Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Raoul Briet, président du conseil de surveillance, et Antoine de Salins, membre du directoire du Fonds de réserve pour les retraites, sur la situation du Fonds.
a indiqué que cette audition, ouverte aux membres de la commission des affaires sociales, permettrait d'examiner le rôle du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) dans le financement à venir des régimes de retraites et de vérifier ses performances dans la gestion des 25,8 milliards d'euros qui lui ont été confiés depuis l'origine, face à une volatilité accrue des marchés financiers.
Selon le rapport annuel 2007, ces 25,8 milliards d'euros auraient connu, sur les trois premières années d'investissement, une performance annualisée de 8,8 %, portant à 34,5 milliards d'euros sa capitalisation au 31 décembre 2007. Il a relevé qu'en 2007, la performance avait été notoirement inférieure à cette moyenne et, surtout, que certaines notes de la direction financière évoquaient l'hypothèse d'une performance nulle, voire négative, en 2008. Il a également souhaité obtenir des précisions sur les raisons ayant conduit le FRR à résilier, le 7 mai 2008, deux mandats de gestion.
a remarqué qu'il avait été décidé, à partir du mois d'octobre 2007, d'augmenter la position du FRR en actions (64,5 % du portefeuille, contre 60 % prévus par la stratégie d'allocation d'actifs). Il a souhaité savoir comment cette décision avait été prise et si le FRR la regrettait aujourd'hui. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la politique « d'investissement responsable » menée par le Fonds et a souhaité en connaître l'impact sur la performance des placements effectués. Il s'est également demandé si le FRR ne se comportait pas en partie comme un fonds souverain « à la française » et a souhaité connaître la proportion des investissements effectués dans des entreprises françaises à fin 2007.
Il a enfin souhaité que des précisions soient apportées s'agissant de son rôle dans le financement des retraites après 2020 et des modalités d'utilisation de ses fonds à compter cette date. Le FRR devant permettre de financer environ un tiers des besoins supplémentaires entre 2020 et 2040, il s'est demandé s'il y avait une logique à ce que les Français payent chaque année une contribution à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) pour le désendettement de la sécurité sociale et, en parallèle, une autre contribution afin d'épargner des fonds dans la perspective de l'après 2020.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Raoul Briet, président du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites, après avoir rappelé le contexte de création du FRR et son organisation, a relevé l'irrégularité des abondements annuels dont il avait bénéficié. Depuis 2006, le Fonds ne bénéficie plus d'excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAVTS), ni de recettes provenant de privatisations et n'a été alimenté que par les ressources qui lui sont affectées par la loi, en l'occurrence une fraction du prélèvement social de 2 %. Il a précisé que la croissance des actifs au cours des exercices 2006 et 2007 s'expliquait ainsi plus par les résultats de placements obtenus par le Fonds que par les abondements dont il a fait l'objet.
a observé que l'allocation stratégique du FRR avait été revue en mai 2006. Elle se décomposait aujourd'hui ainsi : 60 % en actions (contre 55 % précédemment), 30 % en obligations (contre 45 % précédemment) et 10 % en actifs de diversification. Il a précisé qu'avec cette allocation, la probabilité de dégager une performance au moins équivalente à 4,4 % en nominal, correspondant au coût des ressources publiques affectées au FRR et donc non utilisées pour désendetter l'Etat, s'établissait à près de 80 %.
Sur longue période, on observe un écart de rendement significatif entre les actions et les obligations, de l'ordre de 300 à 400 points de base, accompagné d'une volatilité supérieure des actions, volatilité que, seul, un investisseur de long terme peut assumer. Il a également relevé que les fonds de réserve mis en place par d'autres Etats avaient développé des stratégies d'investissement comparables.
Il a indiqué que la performance nette annualisée du FRR s'établissait à + 8,8 % depuis le démarrage de ses investissements en juin 2004, et à + 4,8 % en 2007, soit une performance annuelle moyenne comparable à celle d'autres investisseurs institutionnels européens.
a ensuite relevé que les coûts de fonctionnement du FRR avaient été maîtrisés, puisqu'ils s'établissaient en 2007 à 17 points de base, pour un étalon de référence international évalué à 19 points de base. Il a précisé que les coûts de fonctionnement provenaient pour les deux tiers des frais de gestion payés aux gestionnaires d'actifs et, pour le tiers restant, des frais généraux liés à la structure de fonctionnement du fonds.
Puis il a évoqué les effets, sur l'évolution des actifs du fonds, des « turbulences financières » observées en 2007 et au début 2008. Il a noté que la performance du FRR depuis le début de l'année 2008 était négative à hauteur de 4,4 %, ramenant la performance annuelle moyenne depuis juin 2004 à + 6,8 %, mais que le point bas de l'exercice avait été rencontré le 21 mars 2008, date à laquelle la performance depuis le début de l'exercice était négative à hauteur de 9,6 %.
a fait valoir qu'en dépit de ce choc financier, la performance annuelle moyenne de + 6,8 % était en phase avec la trajectoire de long terme d'évolution des actifs retenue par le FRR. Il a également indiqué que, de juin 2004 au 2 mai 2008, celui-ci avait généré des résultats financiers positifs à hauteur de 6,3 milliards d'euros, soit 3,4 milliards d'euros de plus que ce qu'auraient rapporté des placements obligataires. La probabilité que l'allocation stratégique permette de susciter un rendement moyen sur longue période supérieur à 4,4 % était ainsi estimée à 74 %, fin mars 2008.
Puis il a évoqué les perspectives du FRR : il entend poursuivre la mise en oeuvre de la diversification des actifs, procéder à un renouvellement des mandats confiés en 2003/2004 et réviser son allocation stratégique. Le FRR affinerait sa stratégie d'investissement responsable, en approfondissement les actions menées depuis 2003. Il devrait ainsi analyser les possibles impacts du réchauffement climatique sur sa politique d'investissement, dans le cadre du réexamen de l'allocation stratégique ; développer la - comme il l'a fait en se désinvestissant d'entreprises ne respectant pas la convention d'Ottawa sur l'interdiction de l'emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction - et se doter d'un comité pour l'investissement responsable.
a enfin apporté des précisions sur le rôle du FRR dans le financement des régimes de retraite. Il a noté que, sous des hypothèses de performance annuelle moyenne de 6,3 %, et avec un abondement annuel d'1,5 milliard d'euros entre 2007 et 2020, les actifs du FRR atteindraient environ 100 milliards d'euros à cette date, ce qui lui permettrait de couvrir près d'un tiers des besoins supplémentaires de financement des régimes éligibles au Fonds sur la période courant de 2020 à 2040. Dans ce schéma, le Fonds génèrerait 46 milliards d'euros de résultat financier positif cumulé à l'horizon 2020, soit 19 milliards d'euros de plus que le coût des ressources publiques affectées au FRR et non utilisées pour désendetter l'Etat.
Il a observé que les réserves ainsi accumulées par le FRR ne dispenseraient pas de mener certaines réformes afin d'assurer un financement pérenne des régimes de retraite. Il a également estimé qu'il convenait de préciser le rôle qu'on entendait assigner au FRR dans le financement à long terme du système de retraites par répartition, et ce, dans une perspective de bonne gestion financière sur le long terme, l'allocation stratégique pouvant être différente selon les missions attribuées au Fonds.
a tout d'abord rappelé que les comptes du FRR, établis en valeur de marché, faisaient l'objet d'une certification par des commissaires aux comptes.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'allocation stratégique, il a remarqué que l'on observerait, même en l'absence d'action du directoire, une déformation de la structure de l'allocation des actifs en fonction de l'évolution des marchés, ce qui nécessite la mise en place d'une allocation tactique à plus court terme. Il a précisé que le directoire pouvait faire varier la part des actions, à court terme, dans une fourchette comprise entre 51 % et 69 % de l'actif total du fonds.
Il a indiqué que le directoire avait neutralisé la position en actions à partir de mars 2007, puis s'était à nouveau exposé à compter de l'automne 2007. La position avait été gagnante dans un premier temps, jusqu'à la fin décembre 2007, puis la baisse des marchés avait conduit le Fonds à neutraliser progressivement sa position en actions. M. Antoine de Salins a noté que le FRR était aujourd'hui sous-exposé en actions et a estimé qu'au-delà de ces variations de court terme, seules les évolutions de long terme importaient.
Puis il a apporté quelques précisions sur la diversité géographique des actifs du Fonds, en indiquant que les trois quarts des placements du FRR étaient effectués en Europe, essentiellement au sein de la zone euro, dont 20 % en France.
Il a relevé que le FRR n'était pas contraint de privilégier les placements en France, même si ces derniers étaient quatre fois supérieurs au poids de la France au sein de la capitalisation boursière mondiale. Il a jugé important que le FRR effectue des placements au sein de différentes zones géographiques afin de maximiser ses résultats.
a ensuite indiqué que la résiliation, le 7 mai 2008, de deux mandats de gestion s'expliquait par l'insuffisance des performances financières constatées par rapport aux objectifs fixés et aux indices de référence.
a relevé le caractère vertueux du FRR, mais a souligné le paradoxe qui consistait à l'abonder, alors que l'Etat et les organismes de sécurité sociale connaissaient des déficits.
a rappelé que le FRR avait été mis en place à un moment où la CNAVTS était excédentaire et que les dotations accordées au FRR étaient neutres du point de vue du solde des administrations publiques. En revanche, il a indiqué qu'elles conduisaient à accroître le montant de la dette publique brute, concept sur lequel il a formulé certaines réserves. Il a notamment estimé que la situation des régimes de retraite par répartition conduisait à la formation d'une dette implicite et que l'on pouvait considérer, de ce point de vue, le FRR comme un instrument de désendettement à long terme. Il a également fait valoir que les régimes AGIRC et ARRCO constituaient, eux-mêmes, des réserves pour faire face aux besoins de long terme.
a jugé qu'il eût été préférable d'être en excédent pour provisionner ces dépenses futures.
a indiqué que les abondements du fonds, à hauteur d'1,5 milliard d'euros environ ces dernières années, ne suffiraient pas à faire face aux difficultés rencontrées par les organismes de sécurité sociale. Il a estimé, en outre, qu'il serait inopportun de les transférer à la CADES, dans la mesure où ceci pourrait conduire à un relâchement de l'effort de redressement des comptes sociaux.
a rappelé les raisons ayant présidé à la création de la CADES et a noté que celle-ci n'avait pas empêché les comptes sociaux de se dégrader. Il a ensuite souhaité savoir si le FRR avait souscrit des bons du Trésor, mais également des obligations islamiques (sukuk), à propos desquelles la commission avait obtenu des précisions lors d'une table ronde sur la finance islamique.
a indiqué qu'environ 4 % des actifs du FRR étaient investis en bons du Trésor et que ceci correspondait à un choix des gestionnaires de mandats. En revanche, il a précisé que le FRR n'avait pas d'actifs investis en sukuk.
s'est étonné que le FRR ne dispose pas d'une orientation claire concernant l'utilisation de ses réserves à partir de 2020 et a souhaité obtenir des précisions sur ce point.
a jugé nécessaire que le FRR dispose d'une « feuille de route » officielle, mais a indiqué que cette absence pouvait s'expliquer par l'horizon actuellement retenu pour les cadrages macroéconomiques, qui s'arrêtent avant 2020, date à partir de laquelle le FRR pourra utiliser ses actifs afin de lisser les besoins de financement des régimes de retraite.
Il a précisé que ces actifs pourraient atteindre environ 100 milliards d'euros à cette date, ce qui lui permettrait de couvrir près d'un tiers des besoins supplémentaires de financement des régimes éligibles au Fonds sur la période courant de 2020 à 2040.
a souhaité savoir s'il était possible de faire croître davantage les ressources du FRR.
a indiqué qu'il pourrait être envisagé de lui affecter, le cas échéant, le produit de cessions d'actifs.
a noté que le FRR constituait un outil intéressant, mais que son bénéfice était limité à certains régimes éligibles.
a indiqué que le champ d'action du FRR était effectivement circonscrit.
a souhaité obtenir des précisions sur la certification des comptes du FRR. Il s'est également demandé si ce dernier envisageait d'investir davantage dans les PME françaises, afin d'alimenter la croissance de l'économie nationale.
ont indiqué que les comptes du FRR avaient fait l'objet d'une certification sans réserve et ont précisé que la Cour des comptes pouvait également les contrôler. M. Antoine de Salins a également relevé que les coûts de fonctionnement du FRR étaient maîtrisés.
Il a estimé que la question de l'investissement dans les PME françaises était complexe : investir dans les PME pouvait entraîner, sur le long terme, une augmentation de la croissance potentielle de l'économie, mais plus la stratégie d'investissement était contrainte par des biais, plus la performance pouvait être réduite. En outre, il a jugé essentiel que le FRR se positionne sur des marchés émergents, qui seront les principaux vecteurs de la croissance mondiale à l'avenir.
Il a rappelé que près de 20 % des actifs du FRR étaient investis en France et que 20 à 30 % des actions détenues par le fonds correspondent à des PME françaises cotées. Il a indiqué qu'il en allait de même pour les actifs investis en capital-investissement.
a observé que, même s'il s'agissait d'une fonction implicite, le FRR permettait également à la population de constituer une épargne retraite en bénéficiant de coûts d'intermédiation et de gestion très inférieurs à ceux auxquels elle pourrait prétendre à titre individuel.