Au cours d'une seconde séance qui s'est tenue l'après-midi, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Dominique Braye sur le projet de loi n° 110 (2007-2008), modifié par l'Assemblée nationale en première lecture, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.
a indiqué que si la commission présentait un avis, en deuxième lecture sur le projet de loi, ce qui n'est pas habituel, ce n'était pas uniquement pour lui donner le plaisir de poursuivre une collaboration aussi amicale que productive avec le rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, M. Jean-Patrick Courtois, mais essentiellement pour deux raisons :
- bien que l'Assemblée ait sur beaucoup de points importants retenu, et souvent amélioré, les modifications apportées par le Sénat, le texte issu des travaux du Sénat prenait mieux en compte les exigences de la prévention des accidents causés par des chiens « non classés » ;
- certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale pourraient se révéler difficiles à appliquer et à contrôler, et produire, comme déjà la loi du 6 janvier 1999, des effets indésirables.
Il semblait donc utile que les deux commissions poursuivent leur travail commun sur certaines dispositions du texte restant en discussion, la commission des affaires économiques s'abstenant naturellement, comme elle l'avait fait en première lecture, de prendre position sur celles qui relèvent de la seule compétence de la commission des lois.
a ensuite présenté les dispositions du projet de loi restant en discussion et les orientations qu'il proposait à la commission de retenir, analysant successivement les positions prises par l'Assemblée nationale sur les amendements du Sénat et les dispositions qu'elle avait elle-même introduites dans le projet de loi.
Sur le premier point, il a tout d'abord relevé, parmi les points de convergence, nombreux et importants, entre les deux Assemblées, la confirmation par l'Assemblée nationale de la suppression des dispositions du projet de loi initial qui interdisent la détention de chiens de première catégorie. Il s'en est félicité, estimant qu'il serait sans doute désormais admis que l'éradication de ces animaux, souhaitée par le législateur de 1999, était une vue de l'esprit, compte tenu de l'impossibilité, sauf à faire disparaître quelques dizaines de races canines, d'empêcher la naissance de chiens qui, une fois adultes, se révéleront être des chiens de première catégorie : les mesures proposées auraient donc été inapplicables et elles auraient de surcroît essentiellement atteint les propriétaires de bonne foi de chiens nés dans des conditions parfaitement légales.
Le rapporteur pour avis a ensuite noté que l'Assemblée nationale avait également entériné les amendements concrets et pragmatiques adoptés par le Sénat pour améliorer l'efficacité du texte, et qui portaient notamment sur :
- la définition des nouvelles obligations de formation et d'évaluation imposées aux propriétaires de chiens de première et deuxième catégories ;
- la communication au maire des résultats des évaluations comportementales ;
- le lien établi entre le résultat de ces évaluations et l'obligation de formation qui pourra être imposée aux maîtres de chiens « mordeurs » ou jugés présenter un certain danger ;
- la création d'une obligation de formation des personnels utilisant des chiens dans le cadre d'activités privées de surveillance et de gardiennage, assortie de mesures destinées à responsabiliser leurs employeurs. Le rapporteur pour avis a approuvé les modifications apportées par l'Assemblée nationale à ce dispositif et il a indiqué qu'il proposerait à la commission de poursuivre dans la voie de son amélioration.
Abordant ensuite les points de divergence avec l'Assemblée nationale, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a d'abord relevé la suppression de l'article créant un Observatoire national du comportement canin, en raison de sa nature réglementaire : si l'on peut difficilement contester ce motif, il n'en reste pas moins que l'insuffisance en matière de collecte et d'exploitation des données sur les agressions canines est criante, et que la modernisation annoncée du fichier national canin ne comblera que partiellement cette lacune. Il paraît donc souhaitable que le Gouvernement use de sa compétence pour améliorer le suivi statistique et l'évaluation dans ce domaine.
Mais la divergence essentielle est celle qui oppose les deux assemblées sur une mesure de prévention essentielle adoptée par le Sénat, et supprimée par l'Assemblée nationale : l'évaluation comportementale, lorsqu'ils atteignent l'âge adulte, des chiens qui, en raison de leur puissance et de leur poids, peuvent présenter un danger potentiel particulier, et qui sont d'ailleurs à l'origine de 75 % des accidents mortels répertoriés.
a réfuté les arguments avancés contre cette mesure :
- elle serait inapplicable : elle nécessiterait cependant beaucoup moins de consultations que le certificat vétérinaire, assorti de recommandations, qui sera exigé pour toute cession de chien, le nombre de ces cessions étant de l'ordre d'un million par an ;
- elle occasionnerait des contraintes et des dépenses aux propriétaires de chiens : sur le premier point, le rapporteur pour avis a souligné que l'évaluation ne nécessiterait dans 99 % des cas qu'une unique visite chez le vétérinaire et il a indiqué, sur le second, qu'il proposerait à la commission d'adopter un amendement encadrant la rémunération de toutes les évaluations imposées par la loi, afin que leur coût soit prévisible et homogène ;
- le texte prévoit déjà l'évaluation des chiens mordeurs : M. Dominique Braye a observé à ce sujet que n'imposer l'évaluation qu'après la première morsure - qui peut par ailleurs être très grave - revenait un peu à n'imposer le permis de conduire qu'après le premier accident.
Le rapporteur pour avis a rappelé que le dépistage de chiens tarés ou instables était l'instrument le plus efficace et le plus rapide d'une politique de prévention des agressions canines, et il a jugé à cet égard impossible de limiter l'évaluation systématique aux seuls chiens de première et deuxième catégories déclarés, soit quelque 133.000 animaux sur plus de huit millions de chiens, alors que 93 % des morsures et 75 % des accidents mortels sont le fait de chiens non classés. Il a également insisté sur la nécessité de responsabiliser les propriétaires de dogues ou de bergers allemands et autres, qui sont persuadés que leur chien ne présente aucun danger.
Exposant ensuite les principales dispositions introduites dans le projet de loi par l'Assemblée nationale, M. Dominique Braye a cité l'inscription dans la loi du fichier national canin, dont il a approuvé le principe, tout en notant qu'il faudrait améliorer la rédaction du texte adopté, et la création du permis de détention des chiens de première et deuxième catégories.
Observant que ce permis était le nouveau nom donné à l'actuel récépissé de déclaration, il a jugé que ce changement d'appellation serait une bonne chose, notamment parce qu'elle pourrait contribuer à responsabiliser les propriétaires de chiens « classés ». Il a relevé cependant qu'il faudrait que les détenteurs de ce permis soient conscients qu'il devrait être demandé pour chaque chien.
En revanche, il s'est inquiété de l'interdiction de confier un chien classé à une personne n'ayant pas de permis de détention.
Il s'est demandé si cette disposition serait applicable et contrôlable, et il a jugé qu'elle créerait des contraintes successives, en imposant en fait à tous les membres majeurs d'une famille de posséder un permis - ce qui suppose l'obtention d'une attestation d'aptitude et la souscription d'une assurance - et en interdisant, même en cas d'urgence, même pour quelques heures, de faire garder son chien par une personne non titulaire du permis.
Il s'est surtout interrogé sur les conséquences négatives que pourraient avoir ces contraintes : les propriétaires responsables qui ont déclaré leur chien sont déjà une minorité, et il ne faudrait pas que de semblables mesures renforcent l'attrait de la clandestinité, ou le développement, déjà très inquiétant, du nombre de chiens appartenant à des races ou types au moins aussi dangereux que ceux qui ont été « catégorisés », mais que n'importe qui peut détenir sans formalités ni contraintes.
s'est dit « un peu effaré » de constater qu'après avoir voté une loi, modifiée depuis, en 1999 il fallait aujourd'hui en adopter une autre, sans qu'apparemment cela empêche la survenance périodique de drames, en particulier des morts d'enfants, causés par des agressions canines. Il a observé que les citoyens ne comprenaient pas cet état de fait et souhaiteraient que le législateur se montre plus incisif et plus efficace. Il a indiqué qu'en tant que maire, il estimait indispensable que tous les chiens divagants soient placés en dépôt. Il n'a pas jugé choquant que tous les membres d'une famille soient tenus d'avoir un permis, notant qu'il fallait avant tout sortir de la situation actuelle en trouvant des solutions efficaces.
a répondu à M. Michel Bécot qu'il était tout à fait d'accord avec lui sur la nécessité de se débarrasser des chiens pouvant présenter un risque pour les humains, et en particulier les enfants, affirmant sa conviction que le chien peut être un merveilleux compagnon pour l'homme, mais qu'il ne fallait pas hésiter à éliminer le petit pourcentage des chiens qui posent problème et représentent un danger.
Il a noté que certains chiens, comme le Rottweiler, pouvaient être instables et qu'il faudrait que leurs propriétaires soient avertis du danger qu'ils peuvent présenter pour des enfants.
C'est pourquoi il est indispensable de dépister et si nécessaire d'éliminer les chiens pouvant présenter des risques d'agression.
a dit qu'il partageait en partie les analyses de M. Dominique Braye, mais qu'il était sans doute, bien que vétérinaire, plus sensible que lui aux problèmes et aux coûts que peut occasionner la présence trop importante de chiens dans la société.
Evoquant le fait que certains pays prélèvent un impôt sur les chiens, il s'est demandé si l'on ne pourrait pas s'inspirer de cette formule - qui aurait par ailleurs l'avantage de compenser une partie des coûts induits par la présence des chiens - en prévoyant des taux élevés pour les chiens qui peuvent présenter un danger potentiel important.
a fait remarquer que la présence des chiens, qui a indubitablement un coût, notamment pour les communes, a aussi des aspects très positifs pour leurs propriétaires et pour la société.
Il a rappelé que la solution de la « vignette canine » avait parfois été envisagée, notamment au moment de la discussion de la loi de 1999, mais n'avait jamais abouti, indiquant que pour sa part, il ne serait pas opposé à ce que de très fortes amendes frappent les propriétaires de chiens négligents, évoquant le coût - en termes d'entretien de la voirie mais aussi d'accidents - des déjections canines.
a dit partager l'analyse du apporteur pour avis sur le danger potentiel que peuvent présenter les chiens du fait de leur poids, de leur taille, de la puissance de leur mâchoire. Il a cependant noté que les accidents graves se produisaient surtout dans la sphère privée et étaient souvent provoqués par la méconnaissance de ce qu'est un chien, et de ses réactions. Il serait donc très important, comme en matière de sécurité routière, de mettre l'accent sur la prévention, sur l'information des parents, des enfants, des maîtres. Il a regretté, à cet égard, la suppression de l'article relatif à l'Observatoire du comportement canin, relevant que tous les pays qui ont obtenu des résultats en matière d'accidents canins les ont obtenus grâce à des actions de prévention qui s'appuyaient sur les travaux d'étude, de recherche et d'observation menés par des organismes de ce type.
s'est associé aux propos de M. Jacques Muller pour souligner que dans des pays voisins, comme la Suisse et la Belgique, on avait pris la peine d'observer la réalité et de collecter des informations avant de légiférer, regrettant qu'en France on manque de statistiques, d'études et que l'on ait généralement tendance à ne pas prendre le temps d'étudier à l'avance l'impact des décisions que l'on prend.
Comprenant également les préoccupations exprimées par M. Jacques Muller, M. Jean-Pierre Emorine, président, a estimé qu'il serait difficile à la commission de proposer le rétablissement d'une disposition manifestement réglementaire, mais que le débat serait sans doute rouvert par le dépôt d'amendements extérieurs.
a estimé qu'il était souhaitable, quand on devait prendre des mesures contraignantes, de prévoir, avant leur intervention ou leur entrée en vigueur, un délai permettant d'en faire comprendre la nécessité et de bien informer le public, surtout dans un domaine sensible et qui touche un grand nombre de personnes.
Après avoir rappelé les délais d'application prévus par le projet de loi, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a relevé la difficulté d'arbitrer entre le souci d'une information préalable du public et la nécessité d'agir rapidement pour prévenir le renouvellement d'accidents graves.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par son rapporteur pour avis.
A l'article 1er (pouvoirs de police du maire), elle a adopté un amendement de suppression de la disposition introduite par l'Assemblée nationale prévoyant que le décret d'application de l'article L. 211-14-1 du code rural devrait déterminer le barème permettant d'apprécier la dangerosité des chiens.
A l'article 2 (obligations d'évaluation comportementale des chiens de première et deuxième catégories et de formation de leurs maîtres), après les interventions de M. Gérard César, qui s'interrogeait sur le choix des personnes qui feraient passer l'attestation d'aptitude, et de MM. Jackie Pierre et Georges Gruillot, qui ont souligné les charges importantes que la police des chiens dangereux et errants faisait peser sur les maires, surtout dans les petites communes, la commission a adopté, dans un souci de clarté et de lisibilité du texte, un amendement tendant à rétablir cet article dont les dispositions avaient été insérées par l'Assemblée nationale dans l'article nouveau relatif au permis de détention.
A l'article 2 bis A nouveau (permis de détention des chiens de première et deuxième catégories), la commission a adopté deux amendements tendant respectivement :
- à une nouvelle rédaction du paragraphe II de l'article, relatif aux conditions d'octroi du permis, par une coordination avec le rétablissement de l'article 2 et pour rectifier des erreurs de forme, mais aussi pour prévoir que devrait être produite à l'appui de la demande de permis, l'évaluation des chiens, et non un simple justificatif de sa réalisation, et que le maire pourrait refuser la délivrance du permis si les résultats de l'évaluation le justifiaient ;
- à une nouvelle rédaction, en trois paragraphes, des quatre derniers paragraphes de l'article, pour supprimer les dispositions interdisant de confier un chien « classé » à une personne non titulaire d'un permis ainsi que celles, inutiles, relatives au contrôle du permis sur la voie publique, et pour introduire une disposition dispensant de l'obtention de permis et de l'attestation d'aptitude les personnes assurant la garde d'un chien de première ou deuxième catégories à titre temporaire et à la demande de son propriétaire ou de son détenteur.
A l'article 3 bis nouveau (fichier national canin), la commission a adopté un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article précisant les finalités du fichier, les données qui y seront enregistrées, et les garanties de la protection des données personnelles qu'il contiendra, qui seront prévues par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
A l'article 4 (chiens « mordeurs »), la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l'article, tendant à rectifier une erreur matérielle et à supprimer la disposition relative à la transmission de la copie de la déclaration au fichier national canin, satisfaite par l'amendement adopté à l'article 3.
L'article 4 bis (évaluation comportementale des chiens potentiellement dangereux en raison de leur poids et de leur force), la commission a adopté :
- un amendement tendant à rétablir le I de cet article, imposant l'évaluation comportementale des chiens potentiellement dangereux en raison de leur poids ;
- un amendement tendant à prévoir une procédure d'encadrement de la rémunération des évaluations comportementales obligatoires ;
- un amendement de conséquence de l'amendement tendant au rétablissement de l'article 2.
A l'article 5 ter (formation obligatoire des agents privés de sécurité utilisant des chiens), la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article afin d'améliorer l'insertion du dispositif proposé dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, d'en étendre l'application aux travailleurs individuels et de prévoir la définition par décret en Conseil d'Etat des conditions d'utilisation de chiens dans le cadre des activités privées de sécurité.
A l'article 11 (coordination), la commission a adopté un amendement de conséquence de l'amendement tendant au rétablissement de l'article 2.
A l'article 13 (dispositions transitoires), la commission a adopté un amendement tendant à assurer la cohérence des délais donnés aux propriétaires de chiens de première et de deuxième catégories pour se mettre en conformité avec leurs obligations prévues par le projet de loi et modifiant les dispositions transitoires concernant la formation des agents privés de sécurité par coordination avec l'insertion de ce dispositif dans la loi du 12 juillet 1983.
Enfin, la commission a adopté un amendement tendant au rétablissement de l'article 13 bis (dispositions transitoires concernant l'évaluation comportementale des chiens potentiellement dangereux).