Au cours d'une première réunion, la commission procède tout d'abord à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).
L'heure est à la réforme des retraites, mais n'oublions pas les exigences de financement de la dette sociale, et plus généralement de la sphère publique... Le Gouvernement va nous soumettre dans quelques jours un scénario de reprise de la dette de la sécurité sociale. Outre le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2011 traiteront également de cette question.
La nouvelle reprise de dette envisagée est d'une ampleur sans précédent. Seront transférés, entre 2011 et 2018, environ 130 milliards d'euros, soit l'équivalent des déficits transférés depuis la création de la CADES. Cette reprise repose sur le compromis suivant. Tout d'abord, l'adossement du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à la CADES, qui se voit ainsi affecter 1,5 milliard d'euros correspondant notamment à une partie du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. La liquidation des actifs du FRR entre 2012 et 2024, à hauteur de 2,1 milliards d'euros par an, permettra de financer, dans la limite de 62 milliards d'euros, le remboursement des futurs déficits vieillesse transférés à la CADES entre 2012 et 2018.
Ensuite, l'allongement de la durée de vie de la CADES de quatre ans, dérogation au principe introduit en 2005 selon lequel tout nouveau transfert de dette doit être compensé par des ressources nouvelles, afin de financer les déficits de crise du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) en 2009 et 2010, évalués à 34 milliards.
Enfin, l'affectation à la CADES de 3,2 milliards de recettes supplémentaires résultant de la révision des niches fiscales et sociales, à ne pas confondre avec les 3,7 milliards de recettes nouvelles affectées à la réforme des retraites. Ces 3,2 milliards d'euros, qui correspondent en 2010 à 0,26 point de CRDS, ont vocation à financer, à hauteur de 34 milliards, le remboursement des déficits structurels du régime général et du FSV en 2009 et 2010, ainsi que le déficit prévisionnel de la branche maladie en 2011.
Ce schéma soulève de nombreuses questions ; c'est pourquoi nous avons souhaité que M. Ract-Madoux nous éclaire sur ces sujets.
Depuis sa création par ordonnance en 1996, la CADES a vu sa protection améliorée par diverses lois de financement de la sécurité sociale et par la loi organique de 2005. Depuis 2005, la CADES calcule sa date probable d'extinction, que son président est tenu de présenter à son conseil d'administration, ainsi qu'au comité de surveillance, actuellement présidé par M. Jégou. Il y a aujourd'hui une chance sur deux que l'amortissement de la dette sociale soit achevé en 2021, comme le prévoit la loi organique de 2005 ; cinq chances sur cent que la fin de la CADES intervienne dès 2020, cinq chances sur cent qu'elle n'ait pas achevé sa tâche en 2022.
De nouveaux transferts de déficits à la Caisse ont été opérés l'année dernière ; respectant l'esprit de la loi organique, le Gouvernement, au lieu d'augmenter la CRDS, avait attribué à la CADES 0,2 point de CSG - quitte à assécher les ressources du FSV. La CADES émet aujourd'hui un emprunt arrivant à maturité en 2021, pour un milliard d'euros, profitant de taux d'intérêt exceptionnellement bas, à 2,86 %.
Si le schéma de reprise de dette proposé par le Gouvernement est adopté en l'état, la Caisse reprendrait une dette totale de 130 milliards d'euros sur six ans. Une hypothèse serait de reprendre 68 milliards en 2011, puis 10 milliards par an de 2012 à 2018, au titre de la réforme des retraites, pour combler le déficit prévisionnel de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). On aboutirait à une reprise de dette totale de 260 milliards, soit le double des transferts de dette intervenus depuis 1996 ! L'hypothèse optimiste est celle d'un amortissement total des dettes sociales en 2025, comme le prévoit la loi organique, sachant que la dette restante dépasse aujourd'hui les 90 milliards.
Plusieurs ressources nouvelles sont affectées à la Caisse pour financer ce transfert. Tout d'abord, 3,2 milliards d'euros, équivalent à 0,26 point de base de CRDS, dont M. Baroin a promis la pérennité - mais la question n'est pas tranchée... Deuxièmement, la mobilisation des actifs du FRR à hauteur de 2,1 milliards d'euros par an de 2012 à 2024. Troisième ressource : le transfert à la Caisse d'une partie du prélèvement de 2 % sur le capital, pour 1,5 milliard par an, qui devrait croître comme la CRDS. Enfin, la durée de vie de la Caisse est allongée de quatre ans.
Dans ce nouveau cadre, la CADES a une chance sur deux d'avoir amorti la dette en 2025 ; une sur cinq d'avoir terminé dès 2023 ; une sur cinq de n'avoir pas fini avant 2027-2028. Son portefeuille est pour une partie constitué d'emprunts à taux fixe à long terme. La nouvelle dette sera financée avec des taux courts, les conditions étant actuellement favorables. Mais il faudra la transformer ensuite en dette à plus long terme dans des conditions que nous ignorons.
Il nous reste à espérer que les autres régimes de protection sociale seront à l'équilibre à compter de 2012...
Le Gouvernement ne propose que la reprise des déficits des branches maladie et vieillesse pour 2009, 2010 et 2011. D'éventuels déficits de l'assurance maladie en 2012, 2013 ou 2014 se reconstitueront sans doute. S'ils sont transférés à la CADES, de nouvelles recettes devront lui être affectées.
Je remercie M. Ract-Madoux, qui a toujours tenu le comité de surveillance informé.
Je m'inquiète de la fragilité du panier de recettes affectées à la CADES. La loi organique prévoit que la reprise de tout déficit soit compensée par des recettes correspondantes, traduites en « points CRDS ». Ainsi, les 3,2 milliards d'euros correspondent à 0,26 point de CRDS 2011, mais ce rapport peut changer... Aujourd'hui, le produit de la CRDS représente 6 milliards d'euros : large assiette et faible taux, c'est l'impôt idéal !
Je m'interroge également sur les modalités de l'adossement du FRR à la CADES. La ressource procurée par la fraction du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital est certes relativement liquide, mais il faudra organiser avec soin les décaissements annuels correspondant à la vente des actifs du Fonds : la CADES ne veut pas avoir à gérer les actifs du FRR ! Une parfaite cohésion entre les deux organismes sera nécessaire.
Nous profitons actuellement de taux d'intérêt extrêmement bas. Vos calculs prennent-ils en compte une éventuelle remontée des taux ?
Avec l'entrée des partenaires sociaux dans le conseil d'administration de la Caisse, souhaitée par la Cour des comptes, l'État se retrouverait minoritaire. Est-ce envisageable ?
Enfin, avez-vous calculé les économies qu'aurait permises la reprise de 20 milliards d'euros de dette dès l'an dernier ?
Comme Édith Piaf, je ne regrette rien : de tels calculs ne serviraient qu'à alimenter d'inutiles regrets !
Nos évaluations prennent en compte une éventuelle dégradation des conditions de marché : c'est pourquoi certaines simulations repoussent l'amortissement de la dette à 2027, voire 2028. En tout état de cause, le président de la CADES est tenu de présenter au Parlement la situation de la Caisse ; si les taux augmentent, il faudra s'assurer que la CADES dispose bien des ressources nécessaires pour remplir sa tâche.
Je félicite M. Ract-Madoux pour la clarté de son exposé. La totalité de la dette aujourd'hui portée par l'Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS) est-elle incluse dans les 130 milliards de dette reprise ?
Les 68 milliards d'euros repris en 2011 incluent le découvert de l'ACOSS fin 2010, qui devrait s'élever à 55 milliards, moins que le plafond de 65 milliards voté par le Parlement. Les 13 milliards restants correspondent à la reprise anticipée d'une partie du découvert pour 2011. Le déficit de l'assurance maladie avoisinant les 20 milliards, l'ACOSS aura sans doute à nouveau un léger découvert fin 2011.
Absolument !
Je remercie M. Ract-Madoux : nous pourrons désormais arrêter nos positions en toute lucidité.
La commission examine ensuite le rapport pour avis de M. Jean-Jacques Jégou sur le projet de loi organique n° 672 (2009-2010) relatif à la gestion de la dette sociale, dans le texte n° 691 (2009-2010) établi par la commission des affaires sociales.
Nous savions qu'il nous faudrait légiférer cet automne sur la gestion de la dette de la sécurité sociale, mais nous ignorions qu'il nous faudrait repousser la date d'extinction de la CADES et anticiper l'entrée en jeu du FRR dès 2012.
L'année dernière, je dénonçais l'attentisme du Gouvernement et notre manque de responsabilité collective vis-à-vis des générations futures. Toutefois, la crise a « pipé » les dés et les décisions que le Gouvernement propose aujourd'hui sont malheureusement inévitables.
La dette sociale correspond à la dette des organismes sociaux, soit la dette brute portée par la CADES additionnée à celle prise en charge par les administrations de sécurité sociale (ASSO), régimes d'assurance sociale et organismes dépendant des assurances sociales. En 2009, la dette des organismes sociaux a atteint 155,8 milliards d'euros, soit 8,2 % du PIB : cinq points de plus qu'en 1999. La dette du régime général représente 15 % de ce montant, celle des hôpitaux 14 %, l'UNEDIC près de 6 %.
Dans le contexte du projet de loi organique, la « dette sociale » correspond aux déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Elle a explosé avec la diminution des recettes induite par la crise financière, alors que les dépenses ne diminuaient pas. Le déficit annuel du régime général, d'une dizaine de milliards d'euros par an entre 2005 et 2008, a atteint 20,3 milliards en 2009 et devrait s'élever à 26,8 milliards en 2010.
Le dynamisme de la dette publique, qui atteint 80 % du PIB, pose la question de sa soutenabilité, le risque qu'un État développé fasse défaut n'étant plus aujourd'hui une hypothèse d'école.
La crise a également souligné les limites d'un système de protection sociale structurellement déficitaire. Entré dans la crise avec un handicap de 10 milliards d'euros, c'est avec un handicap de près de 30 milliards qu'il en sortira... Si les marchés avaient l'impression que la France ne compte pas réellement réduire sa dette, les conséquences pourraient être fort dommageables. Ceci doit nous inviter à prendre toutes nos responsabilités.
Les déficits du régime général et du FSV constituent une composante spécifique de la dette publique. En principe, l'équilibre financier de chaque branche est assuré par sa caisse, ce qui justifie, d'une part, le recours limité aux emprunts pour couvrir des besoins de court terme, d'autre part, le caractère exceptionnel de la CADES.
La gestion de la dette sociale est ainsi scindée en deux compartiments : un à court terme et un à long terme. Chaque compartiment a ses contraintes et ses avantages. Le financement à court terme, via l'ACOSS, ne peut être indéfiniment détourné de ses objectifs : le relèvement du plafond d'avances de l'ACOSS proposé l'an dernier, à hauteur de 65 milliards, ne pouvait être réitéré. Au-delà de la dérogation implicite au partage de responsabilités entre la CADES et l'ACOSS, cette dernière ne peut financer n'importe quels besoins de trésorerie. Le Gouvernement doit donc organiser cette année la reprise de la dette du régime général et du FSV. Ce n'est pas une décision courageuse, mais contrainte et forcée !
Depuis 2005, les conditions de reprise ont été durcies afin de garantir le caractère exceptionnel et provisoire de la CADES. Désormais, toute reprise de dette ne peut être opérée que si la Caisse perçoit des ressources nouvelles de manière à ne pas prolonger sa durée de vie au-delà de 2021, afin d'éviter de reporter sur les générations futures des charges correspondant à des dépenses courantes. Cette règle, dont le Conseil constitutionnel a souligné la nature organique, constitue aujourd'hui un obstacle pour un Gouvernement qui ne souhaite pas augmenter les impôts, et notamment la CRDS.
Le cantonnement de la dette sociale au sein de la CADES a l'avantage de permettre l'amortissement de la dette sociale : 46 milliards d'euros depuis 1996. Le déficit est amorti sur une durée limitée, alors que la dette portée par l'État est refinancée sans horizon déterminé. Dotée d'une ressource dédiée, la dette sociale a été conçue pour s'éteindre. Contrairement à la CADES, 1'ACOSS n'amortit pas les déficits. Elle finance le découvert par des emprunts de court terme, eux-mêmes remboursés par de nouvelles ressources de court terme. Ce dispositif permet aux différents gouvernements de différer les reprises de dette.
La reprise de la dette préparée par le présent projet de loi organique révèle particulièrement complexe compte tenu des montants de transferts envisagés en 2011, puis entre 2012 et 2018 : en sept ans, la CADES devrait en effet reprendre 130 milliards d'euros, soit l'équivalent des déficits transférés en quatorze ans. L'importance des déficits transférés a suscité un débat sur l'opportunité d'une reprise de la dette par l'État ou par une caisse spécifique. Pour reprendre 80 milliards d'euros sans allonger la durée de vie de la Caisse, il faudrait doubler le taux actuel de CRDS ! Il devient difficile de maintenir le dogme présidentiel de non augmentation des impôts alors même qu'on envisage de réduire les niches fiscales et sociales... Au total, la reprise de dette proposée cette année nécessite l'adoption de trois textes législatifs, dont une loi organique, afin de proroger la durée de vie de la CADES.
Le schéma financier du Gouvernement mobilise trois leviers afin d'éviter une hausse trop brutale des prélèvements obligatoires. La CADES serait destinataire de 3,2 milliards de recettes supplémentaires résultant de la révision des niches fiscales et sociales, ce qui correspond en 2010 à 0,26 point de CRDS. Elles ont vocation à financer, à hauteur de 34 milliards d'euros, le remboursement des déficits structurels du régime général et du FSV en 2009 et 2010, ainsi que le déficit prévisionnel de la branche maladie en 2011.
La durée de vie de la CADES serait prolongée de quatre ans. Cet allongement, qui sera organisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, a vocation à financer les déficits de crise du régime général et du FSV en 2009 et 2010, évalués également à 34 milliards.
Le FRR serait adossé à la CADES qui se verrait donc affecter les ressources du Fonds, soit 1,5 milliard d'euros correspondant notamment à une partie du produit du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital ; cet adossement sera précisé en PLFSS. La liquidation progressive des actifs du FRR entre 2012 et 2024 financera, dans la limite de 62 milliards, le remboursement des futurs déficits vieillesse transférés à la CADES entre 2012 et 2018.
Le projet de loi organique n'ouvre que des possibilités qui devront être confirmées lors du PLFSS pour 2011 ou du PLF pour 2011. Principal sujet d'inquiétude, les ressources affectées à la CADES s'éloignent des fondamentaux ayant présidé à sa création.
La création d'un panier de recettes et la liquidation progressive des recettes du FRR constituent -elles des mesures pertinentes et opportunes ? Sont-elles de nature à garantir le financement du remboursement de la dette sociale ? Le produit des mesures concernant les niches ne devrait-il pas être affecté à la réduction des déficits de l'État ?
L'exonération de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA), dont bénéficient aujourd'hui les contrats complémentaires santé dits « solidaires » et « responsables » serait supprimée et remplacée par une taxation à un taux intermédiaire de 3,5 %, pour un rendement attendu de 1,1 milliard. Si le dispositif devrait demeurer attractif pour les complémentaires, cette charge nouvelle risque d'être répercutée sur les assurés, d'autant que les complémentaires ont déjà vu leur régime fiscal s'alourdir ces dernières années. L'impact de cette mesure sur la CMU-complémentaire ou aide à l'acquisition d'une complémentaire devra être analysé avec attention.
L'assujettissement annuel aux prélèvements sociaux de la partie « euros » des contrats d'assurance-vie multisupports pose des difficultés techniques et nie le caractère global de ce type contrat et la nature incertaine des plus values. Ce dispositif, dont on attend un rendement de 1,6 milliard d'euros, pourrait conduire à prélever les cotisations sur le rendement « euros» du contrat, y compris en l'absence in fine de produits, si la performance des unités de compte est mauvaise.
Enfin, la création d'une taxe de sortie sur les sommes de la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance, qui devrait rapporter 1,4 milliard d'euros, ne doit pas remettre en cause l'engagement prudentiel de solvabilité envers les assurés. Il faudrait en tirer les conséquences dans l'application des nouvelles règles issues de la transposition de la directive Solvabilité II. En l'état actuel des règles prudentielles, la réserve de capitalisation est comptabilisée dans la catégorie des quasi-fonds propres, mais pourrait ne pas être entièrement intégrée dans la marge de solvabilité dans le cadre de Solvabilité II. Il appartiendra à la France de définir le rôle de cette réserve et donc sa qualification ou non de quasi fonds propres.
Trois incertitudes demeurent quant à l'adéquation des nouvelles recettes aux besoins de la CADES. Premièrement, l'exposition de la Caisse au risque de taux s'intensifiera : leur remontée, qui paraît vraisemblable, aurait, selon M. Ract-Madoux, été prise en compte par le rallongement de la durée de la caisse ; la reprise de dette induit un changement d'échelle de la CADES, de sorte que l'augmentation du coût du portage pourrait affecter le calcul du niveau de ressources nécessaires pour refinancer l'ensemble des déficits repris. Le Parlement devra vérifier annuellement qu'on est dans l'épure.
Deuxièmement, dans quelles conditions les actifs du FRR seront-ils mobilisés ? Le Gouvernement souhaite que la vente soit progressive. La somme de 2,1 milliards d'euros n'est pas de nature à perturber les cours. Cependant, l'objectif de résultat représente une contrainte, surtout en fin de période.
Troisièmement, le panier de recettes ressemble à un « panier percé ». Il faut des recettes pérennes et dynamiques. Lors de chaque transfert, la CADES calcule un tarif en points de CRDS. C'est ainsi que pour reprendre en 2011 les 34 milliards de déficit structurel, il conviendrait de lui affecter 0,26 points de CRDS au tarif 2011, soit 3,2 milliards d'euros. Or de même que 0,26 point 2002 représentait 2,4 milliards d'euros, soit 800 millions d'euros de moins qu'en 2010, de même, 0,26 point de CRDS 2011 n'équivaut pas à 0,26 point 2020. Le produit de la CRDS a augmenté en moyenne de 3,7 % par an entre 2002 et 2010.
L'une des trois mesures de recettes alternatives étant « à un coup », on devra revoir le panier de recettes. Cela a fait l'objet d'une polémique récente à l'occasion de la reprise par la presse d'une lettre envoyée par le ministre aux membres de la commission de suivi de la dette sociale.
L'exit tax sur la réserve de capitalisation n'aura pas d'impact au-delà de 2012 et l'assujettissement des compartiments euros aux prélèvements sociaux aura un rendement décroissant à partir de 2012 ; la TSCA à taux réduit sur les complémentaires-santé aura un rendement au mieux constant car ces contrats sont déjà très répandus, et au pire décroissant, en cas de perte d'assiette.
Cette fragilité des recettes est-elle acceptable ? Les mesures proposées ne possèdent pas la pérennité et le dynamisme souhaités. Toutefois, l'article 7 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 prévoit un mécanisme de correction, le Gouvernement devant soumettre au Parlement « les mesures nécessaires pour assurer le paiement du principal et des intérêts aux dates prévues ». Le mécanisme pourrait être réaffirmé par le présent projet qui modifie les règles organiques applicables à la Caisse. La commission des affaires sociales a proposé que chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale vérifie l'adéquation des ressources de la CADES afin d'éviter une nouvelle prorogation de sa durée de vie. Elle a également adopté un amendement permettant d'avancer la dernière échéance de remboursement de la dette sociale si ses recettes sont deux années de suite supérieures de 10 % aux prévisions.
La confiance des investisseurs devrait ne pas être affectée, a assuré l'agence de notation Fitch France lors de son audition par la commission des affaires sociales. En tant qu'établissement public administratif, la CADES est, en effet, considérée comme un « démembrement de l'Etat » et donc à ce jour parfaitement solvable
Est-il opportun d'affecter 3,2 milliards d'euros de recettes nouvelles au refinancement de la dette sociale ? Sur 10 milliards attendus de la réduction des niches fiscales et sociales...
6,9 milliards sont fléchés en faveur de la sécurité sociale et certains ont critiqué le fait qu'on ne consacre que 3,1 milliards à la réduction du déficit de l'Etat. L'ACOSS ne pouvant continuer à garantir le financement de la dette sociale, l'affectation au budget de l'Etat des 3,2 milliards d'euros que le Gouvernement veut attribuer à la CADES ne pourrait être envisagée qu'à condition de relever en contrepartie le taux de la CRDS. Or celui-ci ne souhaite pas relever nominalement les impôts.
Les mesures proposées ne traitent pas les déficits au-delà de 2012. Et je ne parle pas de la dépendance. Les projections du dernier PLFSS prévoyaient 12,5 milliards de déficit en 2012 et 11,6 milliards en 2013. Le transfert de déficit à la CADES ne constitue pas une réponse optimale, et il y a un risque de report sur les générations futures. Des réformes de fond, permettant de faire face au vieillissement de la population, sont nécessaires. Vu l'ampleur des transferts proposés, l'enjeu ne réside pas seulement dans le choix du schéma du financement jusqu'en 2012, mais aussi dans la révision du panier de recettes à partir de 2013, ainsi que dans le début de liquidation progressive des actifs de FRR. Enfin, une remontée des taux d'intérêt pourrait à elle seule requérir un ajustement.
Je vous propose de donner un avis favorable au projet de loi organique dans la rédaction de la commission des affaires sociales. Il ouvre en effet des possibilités. Il nous appartiendra en PLFSS, comme en PLF, d'apprécier pleinement la pertinence du compromis proposé, d'évaluer le degré de bricolage ou de provisoire acceptable. Le contexte actuel des finances publiques requiert un délicat arbitrage entre soutien à la reprise et assainissement des déficits.
Le projet propose de prolonger de quatre ans la durée de la CADES et de permettre le transfert d'actifs du FRR vers la CADES. Il est bien dommage de ne pouvoir rassembler en un article d'équilibre la protection sociale et l'Etat car il y a une part d'arbitraire dans les transferts - le législateur constitutionnel y reviendra peut-être.
Vous indiquez que 3,7 milliards vont à la réforme des retraites et 3,2 milliards à la dette sociale. Mais le refinancement de la dette sociale à compter de 2012 fait également partie de la réforme des retraites.
L'analyse de M. Jégou est complète et argumentée, les questions sont bonnes et sa conclusion équilibrée. J'y souscris. Le risque de première grandeur est celui d'une remontée des taux d'intérêt, le reste n'est que détail. Comment se prémunir ? Par une gestion sérieuse : tout ce qui conduit à un doute accélère la réalisation du risque. Nous en sommes tous responsables. Nous verrons si l'on progresse vers une réelle maîtrise des finances publiques car c'est la seule question.
S'agissant du partage des mesures entre PLFSS et PLF, il est préférable que la fiscalité de l'assurance-vie soit traitée en loi de finances et que la fiscalité de l'épargne relève de notre commission.
Il faudrait modifier l'article d'équilibre afin de prévoir toutes les recettes de l'Etat et trois lignes de transfert au budget européen, aux collectivités locales et à la protection sociale.
Vous avez parfaitement raison. Je n'ose dire que la situation est burlesque...
La situation n'est pas convenable. Ne peut-on alerter le Gouvernement sur les risques d'une discussion éclatée ?
Je remercie le rapporteur pour avis de cet exposé clair et convaincant. Je souhaiterais avoir des précisions sur l'adossement du FRR à la CADES.
D'une part, on transfère les ressources du FRR à la CADES, soit 1,5 milliard d'euros par an. D'autre part, s'agissant des actifs, M. Ract-Madoux m'a rassuré : il y aura un partenariat entre la Caisse et le FRR qui continuera de gérer ses actifs tout en procédant chaque année à la vente d'une partie d'entre eux afin de verser 2,1 milliards d'euros à la Caisse.
Voilà pourquoi j'ai posé tout à l'heure la question du marché. A compter de 2012, la CADES percevra annuellement, d'une part 1,5 milliard d'euros que l'Etat versait précédemment au FRR afin que celui-ci augmente ses actifs, et d'autre part, 2,1 milliards d'euros résultant de la vente progressive des actifs de ce dernier.
Il conviendra d'attirer l'attention du Gouvernement sur le danger de déstabilisation de l'assurance vie provoquée par les mesures qu'il envisage de prendre. C'est un sujet majeur !
L'objectivité m'oblige à dire qu'il y avait matière à prélever des impôts. Il s'agissait en effet de réserves. Ce que demande l'Etat à travers l'exit tax, soit 1,4 milliard, ne semble pas infondé.
C'est une réserve destinée à lisser les ressources des contrats d'assurance-vie.
Voilà pourquoi je dis que c'est dangereux ! Il faut préserver la confiance !
Je suis inquiet. La dette sociale augmente alors même que l'Etat compense à la sécurité sociale le coût croissant des allègements sociaux. Où la charge de la dette se trouve-t-elle ? Cette opération ne me paraît pas très saine parce qu'elle revient à cacher de la dette et de l'emprunt. Le budget finance tout cela, soit par emprunts, soit par augmentations d'impôts qui touchent l'ensemble de la population. Que va-t-il se passer après 2011 ? La situation financière, déjà difficile, pourrait s'aggraver.
La dette de l'Etat envers la sécurité sociale a été largement apurée. Je n'en partage pas moins vos préoccupations : les 20 milliards d'allègements de charges ne sont pas payés par les entreprises.
C'est tout l'inconvénient d'avoir deux discussions, l'une sur le PLFSS et l'autre sur le PLF.
Nous sommes d'accord pour ne pas transférer la dette sur les générations futures et pour ne pas transformer le déficit conjoncturel en déficit structurel ; nous convenons aussi que l'ACOSS n'a pas à gérer le déficit social. Cependant, la dette est bel et bien transférée à nos petits-enfants puisqu'on prolonge la CADES tout en siphonnant le FRR. On nous propose un unique scénario sans rien nous dire des impasses. On parle des niches fiscales alors que porter la TVA sur la restauration à 8 % dégagerait 535 millions. Où trouver l'argent ? On sait faire, mais on ne veut pas ! La CRDS à 1 %, c'est 6 milliards supplémentaires. De même, on ne veut pas évoquer la CSG sur le patrimoine. Alors on continue comme avant... On ne peut pas donner un avis favorable.
Je suis d'accord sur votre analyse. Le projet de loi organique propose une ouverture, il nous sera possible de contester les modalités exactes du refinancement des transferts de dettes envisagés, notamment en ce qui concerne le panier de recettes et le choix de ne pas procéder à une augmentation de la CRDS.
Un amendement de la commission avait proposé l'an dernier de l'augmenter de 0,15 point.
Je rappelle que les générations futures rembourseront dans les années 2020 des feuilles maladie des années 1990.
Ce texte organique porte uniquement sur la prolongation de quatre années de la CADES afin de digérer la dette née de la crise et pour permettre un transfert de ressources entre le FRR et la Caisse. M. Jégou, qui sera le garant de la transparence, propose de donner un avis favorable.
La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de l'article 1er du projet de loi organique dans le texte élaboré par la commission des affaires sociales.