La commission a entendu Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi de finances pour 2008.
a rappelé l'engagement fort du Président de la République sur cinq ans qui consiste à accroître de 5 milliards d'euros les moyens de l'enseignement supérieur et à augmenter de 4 milliards d'euros les moyens dédiés à la recherche et à l'innovation.
Pour 2008, cet engagement se traduit par l'augmentation de 7,8 % des moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche, soit 1,8 milliard d'euros, se répartissant de la façon suivante : 1.286 millions d'euros au titre de la mission interministérielle pour la recherche et l'enseignement supérieur (dont 130 millions d'euros au profit de l'Agence nationale de la recherche), 60 millions d'euros pour le financement extrabudgétaire d'Oseo et 455 millions d'euros (soit +56,6 %) au titre des dépenses fiscales, dont 390 millions d'euros pour le crédit d'impôt recherche et 65 millions d'euros pour dynamiser le financement de l'enseignement supérieur. La dépense moyenne par étudiant augmentera ainsi de 405 euros, pour atteindre 7.375 euros en 2008.
La ministre a rappelé le caractère ambitieux des objectifs à atteindre d'ici à 2012, avec 50 % d'une classe d'âge accédant au niveau de la licence, deux établissements classés dans les 20 premiers mondiaux et 10 parmi les 100 premiers, un effort de recherche porté à 3 % du PIB et l'amélioration des performances en termes de dépôts de brevets, de publications scientifiques, d'accueil et de mobilité des étudiants, enseignants et chercheurs.
Elle a rappelé que la stratégie à 5 ans en matière de recherche reposait sur quatre piliers :
- des universités autonomes et puissantes ;
- une meilleure réussite des étudiants de la licence au doctorat ;
- une recherche d'excellence dans un environnement attractif ;
- une ambition nouvelle pour la recherche et le développement (R et D) privés.
La ministre a précisé que les choix budgétaires pour 2008 permettraient de lancer les grands chantiers dans une perspective à 5 ans, avec 1.329 millions d'euros supplémentaires, et de consolider la situation des personnels à hauteur de 470 millions d'euros.
Puis Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a exposé les cinq priorités pour le budget 2008.
La première consiste à accompagner l'autonomie des universités, avec 381 millions d'euros supplémentaires, afin de :
- renforcer l'encadrement des universités (fonctions de gestion des ressources humaines, financières et comptables) et revaloriser les carrières, avec respectivement 6,2 et 12,9 millions d'euros ;
- mettre l'accent sur l'immobilier pour préparer son transfert aux universités, avec un effort supplémentaire de 329 millions d'euros, dont 77 millions pour la construction et le premier équipement, 45 pour la sécurité et la maintenance et 207 en faveur des grands travaux ;
- augmenter les moyens de fonctionnement des établissements, notamment par le biais de l'exonération de la taxe sur les salaires qui leur procurera 85 millions d'euros, et attirer des financements nouveaux, avec 25 millions d'euros supplémentaires d'exonération d'impôts ;
- renforcer l'évaluation, 6,5 millions d'euros supplémentaires étant consacrés à l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AÉRES).
La deuxième priorité consiste à favoriser la réussite des étudiants, avec 173 millions d'euros supplémentaires :
- en assurant l'égalité des chances par le biais d'une amélioration des conditions de vie et d'étude, à laquelle 88 millions d'euros supplémentaires seront consacrés, avec une réforme du système des bourses -financée à hauteur de 61,5 millions d'euros en 2008- afin de le rendre simple, lisible et plus juste, réforme assortie d'un accès facilité à l'emprunt ; un doublement du nombre de bourses à la mobilité et au mérite (60.000 au total) ; une amélioration de l'hébergement des étudiants (+5,75 millions d'euros) ; l'amélioration de l'accessibilité des locaux pour les personnes handicapées (+15 millions d'euros) ; un renforcement des moyens consacrés à la médecine préventive (+2 millions d'euros) et de ceux alloués au réseau des oeuvres (+3,7 millions d'euros) ;
- en accompagnant les initiatives des étudiants, avec 45 millions d'euros supplémentaires consacrés à l'encouragement du travail étudiant, à travers sa défiscalisation, et à l'exonération de charges pour les jeunes entreprises universitaires ;
- en mobilisant 40 millions d'euros de moyens nouveaux pour lutter contre l'échec, par le biais de l'orientation active et de l'accompagnement à l'entrée à l'université, du renforcement du cursus de licence, du développement du tutorat, de l'extension des horaires des bibliothèques, des efforts en faveur de l'insertion professionnelle et de l'allongement de la durée des stages en Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM).
La troisième priorité concerne l'amélioration de l'environnement des chercheurs, à laquelle 143 millions d'euros supplémentaires seront consacrés en 2008, dont :
- 19 millions pour conforter la situation des jeunes chercheurs ;
- 22 millions pour améliorer les conditions de travail et de recherche ;
- 95 millions (soit +4,5 %) pour augmenter de manière ciblée les moyens des organismes de recherche (38 pour ceux qui relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et 57 millions pour les autres) ;
- 6,4 millions d'euros pour renforcer les moyens de la recherche universitaire dans le cadre des contrats d'établissements.
La quatrième priorité pour 2008 consiste à favoriser la montée en puissance de la recherche sur projets, à laquelle 190 millions d'euros supplémentaires seront consacrés, dont 130 millions (+ 16 %) en faveur de l'Agence nationale de la recherche et 60 millions (+37 %) pour Oseo innovation. Les crédits de l'ANR sont rebudgétisés à compter du 1er janvier 2008, conformément aux demandes des parlementaires lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.
Enfin, la cinquième priorité concerne la dynamisation de la recherche privée. 390 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au crédit d'impôt recherche en 2008, soit un quasi-doublement par rapport à 2005, assortis d'une réforme de grande ampleur dès le 1er janvier 2008. En outre, 53 millions d'euros supplémentaires seront dédiés à la recherche industrielle, au travers du fonds de compétitivité des entreprises, du dispositif « Jeunes entreprises innovantes » et des interventions d'Oseo en faveur des PME participant à des pôles de compétitivité.
s'est réjoui de l'importance de l'effort budgétaire proposé pour 2008. Il s'est déclaré particulièrement sensible au renforcement de l'encadrement en vue de l'autonomie des universités, à la réforme des bourses ainsi qu'à l'élargissement des horaires d'ouverture des bibliothèques universitaires. Il s'est inquiété néanmoins du fait que les crédits inscrits au titre du logement étudiant ne permettent pas de rattraper le retard pris pour remplir les objectifs du plan Anciaux, ainsi que de l'utilisation à d'autres fins de certains crédits des contrats de plan Etat-régions pourtant censés lui être consacrés.
Il a demandé ensuite comment seraient financés les besoins de mise en sécurité des bâtiments universitaires, supérieurs de 297,5 millions d'euros aux crédits pour 2008.
Il s'est félicité de la généralisation du dispositif d'« orientation active », mais il s'est inquiété de ses modalités dans la mesure où les résultats de sa mise en place en 2007 se sont avérés très inégaux.
Evoquant le chantier « Réussir en licence », il a demandé quelles suites seraient données aux propositions de l'Académie des Sciences concernant le renforcement de l'attractivité des filières scientifiques.
Il a souhaité des précisions sur la réforme envisagée des critères San Remo pour la fixation des subventions aux établissements d'enseignement supérieur. Puis, outre un point sur l'intégration des IUFM aux universités, il a demandé l'état des réflexions sur la place du concours. Enfin, il a souhaité qu'un chantier soit ouvert sur la question de l'innovation pédagogique et de sa prise en compte dans l'évaluation des enseignants.
Après avoir remercié la ministre pour les avancées considérables proposées pour 2008, M. Pierre Laffitte, corapporteur pour avis de la mission interministérielle pour la recherche et l'enseignement supérieur, s'est montré plus particulièrement intéressé par trois priorités : l'amélioration de l'environnement des chercheurs, le renforcement de la recherche sur projets et la dynamisation de la recherche privée. Soulignant que la croissance de l'économie française dépendrait des progrès en matière d'innovation, il a insisté sur les insuffisances graves du financement initial du processus permettant de conduire d'une idée à un projet. Le système d'incubation français n'est pas à la hauteur, la capacité de lever des fonds en faveur d'un projet étant mille fois inférieure à la situation américaine. Il est regrettable que des chercheurs bien formés dans notre pays ne puissent valoriser correctement les résultats de leurs recherches, les moyens étant très insuffisants. A cet égard, le rapporteur pour avis a défendu l'idée que les redevables de l'impôt sur la fortune puissent bénéficier d'une déduction fiscale très supérieure à celle prévue à la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) du 22 août 2007, afin d'encourager pleinement la prise de risque d'un jeune chercheur. Une telle mesure lui a semblé s'imposer, le capital-risque étant dix fois inférieur en France à ce qui existe en Israël et ne permettant pas, en tout état de cause, de financer cette étape en amont de la recherche.
Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité de développer les cofinancements public-privé, comme le permettent notamment les fondations. Evoquant ensuite les pôles de compétitivité, il a suggéré que figurent, au titre des critères d'évaluation, le volume de partenariat public-privé ainsi que le caractère international des projets.
Enfin, il a souhaité que des moyens soient consacrés au développement de la coopération universitaire internationale.
a apporté aux rapporteurs pour avis les éléments de réponse suivants :
- une mission a été confiée à M. Jean-Paul Anciaux sur les moyens d'atteindre les objectifs du plan logement étudiant, dont les conclusions seront rendues en décembre prochain. Outre les crédits dévolus au Centre national d'oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) à ce titre (52 millions d'euros en 2008), 45 millions d'euros devraient lui être consacrés grâce aux ressources propres et aux emprunts contractés par les Centres régionaux d'oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). En outre, on estime à environ 20 millions d'euros les moyens attribués au logement étudiant par le biais des contrats Etat-régions. Néanmoins, on reste loin des objectifs du plan Anciaux ;
- en 2008, un service public d'orientation sera mis en place dans un continuum entre enseignement secondaire et enseignement supérieur ;
- le rapport de l'Académie des Sciences nourrira, au même titre que d'autres rapports, le chantier « Réussir en licence ». Il conviendra de tenir compte des problèmes liés au niveau des bacheliers non scientifiques. Par ailleurs, il a été demandé aux directeurs d'Instituts universitaires de technologie (IUT) de réfléchir aux conditions d'un plus large accueil des bacheliers technologiques ;
- en avril 2008, l'ensemble des IUFM hors DOM-TOM seront intégrés aux universités. Le cahier des charges a été révisé et il n'est pas prévu, pour l'instant, de modifier les conditions d'accès et de diplômes ;
- les critères d'évaluation des enseignants évolueront, dans le cadre de l'autonomie des universités ;
- les fonds de l'Agence nationale de valorisation de la recherche (OSEO-Anvar), qui doit prochainement fusionner avec l'Agence de l'innovation industrielle (AII), permettent une vraie continuité dans l'accompagnement de la croissance des jeunes entreprises innovantes ;
- le ministère des finances devrait être sensibilisé à la nécessité de contribuer au succès des différentes structures de coopération en matière de recherche ;
- on peut s'inquiéter des insuffisances de la coopération universitaire internationale (tel est, par exemple, le cas avec l'Inde). Ceci relève du budget du ministère des affaires étrangères et les universités ne disposent pas de crédits budgétaires spécifiquement consacrés à ces actions. Il conviendrait de conduire des réflexions sur cet important sujet ;
- il faudrait aussi coordonner les efforts de l'Etat et des régions en faveur des bourses de mobilité.
a salué l'effort conséquent, et attendu, proposé pour 2008. Puis il s'est déclaré préoccupé par l'important taux d'échec en première et deuxième année du premier cycle universitaire. Il a proposé un renforcement des heures d'enseignement, y compris venant des professeurs du secondaire, afin de conforter l'encadrement des étudiants. Il s'est aussi interrogé sur le niveau des moyens consacrés au tutorat.
Il a demandé une évaluation des besoins concernant la mise à niveau du patrimoine immobilier universitaire avant son éventuel transfert de propriété aux universités. Il a jugé nécessaire une réflexion sur la difficile question de la maîtrise d'ouvrage. A cet égard, il a estimé que l'Etat devait jouer un rôle d'encadrement, d'innovation et d'appui à la maîtrise d'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre, et se montrer exemplaire en la matière (s'agissant notamment de la qualité architecturale et de la performance énergétique des bâtiments), l'image de marque des universités françaises pouvant ainsi évoluer favorablement en quelques années.
Enfin, évoquant le classement de Shanghai, il a suggéré que les institutions européennes conduisent une analyse critique de ses critères ainsi qu'une réflexion permettant d'établir leur propre classement.
Après avoir remercié la ministre pour la clarté de sa présentation, Mme Marie-Christine Blandin a souhaité que l'on saisisse l'opportunité du « Grenelle de l'environnement » pour prévoir des indicateurs en matière d'économies d'énergie et renforcer les moyens qui leur sont consacrés. Elle a indiqué que, si des crédits devraient être alloués à la question du réchauffement climatique, le pessimisme était de mise en revanche s'agissant des volets biodiversité -alors que ce sujet est au moins aussi grave- et prévention en matière de santé. L'Etat se doit d'intervenir dans ce domaine, le nombre insuffisant de postes de chercheurs dans ces secteurs étant criant et s'expliquant partiellement par la non-brevetabilité des découvertes.
a évoqué les difficultés rencontrées par certains étudiants pour s'inscrire en « master 2 » ou pour passer d'une université privée à une université publique.
a demandé des précisions concernant les postes de « doctorants conseils ».
s'est interrogé sur l'évolution du Centre national de recherche scientifique (CNRS) et sur les raisons de la modification de son plan stratégique.
a demandé quelle suite serait donnée aux propositions du rapport d'information de la commission sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles, et il s'est interrogé sur leur traduction dans le budget pour 2008.
a apporté aux intervenants les éléments de réponse suivants :
- les mesures s'inscrivent dans une dynamique et dans la logique d'un calendrier de réforme sur cinq ans. S'agissant du chantier sur la licence, le budget 2008 ne prend en compte que le premier trimestre de l'année universitaire 2008-2009 ;
- la mise en sécurité des bâtiments, hors Jussieu, nécessitera 300 millions d'euros après 2008, sans compter les besoins que pourraient laisser apparaître les audits. Il serait utile de lancer un plan « campus » permettant de mobiliser les sommes nécessaires, y compris sur le plan extrabudgétaire ;
- une réflexion européenne concernant les critères de classement des universités, notamment par le biais d'une assurance qualité, est à l'agenda de la présidence française européenne. Erasmus pourrait ainsi redevenir un outil prioritaire de la politique européenne ;
- il est important de défendre au plan international l'initiative prise par la France, en 2005, en faveur d'une convention sur la biodiversité et de développer les réseaux de recherche dans ce domaine ainsi que dans celui de la prévention en matière de santé ;
- s'agissant des « masters 2 », certains problèmes de cohérence se posent, partiellement liés au fait que le système Licence master doctorat (LMD) a été souvent calqué sur l'ancienne organisation des cycles universitaires. L'avant-projet de loi sur l'autonomie des universités cherchait à améliorer cette cohérence en conditionnant l'accès au master, mais les syndicats étudiants ont mis en avant les schémas de recrutement des employeurs, toujours fondés sur l'ancien dispositif. En outre, il conviendrait de revenir sur la scission entre « masters professionnalisants » et « masters recherche » ;
- les « docteurs-conseils » seront aussi moniteurs de l'enseignement supérieur. Leur rémunération sera de 1985 euros par mois, soit + 1,5 fois le SMIC, pendant 3 ans. Le laboratoire négociera et facturera directement la prestation de services à l'entreprise concernée. 500 contrats sont prévus pour 2008 et 1.000 pour 2009 ;
- il est nécessaire d'opérer un rééquilibrage entre la recherche financée de façon totalement récurrente et le financement sur projets. Pour 2008, les subventions allouées aux organismes de recherche et aux universités, dans le cadre des stratégies de recherche qu'ils arrêtent de façon autonome, augmentera de 4,9 %. Le financement sur projet, dont l'Agence nationale pour la recherche (ANR) est le bras armé, permet de faire face aux défis et priorités sociétales dans le cadre d'une politique nationale de recherche, ce qui n'empêche pas l'ANR de consacrer 30 % de ses crédits à la recherche fondamentale. C'est ainsi, par exemple, que l'on pourra renforcer les recherches sur la maladie d'Alzheimer ;
- s'agissant du plan stratégique du CNRS, un contrat quadriennal d'objectifs sera signé au premier semestre 2008, qui, sans remettre en cause son indépendance scientifique, impliquera des engagements mutuels, et par conséquent, une logique de concertation avec sa tutelle. Il faut relever que le CNRS est déjà une agence de moyens, 80 % de ses personnels travaillant dans des unités mixtes de recherche, dans des locaux universitaires. La mission confiée à M. François d'Aubert, ancien ministre chargé de la recherche, permettra de débattre ouvertement des conditions du partenariat entre le CNRS et les universités. Outre les subventions récurrentes dont il bénéficie, le CNRS perçoit environ 35 % du budget de l'ANR ;
- le ministère soutient les initiatives conduites dans le cadre de l'opération « 100.000 étudiants pour 100.000 élèves » pour la mise en oeuvre de la charte pour l'égalité des chances dans l'accès à l'enseignement supérieur, l'objectif étant que 5 % des meilleurs élèves de chaque lycée puissent accéder aux classes préparatoires aux grandes écoles.