisses par souci de simplification. Cette question est en fait récurrente pour les soins de ville : le recueil des ordonnances et des pièces justificatives présente une lourdeur telle que les caisses ne sont de toute façon pas en état de les rapprocher des soins. La Cnam a précisé à la Cour qu'elle engageait des travaux dès 2012 pour numériser les ordonnances et qu'elle se fixait un objectif de dématérialisation complète pour la fin de la décennie. La Cour estime que cet objectif est un peu lointain.
Parce que l'absence de fourniture des ordonnances est explicitement prévue dans la convention de cette profession. En l'espèce, l'allègement des formalités empêche les contrôles.
La lecture d'une ordonnance fournit des indications sur la pathologie du patient, ce qui pose la question de la confidentialité des informations.
En ce qui concerne la question des effectifs des caisses, les gains de productivité sont considérables et leur baisse n'est pas contraire à l'objectif de fiabilité des comptes. Il faut à cet égard faciliter le redéploiement de personnels vers le contrôle interne, par exemple en renforçant le réseau des auditeurs internes.
La Cour se penche-t-elle également sur la gouvernance des branches ? Je mentionne que le conseil de surveillance de l'Acoss ne s'est toujours pas mis en place, ce qui est regrettable à tout point de vue.
La Cour prépare actuellement un rapport sur le contrôle organique de l'Acoss, qui est un établissement public, et ce rapport évoquera logiquement les questions de gouvernance.
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -