Mes chers collègues, nous allons examiner les amendements de séance sur la proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal, déposée par Mme Esther Benbassa.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
La commission s'étant prononcée la semaine dernière pour le rejet de l'ensemble du texte, je propose par cohérence d'émettre un avis défavorable sur les trois amendements de séance.
Les auteurs de l'amendement n° 1 sollicitent la remise au Parlement d'un rapport sur les démarches engagées en faveur du bien-être animal. Cette demande est pertinente en soi. Mais le Gouvernement peut très bien remettre un tel rapport indépendamment de la présente proposition de loi.
L'amendement n° 2 concerne les aides aux mesures de soutien et d'accompagnement psychologique des agriculteurs et acteurs de l'abattage. Là encore, il n'est pas nécessaire d'adopter cette proposition de loi pour que le Gouvernement s'exprime sur le sujet.
L'amendement n° 3 a pour objet l'accompagnement social et psychologique automatique des agriculteurs pris en charge par la Mutualité sociale agricole (MSA) en cas de confiscation du cheptel. La MSA a effectivement un rôle important à jouer en la matière. Elle pourrait le faire très rapidement dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens.
Il est toujours douloureux de s'entendre dire que ses amendements sont pertinents, mais qu'ils seront rejetés...
Le Gouvernement s'est engagé à agir en faveur du bien-être animal, mais, à mon sens, il n'a quasiment rien fait. Les professionnels ont un intérêt moral et économique à ce que l'on fasse connaître leurs efforts en la matière. Les consommateurs sont devenus très sensibles sur le sujet.
La question du bien-être animal dans les élevages ne peut pas être dissociée de celles du bien-être des éleveurs et du devenir de nos territoires, qui sont en grande difficulté. Ceux qui travaillent dans les abattoirs et qui passent leur vie professionnelle à donner la mort ont aussi besoin de notre soutien.
Je regrette ces avis défavorables.
Vous parlez de « cohérence » ? Si vous ne rejetiez pas en bloc ce texte, qui est très mesuré, nous pourrions avoir un vrai débat, dans l'intérêt des éleveurs.
Le modèle d'élevage est à bout de souffle. Nos concitoyens réclament moins de concentration et une viande de meilleure qualité. Nous ne voulons absolument pas supprimer l'élevage ; nous voulons un élevage axé sur la qualité et l'emploi agricole, avec, pour corollaire, le bien-être animal, qui est une absolue nécessité.
Quand je vois les élevages industriels de poulets, par exemple dans le Morbihan, je me dis que faire travailler ainsi les éleveurs n'est vraiment pas leur rendre service.
Dans cette discussion, on mélange tout. Certes, lorsque les auteurs de l'amendement n° 1 indiquent vouloir mieux prendre en compte à la fois le bien-être animal et le bien-être des éleveurs, c'est séduisant. Mais, à l'article 1er, il est indiqué que les animaux doivent être élevés en extérieur. C'est impossible. Comment pourrais-je élever en plein air les quinze taurillons de mon exploitation ?
Notre collègue Joël Labbé dénonce non pas le travail des agriculteurs, mais l'intégration qui mène à une concentration agricole. Mais regardons objectivement les choses. L'interdiction des élevages industriels de porcs ou de poulets nous conduirait à importer des produits en provenance d'élevages américains ou européens encore plus importants. Cela n'aurait aucun sens.
Cessons d'aborder ce débat de manière passionnée. Si, sur mes soixante-quinze vaches, j'en sors cinquante pour qu'elles aillent pâturer tandis que les vingt-cinq autres restent à l'intérieur du bâtiment, allez-vous m'accuser de ne pas me soucier du bien-être animal ?
Autrefois, les cochons étaient sous la montée de grange, et le trou dans la porte pour leur donner un peu de lumière était minuscule. Je ne dis pas que c'était satisfaisant. Mais faut-il pour autant les élever en extérieur aujourd'hui ? Si je vous montrais des photos de cochons couverts de boue sur un terrain totalement miné, vous ne voudriez certainement pas d'élevage en plein air.
Je trouve très regrettable que vous rejetiez en bloc cette proposition de loi alors que nous partageons un certain nombre de constats.
Le texte est effectivement minimaliste. Il n'était pas possible de tout y faire figurer. Mais l'important est de savoir où nous en sommes. Nous constatons tous la souffrance des agriculteurs. Nous avons essayé de combiner le bien-être des animaux et celui des agriculteurs. Nous savons que les deux ne sont pas indissociables ; ils sont même liés.
Les trois amendements me semblent aller dans le bon sens. Le texte n'est ni stigmatisant ni passionnel ; il est le plus équilibré possible.
Nous touchons aux limites de l'exercice consistant à réserver des niches à l'examen de propositions de loi des groupes d'opposition ou minoritaires.
Le débat sur le bien-être animal traverse la société, toutes tendances politiques confondues. Le texte est mesuré. Il prend en compte toutes les dimensions du problème : bien-être animal, transition agricole, accompagnement des agriculteurs et des éleveurs, etc. Il ne s'agit pas d'écologie punitive. Les trois amendements vont dans le bon sens. Compte tenu des manoeuvres actuelles du Gouvernement, je pense que cela aurait de la force d'adopter l'amendement tendant à lui demander un rapport.
Si je peux comprendre que la proposition de loi de mon groupe sur la précarité énergétique ne soit pas soutenue par la majorité sénatoriale - ce serait un tsunami politique -, le fait qu'un texte comme celui-ci ne puisse ne pas être voté me pose question.
Je rejoins les propos de Franck Montaugé sur la nécessite de soutenir celles et ceux qui travaillent dans les abattoirs ; c'est un métier extrêmement difficile. Ils ont besoin d'une aide psychologique.
Il serait effectivement souhaitable de faire connaître l'action des éleveurs en faveur de l'amélioration du bien-être animal. Tous ceux que nous avons auditionnés ont souligné leur engagement dans une démarche qualité. L'immense majorité des éleveurs s'inscrit dans cette perspective, et les autres, qui sont une infime minorité, sont soumis à des contrôles.
Encore une fois, nous partageons sur le fond les objectifs des auteurs des amendements. C'est un simple souci de cohérence qui nous conduit à nous prononcer contre des amendements portant sur un texte dont nous avons demandé le rejet, dont nous ne débattons pas aujourd'hui car aucun amendement n'a été déposé à ce sujet. Mais c'est une bonne chose d'interpeller le Gouvernement et de lui demander un rapport. J'espère qu'il nous apportera une réponse favorable.
Si le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 1, y serez-vous alors également favorable ?
Cela n'aurait aucun sens, puisque nous demandons le rejet de la proposition de loi. Mais le Gouvernement peut très bien remettre un rapport indépendamment de ce texte. De même, il peut prendre contact avec la MSA pour assurer la prise en charge des agriculteurs qui se trouvent dans une situation dramatique.
Si le Gouvernement prend l'engagement de présenter un tel rapport, je propose d'en confier le suivi aux auteurs du texte.
Ne serait-il pas pertinent d'un point de vue tactique, pour avoir plus de force auprès du Gouvernement, d'émettre a minima un avis de sagesse ?
Article additionnel avant l'article 1er
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Article additionnel avant l'article 4
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rect. bis.
Article 4
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :
Il nous revient de nous saisir pour avis du projet loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dont l'examen a été envoyé au fond à la commission des lois. Les articles du texte qui concernent notre commission portent principalement sur le logement et l'urbanisme. Le titre III relève quasi exclusivement de la compétence de la commission des affaires économiques.
La commission désigne Mme Dominique Estrosi Sassone rapporteur pour avis sur le projet de loi (n° 588, 2020-2021) relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
La réunion est close à 10 h 15.