Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
De façon liminaire, M. Jean Arthuis, président, a présenté le contexte dans lequel s'inscrivait cette audition et précisé qu'elle était ouverte aux membres de la commission des affaires sociales, dont il a salué la présence. Il a fait observer que la CADES, instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, existait aujourd'hui depuis dix ans, et il a souligné l'importance des émissions de titres d'emprunts publics qu'elle assurait désormais au sein de la zone euro. Il a rappelé que M. Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », dans son rapport d'information n° 476 (2004-2005) sur la gestion de la dette dans le contexte européen, établi en application de l'article 57 de la LOLF, avait proposé, en vue de réaliser une économie sur certains coûts financiers, de consolider la dette de l'Etat en confiant à l'Agence France Trésor (AFT), notamment, la gestion de la dette actuellement portée par la CADES. Il a également rappelé que la loi de finances initiale pour 2006, à l'initiative de la commission s'inscrivant dans le sillage de la proposition précitée de M. Paul Girod, avait introduit la possibilité que l'AFT émette des titres pour le compte de la CADES.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Patrice Ract-Madoux a tout d'abord décrit les grands traits du statut et du fonctionnement de la CADES. Il a insisté sur le contrôle de gestion étroit dont celle-ci faisait l'objet, non seulement de la part de la Cour des comptes, voire d'autres auditeurs externes, mais avant tout à travers son conseil d'administration et son conseil de surveillance. Il a rappelé, d'ailleurs, que le président en exercice de ce dernier était M. Jean-Jacques Jégou, et qu'il comprenait M. Alain Vasselle parmi ses membres. Il a indiqué que ce contrôle exigeant justifiait l'excellence de la notation attribuée par les agences de notation financière à la CADES, de même que la pondération de ses titres à 0 %, au titre du ratio de solvabilité, par les banques centrales.
a fait observer que la prise en pension par les banques centrales de titres de la CADES, en pratique, revenait à un prêt consenti par ces banques à l'Etat français.
a dressé, alors, le bilan des différentes mesures législatives, concernant la CADES, intervenues depuis dix ans. En particulier, il a rappelé que la reprise de dettes attribuée à cette institution, à hauteur de 46,2 milliards d'euros originellement, avait été augmentée de 13,2 milliards d'euros par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, qui a différé la fin d'existence de la CADES de 2009 à 2014, puis de 50 milliards d'euros, sur la période 2004-2006, par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Il a indiqué que la CADES, au 31 décembre 2005, avait amorti 29 milliards d'euros de dettes, 15,3 milliards d'euros d'intérêts ayant été payés aux porteurs de titres d'emprunt, et que 73 milliards d'euros de dettes restaient à amortir.
s'est ensuite attaché à montrer que la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), dont le produit, affecté à la CADES, permettait l'amortissement assuré par celle-ci, avait crû régulièrement depuis 1996, atteignant un produit total, sur dix ans, de 44,3 milliards d'euros. Il a précisé que cette contribution était principalement assise, à 67 %, sur les revenus d'activité.
Puis il a indiqué que la CADES, dont la durée de vie correspondait désormais à la fin du remboursement des dettes dont le portage lui avait été confié, adaptait en conséquence sa politique d'émission, s'en tenant à des maturités de titres « raisonnables » par rapport aux estimations en ce domaine. Exposant les grandes lignes de cette politique, il a présenté les différentes catégories de titres qui composaient le programme d'emprunt de la CADES : emprunts de référence libellés en euro à échéance 2011, 2016 et au-delà ; émissions indexées sur l'inflation française avec des maturités jusqu'à 15 ans ; emprunts de référence en devises autres que l'euro, dont le dollar américain et la livre sterling ; placements privés structurés en toutes devises. Appuyant son propos sur une série de graphiques, il a détaillé la répartition de la dette sociale entre ces catégories de titres, et il a fait état des prévisions d'émissions de la CADES pour l'année 2006. Il a également décrit l'évolution du taux de refinancement, soulignant que le niveau historiquement faible des taux d'intérêt à court terme, lié, selon lui, à la pertinence des décisions de la Banque centrale européenne, avait fortement contribué aux résultats satisfaisants enregistrés à cet égard.
a également fait valoir que, bien que l'encours de dettes géré par la CADES fût nettement moindre que celui des grands Etats européens, les titres d'emprunt correspondant se trouvaient cotés de façon semblable sur les marchés internationaux. Il a précisé que l'écart de taux (« spread ») entre les titres émis par la CADES et ceux des grands Etats auxquels ils pouvaient être comparés, notamment les titres émis par l'AFT, était particulièrement faible, de l'ordre de 6 points de base.
a relevé que, d'après le rapport précité de M. Paul Girod, cet écart, bien que limité, conduisait globalement à un surcoût de plusieurs millions d'euros. Cependant, M. Patrice Ract-Madoux a estimé nécessaire de procéder à un calcul rigoureux avant d'avancer une évaluation plus précise de ce surcoût. Au surplus, il a fait remarquer que celui-ci était prévisible dès la création de la CADES en vue de gérer une partie de la dette de l'Etat.
Pour conclure, il a signalé que l'amendement de la commission voté par le Sénat dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2006, tendant à permettre à l'AFT d'émettre pour le compte de la CADES, comportait, dans sa version initiale, une imperfection rédactionnelle qui avait pu alarmer certains investisseurs sur les marchés financiers. Aussi bien s'est-il interrogé, compte tenu de la sensibilité de ces marchés, sur le risque d'effets négatifs d'une transparence parfaite des travaux parlementaires, à chaque étape de la procédure législative, s'agissant de questions très techniques.
Un large débat s'est alors instauré.
ayant remercié M. Patrice Ract-Madoux pour la clarté et la qualité de ses propos, a déclaré que la transparence était propre à la procédure parlementaire, et faisait tant le devoir que l'honneur du Parlement. Il a signalé que, dans le cas précis qui venait d'être évoqué, l'imprécision rédactionnelle de la première version du texte avait résulté, pour l'essentiel, d'un défaut de coopération de la part des services du Trésor. Il a insisté, en conséquence, sur la nécessité que les administrations centrales apportent tout leur concours au Parlement, même et surtout lorsque celui-ci entend explorer des voies nouvelles de réforme.
Evoquant le surcoût du spread défavorable affectant la gestion de la CADES, il a mis en exergue que la marge d'économies potentielles à réaliser, en l'occurrence, quel qu'en soit le chiffrage exact, n'était pas négligeable. Saluant le professionnalisme avéré et les bonnes performances de la CADES, il a considéré, néanmoins, qu'en l'état actuel des finances publiques, toute cause purement technique de dépenses non justifiées devait être supprimée.
a salué à son tour la grande qualité du travail accompli par la CADES, qu'il a qualifiée de « machine à manger les dettes ». Il a noté, toutefois, la tentation des décideurs publics à augmenter l'encours de ces dettes, et s'est inquiété des risques, pour l'avenir, que faisait courir la perspective d'une remontée des taux d'intérêt. Se ralliant aux propos de M. Philippe Marini, rapporteur général, il a insisté sur la nécessité que toutes les réformes qui permettent de réaliser des économies d'argent public soient entreprises sans délai.
Il a ensuite débattu, avec M. Jean-Jacques Jégou, de la nature juridique de la dette gérée par la CADES. M. Patrice Ract-Madoux a rappelé que cette dette était considérée, au sens du traité de Maastricht, comme une dette de l'Etat.
a rejoint les interventions précitées de M. Jean Arthuis, président, et de M. Philippe Marini, rapporteur général, pour estimer que, malgré l'excellence de la gestion de la CADES, d'importantes économies pouvaient être réalisées par la suppression de l'écart de taux résultant du statut distinct de l'Etat que le marché reconnaissait à la CADES.
rappelant que toute économie publique était précieuse, a souhaité, toutefois, qu'une distinction claire entre la dette sociale et la dette « budgétaire » soit maintenue, même si cette distinction demeurait indifférente au regard des critères européens. Il a, en outre, confirmé le jugement des orateurs précédents quant à la parfaite rigueur de la gestion assurée par la CADES, ainsi qu'il en avait fait état dans un rapport d'information ad hoc publié en avril 2003 au nom de la commission des affaires sociales.
après avoir relevé la nécessité de mettre fin au surcoût issu d'un spread défavorable à la CADES, a questionné M. Patrice Ract-Madoux, d'une part, sur l'incidence éventuelle de la durée de vie limitée de l'institution par rapport à ses performances de gestion et, d'autre part, sur la pertinence d'une politique d'émission en livres sterling, alors que ce marché s'avérait relativement étroit.
En réponse sur ce dernier point, M. Patrice Ract-Madoux a indiqué que, bien que le marché du sterling fût, en effet, étroit par rapport à celui de l'euro, les fonds de pension britanniques, néanmoins, se révélaient fortement demandeurs de titres en sterling dont les émetteurs faisaient l'objet d'une excellente notation financière, comme la CADES. Quant à la durée de vie limitée de celle-ci, il a précisé qu'elle restait vraisemblablement sans incidence sur la rentabilité financière des émissions par rapport à la politique que suivrait, en ce domaine, une institution pérenne.
Puis MM. Jean Arthuis, président, Jean-Jacques Jégou et Paul Girod, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », ont échangé leurs vues sur la dimension globale que revêtait, selon eux, le problème de la dette sociale, dont ils ont rappelé qu'il concernait, non seulement la CADES, mais aussi, notamment, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et le Fonds de financement de prestations sociales agricoles (FFIPSA).
s'est enquis, alors, de l'existence de structures comparables à la CADES, qui auraient pu utilement servir d'éléments de comparaison. M. Patrice Ract-Madoux, cependant, a précisé que la CADES constituait le seul organisme européen dédié à l'amortissement d'une dette sociale « isolée » au sein de la dette de l'Etat.
rappelant qu'il avait assuré, avant M. Jean-Jacques Jégou, la présidence du conseil de surveillance de la CADES, et revenant sur la très bonne gestion assurée par celle-ci, a fait valoir qu'il s'agissait d'une institution économe en moyens de fonctionnement. Il a interrogé M. Patrice Ract-Madoux sur les raisons pour lesquelles, selon lui, l'AFT, au contraire de la CADES, n'émettait pas de titres en devises autres que l'euro, et sur l'avantage relatif que cette agence retirerait, le cas échéant, de telles émissions.
en réponse, a indiqué que l'une des raisons, pour l'AFT, de ne pas émettre en devises autres que l'euro, était sans doute d'ordre politique, en vue d'éviter d'adresser un signal qui pourrait être perçu comme défavorable à l'euro de la part d'un émetteur souverain. Quant à l'avantage que l'AFT aurait sur la CADES dans le cadre d'une semblable émission, il a précisé qu'il serait identique à l'écart de taux par ailleurs observé entre ces deux émetteurs.
Pour conclure cette audition, M. Jean Arthuis, président, a félicité M. Patrice Ract-Madoux pour les éloges que la gestion de la CADES avait suscités, tout en rappelant l'impérieuse nécessité de prendre toutes les mesures qui permettraient d'économiser un mauvais spread. Il a demandé à M. Patrice Ract-Madoux si, lui-même, pouvait suggérer la piste d'une telle réforme.
en réponse, a indiqué que, dans l'hypothèse où l'on souhaiterait maintenir la CADES, une solution consisterait, peut-être, à permettre à l'AFT d'émettre pour le compte de la CADES un volume de titres identiques à celui qu'elle émet actuellement. Il s'est interrogé, cependant, sur la manière dont le marché pourrait accueillir les titres de l'AFT, dès lors que leur masse se trouverait ainsi augmentée. Il a douté que les conditions de financement des nouveaux titres soient significativement améliorées par rapport aux résultats obtenus par la CADES.