Au cours d'une seconde séance tenue dans la soirée, la commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, sur le projet de loi de finances pour 2010.
s'est d'abord réjouie d'être interrogée par la commission de l'économie sur la réforme de la taxe professionnelle, celle-ci portant une ambition et un objectif économiques et non simplement financiers. En effet, la part de l'industrie a baissé dans le produit intérieur brut français, passant de 18 % à 12 % au cours des quinze dernières années, période durant laquelle le pays a perdu 500 000 emplois industriels. La France demeure un pays attractif pour les investissements directs étrangers (IDE), mais elle est pénalisée par l'existence d'un impôt inconnu de la plupart des autres pays. Or, il est nécessaire de conserver une activité industrielle importante, condition indispensable pour pouvoir mener de la recherche et développement.
a expliqué vouloir supprimer le caractère anti-économique de la taxe professionnelle tout en créant un nouveau panier de ressources disponibles pour les collectivités territoriales. Celles-ci bénéficieront en 2010 soit des recettes qu'elles obtiendraient avec une taxe professionnelle calculée à partir des taux en vigueur en 2008 et de la base de 2010, soit des mêmes recettes qu'en 2009 si ces dernières sont plus élevées que le résultat du premier calcul. Le projet de réforme voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 permet, conformément aux exigences constitutionnelles, de compenser, pour les collectivités, les effets de la suppression de la taxe professionnelle ; toutefois, un bilan d'étape sera effectué courant 2010 afin de vérifier, moyennant des simulations actualisées, les conséquences financières de la réforme pour chaque collectivité.
a rappelé que la taxe professionnelle sera remplacée par une contribution locale d'activité (CET) composée elle-même d'une part foncière, la cotisation locale d'activité, et d'une part assise sur la valeur ajoutée, la cotisation complémentaire. Par ailleurs, des parts de fiscalité à base dynamique seront transférées aux collectivités, notamment la taxe sur les conventions d'assurance, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et la nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). L'État assurera un transfert complémentaire d'un montant de 3,9 milliards d'euros.
a mis en avant les deux principes de la réforme : garantie des ressources des collectivités et soutien aux entreprises. Cette réforme, essentielle pour attirer les entreprises et éviter les délocalisations, a été accompagnée, depuis le mois de mars 2009, d'une concertation menée à tous les niveaux et le Parlement y participe à présent activement.
a observé que le volet de la réforme relatif aux collectivités territoriales illustre bien la participation du Parlement à la conception de la loi. S'agissant du volet relatif aux entreprises, il a mis l'accent sur les conséquences de la réforme à l'égard des sociétés de service, dans la mesure où la taxe professionnelle ne comporte plus de base « salaires » depuis 1999. Il a souhaité connaître la position de la ministre sur la demande des transporteurs routiers de bénéficier d'une rétrocession partielle des taxes. Enfin, il a craint que les avantages financiers obtenus par les entreprises du fait de la réforme ne soient consacrés à d'autres usages que les investissements.
faisant référence au « paquet fiscal » voté en 2007, a souhaité connaître l'action que la ministre entend mener à l'encontre des niches fiscales. Il a également fait valoir que le grand emprunt prévu pour 2010 remettrait en cause les dispositions de la loi de finances et a souhaité savoir si un projet de loi de finances rectificative serait déposé dès le mois de janvier 2010.
a souhaité que le Gouvernement aille plus loin encore dans la réforme afin de permettre aux entreprises de retrouver leur compétitivité, les impositions prévues par le projet de loi de finances représentant toujours pour elles un prélèvement important.
a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences de la réforme à l'égard des organismes financiers.
Répondant aux intervenants, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a apporté les éléments suivants :
- la suppression de l'assiette « salaires » de la taxe professionnelle a enclenché un processus qui devait logiquement conduire à la suppression de cet impôt ;
- le secteur des services est moins avantagé que l'industrie, qui bénéficie d'un soutien affirmé ; toutefois, l'ensemble des secteurs bénéficient, dans une mesure plus ou moins grande, de la réforme, à l'exception du secteur financier ; au niveau de l'entreprise, la valeur ajoutée utilisée pour le calcul de la cotisation complémentaire sera plafonnée à 80 % du chiffre d'affaires ; le secteur financier, pour sa part, est très légèrement perdant en raison d'un niveau relativement faible des investissements matériels et élevé de la masse salariale dans ce secteur ; la question de la rétrocession partielle des taxes au secteur des transports est toujours en débat ; quant aux professions libérales, la réforme est neutre à leur égard ;
- les niches fiscales font l'objet d'un plafonnement depuis la loi de finances pour 2009 ; s'agissant du grand emprunt, une loi de finances rectificative sera vraisemblablement proposée au début de 2010, mais aucun engagement ne peut être pris à ce sujet dans la mesure où les conclusions de la commission dirigée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard ne sont pas encore rendues et où le Président de la République ne fera connaître ses décisions que courant décembre 2009 ;
- s'agissant de l'utilisation des avantages financiers tirés de la réforme, aucun accord ou engagement n'a été conclu avec les entreprises ; si la réforme ne réduit pas les impositions des entreprises autant que certains le souhaiteraient, ses paramètres ont été calculés de manière à ce que le plus grand nombre possible d'entre elles en bénéficie.
a demandé des précisions sur les conséquences de la réforme à l'égard de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Il a également souhaité savoir ce qui est proposé pour améliorer le volet péréquation du système fiscal à l'égard des entreprises.
après avoir relevé que, en Alsace, de nombreuses entreprises sont des filiales de groupes étrangers qui obéissent davantage à une logique financière qu'à une logique industrielle, s'est inquiété du risque que ces filiales profitent de la suppression de la taxe professionnelle pour engranger simplement un bénéfice supplémentaire sans investir davantage.
a souhaité savoir comment les 6 milliards d'euros globalement économisés par les entreprises du fait de la suppression de la taxe professionnelle mais perdus pour les collectivités territoriales allaient être compensés.
a assuré que le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales interdit à l'Etat de se substituer totalement à leurs ressources fiscales propres. Pour les communes, le taux d'autonomie financière est, avant la réforme, de 62 %, et sera de 61,2 % après. Par ailleurs, le conseil municipal conservera la liberté de fixer les taux des « quatre vieilles » impositions, à savoir la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti, la taxe sur le foncier non bâti et la contribution locale d'activité. Par ailleurs, le lien entre le taux des impôts sur les ménages et le taux des impôts sur les entreprises sera conservé.
Elle a indiqué que le texte du projet de loi prévoit un mécanisme de péréquation, dont la clef de répartition est encore susceptible d'évoluer à l'issue du vote du Sénat. Il comprend, d'une part, un effet de répartition lié au principe même de la contribution sur la valeur ajouté et, d'autre part, un mécanisme selon lequel le montant de l'augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée qui excède la moyenne générale nationale sera affecté à un fonds de péréquation.
Elle a considéré que le seul moyen de faire entrer des entreprises contrôlées par des groupes internationaux dans une logique d'optimisation financière et fiscale consiste à améliorer l'offre française, tout en assortissant de conditions certains avantages fiscaux, tels que le crédit d'impôt recherche.
Le gain brut de 5,8 milliards d'euros pour les entreprises sera ramené en net à 4,3 milliards d'euros, si l'on tient compte de l'impact de l'impôt sur les sociétés, tandis qu'elles perdront encore 1,9 milliard d'euros du fait de l'instauration de la taxe carbone. Le solde peut être compensé par l'Etat, soit par une hausse d'impôts, exclue néanmoins par le Président de la République, soit par une baisse des dépenses publiques permise par la RGPP, soit par l'effet spontané de la reprise de l'activité économique sur les recettes fiscales.
a fait valoir que la discussion du projet de loi de finances pour 2010 au Sénat doit permettre de rassurer les élus locaux sur les effets de cette réforme très attendue par les entreprises industrielles.