La commission procède à l'audition de Mme Laurence Franceschini, directeur général des médias et des industries culturelles au ministère de la culture et de la communication, sur les crédits consacrés à l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2011.
Je suis heureux, Madame le directeur général, de vous accueillir à nouveau devant notre commission pour cette audition consacrée aux crédits destinés à l'audiovisuel extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.
Comme vous le savez, notre commission, et son rapporteur, notre collègue Joseph Kergueris en particulier, suivent avec un grand intérêt la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur.
Nous souhaiterions donc vous entendre sur la mise en oeuvre de la réforme de l'audiovisuel extérieur et les financements qui lui sont consacrés dans les prochaines années.
Quel bilan dressez-vous de la création de la holding en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ? Comment expliquez-vous que le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France n'ait toujours pas été transmis au Parlement ?
La création de la holding s'est-elle traduite par des mutualisations et des synergies entre les différents opérateurs ? A-t-on assisté à des résultats significatifs en termes d'audience ? Quel a été le coût de la crise sociale au sein de Radio France Internationale et où en sommes-nous dans la mise en oeuvre du plan social ?
Enfin, les financements destinés à l'audiovisuel extérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 et sur le prochain triennum vous paraissent-ils suffisants ? En particulier, la diminution des financements de 8,5 % en 2012 et de 4 % en 2013 pourra-t-elle être réellement compensée par l'augmentation des ressources propres ?
Voilà une série d'interrogations, mais le rapporteur, Joseph Kergueris, et les autres membres de la commission, auront certainement d'autres questions à vous poser.
Je suis particulièrement sensible à votre invitation pour vous parler du projet de loi de finances 2011 concernant l'audiovisuel extérieur, un dossier passionnant et très particulier.
Comme vous le savez, la décision de réformer notre audiovisuel extérieur a été prise par le Président de la République, sur la base du constat selon lequel notre politique audiovisuelle extérieure manquait de cohérence et d'efficacité. C'est à cette fin qu'a été créée en 2008 la société holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF), devenue société nationale de programme inscrite dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par la loi du 5 mars 2009.
Cette société détient à présent 100% de Radio France Internationale (RFI) et de France 24 et 49 % de TV5MONDE et a pour mission de définir la stratégie de ces sociétés ou d'y contribuer pour ce qui est de TV5MONDE dont la gouvernance est particulière.
C'est à cette tâche que se sont attelés les dirigeants de AEF depuis deux ans et, en peu de temps, ces derniers obtiennent des résultats convaincants en mettant en oeuvre de véritables synergies entre les opérateurs, en proposant une stratégie à moyen terme pour le groupe et en réussissant, non sans difficulté, une réforme depuis longtemps nécessaire de RFI. Au sujet de la réforme des langues de RFI, il faut rappeler que cette question se pose depuis la fin des années 1990 et que tous les présidents successifs faisaient la même analyse. Il est heureux qu'elle soit enfin aboutie.
La stratégie de l'audiovisuel extérieur consiste à investir massivement sur les premières années de la période considérée pour réformer RFI, constituer le groupe et amener France 24 à maturité avec une distribution mondiale et trois canaux linguistiques de 24 heures (français, anglais, arabe). Un « retour sur investissements » est ensuite attendu pour l'État grâce à la mise en oeuvre d'économies et de synergies et au développement important des ressources propres.
C'est le sens du projet de budget qui vous est présenté. En 2008, les crédits destinés au fonctionnement des sociétés qui composent aujourd'hui AEF s'élevaient à un total de 293,5 millions d'euros hors taxes y compris l'apport de France Télévisions à TV5MONDE. En 2009, ils s'élevaient à 300 millions d'euros hors taxes et en 2010 à 312,6 millions d'euros hors taxes. Pour 2011, nous vous proposons de porter ces crédits à 327,7 millions d'euros hors taxes. En plus de ces augmentations de la dotation destinée à l'activité classique des sociétés de l'audiovisuel extérieur, il faut rappeler que l'Etat a recapitalisé RFI en 2009 à hauteur de 17 millions d'euros, financé le plan de sauvegarde de l'emploi de 206 départs volontaires à hauteur de 41,2 millions d'euros et qu'il accompagnera le projet de déménagement de RFI de la même manière.
Ces augmentations très sensibles des crédits de l'audiovisuel extérieur depuis trois ans témoignent du soutien du gouvernement à la stratégie proposée par les dirigeants d'AEF de « retour sur investissement » dans le cadre de la négociation en cours de son contrat d'objectifs et de moyens.
Dans le détail pour chacune des sociétés du groupe, l'année 2011 doit permettre les développements suivants :
Pour RFI, la relance de ses audiences est prioritaire en développant notamment la diffusion FM mais également les nouveaux modes de diffusion et le multimédia. Il conviendra également de poursuivre l'adaptation de la politique des langues aux évolutions géopolitiques du monde, en développant notamment les langues prioritaires.
France 24 quant à elle, chaîne d'information née en 2006, doit poursuivre son développement en étendant sa distribution et en diffusant au plus vite 24h sur 24h en arabe.
TV5MONDE s'engage dans la troisième année de mise en oeuvre de son plan stratégique 2009-2012, axé sur la constitution d'un « média global » et sur la fidélisation des audiences.
A moyen terme, ces investissements majeurs permettront à l'Etat de bénéficier d'une politique audiovisuelle extérieure plus cohérente, d'opérateurs plus efficaces et d'orientations stratégiques lisibles, à même d'assurer le meilleur rayonnement des valeurs de la France et de sa culture à travers le monde.
Sur le plan financier, le « retour sur investissement » prévu devrait intervenir dès 2012 et se poursuivre en 2013. Ainsi, la dotation publique proposée dans le budget triennal pour AEF est en diminution à partir de 2012, comme vous l'avez souligné Monsieur le Président. Cette trajectoire est crédible et à la hauteur des investissements consentis au départ par l'Etat.
Pour conclure mon intervention, je souhaiterais répondre à votre question concernant la négociation du contrat d'objectifs et de moyens (COM) entre l'Etat et AEF. En raison des importantes mutations en cours dans le groupe, il ne nous a pas été possible de stabiliser ce COM. Certains paramètres structurants n'étaient pas suffisamment définis. Je pense au plan de départ difficile mis en oeuvre à RFI mais aussi à la question de l'entreprise unique ou des implantations immobilières. Sur ce point par exemple, AEF a présenté différents scenarii qui n'avaient pas les mêmes implications financières suivant que France 24 changeait d'implantation ou qu'on se limitait à déplacer RFI. Je pense que vous aborderez ces sujets dans vos questions. J'y reviendrai donc en détail à cette occasion. Mais pour ce qui est du COM, ces éléments étant aujourd'hui précisés, notre objectif est de pouvoir vous soumettre un projet complet à la fin de l'année.
Je souhaiterais, Madame le Directeur général, vous poser trois questions.
Ma première question porte sur le contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et la société Audiovisuel extérieur de la France.
Lors de votre précédente audition devant notre commission, il y a tout juste un an, vous nous aviez indiqué que la rédaction du COM était quasiment achevée et qu'il serait transmis aux assemblées avant la fin de l'année 2010.
Nous sommes à la fin de 2011 et nous n'avons toujours pas reçu ce contrat d'objectifs et de moyens, qui doit pourtant définir les priorités stratégiques de l'audiovisuel extérieur sur les prochaines années et les moyens financiers de l'Etat.
Vous avez évoqué dans votre intervention des difficultés qui expliquent ce retard mais je souhaiterais avoir des précisions sur ces difficultés.
Ma deuxième question concerne la situation de Radio France Internationale, que j'ai trouvé beaucoup plus apaisée lors de ma visite, même si la réforme n'est pas achevée.
A cet égard, le déménagement de RFI dans de nouveaux locaux à proximité immédiate de France 24 et la modernisation de ses équipements devrait jouer un rôle positif.
Je m'interroge toutefois sur le financement du déménagement de RFI, dont le coût est estimé autour de 21 millions d'euros et qui devrait commencer dès le dernier trimestre de l'année prochaine.
En effet, aucun financement n'est prévu dans le projet de loi de finances qui nous est soumis. Comment ce déménagement, qui participe à la modernisation de la radio et qui permettra de renforcer les synergies entre RFI et France 24, sera-t-il financé ?
Ma dernière question porte sur les crédits consacrés à la société holding Audiovisuel extérieur de la France dans le projet de loi de finances pour 2011 et sur la période 2011-2013
La dotation de la holding pour 2011 est de 327,7 millions d'euros hors taxes, ce qui représente une augmentation importante par rapport à 2010.
Toutefois, il faut tenir compte du fait que la société Audiovisuel extérieur de la France sera à l'avenir assujettie à la taxe sur les salaires à la hauteur de 7,5 millions d'euros.
L'augmentation de la dotation n'est donc que de 9,1 millions d'euros, soit 2,9 % par rapport à 2010.
Or, dans le même temps AEF doit financer la diffusion de France 24 en TNT outre-mer, ce qui représente un coût supplémentaire évalué entre 2,5 et 3 millions d'euros.
En outre, la société AEF devra également financer sur sa dotation une subvention de 2,5 millions d'euros pour Monte Carlo Doualiya, filiale arabophone de RFI.
Au total, l'augmentation des crédits destinés à l'audiovisuel extérieur dans le projet de loi de finances pour 2011, qui est plutôt de l'ordre de 1,6 %, me semble devoir être relativisée.
Mais le plus préoccupant à mes yeux tient à la forte diminution des crédits destinés à l'audiovisuel extérieur en 2012 et en 2013, avec des baisses respectives de 8,5 % et de 4 %.
Cette diminution importante des dotations publiques ne risque-t-elle pas de freiner la réforme de l'audiovisuel extérieur et de mettre en péril les efforts entrepris jusqu'ici ?
On évoque la nécessité d'augmenter les ressources propres pour compenser la diminution des dotations de l'Etat.
Toutefois, je voudrais rappeler que les ressources propres ne représentent aujourd'hui que 1,2 % des ressources totales de France 24 et 3,7 % de RFI, soit environ 3,5 millions d'euros au total pour ces deux opérateurs.
Est-il réellement réaliste de prévoir le double en 2011, avec 6,9 millions d'euros et le quadruple en 2012 avec 13 millions d'euros ?
Concernant votre première question, plusieurs difficultés sont apparues qui expliquent la longueur des discussions et le décalage du COM.
La première raison tient à la situation de la filiale arabophone de RFI, Monte Carlo Doualiya. En effet, la position des dirigeants d'AEF sur l'avenir de Monte Carlo Doualiya a évolué. Alors qu'au départ l'hypothèse d'une fermeture de cette filiale était envisagée, les dirigeants d'AEF ont finalement souhaité une relance de Monte Carlo Doualiya. Naturellement, ce changement n'est pas neutre, compte tenu de l'importance du monde arabophone dans la stratégie de l'audiovisuel extérieur et il a fallu en tenir compte dans les discussions sur le COM.
La deuxième raison tient à la difficulté de finaliser le volet financier, c'est-à-dire le plan d'affaires qui doit accompagner le COM et fixer le montant des dotations de l'Etat sur les prochaines années. La trajectoire des ressources propres était au départ extrêmement ambitieuse, pour ne pas dire irréaliste, compte tenu notamment de la crise économique et de ses effets sur le marché publicitaire. Les dirigeants d'AEF ont proposé une nouvelle trajectoire des ressources propres plus réaliste.
La troisième raison tient au plan de modernisation et au plan de sauvegarde de l'emploi de RFI. La mise en oeuvre de ce plan social, qui s'est traduit par 206 départs volontaires mais aussi 32 recrutements, a considérablement pacifié les relations au sein de la radio. Au total, cela représente un coût de 41,2 millions d'euros, que l'Etat s'est engagé à financer en totalité. D'ores et déjà, 9,9 millions d'euros ont été versés par l'Etat à AEF lors de la loi de finances rectificative de 2009 et le solde devrait être versé en 2010, avec un abondement de crédits à hauteur de 12,8 millions d'euros à AEF par la loi de finances rectificative pour 2010 et par une augmentation de capital de 18,5 millions d'euros.
Enfin, la dernière explication repose sur les incertitudes qui ont entouré le calendrier, les modalités et le coût du déménagement de RFI. A un moment, les dirigeants d'AEF envisageaient non seulement un déménagement de RFI mais également un déménagement de France 24, alors même que cette chaîne a été créée il y a seulement quatre ans et qu'elle dispose de locaux et d'équipements modernes. On pouvait donc légitimement s'interroger sur la pertinence d'un tel déménagement de France 24, qui aurait eu un coût élevé pour l'Etat et donc pour le contribuable. Finalement, nous avons eu l'heureuse surprise d'apprendre que des locaux étaient disponibles à proximité immédiate de France 24 et qu'ils pourraient accueillir RFI. Le déménagement de RFI dans ces locaux devrait intervenir au dernier semestre de l'année 2011 et s'achever au début de l'année 2012. Ce déménagement est très important car il permettra de renforcer les synergies et les mutualisations entre France 24 et RFI.
Le coût du déménagement de RFI est estimé à 21,5 millions d'euros, mais nous sommes en train de l'évaluer précisément avec le ministère du budget et la société. En principe, une partie des crédits nécessaires, au moins pour lancer les études, devrait être intégrée lors de la loi de finances rectificative pour 2010. Concernant l'année 2011, nous allons étudier attentivement les possibilités de redéploiement de crédits. Nous allons également discuter avec les dirigeants de la holding sur leur participation éventuelle à ce financement grâce aux mutualisations et aux synergies réalisées.
Enfin, la nouvelle trajectoire des ressources propres nous paraît beaucoup plus réaliste que la précédente, qui prévoyait un montant de près du double de ressources propres. Il est vrai qu'elle reste ambitieuse mais la base de départ est très modeste, puisqu'elle est aujourd'hui proche de zéro.
Je comprends votre scepticisme mais je pense qu'il est encore trop tôt pour se prononcer.
Des négociations sont en cours actuellement sur ce sujet, notamment avec la régie publicitaire de France Télévision, qui permettraient de garantir un niveau minimal de ressources propres à la holding.
AEF sera certes assujettie à la taxe sur les salaires, ce qui aboutit à une progression moindre de ses crédits qu'en affichage. Mais il ne faut pas oublier que la progression des subventions de l'Etat a été très importante ces dernières années et que l'Etat prendre en charge le coût du plan de sauvegarde de l'emploi ou du déménagement de RFI.
Il est donc légitime d'attendre un « retour sur investissement » des efforts engagés, d'autant plus que ces mesures, ainsi que les synergies et les mutualisations, permettront de réaliser des économies. Ainsi, les 206 départs volontaires au sein de RFI, dont le coût est entièrement pris en charge par l'Etat, devraient générer des économies estimées à 12,4 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable.
Enfin, il n'y a pas de passage de l'analogique au numérique pour France 24 qui dès le début était numérique. En revanche, a bien été pris en compte dans le budget et la trajectoire du financement de l'audiovisuel extérieur la diffusion de France 24 sur la TNT outre-mer, qui devrait avoir un coût évalué à 2,5 millions d'euros.
En ma qualité de Sénateur représentant les Français établis hors de France, je suis préoccupée par le recul de la place et de l'usage de notre langue dans le monde et la diminution des financements consacrés à notre rayonnement linguistique. Or, la télévision peut être un formidable outil pour favoriser l'apprentissage d'une langue étrangère.
Ainsi, je regrette le recul de la diffusion de TV5MONDE en Amérique latine. Je souhaiterais donc vous interroger sur la place du français et la diffusion des médias en langue française dans l'audiovisuel extérieur de la France. TV5MONDE a réalisé des efforts importants pour favoriser l'apprentissage du français, notamment sur son site Internet. Ne pourrait-on pas attendre la même chose de France 24 ? La diffusion de programmes en anglais ou en arabe est certes une bonne chose. Mais cela ne favorise pas l'apprentissage du français. Ne pourrait-on pas s'inspirer d'Al Jazeera, qui propose des cours d'apprentissage de l'anglais dans ses programmes ?
Il s'agit d'un débat que nous avons eu au moment du lancement de France 24. La création de France 24 reposait sur l'idée que la France devait disposer d'une chaine d'information internationale proposant une vision française de l'actualité internationale, lui permettant de mieux faire comprendre au monde les positions françaises sur des sujets tels que les conflits au Proche et au Moyen Orient. Afin de toucher un large public, il était indispensable de proposer des programmes non seulement en français, mais aussi en anglais et en arabe.
Votre suggestion me paraît toutefois intéressante et pourrait faire l'objet d'une coopération entre France 24 et TV5MONDE, qui dispose d'une longue expérience dans ce domaine, et qui propose notamment des programmes d'apprentissage et d'enseignement de la langue française sur ses sites Internet.
TV5MONDE, chaîne francophone, est confrontée à des difficultés en matière de distribution, notamment en Amérique Latine. Nous suivons avec une grande attention la situation de TV5MONDE, car la mise en place de la réforme de l'audiovisuel extérieur avait fait naître certaines craintes chez les partenaires francophones. Aujourd'hui, la situation est clarifiée, notamment en matière de participation de l'AEF dans le capital, puisque TV5MONDE est un partenaire et non une filiale de la holding. Les dotations à TV5MONDE ont été préservées dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel extérieur. Ainsi, la dotation de l'AEF à TV5MONDE devrait augmenter d'un million d'euros en 2011, même si on peut toujours estimer que cette augmentation est insuffisante.
Depuis 2010, la France exerce la présidence de TV5MONDE et la première réunion des hauts fonctionnaires dans ce cadre aura lieu en décembre prochain. Nous préparons cette échéance, avec le ministère des affaires étrangères et européennes et les partenaires francophones de la chaine. Nous espérons obtenir de nos partenaires francophones la confirmation de leur engagement concernant une augmentation de leur participation financière à TV5MONDE.
Lorsque l'on examine rétrospectivement les réformes successives de l'audiovisuel extérieur, on peut avoir l'impression d'une série d'occasions manquées. Nous semblons avoir toujours un train de retard sur les progrès technologiques et les attentes du public.
Ayant exercé le métier de journaliste et de correspondant à l'étranger, je me souviens que la France avait investi des crédits importants pour lancer un satellite doté des technologies les plus modernes pour favoriser la diffusion des chaînes françaises à l'étranger, avec des résultats qui se sont avérés très décevants.
La principale difficulté de France 24 tient à sa distribution, puisque la chaîne est loin d'avoir une couverture mondiale. La diffusion de TV5MONDE est également fragilisée en raison du basculement de l'analogique au numérique. Quant à RFI, elle est confrontée à une forte concurrence des autres radios, notamment des radios locales.
Plus généralement, on peut se demander si la frontière entre l'audiovisuel national et l'audiovisuel extérieur est toujours pertinente aujourd'hui.
Les nouvelles technologies, comme Internet, permettent de recevoir et d'écouter, partout dans le monde, toutes les chaînes ou les radios françaises.
Lorsque je me trouve à l'étranger, ce n'est pas RFI que j'écoute à la radio ou TV5MONDE que je regarde à la télévision. J'écoute les radios et je regarde les programmes nationaux grâce à Internet !
Je suis donc plutôt sceptique sur l'augmentation des recettes publicitaires.
Enfin, peut-on véritablement apprendre une langue simplement en regardant la télévision ou en écoutant la radio ? Pour ma part, je ne le pense pas. Cela peut être un complément utile à des cours de français, mais cela ne les remplace pas. L'important est donc d'encourager la coopération avec les centres et instituts culturels ou les Alliances françaises.
Je pense que vous faites référence aux satellites de télécommunication TDF 1 et TDF 2, qui n'ont effectivement pas donné les résultats escomptés.
Parler d'« occasions manquées » à propos de l'audiovisuel extérieur me fait penser au « vertige des occasions manquées » décrit par Paul Nizan à propos de la jeunesse dans La Conspiration. Je crois que la réforme de l'audiovisuel extérieur nous donne l'occasion au contraire de construire un système plus efficace, plus cohérent et plus adapté au monde d'aujourd'hui.
S'agissant des ressources propres de l'audiovisuel extérieur, il est vrai qu'il faut prendre en compte la situation économique et l'état du marché publicitaire.
Il existe toutefois des mécanismes, comme des minimums garantis et des clauses de révision, qui permettent de prendre en compte l'évolution du marché publicitaire pour préserver un certain seuil de ressources propres.
Par ailleurs, les trajectoires concernant les ressources propres restent des objectifs et si les résultats ne sont pas au rendez-vous, l'Etat pourra toujours prendre ses responsabilités.
Je voudrais faire deux observations et vous poser deux questions.
Tout d'abord, je reste persuadée que l'abandon du pilotage de l'audiovisuel extérieur par le ministère des affaires étrangères a été catastrophique.
Ensuite, connaissant bien le monde arabe et pour y avoir longtemps vécu, je suis sceptique sur l'intérêt d'une diffusion en arabe de France 24. Lorsque les élites de ces pays, qui sont les plus polyglottes au monde, et comprennent généralement l'anglais ou le français, veulent connaître le point de vue français sur l'actualité internationale, elles regardent les médias diffusant des programmes en français ou en anglais, voire les chaînes nationales de ces pays. La diffusion en arabe permet certes de toucher les catégories sociales les plus défavorisées, mais celles-ci refusent souvent toute source occidentale d'information. Le plus souvent, ce qu'elles recherchent, ce n'est pas un point de vue occidental mais des points de vue différents sur l'actualité internationale, sur le conflit en Irak ou au Proche Orient. C'est ce qui explique le succès de chaînes d'information comme Al Jazeera ou Al Arabiya.
Ma première question porte sur les synergies et les mutualisations. Pourriez-vous citer des exemples concrets depuis la mise en place de l'audiovisuel extérieur ?
Ma deuxième question concerne le plan social de RFI. Ne pensez vous pas que le nombre plus important que prévu de départs volontaires témoigne d'un profond malaise au sein du personnel de cette radio ?
La réforme de l'audiovisuel extérieur et la création d'AEF ont permis la réalisation de nombreuses synergies et mutualisations.
Ainsi, des synergies ont été mises en place au niveau des directions de RFI et de France 24 pour limiter la masse salariale, avec des directeurs ou des services communs, au niveau éditorial, par exemple entre la filiale arabophone de RFI, Monte Carlo Doualiya et le pôle arabophone de France 24, dans le domaine financier et juridique, avec des appels d'offre communs, en matière d'études d'audience, de distribution, de communication ou d'Internet. Le déménagement de RFI et son rapprochement avec France 24 devrait d'ailleurs permettre d'aller plus loin dans ce domaine.
Vous comprendrez que je ne puisse pas me prononcer sur tel ou tel cas individuel, mais je rappelle que tous les départs de RFI ont été des départs volontaires.
Le principal problème de l'audiovisuel extérieur français me semble être la diffusion. Lorsque l'on voyage à l'étranger et que l'on séjourne dans les hôtels on a parfois beaucoup de mal à recevoir les chaînes françaises, comme TV5MONDE ou France 24. La clientèle des hôtels représente des centaines de millions de voyageurs. Or, j'ai l'impression que la distribution de TV5MONDE et de France 24 dans les hôtels est plutôt en recul. Il faudrait s'assurer que les chaînes françaises sont bien présentes dans les bouquets satellitaires et numériques et qu'elles soient reprises par les distributeurs. Qu'en est-il exactement ?
Lorsque l'on voyage à l'étranger, le premier réflexe est souvent de chercher la chaîne de télévision française.
La distribution est effectivement un enjeu crucial.
Il faut pour cela conclure des contrats avec les opérateurs et les principaux distributeurs. A cet égard, il existe des synergies entre France 24 et TV5MONDE qui donnent des résultats probants en Asie.
Les négociations avec les distributeurs en Amérique latine sont extrêmement difficiles aujourd'hui et notamment avec l'opérateur satellitaire américain DirecTV. Sur le modèle du bureau en Asie, France 24 et TV5MONDE vont coopérer pour peser plus fort en Amérique Latine face à des distributeurs peu soucieux de considérations liées à la diversité.
Sur ce point, il faut se montrer davantage patriote. Je me souviens qu'à l'occasion d'un séjour à Édimbourg, j'avais fait part de mon étonnement au responsable d'un hôtel en lui faisant remarquer qu'aucune chaîne française ou francophone n'était diffusée dans son hôtel. Il m'avait alors répondu que des clients américains avaient souhaité pouvoir regarder non seulement CNN mais aussi Fox News et qu'il avait donc privilégié cette chaîne au détriment de TV5MONDE.
La télévision ne remplace certes pas des cours de langue mais peut s'avérer un formidable outil pour l'apprentissage de notre langue. Plutôt qu'une diffusion de 24 heures sur 24 en arabe, France 24 ne ferait-elle pas mieux de diffuser des programmes en français, éventuellement sous-titrés en arabe ?
M. Jean Besson - Le sous-titrage est très développé sur TV5MONDE.
M. Michel Guerry - Je m'interroge sur l'audience réelle de France 24, TV5MONDE et RFI. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce sujet ?
Pour ma part, lorsque je me trouve à l'étranger, j'écoute ou je regarde les médias nationaux grâce à Internet.
Il est très difficile de mesurer l'audience réelle de l'audiovisuel extérieur, car il n'existe pas d'outils semblables à ce qui existe pour l'audiovisuel national avec médiamétrie. Les seuls éléments dont on dispose sont des objectifs de couverture, des enquêtes de notoriété ou des sondages d'opinion. Il est donc très difficile de mesurer leur audience véritable. Nous travaillons actuellement sur une amélioration de ces outils. Cela devrait d'ailleurs figurer dans le COM.
Je voudrais connaître votre sentiment à propos du conflit à la direction de l'AEF entre son président directeur général M. Alain de Pouzilhac et sa directrice générale déléguée Mme Christine Ockrent, dont la presse s'est fait largement l'écho.
Vous comprendrez aisément qu'il ne m'appartient pas de me prononcer sur ce sujet. Je peux simplement vous dire que nous avons eu récemment une réunion du conseil d'administration de l'AEF qui s'est très bien déroulée.
Je me souviens que la chaîne Euronews était à vendre il y a quelques années pour un montant assez modique et, lorsque je regarde son succès aujourd'hui, je crois que l'Etat a fait une erreur à l'époque en refusant de l'acheter.
Euronews mène une politique très dynamique sous la houlette de son président qui a su nouer des relations privilégiées avec les distributeurs. Même si elle est une chaîne privée, n'oublions pas qu'elle reste une chaine dont le premier actionnaire est français et ayant son siège à Lyon.
Les enquêtes figurant dans le projet annuel de performance, annexé au projet de loi de finances, relatif à votre programme font état d'une augmentation de l'audience par rapport à l'année dernière.
J'ai pu constater lors de ma visite à TV5MONDE le travail remarquable réalisé par la chaîne en matière d'apprentissage du français, à la télévision, sur Internet et sur la téléphonie mobile.
Je partage le sentiment de nos collègues que l'avenir se jouera sur Internet et qu'il faut donc aller vers un média global.
Je pense aussi qu'il faut renforcer les mutualisations et les synergies tout en conservant les spécificités propres à chaque opérateur. TV5MONDE est la chaîne généraliste et francophone, tandis que France 24 est une chaine française d'information internationale, diffusant en français, en anglais et en arabe. Il ne serait pas souhaitable à mes yeux de dupliquer les programmes entre les deux.
Le grand enjeu me semble également être la distribution. Lors de mes visites à France 24 et à TV5MONDE j'ai pu constater le dynamisme des équipes chargées de la distribution de ces deux chaînes. L'augmentation de la couverture nécessite toutefois des financements, notamment dans la perspective du basculement de l'analogique au numérique.
Existe-t-il des accords entre les chaines de l'audiovisuel extérieur français et les grands groupes hôteliers, comme Accor par exemple ?
La distribution dans les hôtels est effectivement capitale pour France 24. Celle-ci a conclu des accords de partenariat de long terme avec de nombreux groupes hôteliers, comme Accor, Starwood, Marriott, Lucien Barrière, Partouche, Hyatt et des discussions sont en cours avec d'autres groupes internationaux.
Concernant TV5MONDE, je voudrais rappeler que la chaîne francophone dispose aujourd'hui du deuxième réseau mondial de télévision, devant CNN International, BBC World et derrière MTV.
Cela tient principalement au talent des dirigeants successifs de TV5MONDE, dont on ne manquera jamais assez de rappeler les qualités, et qui ont tous considéré que la distribution était un enjeu majeur pour la chaîne.