Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission auditionne Mme Sylvie Linder, coordonatrice nationale de la mission espaces ludiques en milieu scolaire.
Mme Sophie Primas m'a signalé l'action tout à fait intéressante des espaces ludiques en milieu scolaire et c'est à ce titre que nous recevons Mme Linder.
Je cède la parole à M. Macron, représentant de l'éducation nationale qui a labellisé, mis en oeuvre, suivi et évalué le dispositif des espaces ludiques.
Merci de nous recevoir. Ce dispositif existe depuis 2004 et n'a de sens que dans un cadre partenarial puisqu'il a été conçu pour fonctionner durant et en dehors du temps scolaire ; il concerne les écoles élémentaires et les collèges.
Les espaces ludiques sont des lieux où les enfants trouvent des jeux auxquels ils peuvent jouer librement. Seules deux règles doivent être respectées : jouer, calmement si possible, et ranger les jouets après avoir joué. Le rôle des animateurs est de veiller à leur respect. L'objectif est double : lutter contre la violence et donner la possibilité aux enfants qui n'ont pas l'occasion de le faire dans leur milieu familial de jouer en toute liberté. Dès 2004, nous avons engagé un partenariat avec la Fédération française des industriels du jouet-puériculture (FJP) afin de constituer un pack de jouets correspondant aux objectifs poursuivis. A l'issue de l'expérimentation lancée en 2004 dans plus de 80 écoles, une conférence s'est tenue à Lille pour faire un état des lieux. Nous avons depuis relancé le dispositif à plusieurs reprises en l'intégrant aux circulaires sur l'accompagnement éducatif de même qu'au site Eduscol, et en transmettant aux inspecteurs d'académie et aux recteurs des notes d'incitation.
Les objectifs poursuivis ont été atteints mais aussi d'autres qui n'étaient pas visés. L'aménagement des rythmes de vie des enfants est une question récurrente et la réflexion sur l'organisation globale de leur temps sera certainement relancée à l'occasion du futur texte d'orientation ; or les espaces ludiques ont un impact sur l'organisation du temps scolaire lui-même. Ils ont, en outre, eu la vertu de valoriser les partenariats, de resserrer les liens entre les écoles et les municipalités. Ils ont également eu un impact sur les parents d'élèves, dont certains ont découvert que leurs enfants pouvaient jouer avec autre chose que des consoles vidéo...
Une plaquette réunit les informations utiles à la conception d'un espace ludique ; les règles y sont rappelées - certains enseignants ont tendance à « pédagogiser » les jeux. Les espaces ludiques peuvent être créés dans les classes, dans des locaux spécifiques ou des bibliothèques. Nous travaillons avec la FJP pour faire évoluer la sélection des jouets afin de prendre en compte les jouets eux-mêmes mais aussi les stéréotypes qu'ils véhiculent éventuellement.
Jusqu'à présent, 50 espaces ludiques ont été ouverts, 70 projets sont en passe d'être réalisés et 50 dossiers en cours d'instruction. Il serait bon qu'à l'occasion de la réflexion sur l'école, ces espaces ludiques puissent se multiplier grâce à la mobilisation de l'éducation nationale mais aussi des collectivités territoriales et des associations.
Ce n'est pas une nouveauté d'introduire des jouets à l'école, puisqu'il existe des clubs de jeux, des ludothèques. L'intérêt de ce dispositif repose sur un concept original, une combinaison spécifique de jouets à même de répondre aux besoins ludiques des enfants. Les jouets sont répartis en trois catégories : les jeux symboliques ou d'imitation, les jeux de construction ou d'imagination et les jeux de règles ou de société. Cette sélection a été étudiée par des spécialistes et a été validée après plusieurs années de pratiques. L'objectif est de provoquer des réactions de compensation ou de décompensation des enfants afin qu'ils se détendent, s'équilibrent, s'intègrent dans un processus de développement personnel au sein d'un groupe qui partage la même dynamique. Chaque pack comprend une soixantaine de jeux, ce qui permet de répondre à la demande de groupes de 15 à 25 enfants. Cet outil concret ancre les enfants dans une réalité à leur dimension ; ils sont trop souvent projetés dans des réalités d'adulte et se réfugient dans des mondes virtuels.
Les jeux sont à la disposition des enfants qui choisissent en toute liberté celui auquel ils veulent jouer, sans animation ni travail par thème. L'encadrement est assuré par les enseignants ou par le personnel municipal pendant les récréations, la pause méridienne ou après la sortie des cours. Ces espaces ludiques ne nécessitent aucune formation, ils utilisent les ressources humaines et matérielles existantes à l'exception de l'acquisition des jouets.
Une convention cadre a été signée entre l'éducation nationale et les représentants de la filière jouet, qui se sont engagés à proposer le pack à des tarifs tout à fait préférentiels.
Le dispositif s'adresse à toutes les écoles et sa mise en oeuvre permet d'obtenir des résultats rapides et probants. Ainsi dans celles où les espaces ludiques ont été créés note-t-on un changement d'atmosphère, une pacification des comportements, une diminution des incivilités et de la violence, le développement de la mixité fille/garçon et entre grands et petits, des progrès dans l'intégration et la communication, un sens accru des responsabilités et du respect des règles, l'amélioration de la confiance en soi et la concentration, l'appropriation de l'école par les enfants et la stimulation des apprentissages. Mme Primas a pu le constater à Bonnières-sur-Seine, les enfants se respectent, s'organisent de façon autonome, assimilent les règles du champ social et ... retournent ensuite tranquillement en classe.
Le dispositif permet de mieux vivre ensemble à l'école ; et si les enfants vivent mieux à l'école, ils sont en situation de mieux vivre tout court et de mieux travailler, ce qui est tout à leur bénéfice, mais aussi à celui des enseignants, des parents et de la collectivité toute entière. Il s'agit d'un outil efficace pour aménager les rythmes et les espaces scolaires. De plus en plus d'enfants restent en effet dans le champ scolaire de 8 heures du matin à 18 heures et il est primordial de les considérer dans leur globalité et non pas seulement comme élèves.
Il s'ouvre en moyenne un espace ludique en milieu scolaire par semaine ; 70 dossiers sont en cours d'installation et une cinquantaine à l'étude. Ce début est très prometteur ; je compte sur vous pour être notre relais auprès des collectivités afin que ce dispositif profite au plus grand nombre.
La fédération a soutenu, organisé, promu le projet depuis huit ans. Pour nous, les jouets ne sont pas un produit de consommation, mais un produit d'équipement qui favorise le développement de l'enfant. En 2004, la FJP a financé totalement une expérimentation dans une centaine d'écoles du nord de la France, qui a démontré les bienfaits des espaces ludiques. L'expérience ne s'est pas généralisée, parce que nous n'avons pas trouvé tout de suite l'organisation qui aurait permis aux écoles d'avoir accès aux jouets à des prix préférentiels. J'ai repris ce chantier il y a trois ans, mobilisé la filière et le réseau de distribution pour proposer des tarifs accessibles. Ce qui a été fait, car nous sommes tous convaincus que ce projet est porteur de valeurs et d'avenir. La FJP est le principal support de l'Association française des espaces ludiques et dynamique sociale (AFELDS). Sur la base de 50 espaces ludiques ouverts tous les six mois, ce projet ne pourra cependant pas être porté durablement et nous souhaitons trouver auprès de vous les relais nécessaires dans les collectivités territoriales pour que ce dispositif puisse réellement se déployer.
Nous n'avons pas pour habitude de recevoir des fédérations de fabricants de jouets, mais tout ce qui peut contribuer à l'intérêt général doit être entendu.
Je suis très heureuse d'avoir entendu cette présentation, mais de nombreuses communes ont déjà des lieux dédiés, ludothèques ou espaces ludo-éducatifs, qui ne sont d'ailleurs pas conventionnés avec l'éducation nationale. Comment faire pour obtenir ce conventionnement ? Quels sont les avantages financiers que nous pouvons en attendre ? Je suis convaincue de l'intérêt éducatif des jouets. Pour quelles raisons cette expérience n'a-t-elle pas été généralisée ? Je suis persuadée que de nombreuses communes seraient volontaires.
Quel est le coût des espaces ludiques pour les collectivités ? Pouvez-vous nous dire où ils ont été créés ?
Les communes sont obligées de procéder à des appels d'offre. Quelles sont les démarches à suivre pour les espaces ludiques ?
Tout cela a bien évidemment un coût. La fédération et les grossistes distributeurs ont consenti des conditions financières tout à fait particulières.
L'AFELDS a été créée à la demande de l'éducation nationale et du ministère de la ville pour qu'il y ait une entité experte neutre capable de faire le lien entre tous les partenaires. L'Association est soutenue par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) ; dans les zones prioritaires, elle bénéficie des crédits des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs). Pour ce qui est des implantations des espaces ludiques, je vous renvoie au document que je vous remettrai. Le coût de la soixantaine de jeux du pack ne doit en aucun cas dépasser 1 500 euros TTC, franco de port.
Ce prix est moitié moindre que celui que nous pratiquerions pour distribuer les mêmes jeux en milieu scolaire à d'autres titres.
Pour qu'un appel d'offres soit valable, il faut trois devis. Comme il y a quatre grossistes nationaux qui distribuent les jouets en France, les communes ne devraient pas avoir de problème.
Certes, Madame Gillot, cela fait fort longtemps qu'il y a des jeux dans les écoles mais ce qui rend les espaces ludiques originaux, c'est la sélection des jeux. La première expérimentation avait pour objet de réduire les violences et les incivilités : sur une centaine de site, les résultats ont été tout à fait positifs.
Cette année, la moitié des sites ouverts l'ont été pour lutter contre la violence et l'autre moitié pour aménager les rythmes scolaires. Le maire de Bonnières a adressé une lettre au ministre de l'éducation nationale pour se féliciter des bons résultats qu'il a obtenus.
Nous avons bien compris l'effort commercial de la FJP, mais le ministère de l'éducation nationale participe-t-il financièrement ?
Le ministère apporte son expertise et il a négocié une convention cadre avec la FJP, ce qui permet d'accéder à des tarifs préférentiels.
Quel est l'apport de l'éducation nationale au niveau financier ? Le plus souvent, le ministère nous apporte sa bénédiction mais, en définitive, c'est le conseil général ou la municipalité qui paye.
Vous connaissez le poids de la masse salariale au sein du budget de l'éducation nationale. Le plus souvent, elle offre des prestations de services ou de personnel. La structure nationale, l'AFELDS, n'a pas demandé de subvention à l'éducation nationale ; si elle le faisait, nous lui répondrions dans les conditions habituelles. Au niveau local et en l'état actuel du droit, il n'appartient pas à l'État d'équiper les écoles. En revanche, le ministère de la ville intervient via les crédits Cucs et l'Acsé. Et le personnel qui intervient sur le temps scolaire ou hors temps scolaire est rémunéré par l'éducation nationale. Chacun exerce ses prérogatives dans le cadre qui est le sien. Enfin, le prix de l'équipement, relativement faible, ne semble pas devoir poser de problème particulier. Le choix des jouets, comme celui des livres, a une grande importance : si nous pouvons proposer un matériel et des règles d'usage pertinents, pourquoi ne pas le faire ?
Les espaces ludiques peuvent parfaitement compléter les ludothèques dont l'objectif est plus vaste. Je rappelle que notre dispositif a pour but de lutter contre les violences et les incivilités...
Il y en a un au François, en Martinique. Nous voudrions développer un partenariat avec la fondation d'un transporteur maritime pour obtenir des tarifs préférentiels.
Les inspecteurs de l'éducation nationale sont les principaux référents et le projet d'école doit intégrer l'espace ludique. Quand une collectivité veut utiliser ce dispositif dans un centre social ou une maison de quartier où elle reçoit des enfants de six à onze ans, elle peut accéder aux conditions de vente négociées par l'éducation nationale et bénéficier du suivi de celle-ci. Les jouets utilisés plus souvent s'usent plus vite ; nous proposons un kit de réassortiment dans les mêmes conditions préférentielles.
L'Europe, mais aussi nos collègues députés se sont mobilisés contre toute une famille de phtalates : je vous invite donc à anticiper les nouvelles règles lors des réassortiments pour ne pas risquer des retraits de jouets, même si je sais que les fabricants de jouets ont réagi plus vite que ceux de biberons et de puériculture.
Il s'agit d'additifs qui rendent les plastiques mous ; certains passent facilement dans le corps. Or la moitié d'entre eux sont des perturbateurs endocriniens...
Non. Une nouvelle directive sur la sécurité des jouets a été adoptée par le Parlement européen en 2009. Sa première partie concerne les propriétés mécaniques et physiques des jouets, la seconde les composés chimiques. Tous les industriels du jouet se sont engagés à l'appliquer. Pour les articles de puériculture, la prise de conscience a été plus tardive mais elle a eu lieu.
En ce qui concerne les tapis puzzle, le formamide n'a rien à voir avec le bisphénol A. Au nom du principe de précaution, le Gouvernement français a demandé le retrait de ces tapis. Des études complémentaires sont en cours pour en connaître la dangerosité exacte.
La commission reçoit Mme Elisabeth Maheu-Vaillant, formatrice en régulation des conflits en milieu scolaire. Dans quel cadre ces formations sont-elles dispensées ? A qui s'adressent-elles, sur quels principes reposent-elles ? Et quelles sont les perspectives pour que le législateur fasse vivre les initiatives tendant à réduire la violence en milieu scolaire ?
J'étais à l'origine enseignante en mathématiques, en collège, et suis membre du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN). Je suis devenue formatrice au sein de l'institut de formation du mouvement, l'Ifman. Puis j'ai réintégré l'éducation nationale comme formatrice en partageant mon temps entre l'IUFM et le rectorat, entre formation initiale et continue en collèges et lycées.
Il y a beaucoup à faire pour améliorer la formation des enseignants au-delà de la transmission disciplinaire. On s'est déjà penché dans le passé sur la façon d'aider les enfants à développer des compétences de communication, de coopération, de créativité, afin de résoudre plus facilement les conflits et la violence à l'école. Cela suppose une expérimentation par les enfants, une pratique de la citoyenneté en classe, l'apprentissage du temps de parole, la formation de médiateurs ou de délégués...
J'interviens, en formation continue, dans deux cadres différents. D'abord les stages, auxquels s'inscrivent, individuellement, des enseignants, conseillers principaux d'éducation, assistants sociaux, infirmiers, secrétaires. Hélas, quand ils reviennent dans leur établissement avec des idées et des projets, rien ne se passe car autour d'eux, rien n'a bougé. C'est pourquoi je préfère l'autre cadre, l'intervention directe dans les établissements, auprès de groupes de 15 ou 20 inscrits, sur deux ou trois jours, en axant la formation, selon les demandes, sur la gestion des émotions, la tenue de classe, la transgression et la sanction, le fonctionnement des classes, ou encore, l'organisation de la parole. Lorsque nous parlons des conflits entre les élèves, ou entre les élèves et les adultes, nous arrivons immanquablement à évoquer un manque de travail en équipe des adultes.
Une précision : les « conflits », souvent inévitables, recouvrent, dans mon acception, tous les désaccords qui tendent les relations. Il ne s'agit pas de les éviter mais de les traiter de façon civilisée ; c'est toujours l'occasion de progrès.
Le MAN est membre de la Coordination pour l'éducation à la non-violence et à la paix, qui regroupe plus d'une cinquantaine d'associations. Elle soutient la proposition de loi présentée il y a un an par M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être faudra-t-il intégrer ce texte dans une future loi d'orientation pour l'école...
Que pouvez-vous nous dire de l'état actuel de la formation à la médiation et à la régulation non-violente des conflits ? Un futur maître, dans son parcours banal, échappe-t-il totalement à cette formation ?
Il n'échappe pas au thème. Mais une conférence de pré-rentrée où 300 enseignants débutants, un peu ou très angoissés, reçoivent quelques vagues recommandations, n'a rien à voir avec une réflexion de fond, guidée par des formateurs et intervenant en parallèle du travail sur le terrain. Certes, les jeunes enseignants ont suivi des cours de psychologie de l'enfant ou de l'adolescent. Mais ils n'y trouvent pas de réponse sur la conduite à tenir lorsqu'un élève leur dit, pardonnez-moi le terme, « vous me faites chier ».
Il est important de travailler avec les jeunes collègues sur tous les éléments concourant à l'autorité, au lieu d'asséner que « l'autorité, on en a ou pas », assertion qui est totalement fausse et le meilleur moyen de les abandonner à l'impuissance. Durant les formations, nous explorons tous ces éléments. Dans un lycée professionnel, par exemple, si les choses fonctionnent encore un peu, on se demandera pourquoi. Et la réponse sera : parce que les jeunes sont consentants. Il est vain de vouloir instaurer une relation frontale, un rapport de force, à une époque où nombre de familles ne valorisent pas l'autorité de l'enseignant : l'enseignant sera seul contre trente-cinq et le fait qu'il représente l'institution n'y changera pas grand-chose. Mais s'il fonde son autorité sur les besoins de la classe, y compris de sécurité, et sur ses propres compétences, une certaine confiance s'installera. Ce qui n'empêchera pas les transgressions, habituelles chez les adolescents.
Il faut aussi travailler sur les règles. De nombreux établissements ont élaboré une charte, mais on y trouve souvent tout et n'importe quoi. Il est important de distinguer entre ce qui dépend de la loi et ne saurait faire l'objet d'une négociation, ce qui relève du règlement intérieur et ce qui relève des règles de vie posées par l'enseignant. Il y a enfin un espace pour l'élaboration de règles en commun avec les élèves, à condition que les adultes assument le non-négociable. On peut alors espérer que les élèves, ayant l'occasion à la fois de se confronter à un cadre ferme et d'expérimenter la fabrication commune de règles, adoptent un rapport plus mature à la loi. L'obéissance à la loi laisse de toute façon une place à l'objection de conscience...
Les enseignants se laissent parfois emporter par leurs émotions et alors, tout part en vrille dans la classe. Il faut se poser les questions en amont des crises...
Quant à l'organisation de la parole, pour que chacun puisse s'exprimer dans un groupe, une régulation est indispensable. Les échanges, les avis, doivent intervenir à certains moments, certainement pas au milieu des cours comme dans le film Entre les murs, parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire.
Les formations comme celles que j'anime sont plus courantes qu'on ne le croit, mais elles deviennent anecdotiques à mesure que les moyens de la formation continue diminuent.
Combien y a-t-il de formateurs comme vous par rectorat, pour la formation initiale ?
Il est difficile de l'apprécier faute de connaître le contenu exact des modules sur la communication par exemple. Je sais qu'il existe des choses équivalentes à Amiens, à Rennes, à Montpellier... Cependant mon activité est le fruit d'un concours de circonstances, l'IUFM de Rouen ayant décidé de sous-traiter ces questions à l'Ifman, où je travaillais sur ces sujets. J'ai eu ensuite l'occasion d'intégrer l'IUFM sur un poste de pédagogue. J'ai été bien accueillie par l'institution, mais c'est en tant que militante que j'avais travaillé sur ces sujets.
Les formations sont plus efficaces lorsque menées au sein des établissements, j'en suis bien d'accord.
J'ai vu un reportage sur une enseignante qui a quitté l'éducation nationale. Elle dénonçait un problème dans les contenus et l'absence de certains thèmes, pour reprendre le beau mot que vous avez employé. Quand, le jour de la rentrée, un élève a jeté une table contre un mur pour marquer son pouvoir et son territoire, elle ne savait pas comment réagir. On ne lui avait pas appris non plus quoi faire quand les élèves, collectivement, refusent d'ôter leurs manteaux ou d'ouvrir leurs manuels. Elle était totalement démunie. La confiance en soi, l'autorité ne s'acquièrent pas en quelques recommandations ou recettes. L'enseignant les intègre en travaillant avec des formateurs comme vous, hélas en nombre insuffisant.
Cela relève de la politique éducative : la formation des formateurs doit d'urgence être repensée car nombre de nos collègues enseignants sont en souffrance, parfois victimes de burn out.
Dans mon IUFM, nous avons décidé, une année, de proposer un module de pré-rentrée, à la fin du mois d'août, pour les enseignants débutants. Nous attendions peu de monde, il y a tant à faire pour préparer une première rentrée ; nous avons reçu 35 personnes le matin et 55 l'après-midi... Les jeux de rôle n'étaient plus possibles et il a fallu revoir le contenu de la formation les années suivantes. La mise en situation est une méthode excellente, car elle prend en compte les aspects non verbaux, posture, regard, accroche, qu'une circulaire ne peut traiter... Même la vidéo du ministère sur la tenue de classe demeure anecdotique.
Est-il nécessaire d'inclure dans la régulation des conflits ceux qui opposent des membres de l'encadrement ?
L'entente entre collègues est essentielle pour que la régulation fonctionne dans l'ensemble de l'établissement. Dans le cas d'un conflit entre adultes, il est plus facile de faire intervenir un tiers extérieur, qui facilite la communication. Je figure sur une liste dressée par le recteur de personnes-ressources, susceptibles d'intervenir en cas de clash au sein d'un établissement. Mais attention, il importe de poser un cadre très précis pour obtenir des résultats car une intervention peu professionnelle fait plus de mal que de bien.
Sur la proposition de loi relative à l'éducation à la résolution non-violente des conflits, notre commission saisie au fond a nommé en octobre dernier son rapporteur, Mme Gonthier-Maurin, mais le texte est encore en attente d'inscription à l'ordre du jour. Il pourrait venir en séance à l'initiative du groupe socialiste ou lors de l'examen de la future loi d'orientation - qui sera précédée, a précisé M. Peillon, d'un grand débat donnant la parole aux professeurs, aux parents, aux parlementaires, aux élus locaux... Mes chers collègues, chaque fois que vous en avez l'occasion, parlez de cette proposition de loi afin qu'elle prenne toute la place qu'elle mérite.
Madame Maheu-Vaillant, je vous remercie. Vos modules m'apparaissent comme un merveilleux hasard pour les enseignants qui y ont accès. Compte tenu du degré de violence qui règne dans les établissements, il serait bon, pour les généraliser, d'y consacrer les moyens suffisants. Nous nous y emploierons.