Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 3 octobre 2007 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 443 (2006-2007) portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

a tout d'abord souligné le caractère hétérogène des dispositions du projet de loi, qui relevaient, néanmoins, pour la plupart d'entre elles, de sujets suivis par la commission, notamment en matière de marchés financiers.

S'agissant des problématiques communautaires, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité rappeler les principes qu'il avait dégagés dans son rapport d'information n° 302 (2006-2007) « Maîtriser le droit « mou » communautaire » : privilégier les négociations lors de l'élaboration des textes communautaires, conserver un caractère exceptionnel aux ordonnances ayant pour objet de transposer les différentes directives européennes et, le cas échéant, encadrer les habilitations données au gouvernement pour légiférer par ordonnance, apprécier à sa juste mesure l'urgence liée aux dates limites de transposition des textes.

a expliqué que le projet de loi comptait 11 articles concernant, d'une part, les marchés de biens et de services et, d'autre part, les marchés financiers.

S'agissant des dispositions relatives aux marchés des biens et services, il a précisé que les articles 3 et 4 du projet de loi visaient à harmoniser et à adapter le droit national avec la législation communautaire concernant l'itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l'intérieur de la Communauté. Il a observé que l'objectif était notamment de permettre aux habitants des collectivités d'outre-mer de bénéficier d'une meilleure tarification liée au plafonnement des tarifs d'itinérance prévu par les règles communautaires.

Il a également fait part de ses réserves sur l'article 5 du projet de loi, qui prévoit d'habiliter le gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2005/36 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Il a observé que le nombre de professions concernées par cette transposition, à savoir pas moins de 120, rendait difficile l'appréciation de l'impact des modifications requises, notamment dans le domaine des prestations occasionnelles ou temporaires de services. Il a également fait valoir qu'il n'était pas en mesure d'apprécier les orientations prises par la France par rapport à ses autres partenaires concernant l'utilisation des différentes possibilités offertes par la directive pour encadrer les prestations de services. Enfin, il a relevé que les travaux de la commission présidée par M. Jacques Attali « Pour la libération de la croissance française », dont les conclusions ne sont pas encore rendues, pourraient utilement éclairer le débat.

S'agissant des dispositions relatives aux marchés financiers, M. Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué que la principale problématique concernait la supervision globale du système bancaire au regard de la crise financière de cet été. Il a souligné que les modes de propagation des risques constatés différaient sensiblement des logiques traditionnelles, dans la mesure où l'on observait une transmission des établissements de crédit vers des agents non bancaires. Il a noté que les dérivés de crédits se retrouvaient ainsi non seulement dans des produits structurés et des fonds de titrisation, mais aussi dans des organismes de placement collectif à diffusion plus large, en particulier des fonds dits de « trésorerie dynamique », ce qui posait à ses yeux des problèmes de transparence dans l'industrie financière.

Il a estimé que cette situation soulevait deux questions. D'une part, la pertinence d'une régulation basée sur une logique professionnelle et une segmentation verticale, alors que les nouveaux modes de transmission de risques étaient caractérisés par la transversalité et l'horizontalité. D'autre part, le rôle des banques centrales et leurs moyens d'action pour prévenir les crises de liquidités. M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est notamment interrogé sur le fait de savoir si, au-delà de leur mission de contrôle de l'inflation, les banques centrales avaient le souci de réduire les risques sur les marchés et de participer, ainsi, à la dynamique réelle sur leurs territoires. A ce titre, il a souligné que les événements actuels s'inscrivaient dans un contexte de changement des règles prudentielles applicables aux banques, avec notamment la modification du ratio de solvabilité bancaire (passage du ratio Cooke au ratio McDonough). Il a jugé que la solvabilité des investisseurs à long terme était un enjeu important. A cet égard, la mise en place de nouveaux standards communautaires (directives transposant le régime prudentiel issu des accords dits « Bâle II ») représentait une avancée positive, même si toutefois des progrès en matière de transparence de l'information des investisseurs pouvaient être réalisés.

a ensuite détaillé le contenu des différents articles. Il a indiqué que l'article premier transposait une directive relative à la responsabilité civile des véhicules et n'appelait pas de commentaires particuliers.

Il a abordé l'article 2 relatif à l'habilitation à modifier par ordonnance le code monétaire et financier afin d'une part, de transposer la directive relative à la réassurance, et d'autre part, de moderniser le régime des fonds communs de créances et d'élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance. Il a fait observer que la titrisation n'était pas un mal en soi, dans la mesure où elle contribuait à améliorer les capacités de financement de l'économie et participait à la mutualisation des risques. Il a jugé que l'adaptation constante de notre cadre juridique devait à la fois permettre de soutenir la compétitivité de la place de Paris, de réaliser des opérations de titrisation dans des conditions de sécurité et de transparence satisfaisantes, et d'éviter un recours croissant à des entités off shore.

Ensuite, M. Philippe Marini, rapporteur général, a précisé que l'article 7 opérait plusieurs ratifications d'ordonnances en matière de comptabilité et de marchés financiers, parmi lesquelles la ratification de l'ordonnance transposant la directive 2004/36/CE concernant les marchés d'instruments financiers.

Il a noté que l'article 6 levait toute interdiction formelle à la rémunération des comptes courants et a déploré, à ce sujet, les combats d'arrière-garde qui avaient pu être menés quelques années auparavant. Il a ensuite mentionné l'article 9 relatif à la prohibition de certaines discriminations en matière de primes d'assurance-vie ou automobiles. Il a également fait état d'un article additionnel qu'il allait proposer à la commission, afin de prévoir, dans le fonctionnement de la commission de sanctions de l'AMF, une procédure de récusation d'un de ses membres.

Un débat s'est ensuite instauré.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a souligné que le projet de loi ne soulevait pas de débat spécifique, à l'exception de l'article 2 qui ouvrait la titrisation au marché de la réassurance. Elle a estimé que cette ouverture impliquait un bouleversement de ce marché insuffisamment préparé à fonctionner de la même manière que les marchés financiers. Elle a jugé la procédure prématurée et l'attention portée aux questions de transparence par M. Philippe Marini, rapporteur général, insuffisante.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par M. Philippe Marini, rapporteur général.

A l'article premier (responsabilité civile des véhicules), la commission a adopté, à l'unanimité, un amendement rédactionnel.

A l'article 2 (réassurance et titrisation des risques d'assurance), la commission a adopté un amendement visant à encadrer l'habilitation donnée au gouvernement à moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances et notamment élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance afin de préserver la transparence des informations des investisseurs.

A l'article 5 (reconnaissance des qualifications professionnelles), la commission a adopté un amendement visant à supprimer l'article. L'impossibilité d'apprécier pleinement, à ce stade, l'impact de modifications requises pour plus de 120 professions, tout comme les conditions de transposition de la directive 2005/36 ont, en effet, suscité les réserves de la commission.

A l'article 7 (ratification d'ordonnances), la commission a adopté deux amendements : le premier amendement propose la suppression d'une ratification d'ordonnance déjà ratifiée ; le second amendement tend à associer formellement l'AMF au processus de reconnaissance des organismes externes d'évaluation de crédit par la commission bancaire.

Après l'article 8, la commission a adopté un amendement portant article additionnel tendant à introduire une procédure de récusation d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.

A l'article 11 (application de la loi à l'outre-mer), la commission a adopté un amendement tendant à ajouter la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon à la liste des collectivités auxquelles s'appliquera le projet de loi.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rendu compte d'un entretien qu'il avait eu le 18 septembre 2007 avec M. Charlie Mac Creevy, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services.

a indiqué que les thèmes abordés, relatifs à l'actualité des marchés financiers et aux jeux d'argent, se situaient dans la continuité de son rapport d'information sur le « droit mou » communautaire.

a en premier lieu évoqué une certaine insatisfaction française sur la « comitologie », qui caractérisait le processus dit « Lamfalussy » d'adoption des textes communautaires en matière de services financiers et de droit des sociétés. Ce processus n'était pas jugé suffisamment transparent, et la frontière entre principes et mesures d'application n'était pas toujours claire.

Il a précisé que M. Charlie McCreevy lui avait annoncé la publication d'un nouveau rapport du groupe inter-institutionnel d'évaluation (IIMG) en octobre 2007, qui serait suivi en novembre de rapports de la Commission européenne et du Comité des services financiers. Une réflexion serait également menée en 2008 afin de mettre en place une éventuelle réforme sous présidence française, dont il ne fallait cependant pas attendre de changement radical. M. Charlie McCreevy avait toutefois reconnu que l'équilibre du processus se révélait difficile au cas par cas, et que le rôle des comités de niveaux 2 et 3 faisait encore l'objet d'appréciations divergentes.

a ensuite rappelé l'attachement de la Commission européenne au principe « une action - une voix », et a fait part de ses échanges sur la question de la « golden share », dont le commissaire européen au commerce, M. Peter Mandelson, avait admis la légitimité.

Il a indiqué que M. Charlie McCreevy abordait désormais le principe « une action - une voix », qui demeurait fondamental dans la conception de la Commission, dans un esprit plus ouvert, et reconnaissait qu'on ne pouvait envisager un droit des sociétés totalement homogène en Europe. A cet égard, il devait exprimer une position d'ici à la fin de l'année, qui n'aurait toutefois pas d'impact législatif.

Concernant la « golden share », il lui avait fait part de ses réserves quant au principe d'une action accordant des pouvoirs supplémentaires ou un droit de veto à l'Etat détenteur, et avait considéré que la seule discrimination réellement justifiée avait trait à la sécurité publique et n'autorisait que quelques exceptions sectorielles. Il avait cependant invoqué des conditions de transparence et de réciprocité des investisseurs extra-européens, en particulier des « fonds souverains ». Le commissaire s'était également interrogé sur la nature économique ou politique des objectifs poursuivis par ces fonds, tout en considérant qu'ils apportaient une liquidité bienvenue sur les marchés financiers européens.

a ensuite jugé qu'il importait de tirer les leçons de la crise financière de l'été, en particulier au regard de la « marchéisation » des risques et de l'exposition réelle des banques.

M. Charlie McCreevy avait estimé que cette crise mettait en évidence le problème de la transparence de certains véhicules structurés comportant des dérivés de crédit. Il avait rappelé que la titrisation avait permis d'améliorer la fluidité du marché des emprunts, et que la crise restait fondamentalement liée aux excès de certains fournisseurs de crédit immobilier, qui avaient octroyé des emprunts à des ménages non solvables, plutôt qu'aux hedge funds, dont le rôle s'était limité à la circulation de ces risques.

Dans ce contexte, le commissaire européen estimait nécessaire d'éviter une « surréaction régulatrice » qui apaiserait les consciences, mais ne réglerait pas le problème. Il avait également souligné qu'en matière de transparence, le Plan d'action pour les services financiers avait déjà permis des améliorations notables avec la directive « Transparence » et les déclarations de franchissement de seuils.

a ensuite évoqué la proposition de directive « Solvabilité II », et les inquiétudes des compagnies d'assurance comme du gouvernement français relatives à un possible impact négatif des futures règles de solvabilité sur l'investissement en actions, alors même que la France accusait un réel retard en la matière.

M. Charlie McCreevy lui avait précisé que la deuxième étude quantitative d'impact avait révélé ce problème, et donné lieu à la réalisation d'une troisième étude, achevée en juin dernier. A cet égard, il s'était montré relativement ouvert sur la question de l'investissement en actions, estimant qu'il importait effectivement d'éviter un impact négatif, mais qu'il était également nécessaire d'établir une cohérence entre l'horizon du passif et celui de l'actif des assureurs. A l'instar des bilans des banques, les compagnies d'assurance devaient suivre la même logique de comptabilisation des actions en valeur de marché.

M. Charlie McCreevy avait, en outre, indiqué que le processus d'adoption de la future directive serait long et que celle-ci ne serait probablement pas opérationnelle avant 2012. Les fonds de pension et institutions de retraite n'étaient aujourd'hui pas soumis aux mêmes règles, mais une révision de la directive « fonds de pension » pourrait intervenir en 2009 et intégrer des principes reconnus dans la proposition de directive « Solvabilité II ».

L'entretien avait enfin porté sur les jeux d'argent et la procédure d'infraction initiée en juin 2007 à l'encontre de la France. M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'il s'était demandé comment concilier la transparence et la pleine concurrence entre opérateurs de paris et le financement de la filière hippique, qui relevait de l'intérêt général. En effet, les acteurs de la filière craignaient que les opérateurs sur Internet ne transfèrent à l'étranger les flux financiers, en particulier dans des paradis fiscaux.

M. Charlie McCreevy lui fait part de son attachement à la filière hippique. Il avait considéré que la filière française était très professionnelle, et que la Commission n'avait aucune intention de lui porter préjudice, ainsi qu'il en avait fait part à M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, et à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes. Concernant la procédure d'infraction en cours, M. Charlie McCreevy avait estimé qu'il devrait être possible de trouver des « solutions raisonnables », reposant sur un équilibre entre concurrence et financement de la filière cheval.

Un débat s'est ensuite instauré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a souligné que la future directive « Solvabilité II » risquait d'accroître les contraintes pesant sur les investisseurs institutionnels européens, mais que les fonds non européens ne seraient pas soumis aux mêmes règles, procéderaient à des rachats progressifs d'entreprises européennes et accroîtraient leur pression sur la compétitivité de l'économie française. Il a estimé que les critères prudentiels actuels privilégiaient les placements dans des bons du Trésor plutôt que la prise de risques et le financement du capital des PME, et qu'il importait donc de faire preuve de vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a souligné que les critères micro-économiques venaient contrarier les impératifs macro-économiques, mais que la Commission avait manifesté une approche moins « rigoriste » sur l'investissement en actions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

s'est félicité de ce qu'ait été abordé le financement de la filière hippique, aujourd'hui menacé, et les jeux en général. Il s'est demandé pourquoi la Commission ne s'estimait pas liée par le vote du Parlement européen sur ces questions. Il a jugé que la perspective d'une ouverture à la concurrence ne concernait pas seulement les paris sportifs mais, à terme, l'ensemble des opérateurs de jeux, et était reliée, au-delà des enjeux financiers, à des considérations essentielles d'ordre public.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a déclaré partager cette approche, qui ne serait, à ses yeux, que mieux servie si les représentants français de la filière hippique, en particulier au sein de l'institution des courses, manifestaient une unité de langage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a ajouté qu'il n'existait pas de réel « pilotage » de ce dossier au sein du gouvernement, et a indiqué que M. François Trucy et lui-même en avaient saisi le Premier ministre afin que soit désigné un interlocuteur unique sur les jeux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

a précisé qu'un tel interlocuteur constituerait le préalable à une autorité unique de régulation des jeux, dont la commission avait recommandé la création en 2006 et qui pourrait, le cas échéant, relever du gouvernement.