La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente.
La séance est reprise.
J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil de l'immobilier de l'État.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des finances à présenter ses candidats.
Leur nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
L'ordre du jour appelle un débat de contrôle budgétaire sur le rapport d'information de M. Joël Bourdin et de Mme Nicole Bricq sur l'enquête de la Cour des comptes relative au fonctionnement du service public de l'équarrissage (n° 432, 2005-2006).
La parole est à M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour un débat d'un genre nouveau qu'affectionne particulièrement la commission des finances. Il s'agit d'un débat de contrôle budgétaire ayant pour fondement une enquête réalisée par la Cour des comptes, en application des dispositions du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui prévoit la réalisation par la Cour des comptes « de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle ».
Cette enquête, transmise à la commission des finances à la fin du mois de janvier 2006, porte sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage, ou SPE.
En effet, la LOLF renforce les moyens mis à notre disposition afin de contrôler les dépenses de l'État et d'éclairer les pouvoirs publics dans le choix de leurs politiques. Nous nous accordons tous à considérer qu'il s'agit d'un progrès considérable et d'une occasion à saisir pour l'ensemble des parlementaires.
À ce titre, je souhaite citer les propos tenus par notre président, M. Christian Poncelet, qui, à l'occasion de sa réélection à la tête de notre assemblée le 1er octobre 2004, a déclaré : « Il nous faudra dégager du temps dans l'hémicycle pour affirmer, renforcer et valoriser notre fonction de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. »
Le débat de ce jour constitue la traduction la plus concrète de cet engagement. À cet égard, je tiens à remercier le président de notre commission des finances, M. Jean Arthuis, qui attache une très grande importance non seulement au contrôle, mais également à sa diffusion et aux suites à lui donner.
Il est effectivement primordial que les travaux de nos commissions, pour intéressants qu'ils soient, ne restent pas à l'état de mots et soient pour nous l'occasion d'échanger, d'argumenter, bref, de remplir notre mission aussi bien vis-à-vis des deniers de l'État que de nos concitoyens. Il est également important que, pour chacun de ces sujets, le Gouvernement ait la possibilité de nous exposer son point de vue et la manière dont il entend répondre aux préoccupations exprimées par les commissions. C'est tout l'intérêt du débat qui nous réunit aujourd'hui.
J'en viens maintenant au coeur du sujet, qui est complexe et d'actualité puisque le service public de l'équarrissage a fait l'objet d'une réforme d'envergure dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2006, réforme sur laquelle la commission des finances du Sénat a dû se prononcer dans l'urgence, et cela avant que la Cour des comptes n'ait pu lui présenter les conclusions de cette enquête, qui lui auraient pourtant apporté un éclairage précieux.
Dans la mesure où notre collègue Nicole Bricq, rapporteur spécial de la mission « Sécurité sanitaire », qui inclut aujourd'hui les crédits publics affectés au financement du SPE, interviendra après moi et concentrera son propos sur les perspectives d'avenir de ce service public et les pistes de réforme envisageables, je souhaiterais évoquer les principales conclusions de l'enquête de la Cour des comptes.
En effet, dans son rapport sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage, la Cour des comptes tire deux grandes catégories de leçons de l'expérience passée.
En premier lieu, elle constate l'impossibilité de faire jouer la concurrence et de maîtriser les tarifs dans le cadre d'un oligopole que l'État a, historiquement, organisé au cours des décennies précédentes.
Le secteur de l'équarrissage est, en effet, fortement concentré. géré à l'origine par deux grandes compagnies nationales, peu à peu privatisées, il a évolué vers la constitution de monopoles locaux départementaux.
De ce fait, la passation des marchés publics prévus par la loi de 1996, adoptée après la crise de la vache folle, s'est révélée irréaliste, en raison notamment du bouleversement économique que cette crise a entraîné. Comment, en effet, faire jouer la concurrence dans un système où chacun, localement, est assuré d'un monopole, dans un pays où ces monopoles sont répartis entre deux grands groupes oligopolistiques ?
Devant cette impossibilité de mettre en oeuvre les dispositions de la loi de 1996 et la nécessité impérative d'assurer l'exécution du service public, la Cour des comptes souligne que les préfets ont, logiquement, eu recours à des réquisitions, parfaitement irrégulières en raison de leur caractère systématique et permanent.
Ainsi, la situation héritée du passé a placé durablement l'administration en situation de ne pouvoir faire jouer correctement la concurrence. Ce constat ne vaut d'ailleurs pas seulement pour les opérateurs de l'équarrissage, mais également pour ceux de l'incinération des farines animales.
En deuxième lieu, la Cour des comptes a constaté qu'il était extrêmement difficile pour l'État de maîtriser les problèmes de gestion, de contrôle du service fait et de financement.
La Cour a, en effet, observé que les prestations facturées au service public de l'équarrissage faisaient l'objet d'un contrôle essentiellement documentaire et très inégal de la part des services déconcentrés de l'État. Ce contrôle est, de ce fait, à l'origine de tolérances excessives vis-à-vis des opérateurs, de telle sorte que la sincérité, la fiabilité, voire la régularité des déclarations ont pu fréquemment être mises en cause.
D'après la Cour des comptes, une telle carence des administrations compétentes est difficilement compréhensible sur une aussi longue période.
Enfin, les fréquentes modifications de la réglementation ont lourdement affecté le bilan financier du SPE. Ainsi, les dépenses publiques liées à la mise en oeuvre de la politique d'équarrissage ont dépassé 2, 1 milliards d'euros à la fin de l'année 2005.
La Cour des comptes souligne que les difficultés financières du SPE ont été amplifiées par le refus de mettre à contribution les éleveurs en vertu du principe pollueur-payeur et par les conséquences des contentieux européens et professionnels suscités par l'assujettissement des grandes surfaces à la taxe sur les achats de viande. Ce mode de financement n'avait pas été notifié aux autorités européennes, puis il a été déclaré non conforme au droit communautaire, ce qui a conduit l'État à rembourser 387 millions d'euros.
Monsieur le ministre, je souhaite donc vous interroger sur les conclusions que vous comptez tirer des principaux constats du rapport de la Cour des comptes et j'attends notamment des réponses sur les points suivants.
Dans quelle mesure l'État pourra-t-il rétablir une situation concurrentielle dans un secteur économique trop concentré, caractérisé aujourd'hui par un duopole au niveau national et par des situations de monopoles locaux ? En d'autres termes, quelle est la probabilité d'entrée sur le marché de l'équarrissage de nouveaux opérateurs à court et à moyen terme ?
S'agissant des contentieux communautaires liés au financement du SPE évoqués par la Cour des comptes, quelles suites leur ont été données par l'État et quel en est aujourd'hui le coût pour celui-ci ?
La Cour des comptes a mis en évidence les difficultés et l'hétérogénéité du contrôle du service fait par les équarrisseurs, exercé par les directions départementales des services vétérinaires. Quelles ont été les mesures mises en oeuvre par l'administration pour remédier à ces carences ?
Enfin, en quoi la gestion du SPE par l'office de l'élevage sera-t-elle plus efficace que celle du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles ? L'ONIEP, c'est-à-dire l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions, aura-t-il les moyens de maîtriser l'information sur la situation et les coûts des entreprises d'équarrissage ?
Je laisse maintenant la parole à ma collègue Nicole Bricq, qui, au-delà du constat des dysfonctionnements passés, souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur les perspectives d'avenir du service public de l'équarrissage.
Applaudissements
Mon collègue Joël Bourdin et moi-même nous sommes en effet réparti les rôles. Je souhaiterais, pour ma part, concentrer mon propos sur les incertitudes qui ont été mises en évidence par la Cour des comptes et, d'une manière plus large, sur les perspectives d'évolution du service public de l'équarrissage que vous seriez amené à tracer, monsieur le ministre.
La Cour des comptes a mis l'accent, à l'occasion de son enquête transmise à la commission des finances, sur quatre grandes questions qui subsistent en dépit de la réforme engagée et encore en cours.
La première concerne le risque contentieux qui continue d'affecter le bilan financier du service public de l'équarrissage. Le refus de l'État de rembourser les taxes sur les achats de viande perçues entre 2001 et 2003 fait l'objet d'un contentieux devant les juridictions administratives. Les sommes en jeu sont très importantes puisque le produit de la taxe sur les achats de viandes entre 2001 et 2003 avoisine 1, 7 milliard d'euros alors que, dans le même temps, le financement du SPE a représenté 1, 1 milliard d'euros.
Un premier jugement du tribunal administratif de Marseille, en novembre 2005, avait ordonné le remboursement des taxes perçues après 2001. La cour administrative d'appel de Marseille, en décembre 2005, a rendu un arrêt favorable à l'administration en infirmant le jugement du tribunal administratif. Pour autant, la Cour des comptes ne considère pas la situation comme réglée, car 9 500 contentieux restent pendants.
La deuxième grande question a trait aux objectifs et aux conditions du transfert de la gestion du SPE à l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions.
La troisième question, sans doute la plus difficile à résoudre, concerne la concurrence. L'État a été confronté à l'échec d'une nouvelle procédure de passation des marchés publics d'équarrissage. La Cour avait souligné les incertitudes, voire l'impossibilité de lancer un appel d'offres dans les conditions actuelles d'organisation de la profession. Comme l'a rappelé mon collègue, il s'agit d'un duopole.
L'administration elle-même reconnaissait que la décision de recourir désormais, pour l'exécution du service, à des appels d'offres ne suffirait pas à instaurer d'emblée un régime de concurrence dans une profession très concentrée, juxtaposant des monopoles territoriaux, suscités à l'origine par l'État lui-même.
Les premiers éléments dont a disposé la Cour concernant cet appel d'offres ont confirmé le bien-fondé de ces observations. La passation du marché s'est traduite par une forte hausse du coût du SPE et a laissé apparaître des indices sérieux de concertation entre les opérateurs, au point que la Cour des comptes a pu se demander si la réduction des coûts obtenus sur la sortie des abattoirs n'aurait pas pour contrepartie l'augmentation de ceux payés dans le cadre du SPE.
Toutefois, il convient de relativiser ces éléments eu égard à la faible attractivité du secteur, qui suscite, en effet, difficilement la concurrence.
Compte tenu des investissements extrêmement lourds à opérer pour satisfaire à une exigence de haute qualité de sécurité sanitaire, il conviendrait aussi que des processus industriels plus performants de collecte et de transfert puissent être mis en oeuvre de manière à optimiser les coûts.
Enfin, d'après la Cour des comptes, l'équilibre financier du SPE, au coeur de la réforme votée pour 2006, ne semblait pas encore garanti.
Cette réforme avait, en effet, pour objet essentiel de profiter du retour à une situation sanitaire normale pour alléger la charge des finances publiques en réduisant le périmètre du SPE au traitement des cadavres d'animaux, à l'exclusion des autres déchets soumis à réglementation.
Sur la base d'une estimation réalisée par les inspections générales des finances et de l'agriculture, la charge totale du SPE avait été réduite à 136 millions d'euros, selon les prévisions de la loi de finances pour 2006.
Or le Gouvernement table désormais sur un coût nettement plus élevé que prévu, de l'ordre de 154 millions d'euros ; c'est, du reste, ce chiffre que j'ai évoqué tout à l'heure en commission des finances, alors que nous examinions le projet de loi de finances pour 2007.
Monsieur le ministre, d'après les informations fournies par vos services, le financement du SPE devrait être assuré par une contribution des éleveurs de 4 millions d'euros, une dotation budgétaire de 44 millions d'euros et une contribution exceptionnelle de l'ONIEP de 16 millions d'euros, le solde, soit 90 millions d'euros, étant financé par le produit de la taxe d'abattage, dont le taux a été augmenté le 17 juillet 2006. D'ailleurs, nous avons appris qu'il était fort probable que ce taux soit de nouveau relevé au 1er juillet 2007. Vous voudrez bien nous dire, monsieur le ministre, ce qu'il en est exactement.
En outre, d'après la Cour des comptes, un surcoût budgétaire viendra alourdir le coût de la réforme pour l'État, à la charge duquel restera, outre une moins value - fiscale de 13 millions d'euros du fait de la récupération de la TVA par les bouchers et les abattoirs, l'aide de 10 millions d'euros prévue en faveur des bouchers, soit 23 millions d'euros au total.
En conséquence, la Cour constatait que les objectifs d'économies associés à la réforme du SPE ne seraient pas atteints, du moins à court terme. Les informations qui sont en notre possession aujourd'hui ne font que confirmer les prévisions de la Cour.
En conclusion, la Cour des comptes soulignait la persistance de graves dysfonctionnements, qu'il s'agisse du coût global du SPE, qui demeure très élevé alors que son équilibre pèse toujours fortement sur les finances publiques, ou de l'absence d'un mécanisme de régulation efficace des marchés et des prix face au duopole déjà évoqué.
Monsieur le ministre, je souhaite par conséquent entendre vos réponses sur les points suivants.
Quel est, aujourd'hui, le risque financier encouru par l'État au regard des contentieux administratifs nationaux relatifs au remboursement des taxes sur les achats de viande, contentieux qui restent pendants ?
La réforme du financement du service public de l'équarrissage, mise en oeuvre par la loi de finances pour 2006, continue, vous le savez, mes chers collègues, d'être contestée à plusieurs niveaux. Le secteur de l'abattage s'oppose à l'augmentation du taux de la taxe d'abattage, qu'il considère comme un alourdissement disproportionné de la fiscalité pesant sur le secteur des viandes de boucherie. Il réclame une application du principe pollueur - payeur et un accroissement de la participation des éleveurs au financement ; c'est là, nous le savons, une question particulièrement sensible, dont, me semble-t-il, Odette Herviaux se fera l'écho.
Monsieur le ministre, quels arguments êtes-vous en mesure d'opposer à cette contestation ? Une application du principe pollueur - payeur est-elle envisageable à court terme ?
Les pouvoirs publics seront-ils en mesure d'obtenir des éleveurs une participation significative au financement du SPE, de la part, notamment, de la filière avicole, qui souffre de l'absence d'une interprofession structurée et qui a été rudement mise à l'épreuve l'année dernière ? C'est une question que je posais déjà voilà un an.
Enfin, une participation exceptionnelle, donc non reconductible, de l'ONIEP, à hauteur de 16 millions d'euros, a été instituée en 2006 : sur quel programme d'intervention sera-t-elle prélevée ? Étant donné l'augmentation structurelle du coût du service public de l'équarrissage, comment pouvez-vous garantir, monsieur le ministre, le caractère exceptionnel de cette contribution publique ?
Enfin, comment l'État compte-t-il faire baisser le coût de la prestation facturée par les équarrisseurs pour la mise en oeuvre du service public de l'équarrissage ?
À court terme, est-il envisagé d'organiser la mise en concurrence des prestations de collecte d'animaux en exploitation et de transport des cadavres ?
À plus long terme, dans la mesure où il est difficile de sortir du système du duopole, l'État serait-il tenté par une privatisation totale du secteur, dont on peut douter qu'elle garantisse un bilan global, économique et financier, plus positif pour les filières concernées ?
Si ces solutions ne sont pas envisagées, le Gouvernement réfléchit-il à des mesures qui imposeraient aux équarrisseurs une plus grande transparence de leurs comptes et qui permettraient d'y voir plus clair dans le coût réel des prestations facturées, voire de mettre en place un système de prix administrés ? C'est ce qui se passe en Allemagne, où le secteur est privatisé mais où des dispositions règlementaires encadrent les tarifs des équarrisseurs et limitent le niveau des bénéfices qu'ils retirent des prestations qui leur sont confiées.
À cet égard, il serait sans doute intéressant d'étudier la manière dont nos principaux partenaires de l'Union européenne financent leur service public d'équarrissage.
À ce stade, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous donniez les éclaircissements nécessaires, même si nous savons qu'il s'agit là d'un sujet très délicat.
Applaudissements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé d'organiser un débat de contrôle budgétaire sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage.
En effet, au titre de leurs prérogatives, les parlementaires exercent une importante mission de contrôle budgétaire, qui leur permet de vérifier la régularité et la sincérité de l'exécution de la loi de finances ainsi que le bon usage des deniers publics et l'adéquation des moyens de l'État à ses objectifs.
Il est vrai que le financement du SPE constitue un cas d'école !
En effet, comme le note la Cour des comptes, en pratiquant avec talent l'art de l'euphémisme, l'encadrement normatif du SPE s'est fait dans l'urgence, sa gestion connaît des failles et son financement a été compliqué par la mise en place de la taxe sur les achats de viandes, dite taxe d'équarrissage, remise en cause à la fin de 2003 par Bruxelles.
Voilà pour les erreurs du passé. Mais la Cour des comptes ne s'arrête pas là et souligne « les incertitudes liées à la mise en oeuvre de la réforme votée en loi de finances initiale pour 2006 ».
En bref, alors que le financement du SPE suscite un certain nombre de conflits et que la transparence de ses coûts n'est pas assurée, notamment en raison de la faiblesse des moyens de contrôle du service fait, le Gouvernement multiplie les réformes confirmant son désengagement.
Ainsi, depuis octobre 2005, le périmètre de ce service public a été ramené aux seuls cadavres des animaux d'élevage ou dont l'élimination relève de l'intérêt général. Cette étape a entraîné une contractualisation directe entre les industries de la viande et les équarrisseurs. Elle se serait traduite, comme l'indique un communiqué du ministère de l'agriculture en date du 15 juillet 2006, par une baisse de 25 % du coût des prestations d'élimination des déchets appliqué aux abattoirs.
Mais s'agit-il vraiment d'un progrès pour le service public ?
En réalité, cette réforme risque d'avoir des répercussions négatives sur les petits et moyens abattoirs, dont les coûts d'équarrissage sont plus élevés du fait de leur éloignement géographique.
Pourtant, l'accès au traitement des déchets devrait être équitable sur l'ensemble du territoire. De plus, l'épisode de la fièvre aphteuse a montré que la circulation sur de grandes distances d'animaux malades accentuait les risques sanitaires.
En se bornant à une vision financière de l'équarrissage, les pouvoirs publics n'apportent aucune garantie sur le maintien de la sécurité sanitaire, qui constitue pourtant l'un des principaux enjeux du SPE.
Rappelons que ce service public a été créé à la suite de la crise sanitaire de 1996, afin de maîtriser les produits à risques contaminants, issus soit de l'élevage, soit de l'abattage. Il s'agissait de confier à des sociétés d'équarrissage une mission de service public portant à la fois sur la collecte et sur l'élimination de ces déchets, en contrepartie de subventions prenant en charge tout ou partie des frais correspondants.
Avec la découverte du rôle des farines animales dans la transmission de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'État a décidé de sortir de la chaîne alimentaire ces produits à risque et d'élargir la mission du SPE au domaine du stockage et de la destruction définitive des farines.
Comme ces produits constituaient jusqu'alors un moyen de valorisation de l'activité des équarrisseurs, des indemnisations ont été allouées à ces derniers, en compensation des pertes de revenus correspondantes.
D'ailleurs, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il serait intéressant qu'un document dresse le bilan, à compter du début de la crise de la vache folle, du coût du stockage et de l'élimination des farines animales, et qu'y figure la liste des bénéficiaires de ces activités plutôt lucratives au regard des prix initialement négociés ? Il est vrai que ces derniers ont été discutés par le précédent gouvernement.
Fort heureusement, la crise de la vache folle semble terminée, en ce qui concerne en tout cas la contamination des bovins. Mais ni les consommateurs ni les agriculteurs ne se trouvent à l'abri d'autres crises sanitaires ! On pense bien sûr à la grippe aviaire, mais ce n'est pas la seule maladie qui nous menace. Ainsi, nous pourrions évoquer la fièvre catarrhale, qui a touché des moutons en France et, en septembre, un bovin en Belgique.
Il est essentiel que l'État adopte une démarche à long terme et mette en oeuvre les moyens nécessaires pour conserver un service public de l'équarrissage performant et sécurisé sur le plan sanitaire.
On se rappelle que la profession agricole a dénoncé, lors de la crise de la vache folle, des pratiques imprudentes chez certains grands fabricants d'aliments de bétail, motivés par la recherche de la production à moindre coût et du profit maximum.
En ce qui concerne le financement du service public de l'équarrissage, les réformes successives se heurtent aux réticences des différents acteurs de la chaîne. Et pour cause : à partir de 1997, le SPE a été financé par le produit d'une taxe due par les distributeurs de viandes au détail et assise sur le montant des achats de viandes et d'abats de ces derniers, la taxe d'équarrissage.
Or, dans les faits, l'exonération de la taxe pour les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires et du montant de leurs achats mensuels de viandes et d'abats a limité son périmètre à la grande distribution, essentiellement. Ce dispositif avait pour objectif affirmé de ne pas faire peser sur les éleveurs et abatteurs la charge des missions relevant du SPE.
Dans l'arrêt préjudiciel Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie c/GEMO SA, rendu le 20 novembre 2003, la réponse de la Cour de justice des Communautés européennes a été très claire : la taxe d'équarrissage « qui assure gratuitement pour les éleveurs et les abattoirs la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs doit être qualifiée d'aide d'État ». Derrière cette condamnation par les instances européennes, en l'occurrence la CJCE et la Commission, on voit apparaître en filigrane le principe du pollueur - payeur.
D'ailleurs, la CJCE précise que « l'activité développée par ces entreprises [d'équarrissage] résulte des produits et des résidus inutilisables et surtout nuisibles pour l'environnement, dont l'élimination incombe aux responsables de leur production ».
En bref, les autorités européennes considèrent que c'est aux producteurs de payer. D'ailleurs, ces derniers n'y sont pas opposés par principe : ils n'en ont tout simplement pas les moyens ! Dans un contexte de baisse quasi chronique des prix à la production, en l'absence de cadre législatif permettant aux paysans d'obtenir des tarifs rémunérateurs en lien avec leurs coûts de production, il est inconcevable, pour le moment en tout cas, de mettre à leur charge une nouvelle taxe !
Au passage, soulignons une petite étourderie du Gouvernement ou un grand gaspillage d'argent public : pour avoir omis de soumettre en 1996 sa nouvelle taxe à l'avis de Bruxelles, le Gouvernement a fait un très beau cadeau à la grande distribution. En effet, l'État a été condamné à rembourser la taxe prélevée auprès des supermarchés et hypermarchés, alors que ces derniers s'étaient empressés d'en répercuter le coût sur les consommateurs.
Finalement, au moment où la grande distribution communique sur le commerce équitable et des prix prétendument bas, le consommateur aura payé deux fois cette taxe, une fois à la caisse et une autre fois en tant que contribuable !
Mais le caractère aberrant du financement du service public de l'équarrissage ne s'arrête pas là ! En 2004, les pouvoirs publics ont remplacé l'imposition litigieuse par une taxe d'abattage portant sur l'activité non seulement des transformateurs, mais aussi des éleveurs de volaille et de porcs. Dans un souci de transparence, des négociations commerciales ont été engagées et l'obligation de mentionner la taxe d'abattage en pied de facture a été introduite. Notons qu'aucune baisse des prix de la viande en direction des consommateurs n'a été ressentie. Là encore, des problèmes se sont posés !
Le Gouvernement ne s'est pas contenté de créer une nouvelle taxe ; il a également, je le répète, engagé une réforme du service public de l'équarrissage fondée essentiellement sur une logique comptable.
Dès lors que le produit de la taxe n'est pas suffisant pour financer la totalité des missions du service public de l'équarrissage et que l'État ne souhaite pas assumer le manque à gagner, les pouvoirs publics ont, dans un premier temps, restreint le champ d'application du SPE.
Dans un second temps, le taux de la taxe d'abattage a été augmenté, afin de diminuer la part de l'État dans le financement du dispositif. Dès 2003, le Syndicat national de l'industrie des viandes avait dénoncé un système « qui ne pourrait qu'être suicidaire pour la filière bovine française et pour les industries d'abattage - transformation ». Il regrettait, notamment, que le financement du SPE soit assuré jusqu'en juin 2007 par une augmentation de 15 % du produit de la taxe.
Par ailleurs, alors que le Gouvernement a fait sortir du SPE les matériaux à risques spécifiés des bouchers, le ministère de l'agriculture a décidé de réduire de 50 % l'aide dont bénéficiaient les bouchers pour 2006, afin de « ne pas déstabiliser l'économie de marché qui se met en place entre les bouchers et les équarrisseurs » ! Or, ces professionnels constituant un maillon essentiel du commerce de proximité rural, il est au contraire impératif de mettre tout en oeuvre pour consolider leur activité.
Du fait des désengagements de l'État, le risque est grand, désormais, de voir les abatteurs - transformateurs répercuter le coût de la taxe d'abattage sur l'ensemble des éleveurs.
D'une part, il est nécessaire de maintenir un service public de l'équarrissage afin de garantir la sécurité sanitaire aux meilleures conditions. D'autre part, alors que la grande distribution se trouve exonérée depuis 2004 de la taxe d'équarrissage, le prix d'achat aux producteurs n'a pas augmenté, et les tarifs à la consommation n'ont pas baissé.
Le financement du service public de l'équarrissage est l'exemple type d'un système qui marche sur la tête, un système dans lequel le travail n'est plus rémunéré et où ceux qui ne produisent rien engrangent tous les gains.
En 2005, les revenus des paysans ont baissé de 10 %, après une baisse de plus de 7 % en 2004. Il est urgent que les pouvoirs publics prennent des mesures afin d'assurer des prix rémunérateurs pour les produits agricoles. Cela nécessite de mettre un frein à la financiarisation écrasante du secteur agricole.
Il convient de mettre un terme aux abus des intermédiaires : les producteurs et les consommateurs y gagneront et chacun pourra participer de façon juste au financement du service public de l'équarrissage.
En conclusion, je rappellerai que la Cour des comptes s'inquiète, dans son rapport, de la capacité de l'État à assurer un regain de concurrence et à obtenir des baisses de prix sur les prestations d'équarrissage. Ainsi, l'État, en se désengageant de sa mission de service public, laisse la voie libre aux quelques opérateurs privés du marché pour fixer des prix disproportionnés au regard du coût effectif du service rendu. C'est pourquoi nous estimons nécessaire que, suivant l'exemple de certains pays européens qui accordent des aides à hauteur de 87 % du coût du service, la participation de l'État dans le financement du SPE soit revue à la hausse.
Tel est le sens, monsieur le ministre, de notre intervention.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est intéressant, à l'occasion d'un débat de contrôle budgétaire sur un rapport d'information de la commission des finances, de connaître les incidences économiques mais aussi pratiques dont les représentants des collectivités territoriales que nous sommes peuvent se faire l'écho. Les chiffres sont très intéressants, ils sont même passionnants, à condition que nous soyons à même de saisir la réalité concrète qu'ils recouvrent.
Aussi commencerai-je par féliciter les deux rapporteurs spéciaux, car, même s'il n'est pas dans mes habitudes de faire de la promotion littéraire à cette tribune, je dois avouer que j'ai lu avec un grand intérêt - presque avec passion ! - leur rapport d'information, de même d'ailleurs que celui de la Cour des comptes. Sans aller jusqu'à le comparer à un roman policier, je l'ai trouvé plein de rebondissements !
Sourires
Je rappellerai tout d'abord que le service public de l'équarrissage est financé par une subvention de l'État - de l'ordre de 44 millions d'euros en 2006 -, par les paiements des éleveurs de porcs et de volailles à hauteur des recommandations de Bruxelles, par la contribution consécutive à la mise en place d'un système participatif interprofessionnel, notamment l'interprofession bovine, pour un total de 8 millions d'euros en 2006, ainsi que par la taxe d'abattage depuis la loi de finances initiale de 2004.
Depuis lors, la collecte des déchets d'abattoirs et des cadavres chez les vétérinaires et les particuliers, est exclue du périmètre du SPE et relève de contrats commerciaux, ce qui n'est pas sans nous causer parfois, à nous maires ruraux, bien des désagréments. En effet, à partir du moment où un service n'est plus rendu, certains de nos concitoyens ont recours à des pratiques peu orthodoxes et parfois gênantes !
En effet, pour les élus des communes rurales, l'équarrissage ne se réduit pas à des données chiffrées ou à une question d'équilibre budgétaire : ce sont avant tout des problèmes à gérer au quotidien, du moins à certaines périodes : coups de chaleur, épizooties, comme la grippe aviaire, sans parler des découvertes de cadavres d'animaux abandonnés par leurs propriétaires.
Tout cela n'est pas bien agréable, mais c'est la triste réalité, et il est parfois bon de la rappeler avant d'aborder l'aspect financier du problème.
Ces pratiques ont heureusement tendance à diminuer, mais elles se développent chaque fois que l'on fait payer une prestation aux particuliers, tel l'enlèvement des animaux domestiques.
J'ai connu une époque où, lorsque le chien ou le chat de la voisine se faisait écraser, il était très facile de le déposer chez l'éleveur installé à proximité pour qu'il soit enlevé par le service public d'équarrissage. À partir du moment où la surveillance est accrue, c'est simplement un peu plus loin qu'on retrouve ces mêmes animaux !
Je me permettrai, monsieur le ministre, d'agrémenter mon propos d'anecdotes, afin de mieux faire comprendre les difficultés que nous rencontrons parfois sur nos territoires avec le service de l'équarrissage, et surtout afin de souligner les conséquences précises de toute remise en cause du statut public de ce service.
En effet, le service de l'équarrissage est un élément absolument essentiel de la politique de sécurité sanitaire de notre pays. Il a pour fonction première d'être un auxiliaire des éleveurs en enlevant les cadavres d'animaux des exploitations et en les traitant de manière à éviter toute propagation de maladie ou toute source de pollution.
Le temps est heureusement bien loin où les bêtes crevées étaient enterrées au fond du jardin ou au bout du champ. Mais que survienne une crise quelconque ou un surcoût inconsidéré, et de telles pratiques réapparaissent, même si elles restent limitées et sont l'oeuvre de mauvais citoyens qui ne mesurent pas les risques qu'ils font courir à la population environnante et surtout aux élevages.
Récemment, il m'est arrivé d'avoir à faire enlever par le service d'équarrissage des moutons qui étaient élevés, plus ou moins à titre d'agrément, par des gens qui avaient acheté une longère : le recours aux services d'un équarrisseur leur revenant trop cher, ils avaient décidé de se débarrasser de leur bête en la laissant derrière un talus ou en la jetant dans les marais ! Or, dans la mesure où le camion d'équarrissage ne ramasse que là où il peut aller, c'est-à-dire en bordure de voirie, l'enlèvement doit d'abord être opéré par les services techniques de la commune, qui ne sont pas nécessairement équipés.
Cette fonction de ramassage n'est pas la seule : les entreprises d'équarrissage interviennent désormais plus largement dans le traitement de l'ensemble des déchets d'origine animale, notamment les sous-produits d'abattoirs. Pour la production et la transformation au sein des abattoirs, des mesures draconiennes de sécurité sont imposées, ce qui n'est toujours le cas pour la transformation de ces sous-produits.
Nous sommes donc en présence d'un véritable secteur de dépollution, auquel les pouvoirs publics doivent apporter une forte contribution. C'est à la fois une question de santé publique et une question d'économie si l'on veut, comme c'est le cas des filières d'élevage dans ma région, faire de l'excellence sanitaire une véritable valeur ajoutée.
Depuis la crise de l'ESB, l'État a décidé la destruction des farines et des graisses issues des animaux morts, des saisies et des matériaux à risques spécifiés, les MRS, et a créé le service public de l'équarrissage.
Je ne ferai pas d'historique en la matière, les rapporteurs spéciaux l'ayant fait tout à l'heure. Je rappellerai néanmoins quelques grandes dates.
La loi de finances initiale de 2002 a confirmé la prise en charge par l'État des opérations de collecte et d'élimination des MRS. La taxe d'équarrissage a été supprimée au mois de décembre 2003. La nouvelle taxe, créée en 2004, est exclusivement supportée par les abattoirs pour participer au financement du SPE ; elle est assise sur le volume des MRS et les saisies générées par les abattoirs, le tonnage équivalant à la carcasse.
Depuis cette date, les recettes de cette taxe n'ont cessé de diminuer : alors que 219 millions d'euros étaient prévus en 2006, 140 millions d'euros seulement ont été perçus. Cela a nécessité des abondements complémentaires à la contribution de l'État : 56 millions d'euros en 2004, contre 34 millions d'euros prévus en loi de finances initiale ; 45 millions d'euros en 2005, contre 34 millions d'euros prévus.
Qu'en est-il pour 2006 ? Alors que la loi de finances initiale prévoyait 44 millions d'euros, la charge des ajustements nécessaires - de l'ordre de 16 millions d'euros - a été reportée sur l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture. De plus, au mois de juillet 2006, monsieur le ministre, vous avez relevé les taux de la taxe d'abattage pour les bovins et prévu l'augmentation de la participation des éleveurs de porcs, de volailles, de lapins.
S'il est souhaitable de tendre vers l'équilibre budgétaire, on ne peut s'empêcher toutefois de se demander, à l'instar de Gérard Le Cam, si ceux qui paient sont vraiment ceux qui devraient le faire !
Dès 2004, monsieur le ministre, j'ai eu l'occasion de vous adresser un certain nombre de questions écrites à ce sujet - auxquelles vous avez fort aimablement répondu - pour attirer votre attention sur les répercussions économiques dans les filières d'élevage.
En Bretagne, par exemple, la filière porcine, qui est fortement organisée, avait obtenu bien avant le mois de juillet 2006 - certes avec beaucoup de difficultés - que tout producteur devait participer à la gestion de ses déchets, bien sûr dans une certaine limite, car la concurrence dans ce domaine était très forte.
Sur ce principe, une cotisation de 9 centimes d'euro par porc charcutier abattu a été prélevée et gérée par une association pour pouvoir, le jour venu, rétrocéder à qui de droit cette manne.
L'accord entre les différents partenaires, au nombre desquels l'État, prévoyait une taxe d'abattage de 7, 90 euros par tonne. Le système devait fonctionner ainsi. Malheureusement, aujourd'hui, il est plutôt question de 8, 60 euros par tonne, ce qui compromet grandement l'organisation élaborée par la filière.
Vous le constatez une fois de plus, monsieur le ministre, l'organisation forte d'une filière, même à l'échelon régional, permet de faire face aux exigences de sécurité sanitaire. Encore faudrait-il que les données initiales ne soient pas continuellement revues à la hausse !
S'agissant de la filière volaille, si importante dans ma région, le coût total du SPE est estimé à environ 16, 5 millions d'euros : 8 millions d'euros seront financés par la taxe d'abattage, 7 millions par l'État et 1, 5 million d'euros par les éleveurs. La participation supplémentaire prévue par l'arrêté du 13 juillet dernier devra être versée par l'éleveur à l'équarrisseur, sauf s'il adhère à un dispositif de mandatement.
Quand on connaît la situation de la trésorerie de nos éleveurs de volailles, à la suite de la crise de l'influenza aviaire, on se demande comment ils pourront dégager leurs marges, d'autant que nombre d'entre eux ne sont même pas propriétaires de leurs animaux, car ils sont intégrés.
La question se complique encore pour tous puisque toute société d'abattage doit, suivant le décret, faire mention du coût réel du service sur le bas de facture ; mon collègue Gérard Le Cam en a parlé. Or il est seulement question de « mention » : rien n'oblige donc le client, qu'il s'agisse d'une grande surface ou d'un industriel, à régler cette somme. Cette situation est d'ailleurs en contradiction avec la réglementation européenne. Pourtant, cette taxe devrait être supportée par l'ensemble des partenaires. Or, dans certaines productions, on constate seulement 10 % à 20 % de retour par le biais des bas de facture !
Monsieur le ministre, qui doit financer quoi et comment ? Pourquoi les éleveurs seraient-ils les seuls à faire des efforts toujours plus importants face au monopole de sociétés dont personne ne semble pouvoir connaître les profits réels ?
Quel rôle l'État veut-il réellement jouer dans ce dispositif, indissociable de toute notion de qualité et de traçabilité sanitaires ?
L'équilibre budgétaire est certes souhaitable, mais, pour la survie de nos élevages, il faut réfléchir attentivement aux problèmes que poseraient la remise en cause de la gratuité de la collecte ou la diminution des missions prises en charge par le SPE.
Le rapport d'information montre bien que c'est la réduction du champ du SPE qui a fait baisser le produit de la taxe d'abattage, augmentant d'autant la participation de l'État.
Enfin, la situation de quasi-monopole des sociétés d'équarrissage est un point sur lequel il me semble indispensable de s'appesantir si l'on veut clarifier la situation.
Depuis l'instauration de l'équarrissage jusqu'au mois de juillet 2005, les aides publiques représentent 2, 043 milliards : 81 % d'entre elles ont bénéficié à quatre entreprises, et plus des deux tiers à deux seulement ! Or la Cour des comptes constatait que les prestations facturées au SPE faisaient l'objet d'un contrôle essentiellement documentaire et très inégal de la part des services de l'État. Le temps des tolérances n'est-il pas révolu ?
Pour illustrer mon propos, je relaterai une anecdote que j'ai personnellement vécue voilà peu et qui illustre ce que je ne suis pas loin de considérer comme du laxisme dans les relations entre certains services décentralisés de l'État ou les services du département et une société d'équarrissage de mon département.
Au plus fort de l'épidémie de grippe aviaire, j'ai eu la surprise, en tant que maire, de recevoir un appel d'un agent de la direction départementale de l'équipement, qui venait de trouver une mouette morte sur le bord de la route et qui me signalait que, conformément aux directives qu'il avait reçues de la préfecture, il allait me l'apporter, puisque ma commune avait été désignée - quelle chance ! - comme point de collecte des oiseaux morts.
N'étant pas au courant de ce fait, j'ai passé aussitôt, comme vous pouvez aisément l'imaginer, de nombreux coups de téléphone à divers services de la préfecture qui m'ont annoncé que la décision avait été prise par la Direction des services vétérinaires, la DSV. J'ai donc appelé les services de cette direction qui m'ont appris que c'était la société d'équarrissage qui avait donné aux autorités compétentes la liste des communes équipées en caissons réfrigérés pour recevoir les cadavres.
Jamais, de mémoire d'élu, ma commune n'a disposé d'un tel équipement. De plus, après vérification, auprès de mes collègues maires, de cette fameuse liste, je me suis aperçu que presque toutes les communes « sélectionnées » ne possédaient pas de caisson réfrigéré.
Inutile de vous préciser, étant donné ma réaction, que je n'ai plus jamais entendu parler de quelque liste que ce soit. Mais il paraît que c'est sur les indications données par les chauffeurs des camions d'équarrissage que cette liste avait été dressée. Monsieur le ministre, sur ce problème, il conviendra de faire preuve d'un peu plus de sérieux et de transparence.
Je ne peux m'empêcher de rappeler aussi à ce sujet les enquêtes menées par la DGCCRF, dont l'une, dès 2001, aurait pu mettre en évidence des pratiques contestables. Mais la crise de l'ESB a laissé en suspens tout recours et le rapport a été définitivement abandonné en 2004. Aussitôt, une nouvelle demande d'enquête a été formulée, mais avec des délais beaucoup trop courts et sans les moyens nécessaires pour aboutir.
Alors, monsieur le ministre pourquoi ne pas donner une bonne fois pour toutes les moyens réels aux services déconcentrés de l'État et aux services en département pour mener une véritable enquête, avec la collaboration de l'ensemble des services, qu'il s'agisse de DGCCRF, des DSV, de l'inspection du travail - en notre qualité de maire, nous sommes à même de savoir ce qui se passe parfois dans ces sociétés d'équarrissage -, du ministère des finances, afin d'obtenir une transparence totale : qui paie ? Qui gagne ?
En conclusion, les membres du groupe socialiste et moi-même souhaitons, comme les professionnels de l'élevage, une véritable transparence des coûts réels, tout en respectant les principes de la loi de finances qui visent à stabiliser et à équilibrer le système.
Chacun doit prendre sa juste part et respecter les décisions initiales, sinon, non seulement le dispositif ne sera pas sécurisé financièrement, mais surtout nous risquons d'assister à des distorsions de concurrence au sein même du territoire national.
Si nous voulons que notre agriculture, notre élevage et nos industries agroalimentaires restent compétitifs, il faut absolument plus de transparence, il faut aussi un cadre juridique clair et stable pour chacun des partenaires concernés et un service public de l'équarrissage qui reste un véritable service public.
Cette transparence doit se retrouver à tous les stades du service public de l'équarrissage, depuis la collecte des animaux jusqu'à l'élimination totale des déchets et des matériels à risque spécifiés, pour trouver enfin - et nous le devons à nos éleveurs comme aux contribuables - une solution définitive mais viable pour tous.
Applaudissements
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le service public de l'équarrissage, créé en 1996 pour répondre à une situation de crise sanitaire consécutive à l'émergence de l'encéphalopathie spongiforme bovine, a été réformé en profondeur depuis 2003.
À la suite de la publication de lignes directrices communautaires sur les aides d'État en 2004, le financement de ce service entre l'État, les filières viandes et les éleveurs a été réorganisé.
Avec l'adoption de la loi relative au développement des territoires ruraux, le périmètre d'intervention de ce service public a été ramené aux seuls cadavres d'animaux d'élevage et à ceux dont l'élimination relève de l'intérêt général.
Enfin, la dernière phase de la réforme vient d'aboutir avec la passation des marchés publics de l'équarrissage.
Depuis l'origine de cette réforme en 2003, le groupe UMP du Sénat s'est montré attentif à ses conséquences pour les professions concernées.
Les préoccupations de ces professions divergent selon qu'elles sont en amont de la filière, comme les éleveurs, ou en aval, comme les distributeurs et nos amis les artisans bouchers.
Face à cette diversité de situations et de préoccupations, la réforme mise en oeuvre par le Gouvernement se veut équilibrée et permet de soutenir une filière qui rencontre des difficultés, eu égard aux limites fixées par les règles communautaires.
Aujourd'hui, le service public de l'équarrissage reste confronté à deux difficultés : son coût élevé et la répartition de son financement entre les différents acteurs de la filière et l'État. Je souhaite, monsieur le ministre, obtenir quelques précisions complémentaires sur ces points.
Dans le rapport d'information qu'ils ont présenté conjointement, au nom de la commission des finances, Mme Nicole Bricq et M. Joël Bourdin ont souligné les critiques formulées par la Cour des comptes dans son enquête du mois de janvier dernier.
Sans revenir sur l'ensemble de ces critiques, je souhaite simplement insister sur la nécessité de développer davantage la concurrence dans le secteur de l'équarrissage. Il s'agit, en effet, d'un élément déterminant dans la maîtrise du coût du service public de l'équarrissage à court et moyen termes.
La réforme adoptée lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006 prévoyait notamment que l'exécution du service public de l'équarrissage soit attribuée sous la forme d'un marché public national à lots départementaux.
La Cour des comptes a toutefois estimé que cela ne suffirait pas à instaurer la concurrence dans une activité en situation d'oligopole, qui empêche les prix de se former librement.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les initiatives que vous avez prises et sur celles que vous envisagez de prendre pour mettre fin à cette situation, à la lumière de la libéralisation du marché des déchets d'abattoirs survenue au mois d'octobre 2005 et qui semble avoir remporté un réel succès ?
Je souhaiterais, en particulier, savoir s'il est envisageable de transposer ce dispositif aux cadavres découverts en ferme, qui sont aujourd'hui inclus dans le périmètre réduit du service public de l'équarrissage.
Après la question du coût du service, se posent celles de son financement et surtout de la répartition de ce financement entre les différents acteurs de la filière.
À la fin du mois de juin dernier, monsieur le ministre, vous avez annoncé de nouvelles mesures pour financer le surcoût du service public de l'équarrissage lié, notamment, à la situation d'oligopole que je viens d'évoquer.
Le coût de ce service s'établira à 154 millions d'euros cette année. Il sera financé pendant un an par une augmentation de la participation de l'État portant celle-ci à 60 millions d'euros, par une contribution des éleveurs de porcs et de volailles, à hauteur de 4 millions d'euros, et par le produit de la taxe d'abattage, en hausse de 25 % et atteignant 90 millions d'euros.
Nous avons apprécié votre volonté, monsieur le ministre, de ne pas trop pénaliser les éleveurs en amont de la filière viande.
En aval de cette filière, le groupe UMP du Sénat a eu plusieurs fois l'occasion d'attirer votre attention sur les conséquences de la réforme du service public de l'équarrissage pour les distributeurs et, en particulier, pour les artisans bouchers.
Un certain nombre de mesures d'accompagnement ont été prises en faveur de ces derniers. Je souhaiterais que vous puissiez nous donner des précisions sur ce point relatif à nos artisans, dont nous avons tant besoin et qui sont, hélas ! de moins en moins nombreux.
Au-delà de ces questions spécifiques, le groupe UMP tient à saluer votre volonté de maîtriser le coût du service public de l'équarrissage et d'en assurer un financement équitable, compte tenu de situations très différentes selon les acteurs concernés et d'un cadre réglementaire européen contraignant.
Nous n'oublions pas que l'enjeu est non seulement financier, mais aussi et surtout économique et sanitaire, puisque, au-delà du financement du service public de l'équarrissage, c'est la qualité de notre viande et la confiance des consommateurs qui s'agit de conforter.
Soyez assuré, monsieur le ministre, du soutien que le groupe UMP du Sénat continuera à vous apporter en ce sens.
En conclusion, je veux vous faire part de quelques remarques purement personnelles.
Je veux revenir sur une situation curieuse. En application du sacro-saint principe de précaution, le Gouvernement, au moment de la crise de l'ESB, a prohibé totalement et définitivement l'utilisation des farines de viande. Nous le savons tous, de mauvaises manières de citoyens de Sa Gracieuse Majesté nous ont amenés à diaboliser ce produit. On l'a même rendu responsable de tous les malheurs de la planète !
Je veux rappeler, même si chacun le sait, que la farine de viande est particulièrement riche en protéines. Contrairement à ce que l'on a dit, elle a surtout été utilisée dans les aliments destinés aux porcs et aux volailles.
(Sourires) -, que ce sont plusieurs centaines de milliers de tonnes de soja supplémentaires qui sont achetées aux fermiers américains
M. le ministre opine
La nature ayant horreur du vide, on a trouvé facilement la façon de remplacer ce produit, pour le plus grand bonheur des fermiers brésiliens et américains ! Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, même si je ne vous donnerai pas le chiffre exact - cela ferait dresser sur votre tête les quelques cheveux qui vous restent §, pour leur plus grand bonheur.
En France, nous avons la chance, ce qui est reconnu, de posséder les meilleurs vétérinaires au monde, qui sont particulièrement aptes à faire la différence entre un animal sain et un animal malade.
Quand un animal décède d'une maladie qui présente des risques de contagion, nous considérons tous unanimement qu'il faut l'éliminer définitivement et détruire tous les restes. Quand un animal sain décède accidentellement, avouez que son propriétaire a le coeur serré de le voir transformé en combustible pour les cimenteries.
Est-il vraiment utile, normal que l'on persiste à gaspiller de si bonnes protéines ? Quel gâchis navrant !
Certes, on comprend qu'une telle décision ait pu être prise alors que sévissait la psychose de la maladie de la vache folle, et, unanimement, nous l'avons même encouragée. Mais aujourd'hui, après une très large concertation, de nombreuses explications, des garanties apportées par nos excellents vétérinaires, je ne peux pas arriver à croire que l'on ne puisse pas réhabiliter progressivement ce produit et le réincorporer dans les aliments destinés au bétail. Nous ferions de substantielles économies, que j'aurai la pudeur de ne pas chiffrer. Le problème du financement du service public de l'équarrissage en serait grandement facilité !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour faire plaisir à M. Barraux, je vais essayer de ne pas couper les cheveux en quatre.
Sourires.
Je ne sais pas si le rapport de Mme et M. les rapporteurs spéciaux est un roman policier, mais il est de grande qualité, ce dont je les remercie. Je veux aussi remercier l'ensemble des sénateurs qui participent à ce débat, ainsi que M. le président de la commission des finances.
C'est l'occasion d'éclaircir un point qui n'est pas simple, le fonctionnement du service public de l'équarrissage.
Auparavant, je voudrais rassurer M. Barraux : avec l'augmentation des biocarburants, des tourteaux et des drêches vont nous permettre d'importer moins de soja du Brésil. Ce fait va changer la donne dans le bon sens.
Cette séance, comme l'ont rappelé Mme Bricq et M. Bourdin, a été précédée par le travail remarquable sur l'équarrissage public conduit par la Cour des comptes en 2005.
La commission des finances s'est réunie le 28 juin dernier. Elle a publié un rapport d'information sur le fonctionnement de ce service public.
Je vais essayer d'apporter une réponse aux questions soulevées par les rapporteurs de la commission des finances. Une fois de plus, je les remercie de la qualité de leur travail. Je remercie également Mme et MM. les sénateurs qui sont intervenus sur ce sujet compliqué.
Les anecdotes que nous a rapportées Mme Herviaux traduisent beaucoup mieux que de longues phrases la complexité du sujet.
Afin de répondre aux questions qui ont été soulevées, je rappellerai tout d'abord les fondements de la réforme qui a été mise en place, laquelle est destinée à situer le service public de l'équarrissage dans le cadre communautaire et à le doter d'une véritable transparence. Je présenterai ensuite la réforme de ce service dans ses différentes composantes sanitaire, juridique et financière. Enfin, je dessinerai les nouvelles perspectives d'évolution de ce service public afin de poursuivre la mise en concurrence équitable des opérateurs.
J'aborderai d'abord les origines de la réforme du service public de l'équarrissage.
Comme nombre d'entre vous l'ont rappelé, le service public de l'équarrissage a été créé en 1996. Il s'agissait alors de répondre à une situation de crise sanitaire liée à l'émergence de l'encéphalopathie spongiforme bovine. Ce service public a assuré, entre 1997 et 2005, la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux, des saisies d'abattoirs et d'ateliers de bouchers et des matières à risques spécifiées sur l'ensemble du territoire national.
Ce service public fut, jusqu'en 2003, financé par l'État grâce à la taxe sur les achats de viande prélevée auprès des entreprises de distribution. Il connaît depuis 2003 une longue période de réforme.
La Commission européenne a considéré que la prise en charge publique, mise en place en 1997, dans le contexte de la crise de la « vache folle », de l'élimination des déchets à risques des éleveurs et des abatteurs constituait des aides compatibles avec les dispositions du traité.
Cependant, elle a conditionné son approbation à la restitution de l'aide implicitement octroyée aux personnes exonérées de taxe sur les achats de viandes entre 1997 et 2002. Le gouvernement français a engagé les démarches nécessaires auprès de la Commission, afin d'obtenir que cette exigence soit revue, au regard des multiples difficultés juridiques et pratiques soulevées.
En réponse aux questions de Mme Nicole Bricq, de M. Joël Bourdin et de M. Gérard Le Cam, j'indique que la cour administrative d'appel de Marseille, dans sa décision du 15 décembre 2005, a donné raison au Gouvernement en annulant tout risque financier pour l'État. Cette même instance vient de rendre, le 3 octobre dernier, six nouveaux arrêts confirmant la position du Gouvernement.
Après la publication des lignes directrices agricoles de la Communauté européenne, le 24 décembre 2002, l'intervention financière de l'État est, depuis le 1er janvier 2004, strictement limitée. La taxe d'abattage prélevée au niveau des abattoirs est alors devenue un élément important du dispositif. Cette taxe, qui représentait 107 millions d'euros en 2005, était complétée par 79 millions d'aides de l'État.
Comme le souligne le rapport, le service public de l'équarrissage est organisé de manière diverse en Europe. Le traitement des déchets d'abattoirs relève de marchés privés entre abatteurs et équarrisseurs. Concernant l'élimination des cadavres trouvés morts en ferme, les situations sont plus diverses. Aux Pays-Bas ou dans certains Länder d'Allemagne, une seule entreprise d'équarrissage bénéficie d'un monopole. Enfin, la contribution des éleveurs au financement de ce service public varie de 10 % à 100 % selon les pays concernés.
Dès ma prise de fonction au ministère de l'agriculture et de la pêche, voilà bientôt deux ans, j'ai proposé que deux missions d'inspection, l'une du comité permanent des inspections du ministère de l'agriculture, l'autre de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'agriculture, analysent les dysfonctionnements de ce dispositif et proposent une réforme du dispositif existant. L'enjeu était à la fois d'assurer la maîtrise des dépenses et de préserver le même niveau de sécurité sanitaire.
J'en viens à la réforme du service public de l'équarrissage, à savoir la modification du périmètre et les adaptations de la réglementation sanitaire.
La réforme du service public de l'équarrissage a débuté dès le mois d'octobre 2005 par une première modification de son périmètre : la libéralisation du traitement des déchets en abattoir.
Avec l'adoption de la loi relative au développement des territoires ruraux, texte sur lequel le Sénat a beaucoup travaillé, le domaine d'intervention du service public de l'équarrissage a été réduit dans un premier temps aux seuls cadavres d'animaux d'élevage et à ceux dont l'élimination relève de l'intérêt général, ainsi qu'aux déchets produits par les artisans bouchers. Le traitement des déchets d'abattoirs est donc opéré, depuis le 1er octobre 2005, par une contractualisation directe entre les industries des viandes et les équarrisseurs.
Depuis cette date, la taxe d'abattage, qui était assise sur les déchets des abattoirs, a été supprimée. En réponse aux questions de Mme Nicole Bricq et de M. Gérard Le Cam, je tiens à préciser que cette étape a permis aux entreprises d'abattage de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix des prestations de collecte et d'élimination de leurs sous-produits. Cela s'est traduit, en moyenne, par une baisse de 25 % du coût des prestations d'élimination des déchets appliqué aux abattoirs.
Cette réforme s'est accompagnée d'une seconde modification de périmètre au 1er janvier 2006 : la libéralisation du traitement des déchets des artisans bouchers.
Depuis le 1er janvier dernier, la collecte et l'élimination des déchets provenant des boucheries relèvent, elles aussi, de relations commerciales entre les bouchers et les équarrisseurs. Cette libéralisation a permis de réduire le déficit annuel du service public de l'équarrissage.
En réponse à la question de M. Bernard Barraux, j'indique que la possibilité de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix des prestations de collecte et d'élimination des sous-produits, conjointement avec la rationalisation des collectes, a permis aux artisans bouchers de réaliser des économies substantielles par rapport aux coûts constatés en 2005.
La collecte des déchets de bouchers représente en effet plus de 90 % du montant global de la prestation d'élimination. Le Gouvernement a autorisé, depuis le 1er octobre 2005, l'allongement des délais de conservation, ce qui permet, là aussi, de réaliser de substantielles économies.
Enfin, toujours dans un souci de rationalisation, j'ai autorisé la mise en place de nouveaux dispositifs de collecte des sous-produits bouchers, dans le respect des exigences réglementaires relatives à l'entreposage et au transport des sous-produits. Cette mesure doit permettre, là aussi, de dégager des économies substantielles pour la filière.
Parallèlement, l'alignement de la réglementation sanitaire nationale en matière de valorisation des déchets animaux sur la réglementation communautaire a constitué un gain de compétitivité indéniable pour les filières.
Des arrêtés permettent maintenant la valorisation des sous-produits animaux dans l'alimentation des animaux de rente, la valorisation des farines de ruminants en pet food et la valorisation des graisses de ruminants après fente de la colonne vertébrale.
Enfin, quatre usines de transformation de graisses animales en biodiesel ont bénéficié d'agréments permettant de valoriser à terme plus de 150 000 tonnes de graisses animales. Des gains économiques substantiels sont ainsi attendus pour la filière et pour l'ensemble de l'économie nationale.
J'en viens à la réforme du service public de l'équarrissage : son nouveau cadre juridique et sa plus grande transparence.
Nous avons lancé un nouvel appel d'offres de marchés public national. La dernière phase de cette réforme vient d'aboutir avec la passation des marchés publics de l'équarrissage, le 17 juillet dernier.
Nous avons traité deux marchés nationaux, dont le second a nécessité plusieurs phases de négociation. La commission d'appel d'offres, réunie le 15 mai dernier, a donné un avis favorable à l'ensemble des lots de ce marché public, à l'exception d'un seul, correspondant au département du Rhône - et je vous prie de bien vouloir m'en excuser, monsieur Mercier -, pour lequel l'offre déposée est irrecevable pour des raisons techniques.
Cet appel d'offres n'a pas permis de modifier substantiellement le paysage de l'équarrissage national qui se répartit entre un nombre limité d'opérateurs nationaux, aucun partenaire européen ne s'étant manifesté.
Cette situation se traduit par un prix global du service de 154 millions d'euros pour 437 000 tonnes de cadavres traités annuellement, soit un montant plus élevé que le coût actuel imposé par le régime de réquisitions dont les augmentations restaient contenues depuis 2002, date de leur généralisation. Toutefois, il est important de rappeler que le marché est la norme dans le domaine de l'achat public, les réquisitions ne constituant pas une solution juridiquement acceptable ni sur le plan national ni à l'échelon communautaire.
S'agissant de la réforme du financement du dispositif, il faut savoir que le service public de l'équarrissage est financé depuis le 17 juillet 2006 par une participation de l'État de 60 millions d'euros, dont 44 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2007 et 16 millions d'euros redéployés à partir du budget de l'Office de l'élevage, par la contribution obligatoire des éleveurs de porcs et de volailles à hauteur de 4 millions d'euros et par le produit de la taxe d'abattage, en hausse de 25 % pour porter sa recette à 90 millions d'euros. Le service public de l'équarrissage est ainsi financé de façon équilibrée, sans déficit, et dans le respect du droit communautaire.
En réponse à une question de Mme Herviaux, j'indique que la participation globale de l'État a baissé proportionnellement à la diminution du coût de ce service public réformé, qui passera de 219 millions d'euros en 2004 à 154 millions d'euros en 2007.
La participation directe des éleveurs de porcs et de volailles au financement du service public de l'équarrissage a été rendue obligatoire par les directives communautaires.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, j'indique que la contribution des éleveurs de volailles est directement exigible par les entreprises d'équarrissage depuis le 16 juillet 2006.
S'agissant de la filière porcine, comme l'a indiqué Mme Herviaux, une association mandatée par les éleveurs de porcs est chargée du recouvrement et du paiement de cette contribution.
La participation indirecte des éleveurs de bovins et d'ovins au financement du service public de l'équarrissage doit se faire dans le cadre d'une négociation interprofessionnelle puisque cette participation est intégrée dans le montant de la taxe payée par les abatteurs de ce secteur.
Enfin, l'augmentation de la taxe d'abattage, applicable depuis le 19 juillet dernier, est inférieure aux gains réalisés par les entreprises d'abattage sur les coûts de gestion de leurs déchets. Cette augmentation n'alourdit donc pas la charge qui pèse sur les entreprises, d'autant qu'une partie de la majoration de cette taxe est répercutée vers l'aval, en pied de facture.
L'État a accompagné, dès 2004, les répercussions vers l'aval, en encourageant les acteurs à la mettre en oeuvre.
En tenant compte de ces éléments, cette taxe a augmenté pour la filière bovine, elle a été maintenue constante pour les filières avicole et ovine et elle a diminué pour la filière porcine.
En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, je précise que le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre d'une concertation approfondie avec les professionnels de la filière, à réexaminer, au terme d'un an de fonctionnement, donc en 2007, le taux de la taxe d'abattage et le niveau de la participation directe des éleveurs, afin d'équilibrer le financement du service public de l'équarrissage de manière compatible avec les contraintes budgétaires de notre pays.
Vous avez évoqué la gestion transférée à l'Office de l'élevage. Cette office est gestionnaire et organisme payeur du service public de l'équarrissage depuis le 17 juillet dernier, date du début d'exécution des marchés.
La gestion de ce marché public par l'Office de l'élevage doit nous permettre de disposer de la transparence nécessaire pour préparer l'avenir. Auparavant, les directions départementales des services vétérinaires attestaient du service fait dans le cadre des réquisitions et transmettaient la facture du paiement au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
En réponse aux questions de M. Bourdin, j'indique que l'Office de l'élevage, qui est chargé du contrôle du service fait par les équarrisseurs, a entrepris une série de contrôles afin de vérifier les déclarations de pesées d'animaux enlevés par les équarrisseurs.
Des contrôles systématiques sont faits sur le terrain pour vérifier l'existence d'outils de pesée fiables et homologués sur les soixante-cinq sites, établissements intermédiaires et établissements de transformation des équarrisseurs.
Il est bien évident que, et toutes vos interventions - très constructives - allaient dans ce sens, nous devons étudier de nouvelles pistes pour adapter ce service, réduire les coûts de collecte des cadavres et accroître la concurrence.
L'ouverture de la valorisation des déchets animaux à de nouvelles filières et l'augmentation du coût des énergies fossiles en France nous offrent de nouvelles possibilités de traitement des sous-produits animaux.
Dans ce contexte, et en tenant compte des contraintes sanitaires, environnementales et sociétales, nous devons poursuivre - le travail des rapporteurs et de la commission des finances nous y aide - la réforme du dispositif de gestion de l'équarrissage en France, dans un souci d'économie pour le budget de l'État, pour les filières concernées et pour les éleveurs.
L'absence de réelle concurrence entre les équarisseurs, que je regrette, et le poids des investissements dans un contexte de baisse des volumes expliquent en grande partie l'augmentation des tarifs.
La collecte des cadavres étant le poste principal de dépenses, il convient d'entamer une réflexion, afin d'éviter une dérive progressive du coût de cette prestation - sur ce sujet, madame Herviaux, j'ai bien compris le sens de votre question -, en y associant les collectivités territoriales, qui sont en première ligne, comme vous l'avez rappelé à juste titre.
En réponse à une question de M. Barraux, je précise qu'une mission interministérielle proposera des solutions concrètes pour valoriser les sous-produits issus des filières de traitement et diminuer les coûts d'équarrissage. Il faudra, bien sûr, c'est notre premier objectif, maintenir le niveau le plus élevé possible de sécurité sanitaire.
Enfin, pour répondre à une question des deux rapporteurs spéciaux, j'indique que cette mission devra analyser les possibilités d'adapter le service public de l'équarrissage, par des expérimentations menées à l'échelle d'une zone ou d'une filière et concernant la collecte des animaux de ferme en relation avec les abatteurs. En effet, je préfère voir comment les choses fonctionnent au niveau expérimental, avant de les étendre au niveau national.
La mission mènera ses travaux en gardant pour objectif la nécessité de conserver une couverture nationale. J'insiste sur ce point, car seule celle-ci est garante de la sécurité sanitaire. La mission devra proposer la mise en place d'indicateurs, dans l'hypothèse où nous opterions pour une sectorisation, nous permettant de nous assurer que la gestion du risque sanitaire sera maîtrisée.
Nous disposerons, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la fin du mois de janvier 2007, des premières conclusions opérationnelles, et je les transmettrai bien sûr immédiatement aux rapporteurs spéciaux, à la commission des finances et à la Haute Assemblée.
En conclusion, cette réforme du service public de l'équarrissage engagée depuis 2004 a permis de redonner aux acteurs une maîtrise économique de ce dispositif, tout en préservant un service public quand celui-ci est nécessaire. L'État accompagne les filières dans cette mission, mais son objectif régalien, c'est le maintien du niveau de sécurité sanitaire.
Le Gouvernement français s'est battu, auprès de la Commission européenne, dans le cadre des contentieux, a encouragé au report en pied de facture de la taxe d'abattage et - ce n'est pas rien ! - participera cette année au financement du dispositif à hauteur de 60 millions d'euros.
Je crois que cette réforme, qui devra naturellement faire l'objet d'un bilan, a permis aux filières, en quelques mois, de bénéficier de gains substantiels. Nous devons introduire une étanchéité et une véritable transparence dans le financement de ce dispositif.
La forte concentration économique du secteur de l'équarrissage a été confortée par le régime des réquisitions. Bien évidemment, ce cadre juridique n'était pas du tout propice aux nouvelles initiatives privées.
Nous constatons également, a contrario, que l'appel d'offres européen pour inciter à une plus large concurrence a montré ses limites, puisqu'il est resté sans réponse.
Il nous faut donc maintenant travailler à de nouvelles solutions juridiques et techniques pour réduire cet oligopole. C'est l'objet du travail de la mission interministérielle. L'excellent rapport des rapporteurs spéciaux et du Sénat nous permettra certainement d'avancer dans cette direction.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
J'ai reçu de Mme Marie-Thérèse Hermange un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution (n° 441, 2005-2006) présentée, au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement par M. Roland Ries sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (n° E-3102).
Le rapport sera imprimé sous le n° 76 et distribué.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 23 novembre 2006 à onze heures et à quinze heures :
Discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78, 2006-2007) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Discussion générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007 : jeudi 23 novembre 2006, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.