La commission, conjointement avec la commission des lois, a procédé à l'audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi n° 499 (2007-2008) portant dispositions relatives à la gendarmerie, urgence déclarée.
a rappelé que M. Hervé Morin, ministre de la défense, avait été entendu une première fois par la commission des affaires étrangères et de la défense, en mars dernier, dans le cadre de la préparation du rapport du groupe de travail présidé par M. Jean Faure. Il a précisé que cette nouvelle audition, organisée conjointement avec la commission des lois et qui faisait suite à celle de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, la semaine précédente, portait sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.
Il a souhaité que soient évoquées avec le ministre les conséquences du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, en particulier sur son statut et ses missions militaires ou encore en matière de gestion des ressources humaines.
a rappelé que ce projet de loi s'inscrivait dans le prolongement du discours prononcé le 29 novembre 2007 par le Président de la République et de l'annonce du transfert de l'autorité organique et budgétaire de la gendarmerie du ministre de la défense au ministre de l'intérieur, à compter du 1er janvier 2009, tout en préservant son statut militaire.
La coexistence de deux forces de sécurité intérieure, l'une à statut civil, l'autre à statut militaire, n'est donc pas remise en cause, a précisé M. Hervé Morin.
L'existence d'une force de sécurité à statut militaire contribue, en effet, à garantir la continuité de l'Etat, en tout temps, en toutes circonstances, en métropole, en outre-mer et à l'étranger, sur les théâtres d'opérations extérieures.
Afin de définir les modalités concrètes de ce rattachement, plusieurs groupes de travail réunissant les services du ministère de la défense, de la direction générale de la gendarmerie nationale, de l'état-major des armées, en collaboration étroite avec le ministère de l'intérieur, ont été mis en place. Les conclusions de ces groupes de travail, approuvées par les deux ministres, ont été ensuite soumises au Président de la République.
a tout d'abord évoqué les conséquences du rattachement au ministère de l'intérieur sur le statut et les missions militaires de la gendarmerie.
Ce rattachement, que le ministre de la défense a lui-même souhaité, devrait permettre à un seul et même ministre de disposer de l'ensemble des forces de sécurité. Il ne remet pas en cause le statut militaire des gendarmes, auquel le Président de la République et les deux ministres concernés sont très attachés.
Dans le cadre de cette réforme, le socle culturel et opérationnel militaire des gendarmes sera préservé, la gendarmerie continuant à faire partie de la communauté militaire, a indiqué M. Hervé Morin.
L'emploi de gendarmes pour l'exécution des missions militaires, notamment en opérations extérieures, demeurera du ressort exclusif du ministre de la défense.
La préservation de l'identité militaire de la gendarmerie sera également assurée par une collaboration active en matière de soutien logistique avec les services du ministère de la défense, ainsi que par un engagement opérationnel avec ou aux côtés des autres armées sur les théâtres d'opérations extérieures. La proximité culturelle et opérationnelle de la gendarmerie et des armées se concrétise, en effet, de façon quotidienne dans de nombreux engagements communs, tant sur le territoire national et en outre-mer, comme en Guyane par exemple, que sur les théâtres d'opérations extérieures, comme au Kosovo.
Les gendarmes continueront, en qualité de militaires, à bénéficier de l'ensemble des actions sociales du ministère de la défense.
Enfin, les gendarmeries spécialisées (gendarmerie de l'armement, gendarmerie de l'air, gendarmerie maritime et gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires) continueront de relever de l'autorité exclusive du ministre de la défense.
a ensuite évoqué le partage des attributions entre les deux ministres en ce qui concerne la gestion des ressources humaines et le soutien logistique.
Le ministère de la défense continuera à assurer une grande partie de la fonction de soutien au bénéfice de la gendarmerie, à travers les 35 protocoles annexés à la délégation de gestion-cadre conclue le 28 juillet 2008 avec le ministère de l'intérieur.
Dans le domaine des ressources humaines, le ministre a personnellement veillé à ce que le transfert de la gendarmerie s'accompagne, pour l'ensemble des personnels, militaires et civils, du maintien des avantages qui sont liés à leur condition statutaire.
En ce qui concerne les attributions du ministre de la défense, certaines d'entre elles seront transférées au ministre de l'intérieur, d'autres seront partagées, d'autres enfin resteront de son ressort exclusif.
Parmi les compétences qui doivent être transférées au ministère de l'intérieur figurent notamment certaines attributions en matière de gestion des personnels, comme les décisions relatives au recrutement et au déroulement de carrière des militaires d'active, la notation de tous les militaires et le déroulement de carrière des militaires sous contrat.
Les compétences conjointes porteront sur le processus d'avancement de grade, l'attribution des congés de reconversion et les décisions en matière de gestion des réserves.
Enfin, la préservation du lien avec les autres armées et les services du ministère de la défense sera assurée par la poursuite d'une formation militaire des personnels de la gendarmerie et le maintien du recrutement d'officiers à la sortie des grandes écoles des trois armées. En effet, la formation initiale, continue ou supérieure, constitue et entretient le socle culturel et opérationnel du caractère militaire de la gendarmerie.
L'exercice du pouvoir disciplinaire, qui s'exercera sur proposition du ministre de l'intérieur, demeurera également de la compétence exclusive du ministre de la défense.
Les officiers généraux resteront nommés par décret du Président de la République, mais désormais sur proposition conjointe du ministre de la défense et du ministre de l'intérieur.
Enfin, M. Hervé Morin a évoqué la question de la réforme des instances de concertation. Bien que le projet de loi n'aborde pas le sujet, il a rappelé que cette question était liée au statut militaire de la gendarmerie. A ce titre, la gendarmerie conservera toute sa place au sein des instances actuelles de concertation, notamment le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM). Il est prévu que les deux ministres puissent présider ou co-présider le Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) selon les thèmes abordés et susceptibles de relever de la compétence conjointe ou exclusive de chacun des deux ministres.
Par tradition, le directeur général de la gendarmerie nationale était jusqu'à présent désigné, en sa qualité de vice-président, pour représenter le ministre de la défense à la présidence du CFMG. Le même processus sera mis en place dès le 1er janvier 2009, où il représentera les deux ministres.
Quant au CSFM, le dispositif actuel restera inchangé, cet organe de concertation restant du ressort exclusif du ministre de la défense puisque l'on y traite de la seule condition militaire.
En conclusion, M. Hervé Morin a souligné que, militaire dans son statut, son organisation et son sens du devoir, la gendarmerie sera rattachée, sur le plan organique et budgétaire, au ministre de l'intérieur, ce qui sera source de clarification. Toutefois, il sera de sa responsabilité, en tant que ministre de la défense, de veiller à ce qu'elle conserve et entretienne son identité militaire et qu'elle bénéficie, dans l'exercice de ses missions militaires, des soutiens du ministère de la défense.
a fait part de ses préoccupations au sujet des conséquences du rattachement au ministère de l'intérieur sur le statut et les missions militaires de la gendarmerie. Il a notamment dit craindre une moindre participation aux opérations extérieures, le ministre de l'intérieur pouvant se montrer réticent à laisser partir des gendarmes à l'étranger.
Il s'est également interrogé sur le partage des attributions entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense en matière de gestion des ressources humaines, en citant l'exemple des décorations.
Enfin, il a souhaité connaître le point de vue du ministre sur une évolution éventuelle du système de concertation au sein des armées afin de tenir compte du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
a souhaité savoir à quel ministère les écoles de la gendarmerie seront rattachées. Il a également interrogé le ministre sur la place de la gendarmerie au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire.
Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur le calendrier d'examen en séance publique de ce projet de loi, en rappelant que le rattachement organique de la gendarmerie au ministre de l'intérieur, à partir du 1er janvier 2009, était lié au rattachement budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'intérieur organisé par le projet de loi de finances pour 2009.
s'est également interrogé sur les conséquences juridiques d'un décalage entre le rattachement budgétaire et le rattachement organique au ministère de l'intérieur. Il a estimé qu'au regard de l'importance de ce texte et de l'intérêt porté par les élus, notamment locaux, et les citoyens, les conditions d'un véritable débat en séance publique se devaient d'être réunies. Concernant le fond du texte, il a fait part de son scepticisme sur le bien-fondé du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur.
a déclaré partager ces inquiétudes. Elle a fait part de ses doutes au sujet de la parité globale de traitement entre gendarmes et policiers promise par le Président de la République, difficulté à mesurer du fait des différences entre les deux forces et de ses craintes au sujet de la possibilité de passer d'un corps à l'autre, évoquée par le ministre de l'intérieur lors de son audition.
a déclaré qu'il voyait des avantages au rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, au regard de sa double expérience de ministre de l'intérieur et de ministre de la défense ; mais il s'est demandé s'il n'aurait pas été préférable d'instituer une double tutelle intérieur/défense afin de préserver un lien étroit avec le ministère de la défense et garantir ainsi le maintien du statut militaire.
A propos du rattachement budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, M. Jean Milhau a souhaité savoir si le programme « Gendarmerie » resterait un programme distinct de celui de la police nationale au sein de la mission sécurité.
En réponse, M. Hervé Morin a apporté les précisions suivantes :
- le programme « Gendarmerie nationale » restera bien un programme distinct de celui de la police nationale. Il continuera de faire partie de la mission « Sécurité » qui est rattachée au ministère de l'intérieur, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009 ;
- les rapports entre la gendarmerie et les armées ont été caractérisés par une complexité croissante marquée par la crise de 2001 et la revendication d'une grille indiciaire spécifique à la gendarmerie. Au sein des armées, cette évolution a pu être perçue comme la disparition du sentiment d'un destin commun ;
- les écoles de gendarmerie resteront sous l'autorité du ministre de la défense, car la formation initiale continue ou supérieure constitue un élément essentiel pour le maintien du statut militaire, même si le ministère de l'intérieur sera appelé à intervenir dans le contenu des formations relevant du domaine de la sécurité ;
- si la gendarmerie restera représentée au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), le statut du Conseil de la fonction militaire gendarmerie (CFMG) sera aménagé afin de prévoir une coprésidence de cette instance par le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense ;
- le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur, organisé par le projet de loi, constitue moins une rupture que l'aboutissement du processus lancé par le décret de 2002, lorsque la gendarmerie a été placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. En réalité, la cotutelle entre le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense existe depuis 2002, mais elle s'est révélée complexe et peu efficace dans la pratique.
Le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministre de l'intérieur sera donc source de clarification.
En plaçant les deux forces de sécurité sous la même autorité, la cohérence de l'action publique sera renforcée. Ainsi, il sera plus aisé de faire évoluer le partage des zones de compétence entre la police et la gendarmerie et de renforcer la coopération et les synergies entre les deux forces ;
- le rapport sur la parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers a confirmé que, dans l'ensemble, cette parité globale existait déjà, la concession de logement par nécessité de service constituant la contrepartie de la disponibilité des gendarmes ;
- la décision d'envoyer des militaires français en opérations extérieures relève du Président de la République. Les officiers et sous-officiers de gendarmerie continueront donc de participer aux opérations extérieures, comme c'est actuellement le cas en Géorgie, et ils seront placés dans ce cadre sous l'autorité du ministre de la défense ;
- le ministre de la défense exercera une compétence exclusive en matière de discipline à l'égard des militaires de la gendarmerie, même s'il prendra sa décision sur proposition du ministre de l'intérieur. Il en sera de même pour les décorations.
Enfin, M. Hervé Morin a déclaré qu'il serait présent dans l'hémicycle lors du débat en séance publique, si le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie était porté par le ministre de l'intérieur et qu'il avait bon espoir que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour avant la fin de l'année.
a fait part de ses inquiétudes au sujet du renforcement de l'autorité des préfets au regard du principe d'obéissance hiérarchique et du respect des zones de compétences entre la police et la gendarmerie.
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a ensuite procédé à l'audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2009.
En introduction, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé le contexte très particulier dans lequel s'inscrit le budget de la défense pour 2009, qui constituera, après les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et ceux de la révision générale des politiques publiques, la première annuité de la programmation triennale des dépenses de l'Etat, mais aussi de la loi de programmation militaire 2009-2014.
A cet égard, il a souhaité avoir des précisions sur la date de présentation au Parlement du projet de loi de programmation militaire et il s'est interrogé sur les éventuels effets de la crise financière internationale sur les équilibres prévus par le projet de loi de finances pour 2009.
Relevant que le budget de la défense progressera de 1,2 % si l'on s'en tient aux seuls crédits inscrits à la mission « Défense », mais de 5,4 %, si l'on intègre les recettes exceptionnelles attendues de ventes immobilières et de ventes de fréquences, qui permettront d'alimenter deux comptes d'affectation spéciale sur lesquels seront financés certains programmes d'équipement, il a souhaité que le ministre apporte des précisions supplémentaires sur la réalité, la nature et l'ampleur de ces ressources exceptionnelles.
a indiqué que le projet de loi de finances pour 2009 s'inscrivait dans un contexte économique difficile en raison de la crise financière internationale. Il a rappelé que, dès son arrivée au ministère, en mai 2007, son attention avait été appelée sur le caractère insoluble de l'équation financière de la période 2009-2011, et en particulier de celle de l'année 2009, qui, compte tenu des prévisions de dépenses d'équipement, aurait nécessité une dépense de 34,7 milliards d'euros, soit un saut de plus de 4 milliards.
Ces prévisions tablaient, pour les dépenses d'équipement, sur une augmentation de 6 milliards d'euros en moyenne annuelle pour la période d'exécution de la loi de programmation 2009-2014, ce qui n'était ni réaliste ni compatible avec l'état de nos finances publiques et nos engagements européens. Elles formaient donc une « bosse » financière infranchissable, a déclaré M. Hervé Morin.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en définissant les missions, les formats et les contrats opérationnels des armées, a reconfiguré nos besoins et les a hiérarchisés sur une période de douze à quinze ans. Ce Livre blanc a fixé l'objectif d'une capacité de projection de 30 000 hommes sur un théâtre majeur, plus 5 000 sur un théâtre secondaire et 10 000 au titre de la défense du territoire, auxquels il faut notamment ajouter une force aérienne de combat de 70 avions projetables. L'objectif d'une force projetable de 50 000 hommes figurant dans l'ancien Livre blanc n'a jamais été mis en oeuvre depuis 1945.
Il prévoit ainsi 377 milliards d'euros pour la période 2009-2020 tout en fixant un rythme d'accroissement des ressources de 0 % en volume jusqu'à 2011, puis de 1 % en volume à partir de 2012. Il a, en outre, établi le principe du financement des besoins au-delà des crédits budgétaires par des ressources exceptionnelles.
La réforme du ministère de la défense, qui porte principalement sur le dispositif d'administration et de soutien, et qui se traduit par d'importantes réductions d'effectifs, de l'ordre de 54 000 au total d'ici à 2015, donnera des marges de manoeuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l'équipement des forces. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque le ministère de la défense devrait être en mesure de présenter au Parlement, dans les prochaines semaines, un référentiel de programmation robuste, qui présente des choix clairs, décline les priorités définies dans le cadre du Livre blanc et prévoit les financements associés.
Pour la première fois, le projet de loi de finances s'inscrit dans le cadre de la programmation de l'ensemble des dépenses de l'Etat sur trois ans. Ce budget fixe donc des enveloppes pour la première moitié (2009-2011) de la prochaine loi de programmation militaire, qui portera sur la période 2009-2014, a indiqué M. Hervé Morin. Le projet de loi de programmation et son rapport annexé, qui sont actuellement devant le Conseil d'Etat, devraient être adoptés la semaine prochaine par le Conseil des ministres, déposés sur le Bureau de l'Assemblée nationale au mois de novembre en vue d'être examinés, en première lecture, avant Noël, avec l'objectif de parvenir à une adoption définitive à la fin du mois de janvier 2009.
Ce budget triennal respecte les engagements pris, malgré l'état des finances publiques et la crise financière. La capacité d'adaptation et de réforme dont le ministère de la défense fait preuve permet d'optimiser les ressources budgétaires qui lui sont accordées, a indiqué le ministre, en soulignant que la défense constituait une réelle priorité du budget de l'Etat.
Conformément à la trajectoire financière définie par le Livre blanc, les ressources de la mission « Défense » hors pensions progresseront au rythme de l'inflation sur la période 2009-2011. Cette trajectoire est dérogatoire à la norme appliquée aux autres ministères puisque, compte tenu de la progression de la charge de la dette de l'Etat et des pensions, c'est plutôt le maintien en valeur qui est la référence, voire la baisse des crédits pour certains d'entre eux.
Cette trajectoire implique trois hausses successives, comprises entre 500 à 600 millions d'euros, en 2009, 2010 et 2011, afin de tenir compte de l'inflation. En 2009, le financement de cet accroissement sera assuré par des ressources exceptionnelles, consolidées les deux années suivantes. En 2010 et 2011, le financement sera assuré par des crédits budgétaires a précisé M. Hervé Morin.
Au-delà de cette trajectoire, le pic de besoins supplémentaires relatifs aux équipements, c'est-à-dire la fameuse « bosse » financière d'un montant de 1,7 milliard d'euros sur trois ans dont 1,050 milliard en 2009, sera aussi couvert par des ressources exceptionnelles ou des financements innovants.
Les ressources totales de la mission « défense » hors pensions augmenteront donc, en 2009, de 1,6 milliard, soit plus de 5,4 %, pour atteindre un total dépassant légèrement 32 milliards, contre 30,4 milliards en 2008, à structure de budget comparable, a indiqué M. Hervé Morin.
Ces recettes exceptionnelles proviendront des cessions d'actifs immobiliers issues des redéploiements territoriaux et du projet de regroupement des implantations de l'administration centrale sur un site unique à Balard, ainsi que des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique. En effet, le passage de la télédiffusion du mode analogique au mode numérique entraînera une opération importante de réattribution des fréquences au profit, notamment, de la téléphonie mobile. La défense sera partie prenante et retirera des recettes des fréquences qui seront cédées.
Ces recettes seront inscrites sur deux comptes d'affectation spéciale, l'un, relatif aux cessions immobilières, qui existe déjà et qui recevra des produits de cessions immobilières de la défense à hauteur d'environ un milliard d'euros, l'autre, dont la création est prévue dans le projet de loi de finances pour 2009, relatif à la valorisation de la ressource spectrale à hauteur de 600 millions d'euros. Ces recettes sont sûres, puisque les crédits figurant dans un compte d'affectation spéciale sont reportables d'une année sur l'autre sans qu'il y ait possibilité de régulation budgétaire, a souligné M. Hervé Morin.
La crise n'aura pas d'incidence sur les revenus tirés de l'immobilier, puisque le ministère de la défense obtiendra ces recettes dès l'année 2009. C'est une société immobilière, du secteur public appuyée sur un opérateur public, qui réalisera le portage des immeubles et les revendra ensuite au fur et à mesure, aux meilleures conditions du marché, a indiqué M. Hervé Morin.
La deuxième caractéristique de ce budget tient à la maîtrise de la masse salariale. Pour la première fois dans l'histoire récente du ministère, la masse salariale ne progressera pas en 2009. Elle diminuera même légèrement, pour revenir à 11,7 milliards d'euros en 2009, contre presque 11,8 milliards d'euros en 2008, tout en permettant un effort exceptionnel en faveur de la condition des personnels civils et militaires.
8 390 emplois seront supprimés en 2009 dans le périmètre du ministère, dont 8 000 pour la mission « Défense », a indiqué M. Hervé Morin. Compte tenu de la création de 140 emplois dans les services de renseignement, le solde net sera de 8 250 suppressions d'emplois, très majoritairement dans les fonctions d'administration et de soutien. Le ministère de la défense restera cependant, en 2009, l'un des premiers recruteurs de l'Etat, avec une prévision de recrutement de l'ordre de 21 000 militaires et 1 300 civils.
Ces économies permettront de financer la revalorisation de la condition du personnel à hauteur de 89 millions d'euros, dont 74 millions pour les militaires et 15 millions pour les civils, au-delà des mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique. En 2008, l'effort a porté sur l'ensemble des militaires du rang et sur les sergents en début de carrière, conformément au plan d'amélioration de la condition militaire arrêté par le précédent ministre de la défense en février 2007. En 2009, l'essentiel de l'effort sera dirigé vers les sous-officiers et une partie des officiers, a indiqué le ministre, en précisant que les textes relatifs à la réforme des statuts particuliers des militaires avaient été publiés au Journal officiel. Cela permettra aussi de financer le plan d'accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions en 2009. Ce plan repose sur des aides au départ (pécules pour les militaires), à la reconversion ou à la mobilité.
Le processus de baisse de la masse salariale s'amplifiera dans les années à venir compte tenu des prévisions de réduction d'effectifs. Le ministère de la défense disposera ainsi de marges de manoeuvre importantes pour l'équipement des forces.
L'effort d'équipement est, en effet, la troisième grande caractéristique de ce budget, a souligné M. Hervé Morin. Il a rappelé que l'armée aurait besoin de renouveler la majorité de ses matériels et de lancer de nouveaux programmes identifiés par le Livre blanc comme des priorités, par exemple en matière d'observation et de renseignement. En 2009, cet effort atteindra 17 milliards d'euros en crédits de paiement contre 15,4 milliards en 2008, soit un bond de plus de 10 %. En outre, le ministère de la défense disposera d'autorisations d'engagement pour passer 10,2 milliards d'euros de nouvelles commandes globales, dont 60 Rafale, 3 frégates multi-missions FREMM et 332 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), liées à la renégociation des contrats avec les industriels.
Au-delà de ces programmes structurants, le ministère passera commande, en 2009, de 150 missiles de croisière navals, de 22 hélicoptères NH90 en version terrestre et de 232 petits véhicules protégés. La priorité accordée à la fonction connaissance et anticipation et à l'espace sera concrétisée dès 2009, avec le lancement de la phase de conception du programme européen MUSIS, qui succédera à Hélios. A cet égard, M. Hervé Morin a déclaré qu'il avait bon espoir de signer les lettres d'intention lors du conseil des ministres de la défense en novembre prochain.
Concernant les livraisons prévues pour 2009, il s'agit notamment de 8 hélicoptères Tigre, 14 avions Rafale, 96 VBCI, 34 canons automoteurs Caesar, la deuxième frégate antiaérienne Horizon, 128 missiles antiaériens ASTER 15 et 30 liés au programme SAMP/T (système sol-air moyenne portée/terrestre).
Les dotations destinées au maintien en condition opérationnelle (MCO) hors dissuasion augmenteront, quant à elles, de 8 %, pour atteindre 2,9 milliards en 2009. En dépit de l'effort consenti, il subsiste toujours des difficultés liées à l'usure des matériels et à leur emploi intensif. Le service de soutien à la flotte et ceux chargés du maintien en condition opérationnelle aéronautique ont déjà été réformés, et cela sera bientôt le cas de l'armée de terre en créant une structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel terrestre (SIMMT), qui assumera la maîtrise d'ouvrage déléguée, et un service de maintenance industrielle terrestre (SMITER), qui rassemblera l'ensemble des moyens industriels étatiques, dans une logique de rationalisation et d'efficacité accrue.
a aussi tenu à souligner la consolidation de l'effort de recherche, tant en ce qui concerne les études amont, qui progressent de 2,5 % par rapport à 2008, avec une dotation de 661 millions d'euros pour 2009, que, dans un périmètre plus large, les études de défense, qui comprennent les subventions aux écoles et organismes de recherche, dont le budget s'accroîtra de 7 % pour atteindre 1,570 milliard d'euros en 2009.
Enfin, concernant les opérations extérieures (OPEX), M. Hervé Morin, a indiqué que 510 millions d'euros de provision de financement était prévu pour 2009, contre 460 millions en 2008. Les dépenses en 2008 devraient être plus proches de 800 millions d'euros que du milliard.
Il a indiqué qu'il avait obtenu pour la prochaine loi de programmation militaire la mise en place d'un mécanisme de financement des OPEX assuré par la réserve interministérielle, ce qui mettra fin à leur financement par le seul budget de la défense et, en particulier, par la réduction des crédits d'équipements de la défense.
A l'issue de l'exposé du ministre, un débat s'est ouvert au sein de la commission.
s'est interrogé sur la réalisation des recettes exceptionnelles à hauteur de 600 millions d'euros provenant des cessions d'actifs immobiliers et des cessions de fréquences en 2009 et sur le financement en 2010 et 2011 de nouvelles recettes exceptionnelles à hauteur de 660 millions d'euros par an pour réaliser les programmes d'équipement.
a souhaité, tout d'abord, avoir des précisions sur la réalisation du budget pour 2008 et, en particulier, sur la levée de la réserve légale, ainsi que sur le financement du surcoût des opérations extérieures.
Sur le projet de loi de finances pour 2009, il s'est déclaré sceptique sur la disparition de la « bosse » financière grâce à des recettes exceptionnelles dont la réalisation reste à démontrer.
S'agissant des effectifs, il a souhaité avoir des précisions sur le financement prévu des mesures d'accompagnement de la suppression de 8 000 emplois.
Enfin, il s'est interrogé sur le devenir des trois milliards d'euros prévus pour la construction du second porte-avion dans le projet de loi de finances pour 2008.
a souhaité avoir des précisions sur l'enveloppe complémentaire de 400 millions d'euros prévue pour l'acquisition de frégates multi-missions FREMM, dans la loi de finances rectificative pour 2008, et sur l'évaluation des dépenses de carburants au regard de l'évolution du prix du pétrole et du taux de change de l'euro par rapport au dollar.
En réponse, M. Hervé Morin a apporté les précisions suivantes :
- les recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,6 milliards d'euros en 2009, n'apparaîtront pas par magie, mais, conformément à l'engagement du Président de la République, grâce à la cession d'actifs immobiliers et de la cession de fréquences qu'il appartiendra au ministère de l'économie et des finances de mettre en oeuvre ; ces recettes exceptionnelles permettront notamment de financer le pic de besoins supplémentaires relatifs aux équipements d'un montant de 1,7 milliard sur trois ans, dont 1,050 milliard en 2009 ;
- comme cela a été le cas l'an passé, on peut espérer une levée de la réserve légale d'ici à la fin d'année, ainsi qu'un décret d'avance permettant de couvrir le surcoût du financement des opérations extérieures. L'ouverture de crédits complémentaires en LFR pour compenser les surcoûts OPEX non budgétisés et les FREMM conformément aux arbitrages interministériels antérieures, est également demandée.
- les suppressions de postes s'accompagnent de mesures sociales aussi généreuses que celles appliquées lors de la professionnalisation des armées. Compte tenu du retard pris pour la présentation de la loi de programmation militaire, les textes relatifs à ces mesures devraient être présentées sous la forme d'amendements au projet de loi de finances pour 2009 ;
- la réalisation du second porte-avions a été différée compte tenu du caractère prioritaire d'autres programmes tels que le remplacement des hélicoptères Puma et des avions de transport Transall, les véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), le programme européen MUSIS ou encore le maintien de l'effort en matière de dissuasion.
a tout d'abord fait part de sa satisfaction au sujet de l'effort réalisé en matière d'équipement des soldats français déployés en Afghanistan, qui correspond aux recommandations formulées à l'issue du déplacement effectué avec M. Robert del Picchia auprès du contingent français dans ce pays.
En revanche, il a estimé que le report de l'examen de la loi de programmation militaire, qui interviendra après le vote de la loi de finances pour 2009, témoignait d'un manque de considération du Gouvernement à l'égard du Parlement.
Concernant les principaux programmes d'équipements, il a rappelé que le précédent ministre de la défense avait affirmé devant la commission que la réalisation du second porte-avions était absolument nécessaire, et il a interrogé le ministre sur la commande de 16 000 équipements du fantassin Félin, du sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda, des hélicoptères NH90, et sur les retards de l'Airbus A400M.
s'est également félicité de l'effort réalisé en matière d'équipement des militaires français déployés en Afghanistan.
Concernant les recettes exceptionnelles, il s'est inquiété des incertitudes pesant sur le marché immobilier. Il a par ailleurs rappelé que le retard de l'A400M se traduisait par des pénalités pour Airbus.
Enfin, il a souhaité avoir des précisions sur les effectifs consacrés au renseignement.
a également souhaité avoir des précisions sur la cession des actifs immobiliers. Il s'est demandé si seul l'immobilier parisien était concerné ou bien si cela s'appliquerait également à certains immeubles situés en province.
En réponse, M. Hervé Morin a apporté les indications suivantes :
- les effectifs des services de renseignement sont les seuls du ministère à connaître une augmentation, avec la création de 140 emplois en 2009 ;
- un effort important a été réalisé puisque 50 millions d'euros ont été affectés au printemps 2008 aux crash-programmes pour renforcer les moyens des troupes françaises déployés en Afghanistan, notamment en ce qui concerne les gilets pare-balles, les systèmes de brouillages ou encore les drones. Il reste encore des efforts à faire en matière de blindage des véhicules.
Cela étant, lors d'un récent accrochage avec les Talibans, ceux-ci n'avaient pas été détectés alors que nous disposions des meilleures technologies de la coalition, dont les drones Predator, a rappelé M. Hervé Morin ;
- la commande de 16 000 équipements Félin, prévue à l'automne 2009, ne sera toutefois effective qu'après confirmation de la qualité irréprochable de ces équipements, quelles que soient les conditions d'emploi effectives sur le terrain ;
- la commande d'un sous-marin nucléaire d'attaque SNA Barracuda est bien prévue tous les deux ans ;
- une commande de 22 hélicoptères NH90 en version terrestre est prévue en 2009 ; la version marine, plus complexe, subit des retards industriels et il faudra trouver une solution transitoire si les Super-Frelon ne peuvent être prolongés ;
- la mise au point de l'Airbus A400M connaît également un retard en raison de difficultés avec le système propulsif, ce qui entraînera des pénalités pour Airbus. Le ministre s'est déclaré disposé à réexaminer ce dossier à la condition notamment de disposer d'engagements fermes de l'industriel sur les calendriers ;
- concernant la cession d'actifs immobiliers, c'est un opérateur du secteur public qui assurera l'opération et assumera le risque, et non le ministère de la défense. Le ministère de la défense versera certes un loyer à cette société, mais cela est déjà le cas depuis la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
A Paris, le programme de cessions immobilières concerne la caserne de Reuilly, la caserne Lourcine, les sites de Saint Thomas d'Acquin, de Bellechasse, de Gley, de la Tour-Maubourg, de la Pépinière, une partie d'un immeuble à Montparnasse et l'îlot Saint-Germain. Pour des raisons historiques, le ministère conservera l'abusus de l'hôtel de la Marine, mais en vendra l'usufruit, ce qui permettra à l'Etat de conserver son patrimoine tout en le valorisant dans les meilleures conditions.
En province, le Président de la République souhaite donner la priorité aux collectivités les plus touchées par les restructurations et privilégier dans ce cas, après une analyse effectuée par l'administration de l'aménagement du territoire, des cessions à très bon marché, voire à un euro symbolique. Mais, en tout état de cause, cela ne concernera que certaines communes.
En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, a rendu hommage à l'action du ministre de la défense qui, dans un contexte budgétaire difficile, était parvenu à obtenir du ministère de l'économie et des finances, d'une part, l'attribution à ce ministère de la totalité des économies réalisées au titre de la révision générale des politiques publiques et d'autre part, des recettes exceptionnelles provenant de la cession d'actifs immobiliers et de la cession de fréquences, qui devraient permettre la poursuite des programmes d'équipements et donner ainsi les moyens budgétaires permettant l'adaptation et la réforme de l'outil militaire, afin d'assurer sa crédibilité et de respecter les engagements pris vis-à-vis des alliés de la France, tant en Europe, avec la relance de la PESD, qu'avec l'OTAN et l'Organisation des Nations unies.