En application du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, et de l'article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Luc Hees, candidat proposé à la nomination à la présidence de la société Radio France.
Après avoir présenté le nouveau processus de désignation des présidents des sociétés nationales de programme, M. Jacques Legendre, président, a souhaité que M. Jean-Luc Hees, candidat proposé par le Président de la République pour assurer la présidence du groupe Radio France, présente dans un premier temps son projet général pour la société radiophonique.
Soulignant que Radio France est un service public qui appartient à tous les Français, M. Jean-Luc Hees a estimé tout d'abord parfaitement légitime que le candidat à sa présidence doive se présenter devant les représentants de la Nation. Il s'est par conséquent abstenu de délivrer tout commentaire aux médias avant d'être auditionné par les commissions des affaires culturelles des deux assemblées. Il a tenu en outre à souligner qu'il ne connaissait pas personnellement le chef de l'Etat et que, en tant que journaliste indépendant soucieux de l'éthique, il n'avait jamais révélé publiquement ses opinions politiques lesquelles n'ont pas été prises en considération pour sa nomination. Le choix de l'exécutif est lié à la volonté de nommer un journaliste ayant une expérience de la radio à la tête de Radio France.
a ensuite fait part de sa conception de la radio de service public. En tant qu'institution républicaine, elle doit délivrer une information complète, sérieuse, pluraliste et de qualité. La spécificité du service public réside dans un attachement à ces valeurs qui représentent au demeurant un atout compétitif pour le groupe Radio France.
Il a enfin souhaité développer quatre points relatifs aux antennes de Radio France, aux relations sociales, à la réhabilitation de la Maison de Radio France et aux nouvelles technologies :
- avec douze millions d'auditeurs, sept chaînes et quatre formations musicales, Radio France est le premier groupe radiophonique français. L'audience de France Inter ayant baissé de 11,8 à 10,2 points d'audience depuis 2003, la programmation doit probablement être renouvelée de manière progressive, afin de respecter les habitudes de ses « auditeurs fusionnels ». France Info et France Bleu sont des modèles respectifs de radio d'information et de radio ancrée dans la vie locale, France Bleu devant disposer d'une meilleure couverture afin de satisfaire les publics des zones peu urbanisées. L'exigence intellectuelle de France Culture en fait un exemple parfait de la spécificité du service public. France Musique dispose d'un atout unique avec les formations musicales de Radio France, qui doivent être encore davantage exposées. Enfin, le Mouv répond bien au souci de répondre à l'érosion de l'audience jeune du groupe, mais ne doit pas devenir un ghetto jeune : elle doit s'adresser à tous les publics avec des contenus innovants dans les domaines culturels et politiques. FIP, enfin, doit constituer une priorité, sa diffusion devant être étendue notamment grâce aux nouvelles technologies ;
- avec 4 500 salariés, la masse salariale de Radio France représente 60 % du budget de l'entreprise. La dissolution de l'association des employeurs de l'audiovisuel public, liée au retrait de France Télévisions devenue entreprise unique depuis la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, impose de renégocier les conventions collectives de l'audiovisuel public qui datent de 1984. La nouvelle convention devra constituer un cadre adapté aux nouveaux métiers apparus depuis une vingtaine d'années ;
- la réhabilitation de la Maison de Radio France constitue un enjeu important tant pour les personnels que pour les finances de l'Etat. Les travaux, dont le coût estimé à 420 millions d'euros dépasse les prévisions du contrat d'objectifs et de moyens négocié avec l'Etat, seront l'un des sujets de préoccupation majeurs du prochain président ;
- la diffusion numérique est entrée dans les moeurs et la radio numérique terrestre sera à moyen terme le principal mode de diffusion des programmes radiophoniques, de même qu'Internet, sur lequel un tiers des Européens écoutent déjà la radio. M. Jean-Luc Hees s'est félicité, à cet égard, que le groupe Radio France se soit en partie adapté à cette évolution en mettant à disposition des internautes près de 80 millions de podcasts par an. Néanmoins, les modèles se transforment rapidement, comme le montre l'expérience du système Pandora aux Etats-Unis d'Amérique, et Radio France devra être attentive à l'originalité et à la pertinence de sa diffusion sur Internet.
Après avoir regretté que les modalités de nomination des présidents de sociétés nationales de programme ne laissent que peu d'options aux groupes d'opposition, et déploré que la procédure de révocation n'ait pas été davantage encadrée, M. Serge Lagauche a demandé à M. Jean-Luc Hees s'il éprouvait de l'appréhension au sujet du sort qui lui serait réservé par les commissions des affaires culturelles.
a fait part de l'angoisse bien naturelle qu'il éprouvait, liée à la procédure de nomination, mais s'est aussi déclaré honoré de défendre son projet devant les représentants de la Nation.
Après avoir à son tour également regretté que le mode de désignation des présidents des sociétés de l'audiovisuel public ne soit pas équilibré par un encadrement de la révocation, M. Ivan Renar a souhaité savoir si M. Jean-Luc Hees, artisan d'une « insolence tranquille » lorsqu'il dirigeait France Inter, pensait que l'impertinence était utile à notre démocratie. Celui-ci a répondu qu'il défendait surtout un principe de liberté contre les pressions venues de l'extérieur et que la qualité des émissions de divertissement relevait davantage d'un mélange d'humour et d'intelligence que de l'impertinence. Le service public doit s'attacher à fixer des limites claires à la liberté d'expression qui sont celles de la diffamation, du mensonge et de l'injure.
rappelant que le contrat d'objectifs et de moyens de Radio France venait à échéance en 2009, a souhaité connaître les inflexions que le candidat envisageait de proposer, s'il estimait que le niveau du financement était pertinent et quels seraient les choix à effectuer au cas où des économies seraient demandées. Il a ensuite insisté sur la nécessaire extension du réseau de France Bleu et sur l'importance de ses antennes locales. Enfin, il a souhaité connaître l'avis du candidat sur l'intérêt de faire jouer les orchestres de Radio France sur l'ensemble du territoire.
Soulignant la qualité exceptionnelle des orchestres de Radio France, M. Jean-Luc Hees s'est déclaré très favorable à l'organisation de concerts en province et plus largement à la démocratisation du public de la musique classique, en imaginant que, les mercredis après-midi, un public scolaire puisse venir en masse assister aux répétitions des orchestres à Radio France. Il a ensuite refusé de s'exprimer sur le contrat d'objectifs et de moyens du groupe en indiquant qu'il n'avait pas connaissance des négociations afférentes. Enfin, il a reconnu que la nécessaire amélioration de la couverture de France Bleu se heurterait probablement aux impératifs budgétaires qui lui seraient fixés.
Remarquant que France Bleu est à Radio France ce que France 3 est à France Télévisions, Mme Catherine Morin-Desailly a demandé au candidat s'il jugeait que la part des programmes locaux dans la grille de France Bleu était suffisante, s'il avait une idée pour définir un indicateur spécifique permettant de mesurer la qualité du service public rendu par les programmes de Radio France, et si la perte du monopole de la mobilité pour la radio mettait en question l'existence de ce média à moyen ou long terme.
S'agissant de France Bleu, M. Jean-Luc Hees a considéré que les initiatives régionales devaient probablement être davantage libérées et que les parts d'audience, en stagnation depuis une dizaine d'années, pouvaient être augmentées. Il a ensuite considéré que la meilleure évaluation était selon lui « l'oreille qualitative » des patrons d'antenne et que des outils plus objectifs lui sembleraient peu efficaces. La convergence médiatique est enfin une opportunité qui, loin de menacer la radio, va au contraire lui donner les moyens d'enrichir et d'améliorer sa programmation.
Notant que le prochain président de Radio France arriverait dans un contexte spécifique marqué par la crise et par un décalage croissant entre la société et le monde politique, M. Yves Dauge a souhaité connaître les voies qui permettraient aux médias, notamment radiophoniques, d'apporter certaines réponses à ces difficultés. Il a également demandé au candidat si les groupes Radio France et France Télévisions pouvaient définir des visions et stratégies communes et si des synergies étaient susceptibles d'être dégagées. Enfin, signalant que 61 % des Français ne connaissaient pas la date des élections européennes, il a demandé si les médias pouvaient avoir un rôle pédagogique sur la question de l'Europe.
Estimant que la radio de service public doit avoir une mission démocratique, M. Jean-Luc Hees a insisté sur le fait que Radio France devait accompagner les Français, non seulement à travers sa programmation, mais aussi par la mise en place de services dans les régions, grâce au maillage local de France Bleu. Si le démantèlement de l'Office de radiodiffusion télévision française (ORTF) et la différenciation des activités de télévisions et de radio ont eu un impact bénéfique à la fois pour France Télévisions et Radio France, la définition de partenariats ponctuels, comme par exemple pour les Victoires de la Musique, est une voie de développement extrêmement pertinente pour les deux groupes. Dans la mesure où la question de l'intérêt du public pour les questions européennes est un « serpent de mer médiatique », il a estimé qu'une approche novatrice passant par une médiatisation des personnalités des autres pays européens serait plus pertinente.
a souligné qu'une des fonctions essentielles de la presse, de la radio et la télévision consistait à structurer un espace public pluraliste et dynamique au sein duquel les citoyens devaient pouvoir se reconnaître afin de débattre dans des conditions d'égalité. S'il a salué les compétences de M. Jean-Luc Hees, fruits d'une longue et brillante expérience de la radio en tant que journaliste, il a déploré une procédure de nomination pour laquelle le rôle du Parlement se résume à « adouber » le candidat sélectionné par l'exécutif. Enfin, il a encouragé la future direction de Radio France à observer, dans la perspective de prochaines négociations collectives, les principes posés par les lois dites « Auroux » de 1982 en matière de relations sociales et de représentativité des personnels au sein des organes dirigeants.
a déclaré faire sienne la philosophie de M. Jacques Rigaud, ancien président-directeur général d'une station de radio, selon laquelle « une belle radio est celle d'un honnête homme » : il s'est ainsi engagé à développer un service public de la radio susceptible de délivrer à des citoyens curieux et avides de sens une information complète et diversifiée.
a dénoncé l'aspect surréaliste et artificiel de la procédure de nomination. Il a ensuite interrogé le candidat sur les enseignements qu'il retenait de son parcours de journaliste effectué pour une grande part aux Etats-Unis, notamment en matière de traitement de l'information. Enfin, il a rappelé que les élus locaux demeuraient profondément attachés au maillage déconcentré de Radio France : il a dès lors souhaité savoir si le candidat était disposé à ce que la future direction fasse du renforcement et de la consolidation de la dimension locale de Radio France une priorité des négociations du prochain contrat d'objectifs et de moyens liant la station à l'Etat.
Convaincu qu'une radio locale doit s'efforcer de rester au plus près des préoccupations spécifiques de son audience, M. Jean-Luc Hees a estimé que France Bleu devait s'employer à renforcer le lien de proximité de ses antennes locales avec leurs publics, en prenant mieux en compte leurs attentes, le cas échéant en repensant les horaires de diffusion de certaines émissions ou en réexaminant leur programmation musicale.
Il a ensuite indiqué que son expérience de journaliste aux Etats-Unis lui avait permis de constater que les défauts propres à la culture américaine du « mass media » étaient contrebalancés par l'engagement éthique exceptionnel des journalistes américains, bien que celui-ci ait été profondément remis en cause à l'occasion de la couverture médiatique de l'intervention américaine en Irak.
a regretté que le caractère artificiel et biaisé de la procédure de nomination par l'exécutif ne permette pas au candidat de défendre efficacement son projet. Il a ensuite souhaité savoir si les entretiens du candidat avec le Président de la République avaient également porté sur la présidence de France Inter et l'identité de son futur titulaire.
Réaffirmant son attachement au respect de la confidentialité de ses entrevues avec le chef de l'État, M. Jean-Luc Hees a répondu qu'il n'avait jamais été question ni de contenus ni de personnes.
s'est interrogée sur la marge de liberté dont disposerait la future direction de Radio France par rapport à un cahier des charges qui semble lui être imposé par avance. Elle a sollicité des précisions sur l'idée forte que le candidat souhaiterait imprimer à la gestion de la station.
a reconnu que si sa formation de journaliste ne le destinait pas a priori à assumer des fonctions de gestionnaire, son expérience à la tête de rédactions aux effectifs croissants lui avait permis de consolider ses compétences managériales. Il a souligné qu'il connaissait particulièrement bien l'entreprise pour y avoir longuement travaillé, et qu'il avait toujours entretenu des relations constructives avec l'ensemble de ses personnels, dont il a salué la vaste gamme de talents.
a regretté que la procédure de nomination prévue par la récente loi organique sur la nomination des présidents de l'audiovisuel public conduise les parlementaires non pas à se prononcer sur les compétences des candidats mais à se déterminer par rapport à un choix dont l'exécutif conserve au final la pleine maîtrise. Il a ensuite interrogé le candidat sur le point fort de Radio France sur lequel il pourrait compter et le point faible avec lequel il devrait composer.
a rappelé que sa démarche de candidature s'inscrivait dans une volonté de convaincre les pouvoirs publics sur le long terme, et que, à ce titre, il demeurerait en permanence comptable non seulement auprès d'organismes tels que la direction du développement des médias et le Conseil supérieur de l'audiovisuel mais également auprès des représentants de la nation, notamment quant à l'utilisation que l'entreprise fera des financements publics qui lui sont consentis.
Il a estimé que l'atout principal de Radio France résidait dans les compétences et la qualité de l'engagement éthique de ses personnels. Il a rappelé que, à la différence de la télévision publique, le service public de la radio devait produire 100 % de ses contenus en diffusion directe.
S'agissant des difficultés les plus importantes que l'entreprise devra surmonter, il a estimé que le chantier de réhabilitation constituait un défi coûteux mais majeur.
a souhaité savoir dans quelle mesure Radio France était susceptible de coopérer avec le pôle audiovisuel extérieur de la France, notamment Radio France Internationale (RFI), en soutien à sa politique francophone. Il a également interrogé le candidat sur les perspectives de promotion des langues régionales dans le cadre de la programmation des antennes locales de France Bleu. Enfin, il a rappelé que la commission des affaires culturelles s'emploierait à exercer un contrôle étroit et régulier de la gestion des entreprises de l'audiovisuel public.
a indiqué que la coopération et des synergies entre tous les organismes audiovisuels publics devront être développées, notamment entre Radio France et RFI. A ce titre, il a relevé que, déjà actuellement, un certain nombre de journalistes de RFI en poste à l'étranger permettaient d'assurer les correspondances de Radio France. En matière de soutien à la politique francophone de la France, il a souligné que France Inter diffusait une émission spécifiquement consacrée à la littérature francophone.
Se prononçant par un vote au scrutin secret, la commission a donné un avis favorable par 20 voix « pour » sur 39 votants (19 votes blancs), à la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France.