Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 23 mars 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • FDPTP
  • actifs
  • conservatoire

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission entend tout d'abord une communication de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon.

Ce rapport arrive assez tard car nous avons rendu visite aux conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse (CNSMD) en 2010 et nous en avons déjà parlé lors de la discussion budgétaire. Le nombre de nos observations est assez réduit : il s'agit de deux belles institutions qui remplissent bien leur rôle et nous n'avons noté aucun dysfonctionnement grave qui nécessiterait la publication d'un rapport d'information.

Ces deux conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse constituent le sommet de la pyramide de l'enseignement musical et chorégraphique en France. A Paris, il y a 1 200 étudiants pour un budget annuel de 30 millions d'euros. A Lyon, 600 étudiants et un budget de 14 millions. La dépense par étudiant avoisine 23 000 euros par an dans les deux établissements. On entre dans les conservatoires après avoir passé un concours difficile car ces établissements ont vocation à former des professionnels d'élite qui sont amenés à évoluer dans les meilleures formations de France et du monde.

Nos déplacements nous ont permis de prendre la mesure du très haut niveau des formations dispensées par les CNSMD, qui les classe parmi les meilleurs établissements au niveau international. Ceci est dû aux grandes qualités du corps enseignant et des personnels administratifs et techniques. Je garde un souvenir très vif de notre visite au conservatoire de Lyon où nous avons organisé une sorte de table ronde avec les membres du corps enseignant. Nous nous sommes trouvés devant des gens passionnés, notamment une ancienne chanteuse lyrique, qui se consacrait à son métier d'enseignante avec un dévouement et une passion communicatifs. De telles rencontres sont rares et précieuses.

Pourquoi deux établissements ? Ils sont bien différents. Le conservatoire de Paris fut créé en 1793, il est le dépositaire d'une tradition séculaire et jouit de son positionnement géographique central. Celui de Lyon date de 1980 : il est l'héritier de la politique de décentralisation culturelle et du plan de Marcel Landowski. Il a joué la carte de l'innovation pédagogique et de son positionnement transfrontalier.

Si ces différences peuvent être vues comme autant d'atouts, plusieurs interlocuteurs auditionnés par mes soins ont souligné que les conservatoires s'étaient longtemps ignorés, voire concurrencés. Si des échanges commencent à se nouer, je considère que la tutelle pourrait susciter une réflexion plus approfondie sur les coordinations à opérer, sur les spécialisations à définir pour certaines disciplines à public très restreint, ou sur les économies d'échelle à trouver entre deux établissements dont les prestations et les besoins sont, somme toute, très similaires. Cette réflexion me paraît d'autant plus importante que la raréfaction des moyens publics dévolus aux opérateurs ne me semble pas durablement compatible avec la stratégie de « croissance » longtemps poursuivie par le CNSMD de Lyon pour asseoir sa légitimité face à son homologue parisien.

La question de l'articulation entre les CNSMD se double de celle de leur place au sommet de la hiérarchie de l'enseignement artistique. Sur cet aspect, il convient d'associer très étroitement ces établissements aux travaux en cours sur l'émergence de pôles d'enseignement culturel, notamment sur la question de leur éventuelle spécialisation sur les grades de master et de doctorat. Cette hypothèse, qui se défend du point de vue de la rationalisation de la carte des enseignements, ne laisse manifestement pas indifférents plusieurs responsables pédagogiques que j'ai rencontrés, qui redoutent une baisse du niveau des impétrants.

La situation financière des établissements est tendue mais tenable, et il convient de saluer l'effort accompli pour réussir la transition vers le nouveau cursus licence - master - doctorat (LMD) à moyens et effectifs constants. On note que Paris dégage une capacité d'autofinancement supérieure à celle de Lyon : 2 millions en 2009 contre 322 000 euros pour Lyon, qui lui permet de couvrir lui-même la majeure partie de ses investissements.

Comme les autres opérateurs de l'État, les conservatoires subissent aujourd'hui une mise sous tension de leur budget, après une croissance des dépenses de 7 % entre 2006 et 2010. Elle doit être vécue comme une incitation, pour ces établissements, à développer leurs ressources propres, dans les limites que leur assigne leur vocation pédagogique. Ainsi, s'il y a probablement peu à attendre du développement de recettes de billetterie ou d'une éventuelle production éditoriale, qui ne ressortissent pas au coeur de métier des conservatoires, je suggère que leur soit laissée une plus grande liberté tarifaire et que soit encouragée la recherche de mécénats. Il apparaît que les frais de scolarité y sont sensiblement moins élevés que chez leurs homologues étrangers, ce qui devrait inciter à mener une réflexion sur leur modulation, par exemple en fonction des ressources des familles. Par ailleurs, la mobilisation des ressources propres pourrait faire l'objet d'objectifs et d'indicateurs de performance spécifiques.

S'agissant des charges, je recommande que la tutelle soit extrêmement vigilante aux conséquences, pour les CNSMD, de l'adoption d'une nouvelle grille de rémunération des personnels contractuels du ministère. Les responsables de ces deux institutions nous ont fait savoir qu'ils craignaient qu'une extension de cette grille aux agents contractuels des opérateurs n'alourdisse leurs charges, dans des proportions incompatibles avec les efforts de maîtrise budgétaire qui leur sont demandés.

La gestion des personnels pourrait être améliorée, notamment à Paris, dont le management est obéré par la coexistence d'agents dépendants du conservatoire et de 106 agents directement rémunérés sur le titre 2 du ministère, soit une masse salariale de 5 millions d'euros. Nous avions déjà rencontré cette situation dans le cas du Centre des monuments nationaux : il n'est pas bon d'avoir au sein d'un même établissement des agents qui dépendent de plusieurs employeurs. Une délégation des actes de gestion de ces personnels assortie d'un transfert de la masse salariale correspondante devraient donc être mis à l'étude, afin de lever les obstacles actuels.

S'agissant des moyens matériels mis à la disposition des établissements, les conservatoires se sentent, globalement, à l'étroit dans leurs locaux. Ce constat est d'autant plus regrettable à Paris que le bâtiment qui accueille l'établissement comprend de nombreuses malfaçons et occupe une emprise totale considérable, mais dont le potentiel d'utilisation se trouve singulièrement réduit par la taille des espaces de circulation progressivement transformés en stockages de fortune, notamment pour les instruments de musique. Lyon connaît les mêmes problèmes de place, doublés d'une obsolescence inquiétante de son parc instrumental récemment relevée par l'Inspection générale des affaires culturelles. Sous réserve que la gestion et l'entretien de ce parc soient significativement améliorés, une subvention exceptionnelle apparaît nécessaire afin de remettre les matériels à niveau, à gager par la réduction d'autres crédits de la mission « Culture ».

J'appelle enfin votre attention sur l'évaluation de la performance au sein des CNSMD et sur leur inscription dans la documentation budgétaire. Les réponses au questionnaire qui m'ont été adressées montrent que le suivi de la performance, grâce à un rapport annuel d'activité rapportant régulièrement les résultats aux objectifs et aux indicateurs, n'est correctement assuré qu'au conservatoire de Paris. Lyon semble en effet éprouver des difficultés à produire une pareille documentation et doit donc s'en donner les moyens à brève échéance.

De plus, la vocation première de ces établissements étant la formation d'artistes de haut niveau, l'indicateur pertinent de leur activité réside dans l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. Si cette insertion fait l'objet d'un suivi, celui-ci demeure relativement rudimentaire et les conservatoires doivent s'employer à le perfectionner, le cas échéant avec l'aide des services du ministère. L'indicateur relatif au coût par étudiant comparé aux autres établissements de même niveau dans le monde doit être amélioré, car nous ne disposons encore que de données très lacunaires. Plus formellement, je constate que le rattachement des CNSMD au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » répond à une logique plus thématique que fonctionnelle, l'ensemble des responsables rencontrés reconnaissant volontiers avoir davantage de contacts avec le directeur général de la création artistique, responsable du programme 131 « Création », qu'avec le secrétariat général du ministère.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler et que, sous réserve de votre accord, je me propose de notifier au ministre de la culture et aux directeurs des deux conservatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie M. Gaillard pour cette communication qui rend compte du travail de contrôle qu'il a diligenté auprès des conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon. La passion et le talent semblent au coeur de ces conservatoires. Ceci n'exclut pas quelques ajustements en matière de gestion et de recherche de ressources propres. Il conviendrait également de mettre un terme à ces mises à disposition par le ministère, afin de respecter la lettre et l'esprit de la Lolf. Enfin, il faudra s'attacher à des indicateurs de performance pour vérifier que tous ces jeunes talents entrent dans la vie professionnelle dans des conditions satisfaisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous avez dit que le coût des élèves était de 23 000 euros. Cette estimation tient-elle compte des 5 millions versés par le ministère de la culture aux personnels détachés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Les ordres de grandeur sont relativement comparables, que l'on se fonde sur l'ensemble des dépenses ou sur le seul effort de l'Etat, c'est-à-dire la subvention de fonctionnement et le titre 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La notion d'autofinancement de ces établissements a-t-elle un sens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

C'est une notion traditionnellement utilisée pour les établissements publics administratifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il s'agit de deux établissements publics et ils sont tenus à une comptabilité patrimoniale et à des comptes de résultat. Les étudiants qui sortent des deux conservatoires ont-ils une carrière qui leur permette d'en vivre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

A l'heure actuelle, le ministère de la culture met en place avec des conservatoires à rayonnement régional des diplômes d'enseignement supérieur. J'ai moi-même signé un accord entre le conservatoire de Boulogne et un conservatoire de Paris pour créer une sorte de master musical. Les deux conservatoires supérieurs sont-ils associés à cette évolution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il s'agit donc bien de masters spécifiques réservés à quelques conservatoires à rayonnement régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Les observations de notre rapporteur spécial pourraient être utilement transmises à M. le ministre de la culture pour l'aider à parfaire sa politique en matière musicale et chorégraphique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je ne crois pas du tout au mécénat pour ces deux conservatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Si vous n'accroissez pas trop la fiscalité sur les entreprises, le mécénat ne peut être exclu !

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Charles Guené, rapporteur, sur la proposition de loi n° 305 (2010-2011) de Mme Marie-France Beaufils et des membres du groupe CRC-SPG, tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l'action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La proposition de loi tendant à assurer la juste participation des entreprises au financement de l'action publique locale et à renforcer la péréquation des ressources fiscales, qui sera discutée en séance publique le 30 mars, émane du groupe CRC-SPG. Ses auteurs ont voulu mettre l'accent sur les difficultés résultant pour les collectivités territoriales de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale (CET). Ils pointent le risque pour les collectivités d'avoir à accroître la charge fiscale pesant sur leurs contribuables ou à réduire leurs dépenses. En outre, ils estiment qu'aucune réponse n'a été apportée par le législateur sur la nécessaire péréquation des ressources des collectivités.

La solution préconisée par ce texte ne me paraît pas opportune : il n'est pas souhaitable d'accroître la charge fiscale pesant sur les entreprises françaises et les dispositions relatives à la péréquation ne sont pas satisfaisantes.

Je souhaiterais tout d'abord dire quelques mots sur les principes et les modalités de la nouvelle taxation envisagée par nos collègues. Il s'agit d'une taxation additionnelle à la CET, qui reposerait sur les actifs financiers des entreprises.

D'après les auteurs, et je n'ai pas été en mesure de confirmer ou d'infirmer leur chiffrage, la base imposable résultant de la proposition s'élèverait à 6 000 milliards d'euros. Ainsi, au taux de 0,3 %, le dispositif permettrait de lever près de 18 milliards d'euros. Voilà une somme dont il faut bien mesurer le montant proprement exorbitant ! C'est à peu près une augmentation d'un point du taux de prélèvements obligatoires, c'est aussi plus d'un tiers de la recette de l'impôt sur les sociétés. Nos collègues nous suggèrent donc de procéder à un alourdissement très substantiel de la fiscalité des entreprises. En 2009, avec la réforme de la taxe professionnelle (TP), nous avons allégé leur charge fiscale d'environ 5 milliards d'euros. Ce texte annulerait purement et simplement les effets bénéfiques de cette réforme. Plus encore, en période de reprise économique, elle ne manquerait pas d'envoyer un signal particulièrement négatif au secteur productif avec toutes les conséquences sur l'emploi que nous pouvons imaginer.

Mais, si le seul problème résidait dans le montant du produit collecté, il suffirait d'ajuster le taux de la taxation. Je veux donc m'attarder plus longuement sur son assiette. Celle-ci n'est pas exempte de motifs que je pourrais qualifier d'idéologiques, avec lesquels je suis bien évidemment en désaccord.

Selon l'exposé des motifs, « la sur-accumulation de capital financier, y compris à visée spéculative, fondée sur une préemption constante et permanente des richesses créées par l'activité réelle, n'est toujours pas découragée ni prise en compte dans l'assiette fiscale de la CET [ ... ]. Il nous a semblé nécessaire de procéder à un ajustement sensible de la base de CET en y ajoutant, en tant que base imposable, les actifs financiers figurant au bilan des entreprises assujetties. [ ... ] La prise en compte des actifs financiers peut contribuer à modifier les choix de gestion des entreprises en faveur de l'emploi et de l'investissement productif».

Ce texte a donc pour objet de lutter contre la spéculation et tend, pour ce faire, à modifier les choix de gestion de l'entreprise, au mépris du principe de la liberté d'entreprendre. Les auteurs font un raccourci un peu rapide entre « actifs financiers » et « spéculation » ou, à tout le moins, « activités improductives ». Or, et même si certains de ses acteurs l'ont oublié ces dernières années, la sphère financière est bien au service de l'économie réelle. Les actifs financiers détenus par une entreprise sont le plus souvent la contrepartie d'une opération réelle. Par exemple, les immobilisations financières, c'est-à-dire les actifs de long terme, tels que les titres de participation, correspondent à des choix stratégiques de l'entreprise et non à des opérations spéculatives. De même, le plus souvent, les actifs financiers de court terme ne sont que des modalités de gestion d'un excédent de trésorerie. Au demeurant, je doute que l'assiette d'imposition définie à l'article 1er permette d'atteindre l'objectif que se fixe la proposition de loi. En particulier, plusieurs imprécisions rédactionnelles, que je détaille dans le rapport écrit, pourraient permettre aux entreprises d'échapper à la taxation.

L'article 2 fixe le taux de la taxation à 0,3 % pour la première année. Ensuite, ce taux évolue chaque année et pour chaque entreprise assujettie, « à proportion d'un coefficient issu du rapport entre actifs financiers et valeur ajoutée ». Il semble que, pour les auteurs, le ratio actifs financiers / valeur ajoutée correspond à un indicateur de l'intensité spéculative de l'entreprise, ce qui est très contestable pour les raisons que j'évoquais précédemment. Par exemple, le ratio serait très élevé pour les entreprises du secteur financier puisque, par définition, leur bilan est majoritairement constitué d'actifs financiers. Elles verraient donc leur imposition augmenter de manière exponentielle année après année. En tout état de cause, un tel système ne manquerait pas de créer une lourdeur administrative supplémentaire, tout aussi injuste qu'inutile.

Je précise enfin, pour en terminer sur les modalités de l'imposition, que l'article 4 prévoit qu'elle n'est pas considérée comme une charge déductible au titre de l'impôt sur les bénéfices. Il s'agit d'une dérogation au droit commun de la fiscalité des entreprises qui ne trouve, en l'espèce, aucune justification particulière.

J'en viens maintenant aux dispositions du texte relatives à la péréquation. L'article 3 prévoit que le produit résultant de l'imposition mise en place par ses articles 1er et 2 sera versé à un fonds national de péréquation, dont les ressources seraient réparties au profit de l'ensemble des collectivités territoriales françaises.

Cette répartition se ferait en deux temps : un abondement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), puis une répartition du surplus entre les régions, les départements, les EPCI et les communes. Le dispositif proposé souffre de plusieurs insuffisances : tout d'abord, l'abondement des FDPTP prévu par le texte, s'il était opérationnel, serait redondant. En effet, l'article 1648 A du code général des impôts dispose déjà que les FDPTP perçoivent en 2011 une dotation de l'État dont le montant est égal à la somme des versements effectués par eux au titre de 2009 au profit des communes, des EPCI et des agglomérations nouvelles dits « défavorisés ». Cette disposition s'articule avec l'article 125 de la loi de finances pour 2011, qui a prévu qu'à compter de l'année 2012, les FDPTP perçoivent chaque année une dotation de l'État dont le montant est égal à celui qui leur a été versé en 2011. Il résulte de ces deux dispositions que les FDPTP sont déjà garantis, à partir de l'année 2011, à hauteur des versements qu'ils ont effectués au profit des communes dites « défavorisées » au titre de l'année 2009.

En outre, puisque le dispositif proposé ne supprime pas les dispositions que j'ai évoquées de l'article 125 de la loi de finances pour 2011, il conduirait à verser deux fois les sommes visées aux FDPTP.

Par ailleurs, le dispositif proposé pour les fonds départementaux est inopérant. D'une part, il ne traite que de l'année 2012 et rend donc incertaine l'alimentation des FDPTP à compter de 2013. D'autre part, en se substituant à la rédaction actuelle de l'article 1648 A du code général des impôts, il supprime la dotation de l'État qui doit, en 2011, alimenter les FDPTP. Or le dispositif de l'article fait référence, pour calculer les montants reversés en 2012, à ceux de l'année 2011, qui auraient donc été nuls. Enfin, en prévoyant que les bénéficiaires des reversements des FDPTP en 2011 percevront les mêmes montants en 2012, il prive de toute marge de manoeuvre les conseils généraux qui ont la charge de cette répartition.

L'article 3 dispose qu'après abondement des FDPTP, « le surplus des ressources du fonds est alloué aux régions pour 20 %, aux départements pour 30 %, aux communes et aux EPCI pour le solde, à chaque échelon, en fonction d'un indice synthétique représentatif de leurs ressources et de leurs charges dont les caractères sont définis par décret ». Ces modalités de répartition appellent également de nombreuses réserves. En effet, si l'on se réfère aux évaluations de ses auteurs, les 17,55 milliards d'euros restant à répartir après abondement des FDPTP viendraient augmenter les recettes des collectivités territoriales à hauteur de 3,5 milliards pour les régions, 5,3 milliards pour les départements et 8,8 milliards pour les communes et les EPCI. Si l'on compare ces montants aux recettes actuelles de chaque catégorie de collectivités territoriales, ces ressources supplémentaires viendraient accroître, en 2012, de 12,6 % les recettes totales des régions, de 7,9 % celles des départements et de 7,4 % celles des communes et des EPCI à fiscalité propre. Je ne peux souscrire à cette proposition, qui majorerait d'une manière inconsidérée les ressources des collectivités territoriales, sans rapport avec leurs besoins de financement.

Enfin, cette proposition de loi se contente de se référer à une disposition réglementaire pour déterminer les modalités de répartition, au sein de chaque catégorie de collectivités territoriales, des ressources du fonds national de péréquation.

Notre commission des finances a créé un groupe de travail qui s'attache notamment à définir les critères de ressources et de charges les plus pertinents pour mettre en place des outils de péréquation efficaces. Il convient de mener à bien cette réflexion, en évitant de renvoyer au pouvoir réglementaire la définition des critères d'une juste péréquation. D'ailleurs, contrairement à ce qu'avance l'exposé des motifs de cette proposition de loi, plusieurs dispositifs législatifs ont déjà été votés : un fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements, opérationnel dès cette année, deux fonds nationaux de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des régions et des départements et un fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, qui seront opérationnels en 2012 et sur lesquels nous travaillons en ce moment même.

Il n'est donc pas exact d'affirmer qu'aucune réponse n'est apportée en matière de péréquation des ressources des collectivités territoriales et la commission des finances veillera, grâce à son groupe de travail et lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, à ce que les outils de péréquation prévus par la loi soient justes et efficaces.

Enfin, les propositions de loi contenant des dispositions fiscales ne seront bientôt plus constitutionnellement recevables. En effet, le Gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques qui prévoit le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de fiscalité. Il s'agit d'une doctrine que notre commission a d'ores et déjà faite sienne depuis les conclusions de la seconde conférence sur les déficits, qui s'est tenue voici un peu moins d'un an.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à cette proposition de loi. Je propose à la commission de ne pas élaborer de texte afin de pouvoir discuter en séance publique sur la rédaction de nos collègues puis de rejeter les articles les uns après les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie Charles Guené d'avoir rappelé les principes fondamentaux et d'avoir donné à la commission des arguments solides pour résister à la tentation de voter cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Notre rapporteur a tout dit lorsqu'il a rappelé qu'il ne partageait pas nos orientations idéologiques.

Nous devons avoir une analyse critique sur le CET : on nous disait que la taxe professionnelle était injuste et qu'il fallait la supprimer. J'aimerais bien que l'on nous démontre en quoi la CET est plus juste ! Les secteurs qui emploient le plus de salariés continuent à être plus taxés que le secteur financier. C'est pourquoi nous avons déposé cette proposition de loi. Le rapporteur nous dit que le montant collecté serait important : si c'est le cas, c'est que la base l'est aussi. D'ailleurs, votre majorité prône des bases larges et des taux légers pour les impôts. C'est ce que nous proposons avec ce texte.

Vous critiquez les dispositifs prévus dans cette proposition de loi : nous ne sommes pas du tout opposés à leur amélioration et nous accepterions volontiers des amendements de la commission.

J'en viens aux FDPTP : vous avez décidé en loi de finances de figer leurs ressources en les alimentant par des dotations budgétaires dont la pérennité n'est pas garantie. Avec notre proposition de loi, les FDPTP disposeraient directement d'une ressource fiscale, ne provenant pas du budget de l'État.

Nous reviendrons sur toutes ces questions en séance. Si nous n'avons pas fait de propositions concrètes en ce qui concerne les critères applicables à la péréquation, c'est que notre réflexion n'est pas encore aboutie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ne voulez-vous pas prendre un peu plus de temps pour parfaire votre texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Il faut que le débat ait lieu. En ce qui concerne les critères de péréquation, nous y travaillerons avec la commission, puisqu'elle étudie cette question en ce moment même.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous avons un différend d'ordre idéologique mais nous avons également examiné les dispositions techniques qui nous étaient soumises.

Vous estimez que le secteur financier est peu touché par la CET. Pour l'instant, on ne peut l'affirmer, car si nous disposons de simulations concordantes pour le secteur industriel, il n'en va pas de même pour les autres secteurs. Nous aurons des données beaucoup plus précises à la fin de ce semestre et surtout à la fin de l'année. Vos affirmations ne sont donc pas vérifiées et elles sont sans doute inexactes.

Nous sommes certes des adeptes des impôts aux assiettes larges et aux taux réduits. Mais avouez que 18 milliards, ce n'est quand même pas rien, d'autant que cette taxe toucherait un nombre réduit d'entreprises. Elle aurait donc un impact non négligeable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous écouterons avec attention vos remarques sur les critères de péréquation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Nous ne pouvons accepter ce texte tel quel. Mais il n'est pas injustifié de rechercher des recettes du côté des produits financiers. La proposition qui nous est faite est mal ciblée et nous l'aurions acceptée plus volontiers si elle s'en était tenue au secteur spéculatif. Le rapporteur a fait valoir que la sphère financière était au service de l'économie réelle. C'est pourtant parfois le contraire que nous constatons !

Sur la péréquation, le moment n'est pas encore venu de travailler à des amendements dès lors que se penchent sur le sujet divers groupes de travail au Comité des finances locales, au Sénat ou à l'Assemblée nationale. Il est donc urgent d'attendre. Mais il ne serait pas inopportun de faire contribuer banques et assurances à nos actions d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Taxer les produits financiers, peut-être. Mais plutôt pour abonder le budget de l'Etat que celui des collectivités...

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Pour répondre à Pierre Jarlier, j'ai seulement voulu dire que le secteur financier était partie prenante dans l'activité économique. Même si, il est vrai, il a dérapé, ce n'est pas une raison pour estimer qu'il ne sert à rien. Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Quant à la réflexion sur les critères des clés de répartition, on peut l'amorcer.

Il faut trouver d'autres recettes pour les collectivités, c'est certain. Mais nous nous sommes plutôt orientés sur les flux que sur les stocks. Attention aux délocalisations ! Un prélèvement sur les flux n'est pas aussi lourd qu'un prélèvement sur les stocks.

Sur un point je serais presque d'accord avec Marie-France Beaufils : la première version de la réforme de la CET, qui évitait la territorialisation, était intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous remercions Marie-France Beaufils pour le débat qu'elle suscite. Mais elle conviendra que la commission des finances a devancé ses attentes en instituant un groupe de travail sur la péréquation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Mais avec quoi fera-t-on cette péréquation ? Avec des sommes bien trop modestes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous devrons bien sûr traiter en même temps des dotations de l'État aux collectivités territoriales. Les injustices sont criantes et, actuellement, l'État s'endette pour perpétuer des injustices. A vouloir ne jouer que sur les flux, on perpétue les injustices.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Vous voilà maintenant partisan de ne pas considérer seulement les flux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le produit des droits de mutation à titre onéreux sont utiles mais ils ont leurs limites et ils contribuent à renchérir les prix de l'immobilier. Tout cela fait partie de nos actuelles préoccupations.

Je vais maintenant soumettre les conclusions du rapporteur au vote de la commission.

La commission décide de ne pas adopter de texte afin que la discussion en séance publique prote sur le texte de la proposition de loi. Elle décide également de demander au Sénat de ne pas adopter les articles de la proposition de loi et de rejeter celle-ci.