Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 20 novembre 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bilatérale

La réunion

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La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 de MM. Christian Cambon et André Vantomme : mission « Aide publique au développement ».

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a tout d'abord observé que la France consentait un effort important en faveur des pays du Sud, mais qu'à bien des égards, il s'agissait d'un effort composite et dispersé sur lequel elle ne semblait pas toujours avoir de prise.

L'enjeu de la réforme annoncée est de permettre à notre pays de reprendre l'initiative et de définir une stratégie claire au service d'une efficacité accrue et d'un rayonnement à la hauteur de nos ambitions.

a considéré qu'en temps de crise mondiale, l'aide nécessaire et légitime que notre pays entend apporter aux pays les plus pauvres devait continuer d'être orientée vers les plus déshérités à niveau d'effort égal. Il a estimé que la complexité de l'architecture de l'aide française, peu lisible, contribuait à porter suspicion sur la réalité de l'effort. Ainsi en est-il des procédures d'annulation de dettes, annoncées d'année en année pour certains pays pour des montants importants, alors même que la valeur de cette dette sur les marchés est voisine de zéro.

Il a regretté que la réalité d'une aide au développement pourtant très conséquente puisse être contestée, avec raison semble-t-il, pour des errements qui perdurent depuis fort longtemps et qui sont liés à la comptabilisation extensive des frais d'écolage, des dépenses liées à l'accueil des réfugiés sur le territoire français, des dépenses de recherche et développement...

Il s'est déclaré très circonspect sur l'idée que les crédits consacrés à l'aide publique au développement soient liés à des gains de parts de marché ou puissent être un instrument susceptible de contribuer à endiguer les flux migratoires.

Considérant que chaque année voyait le bouleversement de l'ordre des priorités de l'aide française, il a plaidé pour un système souple, assorti d'une réflexion stratégique solidement charpentée.

Il a rappelé que l'examen par le Comité d'aide au développement de l'OCDE avait conclu que l'aide française était certes importante en volume, mais qu'elle restait dispersée et peu lisible, faisant une large place au multilatéral sans véritable articulation avec les priorités nationales.

La transformation de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) en une direction générale de la mondialisation, direction « d'état-major » chargée de la stratégie et de la tutelle des opérateurs visait à renforcer la cohérence globale de l'outil. Cette direction générale constitue l'aboutissement de la réforme de 1998 en achevant le transfert aux opérateurs de toutes les interventions opérationnelles du ministère. Sur le terrain, les SCAC (services de coopération et d'action culturelle) devraient être fusionnés avec l'opérateur culturel, tandis que le directeur local de l'AFD sera le conseiller de l'ambassadeur pour les questions de développement.

Il a estimé que cette réforme était logique et souhaitable, mais qu'elle ne serait viable qu'à deux conditions : que la nouvelle direction générale change véritablement de nature et ne constitue pas une DGCID « amaigrie » et qu'un volume raisonnable de crédits bilatéraux à mettre en oeuvre soit disponible.

Il a ensuite indiqué qu'une série de dépenses d'aide publique au développement était comptabilisée en dehors de la mission :

- les crédits d'autres missions budgétaires intervenant dans le domaine du développement (2,2 milliards d'euros) ;

- la part du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne qui finance les programmes communautaires de développement (952 millions d'euros en 2009) ;

- les opérations de prêts (651 millions d'euros) ;

- les annulations de dette (2,4 milliards d'euros en 2009) ;

- l'effort d'APD des collectivités territoriales (72 millions d'euros en 2009).

Le produit de la taxe sur les billets d'avion, d'environ 160 millions d'euros par an, n'est en revanche pas comptabilisé dans l'APD.

La mission APD ne compte ainsi que 3,154 milliards d'euros sur les 9,549 milliards que compte déclarer la France en 2009.

Evoquant les crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement », il a souligné que le programme enregistrait une progression notable, marquée par l'augmentation du volume des aides budgétaires et du fonds français pour l'environnement mondial.

Il a considéré que l'examen de la programmation pluriannuelle ne soulevait pas d'inquiétude ni d'observation particulière, mais que le pilotage de tous ces fonds, ainsi que leur concentration était en question : le programme supporte ainsi un fonds de la banque interaméricaine de développement à hauteur d'1,73 million d'euros, un montant manifestement trop faible pour exercer quelque influence dans cette enceinte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

a ensuite rappelé que le programme 209 présentait en principe un profil différent, puisqu'il supporte l'aide héritée de l'ancien ministère de la coopération, notamment l'aide-projet bilatérale, mais aussi toute la coopération culturelle dans les pays en développement.

Pour 2009, ce profil s'est modifié sous l'effet de la croissance des contributions multilatérales financées sur ce programme (+ 7 %) dans une enveloppe stable et même en légère diminution (- 0,34 %).

Ces contributions représentent désormais 62 % des crédits du programme et même plus de 67 % si l'on excepte les dépenses de personnel.

Le programme supporte quatre types de contributions.

Les contributions volontaires au système des Nations unies subissent la contrainte budgétaire et sont en baisse de 15 %, revenant de 86 à 73 millions d'euros. Les contributions multilatérales de la francophonie enregistrent une légère diminution, tandis que le programme est surtout marqué par le dynamisme de la contribution de la France au Fonds européen de développement qui, avec 802 millions d'euros et en progression de 11 %, représente à elle seule 40 % des crédits du programme.

Il a indiqué qu'à compter de 2011 et les débuts du décaissement du 10e FED, une partie de la contribution devrait se voir appliquer une nouvelle clé de répartition (19,5 % au lieu de 24,3 %), mais que la contrainte du FED resterait forte, avec une contribution de 4,4 milliards d'euros sur 6 ans, contre 3 milliards sur le FED précédent. De façon nouvelle, le règlement financier du FED prévoit que la commission doit fixer un plafond annuel pour les appels de contributions, ce qui devrait donner plus de visibilité. Il permet aussi que des crédits puissent être délégués aux agences nationales, voie qui paraît devoir être explorée autant que possible. A terme, l'intégration du FED dans le budget communautaire devra être opérée. Elle aurait pour effet de ramener notre contribution à 15,9 %.

Il a relevé que la contribution de la France au fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme s'élève, quant à elle, à 300 millions d'euros pour 2009, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2008.

Il a souligné que le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme était une réussite en termes de mobilisation financière. Il a su mobiliser des ressources, à tel point qu'il se trouve dans une situation financière plutôt confortable et que l'on peut s'interroger sur la capacité d'absorption des pays bénéficiaires. Le fonds a reçu à ce jour un total de 11,8 milliards de dollars. Sur ce total, il a engagé 11,6 milliards de dollars et a déboursé 6,639 milliards de dollars, dont presque 2,6 milliards de dollars au titre de l'année 2007.

a souligné que ces contributions multilatérales, dans un environnement budgétaire contraint, ont clairement un effet d'éviction sur l'aide bilatérale, qui revient de 670 millions d'euros en 2008 à 592 millions d'euros en 2009, soit une baisse de 12 %, alors que le périmètre s'élargit à Canal France international pour 16 millions d'euros, au GIP Esther, pour 4 millions d'euros et doit faire une plus large place à CulturesFrance, aux ONG et à la politique du genre.

Le corapporteur pour avis a rappelé que le programme 301, géré par le ministère de l'immigration, avait été constitué en loi de finances pour 2008 à partir de transferts d'autres programmes et qu'il prévoyait trois types d'action :

- un fonds multilatéral en cours de création, doté de 9 millions d'euros sur trois ans ;

- des aides à la réinstallation des migrants dans leur pays d'origine, dotées de 3,5 millions d'euros ;

- des actions bilatérales dotées de 18 millions d'euros, qui financent des actions de développement « classiques » dont l'impact économique ou social peut avoir potentiellement un effet sur les migrations.

Il a considéré, en conclusion, que, dans un contexte budgétaire difficile, les crédits budgétaires globaux alloués à l'aide publique au développement étaient globalement préservés, mais que cette enveloppe budgétaire stable était marquée par la très forte progression des contributions multilatérales.

Les contributions multilatérales ont, par conséquent, un effet d'éviction sur l'aide bilatérale qu'elle soit culturelle ou qu'il s'agisse de l'aide-projet sur subventions. Cette contraction des subventions touche en particulier les pays les plus pauvres qui ne sont pas éligibles à l'intervention sur prêts et risque d'entraîner mécaniquement un glissement de notre aide vers les pays à revenu intermédiaire ou émergents. Elle prive également la France de la capacité de mobiliser des financements internationaux, notamment européens via des cofinancements.

Il a souligné que le poids de la France dans les enceintes multilatérales était lié à la crédibilité de son propre effort bilatéral et à sa pratique du terrain, en particulier en Afrique. Cet équilibre doit être préservé. Telle est la raison pour laquelle la répartition des crédits entre les différents instruments paraît pouvoir être améliorée.

Il s'est interrogé sur la multiplicité des fonds multilatéraux et sur leur efficacité, en particulier, sur l'opportunité d'augmenter notre contribution au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la situation financière n'est pas tendue compte tenu du rythme de ses décaissements. Le différentiel (20 millions d'euros) aurait pu utilement être redéployé vers notre aide bilatérale, notamment dans le domaine de la santé.

a proposé l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement, M. André Vantomme, corapporteur pour avis, s'en remettant à la sagesse de la commission.

Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a souligné que l'OCDE autorisait effectivement la comptabilisation des annulations de dettes en aide publique au développement, ce qui permet, si elles ne sont pas effectivement réalisées, de les annoncer à plusieurs reprises. Ces dettes n'ont le plus souvent pas de valeur de marché.

Elle a jugé contestable la comptabilisation de frais d'écolage, souvent très approximative, en aide publique au développement.

Elle s'est étonnée que des crédits soient consacrés aux aides de la réinstallation des migrants, ce mécanisme se révélant le plus souvent inopérant.

Elle a estimé qu'un transfert de crédits du Fonds sida, dont les décaissements sont insuffisants, aurait effectivement été opportun pour financer des actions de santé maternelle et infantile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

a souligné que l'image de la France au sein du fonds sida n'était pas à la hauteur de sa contribution et que le ministère de la santé ne semblait pas s'y intéresser.

Le problème rencontré par ce fonds est qu'il ne parvient pas jusqu'aux malades, ce qui n'est pas seulement lié à un problème financier. Ce fonds est déjà bien doté et l'augmentation des crédits qui y sont alloués est dommageable.

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

a souhaité savoir quels étaient les moyens de contrôle de la France sur les différents fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a considéré que pour l'aide parvienne effectivement aux malades, les crédits du fonds devaient être accompagnés d'une aide bilatérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a appelé à une réflexion plus générale sur le rôle du Fonds monétaire international et sur le recours aux droits de tirage spéciaux. Il a considéré que l'objectif de 0,7 % était un chiffre mythique qui établissait une sorte d'étalon de l'effort des Etats.

Il a déclaré partager l'analyse des rapporteurs sur les fonds multilatéraux. Il a souligné qu'un Etat comme le Zimbabwe, membre de la zone de solidarité prioritaire, ne recevait pourtant pratiquement rien de l'aide française.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a souligné la difficulté de venir en aide à ce pays sous embargo, en particulier parce qu'on n'a que peu de moyens de contrôle sur l'acheminement réel de l'aide à leurs destinations finales.

Evoquant le fonds sida, il a indiqué qu'il semblait qu'il y ait davantage de moyens disponibles que d'actions à financer.

Il a estimé qu'un transfert de crédits, par ailleurs souhaitable, susciterait une forte opposition de la part de ceux qui sont engagés dans la lutte contre cette pandémie.

Il y a un travail de pédagogie à mener pour qu'une telle réduction n'apparaisse pas comme un désengagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

a souligné que l'on pouvait effectivement s'interroger sur un redéploiement au profit d'actions bilatérales des crédits affectés à la lutte contre le sida. Il a souhaité que la commission poursuive ses investigations et fasse des propositions.

Il a rappelé que toute diminution de la contribution de la France au FED supposait une renégociation.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a souligné le paradoxe de l'articulation entre l'aide française bilatérale et multilatérale : la France dispose, sur le terrain, d'un réseau structuré, mais dépourvu de moyens, tandis que l'Union européenne dispose de crédits, mais apparemment sans relais de mise en oeuvre. Une réflexion est nécessaire sur les différents outils et sur leur articulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a souligné que l'aide multilatérale était un choix politique, tout comme la volonté de voir l'Union européenne jouer un rôle important dans ce domaine. Il faudrait que l'Union européenne rende son aide plus visible.

Puis la commission a adopté les crédits de la mission Aide publique au développement, le groupe socialiste votant contre.

La commission a ensuite entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur le déplacement d'une délégation de la commission à la 63e Assemblée générale de l'ONU, à New York, du 3 au 7 novembre 2008.

M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord indiqué qu'une délégation du Sénat, qu'il présidait, s'était rendue, à l'invitation du ministre des affaires étrangères et européennes, à la 63e Assemblée générale de l'ONU, du 3 au 7 novembre 2008. Cette mission était composée des sénateurs Didier Boulaud, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Cantegrit et Robert del Picchia.

Cette mission a permis de rencontrer les principaux chefs de mission, ambassadeurs auprès des Nations unies, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, de Chine, de Russie, d'Israël ainsi que l'observateur permanent de la Palestine. Elle a pu également rencontrer les principaux responsables de l'ONU : Mme Migoro, vice-secrétaire général, en remplacement de M. Ban Ki Moon en déplacement en République démocratique du Congo, M. Urbina, représentant permanent du Costa Rica, président du Conseil de sécurité, M. Merores, représentant permanent d'Haïti, président du Conseil économique et social, et M. Miranda, chef de cabinet du président de l'Assemblée générale.

Des réunions ont également été organisées avec le département des opérations du maintien de la paix, représenté par M. Edmond Mulet qui remplaçait M. Alain Le Roy, également en déplacement au Congo, avec le directeur de l'équipe du Secrétaire général pour les changements climatiques, M. Pasztor, ainsi qu'avec le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateurs des secours d'urgence, responsable de la task force des Nations unies sur la crise alimentaire, Sir John Holmes.

Par ailleurs, la délégation a rencontré les représentants de l'Union européenne à New York, MM. Valenzuela et Marquardt, ainsi que le représentant permanent adjoint de la République tchèque, pays qui doit succéder à la France à la présidence de l'Union européenne. Ces entretiens ont été complétés et préparés par des réunions de travail avec notre représentation permanente auprès des Nations unies : M. Jean Maurice Ripert, notre ambassadeur M. Jean-Pierre Lacroix, représentant permanent adjoint, et M. Philippe Delacroix, secrétaire général de la délégation française. Selon leur spécialité, les différents diplomates attachés à la représentation permanente sont venus éclairer la délégation sur des points particuliers. Les missionnaires ont également participé aux briefings quotidiens de la représentation permanente.

Une rencontre organisée également avec les fonctionnaires internationaux français travaillant à l'ONU a permis d'évoquer la question de la place du français, des Français et de la francophonie aux Nations unies. Un dîner offert par l'ambassadeur a permis un échange fructueux avec un certain nombre d'ambassadeurs francophones.

En plus de ces réunions, un programme spécifique avait été prévu pour M. Didier Boulaud sur la question du Kosovo.

Enfin, lors d'un dîner offert à l'occasion de la visite à New York de la commission sur la mesure des performances économiques et le progrès social, que préside le professeur Joseph Stieglitz, la délégation a pu avoir un échange extrêmement intéressant avec le prix Nobel d'économie, mais aussi avec M. Justin Lin, économiste en chef de la Banque mondiale, avec le professeur Amartya Sen, également prix Nobel ainsi qu'avec le professeur Jean-Paul Fitoussi.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a indiqué que l'évolution récente des Nations unies se caractérisait par une polarisation croissante qui se manifeste de cinq manières. Au sein du Conseil de sécurité, deux pays, la Russie et la Chine affirment leurs positions de puissance. Par ailleurs, on constate une polarisation croissante entre le Nord et le Sud, au sein des Nations unies, accentuée par la frustration des pays émergents qui ne participent pas aux décisions de l'organe opérationnel qu'est le Conseil de sécurité. La polarisation existe aussi entre les organes des Nations unies, et notamment le Conseil de sécurité, et l'Assemblée générale du fait de l'élargissement de l'agenda du Conseil de sécurité qui traite de l'ensemble des crises internationales en y adjoignant une dimension « Droits de l'Homme » ressentie comme une ingérence et un dévoiement du Conseil par un certain nombre de pays. La présence croissante du phénomène régional, avec la montée en puissance de l'Union européenne, mais aussi de l'Union africaine ou de l'ASEAN, est une autre caractéristique de l'évolution récente de l'ONU. Enfin la polarisation s'exprime par la constatation du « double standard », particulièrement évident pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

s'est ensuite attaché à décrire le mouvement de réforme de l'ONU et, en particulier, du Conseil de sécurité. Il a indiqué que cette réforme globale est indispensable pour assurer la pérennité même de l'ONU. Le dernier élargissement du Conseil de sécurité date de 1963 et il est évident que, depuis 45 ans, le monde s'est considérablement transformé. Dans un contexte entièrement nouveau, la représentativité du Conseil de sécurité ne correspond indiscutablement plus à la réalité du monde d'aujourd'hui. L'absence de réforme ne peut conduire qu'à la contestation de sa légitimité, alors même que son rôle n'a cessé de croître au détriment relatif de l'Assemblée générale de l'Ecosoc. Le risque existe de voir un certain nombre de pays, notamment les grands pays émergents, se désintéresser d'une institution aux décisions de laquelle ils ne participent pas. Si cette tendance se poursuivait, ce serait une atteinte définitive au multilatéralisme au profit du bilatéralisme.

La France a un intérêt particulier à cette réforme, puisque sa position au sein du Conseil de sécurité, comme membre permanent disposant du droit de veto, est un vecteur d'influence majeure qui lui donne une place automatique dans tous les forums internationaux et lui permet de renforcer sa capacité de présence et de participation. M. Josselin de Rohan, président, a rappelé qu'environ deux tiers des textes adoptés par le Conseil de sécurité sont initiés par les deux membres permanents européens du Conseil, la France et le Royaume-Uni. Cette proportion est portée à 70 ou 80 % pour ce qui concerne les textes relatifs à l'Afrique, principal sujet de préoccupation du Conseil et centre d'intérêt majeur de notre diplomatie.

a indiqué que l'influence politique de la France ne se suffisait pas à elle-même et qu'elle devait être appuyée par des moyens financiers, notamment en ce qui concerne les contributions volontaires. De ce point de vue, on ne peut qu'être inquiet de l'érosion du montant des crédits. La part de la France représente moins d'1 % des fonds levés à titre volontaire par les Nations unies et est, en tout état de cause, très inférieure à celle de nos principaux partenaires européens.

S'agissant de la réforme elle-même, le Président de la République a rappelé, le 27 mars dernier, la position de la France. Celle-ci souhaite que les élargissements portent à la fois sur les membres permanents et les membres non permanents. La France soutient les candidatures de l'Allemagne, du Brésil, de l'Inde et du Japon à des sièges permanents ainsi qu'à une représentation permanente de l'Afrique. Cette réforme suppose un engagement politique des Etats membres au plus haut niveau. La suppression du droit de veto des membres permanents actuels et l'éventuelle extension de ce droit sont irréalistes et inacceptables pour les cinq membres permanents (P5). La France souligne sa disponibilité à envisager une réforme intérimaire qui consisterait, pendant une phase transitoire de 10 à 15 ans, à élire des membres semi-permanents, pour une durée de cinq ans, par exemple, rééligibles, ayant vocation à devenir permanents à la fin de la période transitoire, ainsi que des membres non permanents, avec des mandats plus longs de deux ans également rééligibles. L'avantage de cette option est de tester une solution de réforme sans la graver dans le marbre.

S'agissant du nombre de sièges total, il s'agit de trouver un équilibre entre l'efficacité d'une part, la représentativité et la légitimité d'autre part. Un consensus existe pour ne pas dépasser le nombre de 25.

a souligné qu'après de très nombreuses années de négociations, l'Assemblée générale avait adopté, au mois de septembre dernier, une décision en vue du lancement des négociations intergouvernementales avant le 28 février 2009.

a ensuite abordé la question de la place de l'Union européenne à l'ONU. Il a souligné que l'Union n'avait pas, en tant que telle, de statut officiel. Le bureau du Secrétariat du Conseil et de la Commission a le statut d'observateur. L'Europe est finalement représentée par ses 27 ambassadeurs et, en particulier, par l'ambassadeur du pays qui assume la présidence tournante, puisque celui-ci exprime officiellement les positions communes arrêtées par l'Union européenne.

L'Union européenne est d'ores et déjà très présente et active aux Nations unies. Elle est souvent le promoteur des principaux concepts et initiatives qui ont fait progresser le corps de doctrine internationale. Globalement parlant, l'Europe est le premier donateur d'aide publique au développement, avec plus de 60 % de l'APD mondiale, le premier fournisseur d'aide humanitaire, le premier contributeur au budget général (près de 40 %) et le premier contributeur de troupes et de policiers dans le cadre des OMP. Elle est un partenaire global de l'ONU.

L'Union européenne parle à l'ONU d'une seule voix, à travers sa présidence, dans la grande majorité des réunions de l'Assemblée générale et de ses six commissions, ainsi qu'à l'Ecosoc et à sa trentaine d'organes subsidiaires. La Commission intervient dans les domaines de compétence exclusive.

Cependant, au Conseil de sécurité, et en dépit du fait que le Haut représentant, Secrétaire général du Conseil européen, puisse intervenir régulièrement, la règle demeure celle d'une prise de parole à titre national par les seuls membres du Conseil.

La mise au point des positions communes engendre un intense travail de coordination, au cours de quelque 1 100 réunions internes que tient chaque année l'Union européenne à New York. Ces réunions techniques sont accompagnées de réunions hebdomadaires des chefs des missions des 27 pays de l'Union européenne auxquelles s'ajoute l'organisation de réunions semestrielles ou de rencontres organisées spécifiquement lors de la « semaine ministérielle » en format troïka ou à 27.

Grâce à cette présence soutenue, l'Union européenne a souvent été, notamment sous l'impulsion de la France, le « coureur de tête » (pour reprendre une expression de la Commission) de la promotion des valeurs, des concepts et des initiatives qui ont fait peu à peu évoluer le corps de doctrine internationale aux Nations unies : concept de développement durable (dans sa dimension environnementale et sociale) ; promotion de la bonne gouvernance (et de la lutte contre la corruption) ; défense des Droits de l'Homme, dont en particulier les droits de la femme et des enfants ; élaboration d'un droit humanitaire international ; promotion de la justice pénale internationale ; abolition de la peine de mort, etc.

Malgré ce bilan très positif, force est de constater que l'Union européenne continue de souffrir d'un certain manque d'identification aux Nations unies, alors même que les valeurs qu'elle défend sont de plus en plus contestées. Cette contestation est une réaction contre ce qu'un grand nombre de pays ou d'organisations régionales, pour des raisons diverses et parfois contradictoires, considèrent comme une trop forte emprise occidentale sur l'ONU.

Mais les faiblesses propres à l'Union européenne expliquent aussi cette absence de relief. Il en va ainsi de la lourdeur et des difficultés de la coordination interne à 27, qui aboutit, certes, à des positions communes, mais qui sont extrêmement contraintes dans leurs expressions.

Si l'Europe demeure très largement une Europe des Nations, cela ne doit pas exclure l'élaboration d'une véritable stratégie commune vis-à-vis des Nations unies et de rechercher une meilleure visibilité et une plus grande efficacité des activités de l'Union européenne à l'ONU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Cantegrit

a ensuite présenté la place de la France, du français et de la francophonie au sein des Nations unies. Il a relevé que le constat effectué dans le rapport annuel au Parlement sur l'emploi de la langue française de 2006, qui soulignait que 90 % des rapports des Nations unies étaient initialement rédigés en anglais, n'avait guère été infirmé, en dépit d'une résolution de l'Assemblée générale adoptée en 2007 qui réaffirmait l'importance de la parité des six langues officielles de l'organisation.

La place du français à l'ONU ne correspond toujours pas à celle qui lui est attribuée par les textes fondateurs. Au niveau du recrutement, la règle est de prévoir le caractère obligatoire de l'anglais et seulement « souhaitable » du français, même pour des embauches destinées à des pays francophones.

A l'Assemblée générale, alors même que l'Organisation internationale de la francophonie compte 70 membres, le nombre des interventions en français est en baisse.

L'une des principales raisons du recul du français tient aux contraintes budgétaires. En effet, la traduction des documents ou la création de sites Web se heurte aux limites du budget. De plus, lors de réunions informelles, qui jouent pourtant un rôle fondamental dans le processus de négociation des textes, la langue anglaise est systématiquement imposée. Dans ce contexte, un certain nombre de délégués francophones qui ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais sont défavorisés pour exprimer leur position.

La réduction de la place du français et des Français aux Nations unies est le fruit de la facilité. Pourtant le ministère des affaires étrangères et européennes dispose d'une stratégie claire visant à promouvoir les jeunes au travers du programme des experts associés et à suivre leur carrière, en commençant aux niveaux intermédiaires P2 et P3 et en accompagnant leur progression dans la hiérarchie.

a souligné que la place des Français à l'ONU suppose une stratégie de placement des fonctionnaires français ou francophones. Les Allemands ou les Russes appliquent une « stratégie du flipper » : quand la balle frappe en haut, il faut qu'elle redescende, ce qui signifie qu'il ne suffit pas d'obtenir les plus hauts postes, mais qu'il faut également investir sur le niveau P2-P3 qui est le niveau critique.

Des efforts particuliers doivent être faits dans les secteurs où la France a des lacunes en matière de représentation, comme la gestion, les finances ou les ressources humaines. Il en va de même au département des opérations de maintien de la paix, où il est nécessaire de prendre en considération l'importance des contingents francophones qui sont déployés dans les pays en crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

a ensuite rendu compte des discussions qui ont eu lieu sur la crise financière internationale et les problèmes économiques. Ces questions, évoquées avec les représentants permanents rencontrés, ont également été traitées lors du dîner offert par le Consul général à l'occasion de la visite à New York de la commission Stieglitz.

La principale conclusion était qu'il convenait de procéder à une relance coordonnée. Les Etats-Unis ne pourraient pas rétablir seuls les équilibres fondamentaux de leur économie. Ils auront notamment besoin de l'aide des pays excédentaires. Les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens. M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la situation des Etats-Unis se caractérisait par un déficit commercial supérieur à 700 milliards de dollars, un déficit budgétaire hors de contrôle, un endettement des ménages égal à 133 % de leurs revenus, alors même que leur taux d'épargne était inférieur à 1 % de leurs revenus, un endettement net extérieur croissant à une vitesse exponentielle, et le cours du dollar à la merci des politiques des pays détenteurs de « balance-dollars ». De plus, l'économie américaine draine 80 % de l'épargne mondiale.

Si les Etats-Unis devaient rétablir seuls leurs équilibres, cela plongerait le monde dans une récession sans précédent, les fondamentaux d'ici quelques années seraient encore plus dégradés. On ira de bulle en bulle et de crise en crise, toujours plus graves.

L'aide du reste du monde pour cette relance coordonnée est, en fait, l'enjeu majeur des prochaines réunions internationales, dont celle du G20, qui s'est tenue à Washington le 15 novembre dernier. Cette aide doit provenir des pays excédentaires, tant en ce qui concerne leur épargne que leur excédent commercial (Chine, Allemagne, Japon, pétromonarchies du Golfe). Le point le plus dur sera certainement la Chine. Celle-ci a un taux d'épargne excessif (près de 40 % de son PIB). Il est décisif qu'elle augmente sa consommation, soit par la voie des salaires, soit par le rétablissement et l'extension d'une protection sociale. Sinon, il faudra faire pression pour une réévaluation du yuan, sans qu'on puisse exclure des mesures protectionnistes (droit anti-dumping social ou écotaxes). Une initiative américaine dans ce domaine n'est pas à écarter. L'Europe devrait alors en faire autant.

s'est prononcé pour que soient fixés des objectifs de relance régionalisés (par grandes régions du monde), et ultérieurement déclinés par pays. La relance doit s'inscrire dans un projet déterminé de développement qui privilégie les investissements dans un certain nombre de secteurs. Dans le secteur de l'énergie pour préparer l'« après pétrole », dans la lutte contre l'émission de gaz à effet de serre et contre le réchauffement climatique, pour la préservation de ressources rares (eau, air, matières premières), pour l'éducation et la recherche, pour l'innovation à travers le tissu des PME-PMI qu'il faut encourager, selon J. Stieglitz, en faisant en sorte que l'Etat se porte caution des emprunts qu'elles contractent à cet effet, pour la santé et la protection sociale (y compris la politique familiale) et pour le développement, par exemple des infrastructures en Afrique ou dans l'Asie pauvre (Bengladesh, Laos, Cambodge, etc.) : eau, irrigation, transports, écoles, hôpitaux.

Pour financer cette relance, M. Jean-Pierre Chevènement suggère une utilisation à grande échelle des droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI, créés en 1976, mais qui n'ont été utilisés qu'une seule fois. En réalité, il existe une fenêtre d'opportunité ouverte par l'élection de M. Barack Obama, qui permettrait de profiter du fait que les Etats-Unis ne sont plus en mesure d'imposer seuls leur opinion et qu'il est possible aujourd'hui de passer d'une politique de l'unipolarité à une politique de la multipolarité en réformant le FMI et l'ONU.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

A la suite de cette intervention, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que l'Allemagne était en train de préparer un plan de relance de son économie et qu'il serait important que celui-ci soit coordonné avec ses partenaires. Il a également rappelé l'engagement fort du président élu, M. Obama, en faveur de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

A Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Pierre Chevènement a indiqué que si la relance américaine se faisait à base d'exonérations fiscales, de déficit budgétaire et des mises à zéro des taux d'intérêt, voire, comme cela est le cas actuellement des taux négatifs, les Etats-Unis connaîtraient effectivement une croissance en hausse, mais qui s'accompagnera également de la croissance des déficits et de l'endettement. Le redémarrage de la croissance américaine en solitaire créerait donc encore plus de problèmes, d'autant plus que le dollar demeure une monnaie mondiale, mais qui est gagée par les avoirs chinois ou des monarchies du Golfe. Si l'on veut corriger ce déséquilibre, il faut une coordination internationale entre l'ensemble des grands acteurs, qui aboutira à un nouveau modèle de développement. Il a souligné que la position de la France en matière d'infrastructures, de traitement de l'eau, d''assainissement, etc., pouvait être favorable dans ce contexte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

A M. Christian Cambon, qui s'interrogeait sur la place du français et des Français à l'ONU, comme au sein des institutions européennes, M. Jean-Pierre Cantegrit a indiqué qu'effectivement la contrainte budgétaire était importante, dans la mesure où, globalement parlant, les contributions françaises aux institutions internationales diminuaient de manière significative, ce qui correspondait à une perte d'influence.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a indiqué qu'il était nécessaire que les candidats français à des postes internationaux soient trilingues et que, pour développer la place de notre langue, il convenait de travailler avec les autres pays francophones. Cela étant, on ne peut que constater que, pour des raisons de facilité, l'anglais domine.