La commission a procédé à l'audition de M. Peter van Walsum, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental.
s'exprimant au nom du président Josselin de Rohan et en sa qualité de présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc, a remercié M. Peter van Walsum d'avoir accepté de venir s'exprimer devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, élargie aux membres des groupes interparlementaires d'amitié France-Maroc et France-Algérie. Elle a rappelé que M. Peter van Walsum avait succédé, en 2005, à M. James Baker comme envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. Elle a évoqué les espoirs suscités par l'ouverture d'un cycle de négociations en juin 2007 à Manhasset, aux Etats-Unis, après que le Maroc eut présenté, au mois d'avril précédent, un plan prévoyant une large autonomie du Sahara occidental et, en cas d'accord entre les parties, un référendum auprès des populations. Elle a toutefois constaté que les deux parties étaient restées sur leurs positions, le Conseil de sécurité des Nations unies ayant appelé à une reprise des discussions dans le cadre de sa résolution 1813 du 30 avril dernier.
a tout d'abord rappelé que, sur un plan juridique, la Cour internationale de justice (CIJ) avait estimé, en octobre 1975, quelques semaines avant la « marche verte », que les liens d'allégeance attestés entre certaines tribus du Sahara occidental et le sultan du Maroc n'étaient pas de nature à remettre en cause le principe du droit des peuples à l'autodétermination, reconnu par la résolution 1514 de l'Assemblée générale des Nations unies. La CIJ avait ainsi considéré que la question du Sahara occidental relevait du cadre général de la décolonisation, ce qui légitimait la position du Front Polisario et devait logiquement déboucher sur l'organisation d'un référendum ouvrant l'option de l'indépendance. En 1991, la Mission des Nations unies pour l'Organisation d'un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) fut mise en place après l'obtention d'un cessez-le-feu. Toutefois, pendant dix ans, l'absence d'accord sur la détermination du corps électoral a fait obstacle à l'organisation d'un tel référendum. En 2002, prenant acte de cette impasse, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1429, dans laquelle il s'est déclaré disposé à envisager toute approche susceptible de permettre au peuple du Sahara occidental de se déterminer librement. Deux ans plus tard, en 2004, le Maroc excluait formellement la solution du référendum.
a également rappelé que, face à un conflit, le Conseil de sécurité avait le choix de placer son action sous le chapitre 6, relatif au règlement pacifique des différends, ou sous le chapitre 7, « action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression ». Le Conseil de sécurité privilégiait toujours le règlement pacifique des différends, ce qui, dans le cas du Sahara occidental, supposait de trouver une solution consensuelle.
a indiqué que, dans son rapport oral du 18 janvier 2006 devant le Conseil de sécurité, il avait estimé, au-delà des arguments juridiques, qu'il était indispensable de tenir compte des réalités politiques, aucune évolution n'étant intervenue trente ans après l'avis de la CIJ favorable à la thèse du Front Polisario. Aussi avait-il jugé que, seules, deux options restaient ouvertes : soit le maintien illimité de l'impasse, soit une négociation directe en vue d'un accord acceptable par les deux parties.
a estimé que la Charte des Nations unies confiait des responsabilités particulières au Conseil de sécurité et que son rôle ne pouvait se réduire à suivre les avis de la CIJ ou de l'Assemblée générale. Aussi ne pouvait-il pas y avoir de contradiction entre la position du Conseil de sécurité et le droit international, les décisions du Conseil de sécurité étant en elles-mêmes une composante du droit international.
Il a reconnu qu'il n'était sans doute pas satisfaisant d'écarter la solution du référendum d'autodétermination, dont les fondements juridiques avaient été reconnus par la CIJ, mais que la prolongation de la situation actuelle ne l'était pas davantage. Il a d'autre part indiqué que le Maroc avait précisé que son plan constituait une proposition de départ pouvant être amendée dans le cadre des discussions entre les deux parties. Cependant, le Front Polisario ne s'était pas montré disposé à négocier.
A la suite de cet exposé, M. Claude Domeizel, président du groupe interparlementaire d'amitié France-Algérie, a interrogé M. Peter van Walsum sur le déroulement des négociations de Manhasset.
a rappelé qu'à la suite de son rapport au Conseil de sécurité de janvier 2006, le Front Polisario avait écarté, dans un premier temps, toute recherche de solution négociée et semblait se satisfaire de la prolongation de l'impasse actuelle, escomptant un éventuel changement de la donne politique après l'élection présidentielle française du printemps 2007. La perspective d'une nouvelle administration américaine, l'an prochain, jouait également dans le sens de la temporisation. Toutefois, le Front Polisario et l'Algérie ne pouvaient totalement ignorer les propositions nouvelles formulées par le Maroc en avril 2007. Le Front Polisario a effectué une contre-proposition de dernière minute, consistant en un référendum incluant l'option de l'indépendance, et les négociations ont pu démarrer sur la base de deux propositions qui ont été enregistrées par le Secrétaire général et le Conseil de sécurité des Nations unies.
a souligné que la reprise des négociations, après une interruption de sept ans, avait suscité de nombreux espoirs, mais qu'au fil des sessions, les positions respectives des deux parties étaient apparues exclusives l'une de l'autre : le référendum incluant l'option de l'indépendance était une condition essentielle pour le Front Polisario, mais inconcevable pour le Maroc. Les négociations butaient sur cette contradiction, ce qui l'avait amené à conclure que la solution d'un Sahara occidental indépendant n'était pas réaliste et ne pouvait être présentée comme une option en discussion.
a souhaité savoir si les questions liées à la sécurité dans les zones frontalières du sud du Sahara interféraient avec le dossier du Sahara occidental.
a répondu que le Front Polisario était peu concerné par ces questions de sécurité auxquelles le Maroc et l'Algérie sont plus sensibles, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. D'une manière générale, on peut penser que le règlement du conflit du Sahara occidental serait bénéfique pour l'ensemble du Maghreb et pour ses relations avec l'Europe. Toutefois, il n'y a pas de rapport direct entre la situation à laquelle est confrontée l'Algérie, à sa frontière sud, et la question du Sahara occidental.
a rappelé les liens anciens entre le Sahara occidental et le Maroc ainsi que le contraste entre la situation de la région à la fin de la présence espagnole et celle présentée aujourd'hui. Elle a indiqué que le Maroc avait fortement investi au Sahara occidental ces dernières années, ce qui le rendait d'autant moins disposé à envisager une perspective d'indépendance.
s'est interrogé sur les résultats de la politique menée par le Maroc en direction des populations du Sahara occidental.
a estimé que l'absence de règlement du conflit du Sahara occidental, plus de trente ans après son déclenchement, montrait les limites du droit international et de l'action des Nations unies. Il a regretté qu'une telle situation entrave la coopération régionale au Maghreb et s'est demandé si la persistance du contentieux ne permettait pas aux gouvernements concernés de mobiliser leur opinion publique et de la détourner des difficultés intérieures.
En réponse à ces interventions, M. Peter van Walsum a observé que l'opinion publique marocaine considérait unanimement que le Sahara occidental faisait partie, historiquement, du Maroc, la frontière ayant été artificiellement créée par la France et l'Espagne lors de la colonisation. La CIJ a certes fait prévaloir la doctrine constante de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) selon laquelle la décolonisation ne devait pas entraîner de remise en cause des frontières, mais le Conseil de sécurité des Nations unies est aussi tenu de prendre en compte, entre autres considérations, la réalité politique qui prévaut au Maroc.
s'est demandé dans quelle mesure les groupes d'amitié France-Algérie et France-Maroc du Sénat pouvaient contribuer à un rapprochement des points de vue entre les deux parties.
a interrogé M. Peter van Walsum sur l'état d'esprit des populations sahraouies réfugiées à Tindouf. Il s'est demandé si elles étaient prêtes à envisager une solution de compromis. Il a également souhaité savoir si la question de la définition du corps électoral appelé à participer à un éventuel référendum avait connu de nouveaux développements ces dernières années.
a considéré que le Maroc ne pouvait pas accepter l'indépendance du Sahara occidental et que le statut d'autonomie qu'il proposait constituait un important pas en avant. Il s'est demandé si l'Algérie ne cherchait pas, à travers son soutien au Front Polisario, à obtenir un accès à la façade atlantique.
a indiqué qu'au cours de ses visites dans les camps de réfugiés sahraouis, ses interlocuteurs avaient toujours relayé la position officielle du Front Polisario, même si l'on ne pouvait exclure l'existence de partisans d'une solution négociée. Il a également suggéré que les réticences du Maroc vis-à-vis de l'organisation d'un référendum pouvaient être liées au sentiment qu'une telle consultation verrait se dégager une majorité en faveur de l'indépendance. Par ailleurs, ayant rappelé que le différend sur la composition du corps électoral était à l'origine de l'échec du plan de règlement de 1988, il a souligné qu'aucune avancée n'était intervenue depuis 2002. Enfin, s'agissant des groupes d'amitié, il a estimé que toute initiative en direction des deux parties pouvait s'avérer utile, mais il a rappelé le caractère inconciliable de leurs positions, le différend se concentrant sur le recours à un référendum incluant l'option de l'indépendance, auquel le Front Polisario ne veut pas renoncer et qui reste inacceptable pour le Maroc.