Au cours d'une séance tenue dans l'après-midi, la commission entend M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous dépeindre l'état du commerce extérieur de la France, en expliquer les difficultés, analyser les raisons de la perte de compétitivité de notre pays et nous dire comment vous comptez défendre nos exportations en amont, préoccupation forte à l'heure où l'on voit advenir des revirements inquiétants, notamment du côté du Brésil...
Je sors précisément d'une rencontre avec le Premier ministre destinée à préparer les rencontres de l'export de demain à Bercy. Dans cette vraie guerre économique qu'est la mondialisation, avec ses vainqueurs et ses vaincus, la France doit se ressaisir rapidement. Le commerce mondial représente un volume d'exportations de 14 000 milliards de dollars par an - 18 000 avec les services. En matière d'échanges de biens, le monde se divise en deux zones. L'Europe, qui reste au premier rang, avec 5 500 milliards, suivie par l'Asie, avec 4 500 milliards. Ces deux zones comptent chacune un champion : la Chine, en tête, avec 1500 milliards, et l'Allemagne derrière elle, à 1 150 milliards.
Pour avoir consacré ma vie à l'international - et lu quelques livres d'histoire - je pense que l'on n'a jamais vu, en période de paix et sur un temps si court, un tel basculement de la richesse. Il faut remonter au XVe siècle et encore, les évolutions furent plus lentes. La Chine, qui il y a moins de trente ans, ne représentait pas 1 % du commerce mondial, en assure aujourd'hui 10 %. Si le monde s'est étendu, la part des puissances anciennes s'est contractée. Dans la balance des échanges, la France, en 2010, pèse 392,5 milliards d'euros en exportations.
On peut, bien sûr, se réconforter, en se disant que nous sommes toujours la cinquième puissance commerciale mondiale, et la deuxième puissance européenne. On peut se dire que le déficit de notre balance est certes important - 51,4 milliards d'euros - mais qu'il est imputable pour l'essentiel à notre facture énergétique - 48 milliards d'euros. On peut se rassurer en constatant que, ces dernières années, la reprise de nos exportations - plus 13,5 % en 2010 - est en ligne avec la reprise du commerce mondial, et se féliciter de la bonne tenue de nos grands contrats, plus 38 %, avec 285 livraisons pour l'aéronautique civile.
A première vue, donc, et si l'on regarde en arrière, il semble bien que la machine soit repartie. Mais si l'on est un tant soit peu gaulliste, et que l'on regarde vers l'avenir, avec la conscience que notre indépendance nationale, nos emplois, la stabilité de notre modèle économique et social se jouent à l'export, alors, on est porté à examiner la photo de plus près. Il faut savoir que 47 milliards d'euros d'exportations supplémentaires entre 2009 et 2010, ce sont120 000 emplois créés ou consolidés en 2011. C'est bien à l'export que se joue l'emploi de demain. Et cela est vrai pour toutes les régions. On en voit les signes sur la scène politique : le week-end dernier a été marqué par la signature, à la Verkunde de Munich, par Mme Clinton et M. Lavrov, du deuxième traité Start ; il y a vingt ans, c'eût été un événement mondial : cela n'a pas fait une ligne dans les journaux.
Ailleurs non plus. Pourquoi ? Parce que chacun a bien compris que le rapport de forces ne se mesure plus en nombre d'ogives nucléaires mais bien en parts de marché. Voyez les réserves de change accumulées par les Chinois grâce à leur projection à l'export, 2 700 milliards de dollars à mettre en rapport avec le déficit de la balance courante américaine de près de 500 milliards : ces réserves leur donnent une puissance très importante. Qu'est-ce, pour eux, que de refinancer pour 15 milliards de dollars la dette de la Grèce ? Trois fois rien ! Et c'est ainsi qu'ils acquièrent un pouvoir redoutable au sein de la zone euro.
L'indépendance nationale tient donc bien à l'équilibre des comptes publics, à l'excédent de la balance commerciale, à la capacité à projeter ses technologies, à la présence dans les pays clé de demain.
Or, si l'on se compare à nos voisins allemands, avec lesquels nous formons le couple qui entend assurer le pilotage de l'Europe, que constate-t-on ? Que l'écart de nos balances commerciales représente 10 points de notre PIB ! 154 milliards d'excédents pour eux, 51,4 milliards de déficit pour nous. Cela est lourd, à terme, de conséquences politiques. D'autant que hors énergie, nous souffrons d'un déficit structurel de quelque 20 milliards. La faute à l'euro ? Ceux qui nous chantent cela sur tous les tons feraient bien de s'aviser que, jusqu'à preuve du contraire, les Allemands exportent en euros. La comparaison dessille : nous sommes tout simplement moins présents qu'eux sur les marchés émergents.
Qu'il n'y ait pas de malentendu, je ne me range pas aux côtés des prophètes du déclin. Avec 40 milliards de mieux au Brésil ou 24 milliards en Inde, nous ne faisons pas mal. Mais en Inde, par exemple, quand l'Allemagne fait 7,5 % de parts de marché, nous n'en faisons que 1,3 %. Nous sommes avec eux, sur l'ensemble du monde, dans un rapport de 1 à 4. Même rapport pour le nombre d'entreprises, force de projection à l'export : près de 400 000 en Allemagne, parmi lesquelles beaucoup de grosses PME, 91 000 en France, pour la plupart des entreprises de moins de 20 salariés - et dont le nombre décroit : de 1 % en 2010 ; de 16 % sur les dix dernières années.
Le vrai sujet est là, dans le tissu industriel français. Certains secteurs se portent bien, comme l'aéronautique, comme le luxe, que nous avons su transformer en industrie et mener au sommet en trente ans, comme la pharmacie. Je pense également à l'agroalimentaire, qui repart, et peut tirer parti d'un énorme potentiel de croissance. Mais les machines-outils, mais les biens industriels souffrent d'un énorme retard. L'automobile, aussi, même si le déficit se réduit - de 5 à 3 milliards entre 2009 et 2010.
Nous sommes bons là où existe un label France, une force de recherche, une filière industrielle. Voilà qui nous renvoie aux politiques industrielles - conditions de recapitalisation des entreprises, coût du travail - sur lesquelles, hélas, le consensus n'existe pas chez nous, à la différence de l'Allemagne. Nous avons certes entrepris, depuis trois ans, de réformer ce que l'on appelle le back office, avec la refonte du crédit impôt recherche, la suppression de la taxe professionnelle, la réforme progressive des 35 heures. Mais l'Allemagne l'a fait il y a dix ans, sous M. Schröder, chancelier socialiste. Résultat, quand nos exportations, malgré une croissance de 13 %, ne représentent que 0,2 % de la croissance de notre PIB de 1,5 % en 2010, celles de l'Allemagne comptent pour 1,1 % dans sa croissance intérieure de 3,6 %.
Alors, que faire ? Le Premier ministre reviendra, demain, sur les conditions générales de notre politique industrielle. Pour moi, je retiens trois priorités, correspondant à trois métiers. Le premier - le seul d'un ministre du commerce extérieur, au demeurant, pour les Américains et les Allemands - c'est la négociation dans les enceintes internationales, comme l'OMC. Pour nous, la donne est complexe, puisque la compétence de négociation a été transférée, au sein de l'Union européenne, à Bruxelles, et qu'il s'agit d'une compétence exclusive de la Commission. Le gouvernement français n'a donc qu'un pouvoir d'influence. Ce qu'il faut obtenir, à l'international, ce sont des normes de réciprocité - nous avons travaillé plus d'un an à obtenir l'inscription de ce seul terme dans les textes européens. Réciprocité en matière environnementale, sociale, mais aussi financière : voyez Bâle III. Si nous sommes les seuls à l'appliquer, cela va être difficile... Mais réciprocité, aussi, dans l'accès aux marchés publics. Alors que la Chine construit des autoroutes en Pologne avec de l'argent européen, elle oppose toutes sortes d'obstacles à l'entrée de tiers sur son marché - lesquels, tous pays confondus, ne représentent par exemple que 1 à 3 % du marché chinois dans le secteur financier ! Quand nos centrales nucléaires auront besoin de nouveaux générateurs, ce qui représente plusieurs dizaines de milliards d'euros, EDF, ainsi que la réglementation européenne l'y oblige, doit lancer un appel d'offres. Je veux bien que tout le monde puisse concourir, mais à condition que, nous aussi, nous puissions concourir en Chine. Or, la Chine n'a pas signé l'accord de l'OMC sur la réciprocité des marchés publics. Elle s'est contentée de faire des offres jugées insuffisantes par les Européens.
L'autre problème est celui de la « différenciation », soit le moment à partir duquel un pays émergent cesse d'être considéré comme un pays du tiers-monde. Est-il raisonnable de considérer encore la première puissance exportatrice du monde comme un pays sous-développé, et par conséquent éligible aux dons du peuple français, qui, dans le même temps, emprunte pour payer ce qu'il importe de ce même pays ? Je vous parle en homme raisonnable, et j'estime qu'il faudra infléchir certaines cultures administratives... L'AFD oppose que des engagements ont été pris... J'espère faire évoluer les choses, avec votre aide... Le problème n'est pas propre à la Chine. Voyez le Vietnam, pays en voie de développement, certes, mais compétiteur redoutable à l'export, dans le textile par exemple. Comment doser notre aide ? C'est là une vraie question, qui engage la santé de notre commerce extérieur. Je suis partisan, quant à moi, de la conditionnalité : on aide, d'accord, à condition que l'on puisse aider aussi nos entreprises.
Deuxième chantier à ranger parmi les priorités, celui des grands contrats. Nous avons, l'an dernier obtenu de bons résultats. Nous pouvons compter sur de nombreux atouts : l'armement, mais aussi l'expertise en matière d'énergie, de transports, terrestres et aériens, les industries de service, comme la distribution d'énergie, la gestion des eaux, la construction de grands centres urbains, qui sera la marque du XXIe siècle. L'agroalimentaire, aussi, qui ne fait pas encore partie des grands chantiers, mais deviendra vite stratégique alors que l'Europe va vers le milliard d'hommes.
Cependant, la compétition devient d'une brutalité incroyable. De plus en plus souvent, et le dernier épisode en date est celui d'Abou Dhabi, nous nous trouvons en face de compétiteurs qui ont bénéficié de nos transferts de technologies et nous affrontent avec une filière politico-industrielle à toute épreuve, des prix cassés et un paquet financier imbattable. On sait comment certains concurrents arrivent avec le produit...et le chèque. Quand l'Europe construit vingt trains, la Chine en construit 150 ; quand nous livrons trois ou quatre centrales, elle en livre des dizaines. Il nous faut donc être très vigilants, ne pas nous endormir sur nos lauriers, préserver nos filières - je pense tout particulièrement au nucléaire -, porter une attention toute particulière au paquet financier, et c'est pourquoi nous travaillons de près avec Mme Lagarde sur les grands contrats stratégiques. Nos efforts de l'an passé ont été payants. Grâce à la mobilisation du chef de l'Etat et du gouvernement, nous avons marqué beaucoup de points, mais le combat est très rude. Il ne suffit pas d'avoir de grands groupes pour l'emporter...
Troisième priorité, enfin, notre tissu industriel, avec nos 90 000 PME. Comment les aider à mieux travailler à l'export ? Nous sommes riches, en régions, d'une véritable offre française, faite de talents et de créativité, mais organisée en structures qui manquent de surface pour répondre à la demande extérieure, très dynamique. Il faut aider cette offre à s'orienter au bon endroit, au bon moment. C'est là que le pays gaulois a du bon. Loin du jacobinisme que l'on impute à notre pays, il y a foison. Le tout est de faire en sorte que chacun ne joue pas dans son coin, que se constitue une « équipe de France » gagnante à l'image de notre équipe de handball ... C'est pourquoi j'ai voulu poursuivre l'édifice entamé par Christine Lagarde et Anne-Marie Idrac en demandant à Ubifrance de se fixer des objectifs qualitatifs - non seulement combien d'entreprises accompagnées, mais avec quel chiffre d'affaires à l'export, combien d'emplois... Nous signons des contrats d'objectifs avec les chambres de commerce. Nous invitons nos conseillers commerciaux à identifier la demande en amont, avec un état d'esprit offensif de vendeurs. La ligne d'avants existe. Il faut travailler l'arrière, en régions, là où se fait l'offre. Cela suppose en premier lieu de la connaître. Imaginez-vous qu'il n'existait pas, jusqu'il y a peu, de cartographie française de l'export, sinon à l'usage des douanes. Nous l'avons dessinée, afin de la mettre en réseau, pour mieux accompagner les entreprises capables d'exporter. La situation reste très hétérogène : tout dépend du dynamisme de la chambre de commerce, de la région, selon qu'elle est plus ou moins active, qu'elle dispose ou non d'un réseau à l'étranger. C'est pourquoi j'ai prévu une réunion avec les présidents de région, afin de tenter de bâtir des contrats d'objectifs. Il s'agit de faire en sorte que toutes les PME de talent puissent connaître d'un clic la situation économique de leur secteur, vers quel pays aller, le nom de leur correspondant en région... Le Nord-Pas-de-Calais est un modèle du genre : elle a su créer un hub. Je veux en construire plusieurs d'ici à l'été, pour fluidifier l'ensemble de la chaîne.
En Allemagne, aux Etats-Unis, les choses sont plus simples. Pas besoin de ministre, les chambres de commerce font naturellement le travail et l'on sait chasser en meute. Les grosses entreprises emmènent avec elles leurs sous-traitants, pour créer un cluster sur les marchés sur lesquelles elles s'implantent. Les nôtres ont moins ce réflexe. C'est pourquoi nous avons mis en place le « pacte PME », qui vise à améliorer le portage des petites PME par les grands groupes. Et j'annoncerai demain des mesures substantiellement incitatives au portage. C'est un levier essentiel, qui règle aussi le problème des jeunes du Volontariat International en Entreprise, les VIE, dont on sait que 80 % trouvent un emploi à leur retour en France, et qui rendent de grands services à nos petites entreprises. C'est un réseau exceptionnel, qui ne coûte rien à l'Etat, et qu'il faut savoir mettre à profit.
Voilà, mesdames et messieurs les sénateurs, la feuille de route de mon CDD d'une année... Une année qui sera marquée, vous le savez, par de grandes échéances, au premier rang desquelles le G 20.
Je vous remercie de cette présentation, qui témoigne de vos talents de pédagogue.
Talents et force de conviction que j'ai vus à l'oeuvre à la frontière du Laos et de la Thaïlande, lors de l'inauguration du barrage construit par EDF.
Disons plutôt intégré par EDF : j'aurais aimé y voir plus d'équipements français...
Avec le groupe de travail sur l'énergie du Sénat, j'ai eu l'occasion d'assister à un autre chantier : la construction d'une centrale nucléaire à Taishan, dans la province de Canton. Cet EPR sera le troisième lancé, et le premier achevé, avant celui de la Finlande et même de Flamanville. J'ai eu le plaisir d'y voir deux entreprises françaises, EDF et Areva, travailler la main dans la main. J'ai rencontré les responsables sur place des deux entreprises, et leurs collaborateurs : tout se passe à merveille. Voilà qui tranche avec la situation que l'on connaît sur le sol français... Les parlementaires de Saône-et-Loire et de Bourgogne, toutes tendances confondues, ont reçu Mme Lauvergeon lundi dernier. Nous avons terminé par un communiqué commun. C'est la première fois que je signe aux côtés de M. Montebourg ! L'intérêt de ces deux régions est en jeu : 1 200 emplois à Chalon-sur-Saône, 400 au Creusot, plus de 3 000 emplois induits sur l'ensemble de la région, y compris la Nièvre.
Nous avons de vrais leaders dans le domaine de l'énergie, EFF, Areva, Alstom et aussi GDF-Suez. Dans toutes ces entreprises, l'Etat est majoritaire : c'est à lui de faire la police. Il n'est pas admissible de les laisser s'entredévorer. Areva n'est pas responsable de ce qui s'est passé à Abou Dhabi, c'est le dumping coréen qu'il faut incriminer. Le fait est que nous ne sommes plus en situation de monopole sur la construction de réacteurs, qu'il existe désormais une concurrence. Mais si nos entreprises s'étripent, nous allons tout perdre. Ce n'est pas en juin que les choses vont se décider, c'est maintenant. Mme Lauvergeon est un ancien sherpa de François Mitterrand ? Et alors ? Elle a fait un travail remarquable et a su conserver l'entité Areva. Elle doit être maintenue à la tête de cette entreprise. A cette dernière la production et à EDF la commercialisation. Un responsable d'EDF a récemment évoqué l'éventualité d'acheter aux Chinois des réacteurs de deuxième génération pour nos centrales : ce serait un peu comme si nous achetions des Renault 4L fabriquées en Afrique ! Le Président de la République appelle à réindustrialiser la France, mais il faudrait commencer par ne pas la désindustrialiser !
Une suggestion, enfin, pour l'agroalimentaire. Dans ce secteur, les grandes entreprises n'ont pas besoin de soutien à l'exportation, alors que les petites, qui peuvent être très intéressées, se découragent : il faut créer pour l'agroalimentaire un outil équivalent à Ubifrance, encourager la création d'entreprises d'exportation, qui recherchent des marchés pour nos produits agroalimentaires !
Le Gouvernement ne cherche certainement pas à dépecer Areva, mais à renforcer l'entreprise ; c'est le sens des 900 millions d'euros que nous mobilisons pour renforcer ses fonds propres, avec le soutien de l'Etat. La présidence doit être renouvelée, et Mme Lauvergeon fait évidemment partie des candidats en lice.
Pour avoir été le négociateur d'Iter, je sais que, si la France, en 1973, est parvenue à lancer un programme nucléaire exemplaire, avec 58 réacteurs, c'est grâce à la politique industrielle de l'État, qui a joué le rôle d'une véritable locomotive pour constituer une filière intégrée du nucléaire dont on ne trouve guère plus d'équivalent aujourd'hui qu'en Asie, dans des pays comme la Chine ou la Corée du Sud. Mais à mesure que notre filière nucléaire a perdu son caractère intégré, la concurrence est apparue au sein des différents segments de la filière, donc des intérêts divergents. On a vu alors les fabricants de centrales mettre en concurrence les fabricants de turbines, les distributeurs faire leur marché entre les producteurs. Pour être plus fort à l'international, il faut rééquilibrer les choses, c'est ce que cherche le Président de la République, en tirant les enseignements de l'échec d'Abu Dhabi.
Le marché international n'est pas homogène. D'un côté, on trouve les pays développés, auprès desquels l'offre française est adaptée en taille - l'EPR délivre 1650 mégawatts - et en sûreté, où nos réacteurs répondent aux normes les plus exigeantes, ce qui fait d'eux les réacteurs les plus sûrs du monde. N'oubliez pas qu'à l'origine l'EPR devait être européen. Ce marché est important, puisqu'il comprend le renouvellement de 103 réacteurs américains, des projets importants en Europe et en Asie. De l'autre côté, on trouve des pays en développement, qui recherchent des réacteurs moins puissants et des filières plus intégrées, de la production à la distribution. Il n'y a donc pas une seule offre à organiser, mais toute une gamme à proposer, ce qui exige de prendre les bonnes décisions.
Comment s'organiser sur le plan des capitaux ? C'est un vrai sujet, pour lequel nous devons prendre des décisions rapidement, car les choses avancent vite et les appels d'offres se multiplient. Les décisions relèvent du Conseil de politique nucléaire, que le Président de la République réunira prochainement.
Sur l'agroalimentaire, vous avez parfaitement raison et je ne suis pas resté les bras croisés. Il y a eu le classement par l'Unesco du repas gastronomique français et nous avons confié à votre collègue Mme Catherine Dumas, également co-présidente du Club de la table française, une mission pour dynamiser les arts de la table. De fait, nous sommes passés en quelques années de 9 % à 6 % du marché mondial de l'agroalimentaire et les Allemands nous sont passés devant, avec 7 %. Nous devons mieux communiquer, mobiliser tout notre réseau commercial international pour mettre en oeuvre une stratégie commerciale ciblée. Nous terminons une campagne de promotion que nous allons offrir aux industriels, pour renforcer leur communication. Cette année, pas moins de 170 salons internationaux liés à l'agroalimentaire vont se tenir, les produits français doivent s'y vendre davantage ! Cette campagne de communication multi supports est déjà très appréciée et je la prendrai dans mes bagages pour le salon de Tokyo, début mars. Notre cuisine gastronomique est appréciée dans le monde entier, mais nous devons aussi mieux vendre nos produits du terroir les plus courants, comme y réussissent les Italiens et les Espagnols, qui sont aussi parvenus à diffuser l'idée que notre cuisine était élitiste, et la leur plus accessible. Nous devons faire un effort pour que notre grande distribution diffuse davantage nos produits à l'international - je rêve de les voir en tête de gondole chez Carrefour à Shanghai ou à Moscou - merci de nous y aider, car vous avez tous votre rôle à jouer !
Je connaissais les éléments de votre intervention, pour vous avoir entendu à l'Assemblée nationale. Les chiffres sont significatifs : 12 % des entreprises allemandes exportent, contre 2,5 % des entreprises françaises, 31 000 sociétés françaises importent désormais directement de Chine, contre 20 000 il y a cinq ans - c'est donc que nous allons vers toujours plus d'importations à bas coûts. Trop peu de PME exportent, mais ce sont seulement les grandes entreprises déjà exportatrices que le Président de la République emmène en délégation. Je ne veux pas polémiquer avec vous, Monsieur le ministre, quoique je perçoive dans votre propos une critique des 35 heures, responsables de tous nos maux. Vous constaterez comme moi que, depuis 2002, notre balance commerciale n'a cessé de se dégrader.
Deux questions rapides. Les exportations d'Airbus sont-elles comptabilisées intégralement dans notre commerce extérieur, ou seulement pour la part que nous fabriquons ? Où en est le « Rafale », en particulier vis-à-vis du Brésil ?
J'annoncerai demain des mesures pour les PME et je demanderai publiquement au Président de la République que ses délégations d'entreprises qui l'accompagnent en déplacement soit composées d'au moins la moitié de PME. Je lui demanderai également de faire ses réceptions d'arrivée plutôt à la chambre de commerce qu'à l'ambassade, c'est ce que font les Américains, M. Obama en tête, et ce serait un hommage aux Français qui travaillent à l'étranger.
Sur la comptabilisation des exportations d'Airbus, les règles douanières s'appliquent : je vous transmettrai une note sur le sujet.
Enfin, je lis la presse comme vous et je n'ai pas plus d'informations sur la vente du « Rafale » au Brésil.
Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour la sincérité sans complaisance de votre exposé. Je signale à mon collègue Beaumont, que nous achetons déjà d'une certaine manière des 4L à l'étranger : ce sont les Logan qui, nous expliquait Louis Schweitzer au moment où Renault ouvrait sa première unité de production en Roumanie, devaient être réservées aux seuls marchés de l'Europe de l'Est...
Nous sommes ici tous favorables aux normes environnementales, mais nous estimons aussi que les règles doivent être les mêmes pour tous. Or, dans le textile par exemple, l'Union européenne interdit l'usage de colorants azoïques, mais laisse entrer des produits chinois contenant de tels colorants : ce n'est pas juste ! Il en va de même pour les marchés publics : en France, nous faisons preuve de beaucoup de zèle pour l'application des règles européennes, quand d'autres pays, comme les Pays-Bas, moins scrupuleux, nous interdisent de fait d'entrer sur leur marché.
Enfin, s'agissant des clusters, quels moyens voyez-vous pour avancer ? Les Italiens ne nous montrent-ils pas la voie, eux qui chassent en meute pour promouvoir la marque Italie ?
Le patriotisme économique est déjà perceptible dans notre pays, voyez comme nos déboires à Abou Dhabi ont été ressentis comme un échec national, comme si la France, pays d'excellence, ne pouvait, ne devait pas échouer. Je crois qu'en se focalisant sur le « Rafale », on passe à côté du véritable patriotisme économique, qui tient dans cette formule : à qualité et à prix égal, il faut acheter français ! Le patriotisme économique doit être quotidien pour les directeurs d'achat des entreprises françaises : c'est aussi parce qu'ils achèteront français, que notre balance commerciale se portera mieux. Ce patriotisme est pratiqué par bien d'autres pays : il m'arrive de dormir dans un hôtel turc et je peux vous dire que, dans ces hôtels, tout est turc, du moindre équipement jusqu'à la direction !
Le « Rafale » est un excellent avion, mais il ne doit pas cacher la forêt des produits que nous exportons, les trains, les rails, les centrales... Je crois que nous devons consolider notre socle, encourager le patriotisme économique - et le Parlement a tout son rôle à jouer dans sa fonction de contrôle de l'action gouvernementale -, pour être plus forts à l'échelon européen. Les règles européennes sont contraignantes, il faut les appliquer et les faire respecter.
Sur les normes environnementales, je vous rejoins. Je suis pour le photovoltaïque, mais je ne comprends pas que, pour équiper les ménages, on en vienne à subventionner les importations chinoises : mieux vaudrait organiser une filière industrielle !
Exactement ! On a subventionné les produits avant de se soucier de la production !
Les filières industrielles se créent, c'est ce qu'on a fait dans le luxe : il y a 30 ans, la France était en avance pour la haute-couture, mais elle ne disposait pas d'une filière du luxe comme celle que nous connaissons aujourd'hui et grâce à laquelle la moitié du chiffre d'affaires des Galeries Lafayette provient de clients chinois.
Nous devons faire passer ce message simple, à droite comme à gauche, que les exportations, ce sont des emplois ! Les Allemands l'ont très bien compris : voyez comme ils étaient en avance pour les pots catalytiques, avant d'obtenir que ces pots deviennent la norme européenne. La politique industrielle se joue à l'intérieur et à l'extérieur. Ce discours était celui du général de Gaulle et de Georges Pompidou, puis tout s'est passé comme si nous avions vécu sur nos lauriers, à l'abri de nos champions nationaux.
Le commerce international et la souveraineté nationale entretiennent bien des liens. La politique du commerce extérieur, Monsieur le ministre, intègre-t-elle cette dimension ? En quoi le Parlement peut-il vous aider ?
Le Parlement a tout son rôle à jouer, comme représentant du peuple : dans les négociations à Bruxelles, le Gouvernement est plus fort lorsque le Parlement s'est publiquement prononcé, c'est alors la France tout entière qui s'exprime.
Mme le ministre des affaires étrangères est très sensibilisée à la mobilisation pour l'économie, pour notre commerce extérieur. J'ai quelques propositions, en particulier pour faire une meilleure place aux entrepreneurs dans notre personnel diplomatique, avec par exemple une « passerelle » entre le Quai d'Orsay et l'entreprise - pas seulement en fin de carrière lorsque d'anciens ambassadeurs « pantouflent » dans des entreprises publiques, mais pour renforcer nos équipes de conseillers commerciaux.
Ne pensez-vous pas, Monsieur le ministre, que nous devrions revenir à une filière nucléaire intégrée ? Notre parc nucléaire nous fournit l'électricité la moins chère d'Europe, mais la loi Nome nous oblige à en vendre une partie à prix coûtant, au plus grand profit de distributeurs qui financent des concurrents directs d'EDF : où est la logique ? Enfin, ne pensez-vous pas que nos PME sont littéralement étranglées par l'organisation de la sous-traitance ?
Le leader mondial des éoliennes off shore, une entreprise allemande de Brême, veut s'installer dans mon département, et plus précisément dans le port de Bordeaux pour y produire des éoliennes qui seront installées en France, ainsi que dans d'autres pays de l'Union européenne, pour 3 000 mégawatts, off shore ; la région, le port et le préfet sont d'accord, mais l'administration centrale lui fait des difficultés du fait que certaines des éoliennes seront exportées au Portugal et au Royaume-Uni : trouvez-vous cela normal ?
Les droits d'exploitation des brevets sont la clé de l'avenir, mais notre part mondiale n'y cesse de diminuer, à mesure que nos « cerveaux » vont travailler à l'étranger : avez-vous des éléments récents sur ce phénomène ?
Je suis tout à fait favorable au patriotisme économique, donc choqué de voir la SNCF et le STIF acheter des trains au canadien Bombardier ! Je sais bien que ce choix résulte d'un marché public, mais il est toujours possible d'ajouter des clauses techniques aux appels d'offres, sans frauder. L'État doit donner l'exemple ! Je suis un partisan du Grand Paris, mais je ne souhaite pas que les entreprises françaises se voient souffler les marchés !
Je crois avoir répondu sur l'étranglement des sous-traitants. J'ai demandé que toutes les irrégularités me soient signalées.
Sur la loi Nome, j'arrive après la bataille. Elle a été votée par le Parlement, c'est la loi de la République, nous devons l'appliquer.
Les droits d'exploitation des brevets et le software sont effectivement un sujet déterminant pour l'avenir. Nous mobilisons le grand emprunt, nous avons réformé le crédit d'impôt recherche, il faut faire le point de ces mesures. Je vous communiquerai nos informations.
La moitié des emplois à l'export sont le fait d'entreprises étrangères installées sur notre territoire, ce qui prouve que la France demeure attractive, et c'est une très bonne chose. Si l'entreprise que vous mentionnez rencontre un problème, Monsieur Pintat, je suis tout disposé à le résoudre. Soit dit en passant, nos ports, qui s'autodétruisent, sont un problème pour notre commerce international. Notre commerce passe par les ports voisins
La SNCF et le Stif ont choisi Bombardier dans le cadre d'un appel d'offres européen, où les Canadiens ont accepté la réciprocité, ce qui nous ouvre le marché canadien.