Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 22 novembre 2006 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • EADS
  • airbus
  • militaire

La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a entendu le compte rendu, par M. Serge Vinçon, président, du déplacement effectué à New York, du 29 octobre au 2 novembre 2006, dans le cadre de la 61e Assemblée générale des Nations unies.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

a précisé qu'il avait participé à la 61e Assemblée générale de l'ONU, à New York dans le cadre d'une délégation désignée par le ministre des affaires étrangères, et composée également de MM. Jean-Pierre Fourcade, Didier Boulaud et Jean-Pierre Plancade, ainsi que de MM. Jacques Legendre et Jean-Pierre Cantegrit.

Grâce au programme d'entretiens préparé par la représentation permanente de la France, la délégation a pu rencontrer, en particulier, le Secrétaire général, M. Kofi Annan, les représentants des quatre autres membres permanents du Conseil de Sécurité, ainsi que l'ambassadeur israélien et l'observateur palestinien. Le Consul général de France a par ailleurs organisé un déjeuner de travail sur l'impact prévisible des élections de mi-mandat sur la politique étrangère des Etats-Unis, avec des représentants de « think tanks » américains.

Les sujets abordés au cours de ces divers entretiens ont porté, pour l'essentiel, sur les crises internationales en cours, en particulier la Côte d'Ivoire, les sujets du nucléaire nord-coréen et iranien, enfin la situation au Proche-Orient.

Sur la Côte d'Ivoire tout d'abord, M. Serge Vinçon, président, a indiqué que la présence de la délégation à New York a coïncidé avec la négociation au Conseil de sécurité d'une nouvelle résolution tendant à cadrer, juridiquement, la nouvelle année accordée aux responsables ivoiriens pour préparer l'organisation d'élections régulières et incontestables. M. Serge Vinçon, président, a rappelé les conclusions du groupe de travail international (GTI) du 8 septembre dernier, qui a estimé que les pouvoirs que le Premier ministre de transition, M. Konan Banny, détenait en application de la précédente Résolution 1633, ne lui avaient pas permis de prendre les décisions nécessaires. Le GTI a donc préconisé de renforcer fortement les pouvoirs du Premier ministre. Peu après, la CEDEAO (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest), puis le Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union africaine , ont abouti à plusieurs avancées positives, mais sans régler la question centrale de la dualité juridique entre, d'une part, les pouvoirs reconnus au Premier ministre par la résolution du Conseil et, d'autre part, ceux que le chef de l'Etat ivoirien détenait de la Constitution. C'est donc sur ce point de la « dualité institutionnelle » que s'était focalisée la difficile négociation d'une nouvelle résolution.

Après une négociation ardue, la France a proposé un texte ambitieux conforme aux recommandations du GTI, pour permettre au Premier ministre d'exercer effectivement ses pouvoirs.

Le texte final ne comporte plus toutes les avancées initialement souhaitées par la France, mais les principales lacunes de la précédente résolution sont comblées et le texte, adopté à l'unanimité, devrait permettre au Premier ministre ivoirien, s'il lui est possible de coopérer avec le Président, d'aller de l'avant dans la mise en oeuvre des accords.

La délégation a ensuite abordé avec ses interlocuteurs Russes, Chinois et Américains les deux dossiers, à la fois distincts et voisins, que sont les programmes nucléaires iranien et nord-coréen.

En particulier, les entretiens sur le nucléaire iranien ont démontré la différence d'approche entre la Russie et la Chine d'une part et les Etats-Unis d'autre part, en particulier sur la pertinence de sanctions. Plus généralement, sur l'avenir du Traité de non-prolifération, le représentant américain a estimé que les cas iranien et nord-coréen démontraient que cet instrument ne permettait pas de réagir à des gouvernements ou à des Etats décidés à se doter de l'arme nucléaire. Le risque serait donc qu'au Moyen-Orient, certains Etats (Arabie saoudite, Syrie, Egypte, Turquie...), estimant leurs intérêts menacés, pourraient tenter de se doter chacun de l'arme nucléaire. L'urgence des sanctions n'en était donc que plus grande pour inciter les Iraniens à changer de comportement.

La délégation a également abordé la situation au Proche-Orient, sous le double aspect des suites du conflit israélo-libanais et de la situation en Palestine.

Les survols du Sud-Liban par les appareils israéliens, en violation de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, ont été évoqués avec plusieurs interlocuteurs. Pour sa part, l'ambassadeur d'Israël a fait valoir que ces survols s'inscrivaient dans le cadre de la recherche de renseignements, qu'Israël continuerait d'assurer tant qu'il n'aurait pas la certitude que la surveillance de l'embargo sur les armes à la frontière libano-syrienne écarte définitivement tout risque d'approvisionnement du Hezbollah.

Pour l'ambassadeur d'Israël, si les trois éléments essentiels de la résolution 1701 étaient durablement appliqués : déploiement de l'armée dans le sud, mise en place d'une force internationale et embargo sur les armes, une chance s'offrait à la région. A défaut, le risque d'explosion n'en serait que plus important. Or beaucoup, selon lui, restait à faire : le Hezbollah poursuivait l'entraînement de ses forces et l'embargo n'était pas totalement respecté.

a ensuite décrit le fonctionnement de la cellule stratégique mise en place à New York dans le cadre de la FINUL II.

Cette cellule est une première dans une opération Nations unies. Elle constitue l'outil de commandement stratégique du Département des opérations de maintien de la paix et lui fournit quotidiennement l'information nécessaire sur la situation sur le terrain. Pour cette seule opération, qui mobilise 12 000 hommes, 30 officiers ont été recrutés, sachant que pour les 18 autres opérations de maintien de la paix actuellement en cours dans le monde et qui mobilisent 80 000 militaires, le DOMP ne bénéficie que d'un Etat-major de 60 personnes.

La situation politique interne au Liban a également été évoquée avec le Secrétaire général de l'ONU, qui s'est dit inquiet des profondes divisions de la société libanaise qui avaient succédé à l'unité affichée pendant la guerre. L'assassinat de M. Pierre Gemayel confirmait cette analyse, en même temps qu'il faisait craindre une nouvelle escalade.

Enfin, la situation en Palestine a été débattue avec son observateur permanent à l'ONU, principalement la perspective du gouvernement d'Union nationale, dont l'objectif était de tenter de rompre le blocus financier imposé par les Occidentaux, compte tenu de la position du Hamas à l'égard d'Israël.

En concluant, le président Serge Vinçon a précisé que, sur le Kosovo, le Représentant du Secrétaire général, M. Ahtisaari, avait décidé de reporter à février 2007, après les élections serbes, ses propositions pour le statut final. Sur ce sujet, les positions se durcissaient, en particulier depuis le référendum qui vient de se tenir en Serbie sur la Constitution, qui reconnaît le Kosovo comme partie inaliénable du pays. La position russe - comme son représentant l'a clairement indiqué - sera de s'opposer à toute solution imposée, c'est-à-dire à une indépendance de la province contre l'avis de Belgrade. La Russie n'entendait pas qu'un tel précédent soit ainsi créé, compte tenu des « conflits gelés », qui l'intéressent directement, en particulier dans le Caucase.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

a déploré qu'aucune solution ne soit en vue pour le Kosovo. Cette crise engageait durablement la présence de la communauté internationale sur le terrain, en particulier celle de la France. Il a déploré l'impuissance des grandes nations à avancer sur cette crise, qui semble s'enliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

a indiqué qu'il avait en particulier retenu des entretiens à New York sur le nucléaire iranien la position très tolérante de la Russie, qui ne semble pas même fixer de « ligne rouge » à l'évolution du programme nucléaire en cours en Iran.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

évoquant la réunion récente à Québec de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à laquelle il avait participé, a pour sa part attiré l'attention de la commission sur l'inquiétude du Canada face à une situation qui s'aggravait en Afghanistan, où ce pays était militairement très impliqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

a rappelé qu'au cours de sa récente audition par la commission, le président du Sénat afghan avait très largement insisté sur la responsabilité du Pakistan dans la situation actuelle de la sécurité en Afghanistan, y compris dans des régions jusqu'alors épargnées par la violence. L'OTAN tentait de convaincre ses membres d'envoyer de nouvelles forces dans le pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

a relevé qu'un certain flou entourait la stratégie de l'OTAN en Afghanistan. Ainsi, un récent retrait précipité d'un contingent britannique d'une province exposée à la violence avait laissé la population sans protection face aux talibans. Il a proposé d'entendre la ministre de la défense sur cette situation préoccupante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Guy Branger

a confirmé que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, réunie au Canada, avait centré ses débats sur la situation en Afghanistan, où l'OTAN elle-même tient une responsabilité militaire essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

est revenue sur la préoccupation exprimée par les Canadiens, lors de la session de l'Assemblée de l'OTAN, quant à la situation en Afghanistan, après les pertes qu'ils avaient subies et qui les conduisaient à s'interroger sur un éventuel retrait. Elle a soutenu la proposition d'une audition de Mme Michèle Alliot-Marie sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

a estimé que l'intervention internationale en Afghanistan avait été légitime et juste, reposant sur une résolution du Conseil de sécurité. Lors d'une récente audition du ministère des affaires étrangères, il l'avait interrogé sur la situation afghane et la réponse du ministre ne l'avait pas convaincu.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a fait observer que l'un des problèmes majeurs de l'Afghanistan était le trafic de drogue et s'est interrogé sur l'action de la communauté internationale contre ce fléau.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a estimé que, sur l'Afghanistan, c'est le ministre des affaires étrangères qu'il convenait d'entendre en priorité, compte tenu des nombreux enjeux diplomatiques : les Etats-Unis sollicitent leurs alliés européens et entretiennent par ailleurs une attitude ambiguë dans leur relation avec le Pakistan. Par ailleurs, pour ce qui est de la France, les limites sont atteintes quant à ses disponibilités en troupes déployées à l'extérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

se référant aux propos du président du Sénat afghan sur la responsabilité du Pakistan dans la dégradation actuelle de la situation afghane, a estimé cependant qu'une partie des difficultés provenait aussi sûrement des Afghans eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

a indiqué que la prochaine réunion de l'OTAN à Riga, à la fin du mois de novembre, sera, entre autres thèmes, l'occasion d'aborder cette question centrale de la situation sécuritaire en Afghanistan et du rôle qu'y tient l'Organisation atlantique.

Il a estimé qu'au-delà de l'indispensable action de sécurisation militaire du pays, le problème de l'efficacité de l'aide internationale était posé. En dépit des montants financiers substantiels apportés au pays depuis 5 ans, la population, toujours aussi démunie, n'en ressentait pas les effets et pouvait perdre confiance dans l'action internationale. La question de la lutte contre la drogue et la production de pavot, où la Grande-Bretagne est « nation-pilote », est un sujet extrêmement complexe : aucune culture de substitution ne peut rivaliser avec la rentabilité du pavot et toute action coercitive tend à opposer les paysans à l'Etat afghan ou à ceux qui l'assistent dans ce combat. Il a conclu en indiquant que lors du débat budgétaire sur la mission « Défense », il se proposait d'interroger Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la situation en Afghanistan.

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Louis Gallois, co-président exécutif d'EADS et président exécutif d'Airbus.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

Accueillant M. Louis Gallois, M. Serge Vinçon, président, a souligné l'intérêt de la commission pour la situation du groupe EADS et de sa filiale Airbus. Il a évoqué les difficultés de cette dernière, liées au retard de livraison de l'A 380, et le plan de redressement destiné à y remédier et à établir les conditions propices à un prochain lancement de l'A 350. Il a souligné la part représentée par la défense dans les activités du groupe et souhaité que l'audition permette également de faire le point sur le déroulement des principaux programmes militaires dont il est en charge.

Debut de section - Permalien
Louis Gallois

a tout d'abord rappelé que la création d'EADS lui avait permis d'être aujourd'hui une entreprise de haut niveau technologique située au deuxième rang mondial dans son domaine et première société véritablement européenne. Il a ajouté que la période d'euphorie qui avait suivi sa constitution était désormais terminée. Les turbulences autour de son management ont affecté les relations internes au sein de l'entreprise et nui à son image. Sa filiale Airbus traverse une phase difficile.

a jugé plutôt satisfaisante la situation des autres divisions du groupe : Eurocopter, n° 1 mondial pour les hélicoptères, dispose d'un carnet de commandes très fourni, son souci étant d'éviter la saturation de sa chaîne d'approvisionnement pour respecter les calendriers de livraison ; la division « espace » a été remarquablement redressée, les activités « satellites » étant toujours soumises à une rude concurrence américaine alors que l'activité « lanceurs », avec Ariane 5, voit ses parts de marché confortées et que le plein succès du 1er essai en vol du missile M 51 démontre l'excellence technologique atteinte dans le domaine balistique ; la division « défense » enregistre quant à elle des résultats appréciables, avec un carnet de commandes abondant.

a jugé paradoxale la situation d'Airbus qui n'a jamais livré autant d'avions -430 en 2006 contre 395 pour Boeing et 450 livraisons prévues en 2007-, et qui, en même temps, est confronté aux problèmes affectant le programme A 380, à la faiblesse du dollar par rapport à l'euro et à l'agressivité de Boeing sur les marchés, dans un contexte marqué par la succession à la tête de la société de quatre présidents en moins de deux ans. Il a ajouté que l'A 380 est considéré, de l'avis des pilotes des compagnies clientes, comme un excellent avion, et sans doute un des tout meilleurs de tous ceux qu'Airbus ait jamais construits, avant de rappeler sa certification dans les prochaines semaines, en respectant le calendrier initial prévu.

Détaillant les difficultés de l'A 380, M. Louis Gallois a précisé qu'elles concernaient la phase d'industrialisation de l'avion et portaient essentiellement sur le câblage électrique d'une partie du fuselage, la conception ayant été menée avec des logiciels de versions différentes pour la partie française et la partie allemande. De ce point de vue, il a estimé qu'Airbus n'était pas encore une véritable entreprise intégrée, la hiérarchie officielle de la société étant doublée de hiérarchies nationales. Sa priorité sera donc de résoudre cette question. Il a convenu de l'impact très négatif, en termes d'image, des retards successifs annoncés à trois reprises, leur incidence étant également considérable sur le plan financier puisqu'elle est évaluée à 4,8 milliards d'euros entre 2006 et 2010 en termes de résultats et à 6,3 milliards d'euros en termes de trésorerie. Le « business case » de l'avion en sera affecté, puisque le seuil de rentabilité, initialement estimé à 250 appareils vendus, s'établit désormais à 420 appareils.

Le programme A 380 est également fortement pénalisé par le cours du dollar, qui a baissé de 40 % depuis la date de lancement, ce qui revient à une perte de compétitivité de 20 % par rapport à Boeing dans la mesure où la moitié des coûts sont en euros et l'autre moitié en dollars, mais 100 % des ventes sont en dollars. Il a rappelé qu'une baisse de 10 centimes d'euros du cours du dollar se traduit par une perte automatique de 1 milliard d'euros pour Airbus.

a ensuite présenté les principaux aspects du plan de redressement intitulé « énergie 8 ». La baisse des prix demandée aux fournisseurs et sous-traitants se traduira inévitablement par un recours à des fabrications hors de la zone euro. Des efforts permettant d'aboutir à une restructuration équilibrée seront demandés dans chacun des pays d'implantation d'Airbus, aucune rationalisation de la structure industrielle n'ayant réellement été opérée depuis la création de la société actuelle qui est issue de 4 sociétés nationales. L'objectif central est d'aboutir à une véritable entreprise européenne intégrée, les économies devant atteindre 2 milliards d'euros en 2010 par rapport à la tendance actuelle. La réussite de ce plan est une condition impérative pour le lancement de l'A 350, qui ne peut être engagé sans une restauration de la compétitivité de l'entreprise. Il a rappelé qu'il n'y avait pas de conséquences immédiates significatives à attendre sur l'emploi industriel à l'intérieur d'Airbus, compte tenu du nombre important de commandes à livrer.

a ensuite abordé les activités d'EADS dans le domaine de la défense, qui représentent un chiffre d'affaires de 8 milliards d'euros et un carnet de commandes de 52 milliards d'euros. Il a jugé ces activités essentielles pour le groupe, compte tenu des retombées technologiques des programmes de défense dans le domaine civil -ce qui par exemple bénéficie amplement à Boeing- et de la nécessité d'équilibrer les variations de cycle propres à l'aéronautique civile. Il a estimé que l'industrie de défense n'avait pas à peser sur les choix relatifs à la politique de défense, mais il a rappelé que toute politique de défense autonome devait s'appuyer sur des capacités industrielles, celles-ci participant donc de la posture de défense d'un pays ou, s'agissant de l'Europe, d'un ensemble de pays. Il a également salué la bonne application de la loi de programmation militaire et le redressement des crédits de recherche et technologie, pour lesquels il reste souhaitable de parvenir à un flux annuel de l'ordre de 1 milliard d'euros et de renforcer les coopérations européennes. Celles-ci ne portent actuellement que sur 10 % des dépenses de recherche de défense en Europe, l'ensemble de ces dépenses ne représentant que 20 % de l'effort de recherche militaire américain.

a ensuite évoqué les différents programmes militaires en cours de réalisation au sein d'EADS. Dans le domaine de la dissuasion qu'EADS considère comme une priorité, le succès remarquable du 1er essai en vol du missile balistique M 51 constitue en tant que tel un élément participant à la crédibilité de notre dissuasion. Quant au missile ASMP/A, qui constitue une prouesse technologique que les Français sont les seuls, avec les Russes, à réaliser et dont la capacité de pénétration permet de s'affranchir de toute parade connue, le tir de qualification effectué en juin dernier s'est avéré excellent.

Le programme d'avion de transport militaire A 400 M se déroule jusqu'à présent dans le respect des jalons initialement fixés. Il est développé selon une approche commerciale, mais il s'agit cependant d'un programme militaire complexe, notamment dans le domaine de l'aérodynamique, de l'intégration du moteur, qui sera le plus puissant turbopropulseur au monde, et des systèmes militaires embarqués, comme les radars ou les contre-mesures. Un audit a été effectué et ses résultats seront présentés à l'OCCAr (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement) le 30 novembre prochain. M. Louis Gallois a indiqué que le respect de délais tendus nécessiterait en tout état de cause un resserrement de la gestion du programme et un travail en équipe au sein d'EADS et avec des partenaires essentiels comme les motoristes. Il a proposé à ces derniers la constitution d'une équipe intégrée.

S'agissant du ravitaillement en vol encore assuré par des avions très anciens, EADS propose au ministère de la défense un contrat de service pour la fourniture d'A 330 multi rôles, aptes au transport stratégique et au ravitaillement, cet avion remportant actuellement toutes les compétitions auxquelles il participe, notamment en Australie, au Royaume-Uni et en Arabie Saoudite. EADS participe également à la compétition pour le renouvellement des avions ravitailleurs aux Etats-Unis, en espérant une compétition ouverte. Pour la France, le loyer proposé dans le cadre d'un tel contrat serait inférieur au coût actuel des flottes très anciennes remplissant aujourd'hui ces missions.

Dans le domaine des hélicoptères, a poursuivi M. Louis Gallois, les livraisons de l'hélicoptère de combat Tigre à l'armée de terre française auront atteint 9 appareils en version appui protection (HAP) en fin 2006, au lieu des 12 initialement prévus, mais le rythme de livraison devrait désormais atteindre la cadence normale. Les retards enregistrés dans le passé s'expliquent notamment par des causes techniques et des processus d'admission en réception extrêmement complexes. D'ailleurs, les procédures en vigueur en Allemagne font que le Tigre n'y a pas encore reçu sa qualification, alors que les Tigre australiens, pour leur part, vont être prochainement engagés en opérations en Afghanistan. Pour l'hélicoptère de transport NH 90 TTH, la réduction de 34 à 12 du nombre d'exemplaires commandés pour l'armée de terre en 2007 ne pourra être neutre en termes de calendrier et de prix que si des garanties peuvent être apportées sur la commande en 2008 des 22 autres appareils. Pour ce qui est de la version navale, dont Agusta est le maître d'oeuvre, la livraison ne devrait intervenir qu'en 2008, principalement en raison de problèmes rencontrés pour l'intégration du radar.

S'agissant des drones, le système intérimaire de drone Male (SIDM) offre une réponse aux besoins capacitaires des armées pour les 10 prochaines années. Dans cette perspective, le système doit bénéficier d'un programme destiné à l'industrialiser et EADS compte, dans ce cadre, prolonger la coopération avec les Israéliens. Dans les années 2013, les armées veulent pouvoir compter sur une solution européenne de drone MALE de surveillance. EADS, associé aux services officiels, se prépare à répondre à ce besoin avec une solution qui s'appellera peut-être Advanced UAV plutôt qu'EUROMALE mais qui correspond toujours à la satisfaction des mêmes missions. La volonté d'associer l'Allemagne a conduit en effet à étudier une solution intitulée « Advanced UAV » qui pourrait dériver d'un démonstrateur de technologie allemand et dont il est souhaitable que la définition entraîne la pleine participation de sociétés, comme Dassault, impliquées dans EUROMALE. La plateforme allemande pourrait être dotée d'une version ayant des ailes plus courtes permettant de répondre aux missions de reconnaissance rapide intéressant l'Allemagne.

Dans le domaine des systèmes, les activités d'EADS sont orientées par trois évolutions : la convergence des systèmes d'information et de communication des trois armées, l'émergence de « systèmes de systèmes » associant tous les outils permettant une gestion complète du champ de bataille, les besoins croissants de la sécurité civile.

Dans le domaine spatial, la première priorité vise à renforcer les synergies en Europe entre capacités optiques et radar pour l'observation. En matière de télécommunications, EADS plaide pour la satisfaction des besoins militaires supplémentaires par des synergies franco-italo-britanniques permettant une pleine utilisation des capacités disponibles.

En conclusion, M. Louis Gallois a estimé que l'Europe devait disposer d'une industrie de défense compétitive et a souligné les enjeux technologiques, industriels et économiques que cela représente. Il a considéré que la forte concurrence américaine conjuguée à une « dépression » budgétaire dans le domaine de la défense en Europe, exception faite de la France et du Royaume-Uni, créait une situation économiquement difficile pour le secteur. Il a souhaité que la position des grands maîtres d'oeuvre soit consolidée dès lors qu'ils se préoccupent de la charge des acteurs de second niveau, jugeant que la dispersion des crédits pouvait affaiblir l'industrie européenne dans son ensemble en freinant l'émergence de groupes atteignant la taille critique nécessaire. Il a ainsi observé que les consolidations n'étaient pas terminées dans l'industrie européenne de défense. Il a souhaité que les programmes soient désormais gérés au niveau européen, les leçons devant être toutefois tirées de l'expérience NH 90. Enfin, il a souligné l'enjeu vital que représente l'exportation pour l'industrie européenne de défense (qui a fait l'objet récemment du rapport Fromion auquel il souscrit) et l'importance du soutien de tous les Etats européens dans ce cadre.

Un débat s'est ensuite engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Bergé-Lavigne

a souligné le traumatisme que les difficultés rencontrées par le programme A 380 suscitaient dans la région Midi-Pyrénées. Elle a regretté que les succès de l'entreprise Airbus aient été à ce point affectés par des turbulences manageriales, probablement aggravées par le comportement de certains actionnaires qui avaient précipitamment vendu leurs parts. Elle s'est également interrogée sur une éventuelle précipitation dans le développement de l'A 380, qui ne s'était étendu que sur cinq ans.

Elle s'est ensuite enquise des solutions envisagées pour harmoniser les logiciels de fabrication, utilisés respectivement dans les usines de Hambourg et de Toulouse. Elle a évoqué la situation des sous-traitants d'Airbus, durement affectés par la crise actuelle, et a rappelé que les collectivités territoriales de la région Midi-Pyrénées avaient beaucoup oeuvré pour soutenir le programme A 380, dans l'espoir qu'il serait créateur d'emplois. Elle a exprimé la crainte que ce programme ne soit d'ores et déjà tributaire du lancement à venir de l'A 350. Elle s'est par ailleurs interrogée sur les fonctions de direction confiées à des responsables allemands pour les unités « défense » du groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

s'est dit surpris de la crise traversée par EADS, entreprise qui avait toujours été choyée par la République. Il a estimé que le bicéphalisme de sa direction, résultant d'un compromis politique, avait eu des effets négatifs. Evoquant la récente promesse du Premier ministre d'un soutien financier pour les sous-traitants, il s'est demandé si cette aide correspondait aux besoins effectifs. Souhaitant savoir si la crise d'EADS était désormais totalement résolue, il a exprimé la crainte que le pôle d'excellence aéronautique français, situé aujourd'hui à Toulouse, ne soit transféré en Ile-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

s'est étonné que des problèmes d'intégration aient affecté l'A 380, alors que les programmes antérieurs se sont déroulés sans difficultés. Il s'est enquis de l'impact éventuel de la crise que traverse EADS sur le déroulement du programme A 400 M, dont il a souligné l'impérieuse nécessité pour combler les lacunes capacitaires en matière de transport militaire. Il s'est ensuite demandé si le projet MRTT (multirole transport tanker), basé sur un dérivé de l'Airbus A 330, et destiné à remplir des missions de transport de troupes et de ravitaillement en vol, se traduirait par une livraison prochaine d'appareils à l'Armée de l'Air. Abordant enfin les programmes de drones, il s'est interrogé sur l'éventuelle relation entre l'échec d'EuroMale et un manque de coopération entre les branches française et allemande d'EADS. Il a souligné que Dassault avait réussi à réunir plusieurs partenaires autour de son projet UCAV (Unmanned Combat Aerial Vehicle) et s'est enquis de l'évolution d'une démarche similaire effectuée par EADS sur le projet Advanced UAV (Unmanned Aerial Vehicle).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

s'est interrogée sur les mesures concrètes d'ores et déjà retenues pour surmonter les difficultés d'intégration qui ont affecté le programme A 380 et a souhaité connaître l'impact à venir, sur l'emploi, du plan « Energie 8 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

a souscrit à l'analyse de M. Louis Gallois sur l'impact industriel négatif d'un euro fort face à un dollar faible. A cet égard, il s'est interrogé sur l'influence d'un groupe comme EADS sur la stratégie suivie par la Banque centrale européenne. Abordant ensuite les activités d'Eurocopter, il a estimé qu'il serait pertinent de développer l'application civile des programmes d'hélicoptères militaires. Il s'est enfin interrogé sur l'opportunité de partenariats public-privé dans le domaine de la défense civile.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

a souhaité savoir si la crise du programme A 380 était entièrement maîtrisée, soulignant que certains archaïsmes de conception devaient être surmontés. Il a ensuite évoqué la probable réduction du nombre de sous-traitants d'EADS travaillant dans la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Luc

a rejoint l'analyse de M. Louis Gallois selon laquelle il n'incombait pas à l'industrie de la défense de définir les priorités de la politique menée en ce domaine. Elle s'est ensuite interrogée sur la portée de la prise de participation russe dans le capital d'EADS. Puis elle a attiré l'attention de M. Louis Gallois sur l'éventuel impact négatif de la fin du développement du missile M 51 sur l'emploi dans l'établissement concerné de Saint Médard en Jaille.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

a souhaité que M. Louis Gallois précise la situation actuelle de l'actionnariat d'EADS et son évolution éventuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

a relevé que le plan « Energie 8 » visait à réaliser 2 milliards d'euros d'économies d'ici à 2010, et s'est interrogée sur un éventuel recours à un financement public pour aider d'EADS à traverser cette phase difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

a fait valoir que le succès à venir de l'A 380 dépendrait largement de la disparition progressive des particularismes et réflexes nationaux au sein d'EADS. Il a souligné les effets pervers que l'actuel rapport de change euro-dollar faisait peser sur les industries européennes et s'est interrogé sur les moyens d'infléchir la politique de la Banque centrale européenne (BCE).

Debut de section - Permalien
Louis Gallois

a apporté les précisions suivantes :

- depuis la création d'EADS, le groupe compense le niveau élevé du dollar grâce à une couverture de change qui va s'épuiser progressivement ; à compter de 2009, le dollar courant, dont le taux est très pénalisant pour l'industrie européenne, prendra pleinement effet ;

- la réduction des temps de développement est un objectif poursuivi par l'ensemble des industries modernes ; ainsi, le secteur automobile a réduit le cycle de développement d'un modèle de 6 à 4 ans. La durée de développement de l'A 380 est restée dans une limite raisonnable puisque l'appareil obtiendra sa certification par l'aviation civile à la date prévue. Le problème a porté sur son industrialisation, l'A380 ayant été le premier avion entièrement développé par Airbus, depuis sa constitution en tant que société intégrée alors que celle-ci ne s'était pas accompagnée d'un système de contrôle industriel adapté ;

- l'essentiel des difficultés de câblage des tronçons affectant l'A 380 proviennent de l'utilisation d'un logiciel différent en France et en Allemagne. De surcroît, la demande de certains clients, pour des câblages spécifiques, a entraîné plusieurs versions de l'appareil parfois pour une même compagnie. Pour remédier à cette disparité, les instruments de conception assistée par ordinateur (CAO) sont en voie d'unification entre les différentes unités, françaises, allemandes, anglaises et espagnoles ;

- le programme A 380 n'est, bien sûr en aucune façon, condamné, mais ses difficultés pèsent, pour les administrateurs et les actionnaires, sur le lancement de l'A 350. Il appartient à la direction d'Airbus de convaincre que les problèmes rencontrés ne se reproduiront pas pour l'A 350 et que l'intégration requise produira tous ses effets ;

- les règles de gouvernance d'EADS ont évolué notablement avec la réunion sur une même personne de la fonction de président exécutif d'Airbus et de co-président exécutif d'EADS. Cette évolution doit aussi permettre d'en finir avec l'image d'une « forteresse Airbus » pour, au contraire, favoriser une meilleure synergie avec EADS ;

- le bicéphalisme d'EADS résulte, en effet, du compromis franco-allemand du départ. Il faut le faire vivre. L'objectif prioritaire aujourd'hui est d'estomper le clivage franco-allemand ;

- les 145 millions d'euros, récemment promis par le Premier ministre pour aider le tissu de sous-traitants d'Airbus et la Recherche, constituent un apport appréciable pour la trésorerie des plus vulnérables d'entre eux. A cette occasion, le Premier ministre a, par ailleurs, réaffirmé la vocation de Toulouse comme seul « pôle de compétitivité mondial aéronautique ». L'Ile-de-France n'aura pas le même statut ;

- les programmes A 320 et A 330 ont pu être réalisés sans rencontrer les mêmes problèmes d'intégration que connaît l'A 380, car leur conception était plus simple ; ceci n'explique cependant pas entièrement les difficultés rencontrées par l'A 380. La solution pour surmonter ces problèmes consiste à appliquer progressivement à l'ensemble de la chaîne des systèmes de conception assistée par ordinateur cohérents et efficaces ;

- les livraisons de l'A 400 M sont en effet très attendues par l'armée de l'air. Les délais ne pourront être respectés qu'à condition qu'une organisation resserrée soit mise en place et qu'un travail complémentaire soit réalisé, en concertation avec les autorités de certification et de qualification. Il ne faut cependant pas dissimuler que ce programme comporte plus de difficultés techniques que l'ont cru aussi bien les clients que EADS. Un audit a été mené sur ce point dont les résultats seront soumis, le 30 novembre prochain, à l'OCCAR qui représente les clients européens de l'avion ;

- EADS sera en mesure de commencer à livrer vers fin 2010-2011 les avions MRTT au ministère de la défense, si la commande lui en est passée en 2008 ;

le programme SIDM (Système Intérimaire de Drones MALE) est en bonne voie, les 3 premiers vols en France viennent d'être réalisés à Istres. EADS a pris l'engagement de fournir ce système. Le véhicule acquis « sur étagères », en Israël, ne pose pas de problème. En revanche, le développement du système et son intégration ont rencontré des difficultés, dont la solution a été entièrement financée sur ses fonds propres, par EADS.

le projet d'Advanced UAV bénéficie d'un financement initial de 3 grands pays européens (France, Espagne et Allemagne), il est doté de la part de la DGA de l'ordre de 25 millions d'euros pour un programme de réduction des risques sur cette solution. Le démonstrateur « Barracuda » a montré ses qualités mais a aussi rencontré quelques problèmes techniques, mais il pourrait être envisagé de passer directement à la réalisation d'un prototype d'Advanced UAV ;

nos partenaires allemands sont favorables à une plus grande intégration d'Airbus dans EADS. Cette démarche d'intégration concerne aussi Airbus lui-même ; elle n'est pas simple et doit être soutenue par l'ensemble des partenaires, allemands, espagnols, britanniques et français ;

l'impact du plan « Energie 8 » concernera plutôt, à court terme, les emplois de structure, c'est-à-dire toutes les activités sans relation avec la production, le développement ou l'ingénierie, où les besoins restent importants ;

les sous-traitants fournisseurs d'Airbus devront se réorganiser. Les fournisseurs directs de niveau 1, dont les productions sont intégrées aux avions, sont actuellement au nombre de 3 000. Ils devront être réduits à environ 500, à charge pour eux d'organiser leur propre sous-traitance ; les autres deviendront en effet des fournisseurs de niveau 2. EADS favorisera par ailleurs les regroupements nécessaires de ses fournisseurs ;

EADS n'a pas vocation à influencer la stratégie de la BCE. D'une façon générale, il est clair que dans nos métiers et quelle que soit la nationalité du pays partenaire d'Airbus, le groupe souffre du dollar faible ;

Eurocopter intervient aussi bien dans le domaine civil que militaire. Ses Super Puma sont ainsi utilisés pour l'exploration pétrolière. Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres ;

il est de la responsabilité des dirigeants d'EADS de mesurer, en permanence, les questions de management des risques ;

les Russes souhaitent investir une partie de leurs capitaux dans l'industrie aéronautique et sont donc entrés dans le capital d'EADS. Il n'est cependant pas prévu qu'ils jouent un rôle dans la gouvernance d'une entreprise dont les activités, dans le domaine de la défense, participent d'ailleurs de la souveraineté nationale. La solution réside dans l'intensification des partenariats et de programmes en coopération ;

l'impact financier des difficultés actuelles doit être relativisé ; l'entreprise n'a pas de problèmes de trésorerie insurmontable. La trésorerie d'Airbus et d'EADS sont largement positives et l'entreprise ne souffre d'aucun endettement ;

l'évolution du capital d'EADS ou d'Airbus donne lieu actuellement dans la presse à des scenarii multiples et souvent contradictoires. Les groupes Lagardère et Daimler Chrysler ont réduit leur part dans le capital du groupe au printemps 2006. Le groupe Daimler Chrysler envisage une réduction supplémentaire de sa participation, dans des conditions assurant le respect de l'équilibre actuel franco-allemand au sein du capital d' EADS ;

la crise que traverse EADS peut servir de levier pour surmonter les particularismes nationaux, dont chacun des partenaires a conscience qu'ils ne sont pas tenables à terme et à s'orienter par conséquent et délibérément vers une véritable entreprise européenne.