Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 15 novembre 2006 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

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  • afghanistan
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La réunion

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Debut de section - Permalien
mission interministérielle « Sécurité »

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis, sur le projet de loi de finances pour 2007, de M. Jean Faure, sur la mission interministérielle « Sécurité »-Gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a relevé la progression de 2,5 % des crédits pour la gendarmerie (programme 152), supérieure à celle du budget de l'Etat (0,8 %). Les autorisations d'engagements pour 2007 sont de 7,8 milliards d'euros contre 7,4 milliards d'euros en 2006 (soit une augmentation de 6,18 %) et ses crédits de paiement sont de 7,4 milliards d'euros en 2007 contre 7,2 milliards pour 2006 (soit une augmentation de 2,92 %).

Les dépenses de personnel s'élèvent à 6 milliards d'euros pour 2007 contre 5,8 milliards en 2006, soit une augmentation de 3,1 %, et représentent 80 % des crédits de paiement.

Au titre de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI), la création de 950 emplois est prévue pour l'annuité 2007 et sera réalisée en mi-année, ce qui correspond à 475 équivalents à temps plein. Il a rappelé que cette loi avait fixé à 7 000 personnes les renforts nécessaires à la gendarmerie pour la période 2003-2007. Or, la gendarmerie a bénéficié de 6 050 personnes et le déficit de 950 postes devra être résorbé sur l'année 2008.

Par ailleurs, le plan d'adaptation aux responsabilités exercées entraîne également des dépenses de personnels. Il se traduit par un repyramidage qui suppose la transformation d'emplois de sous-officiers en emplois d'officiers, ainsi que d'emplois de gendarme et de maréchal des logis-chef en emplois de gradés supérieurs. Ces transformations concernent 750 emplois nets en 2007.

Abordant les dépenses de fonctionnement hors loi de programmation militaire, (560 millions d'euros), il a tout d'abord évoqué le passage du réseau Saphir 2G au réseau Saphir 3G, qui permettra d'accroître rapidement le périmètre de couverture du réseau intranet de la gendarmerie et d'y raccorder 4 300 sites répartis sur le territoire national (DOM-TOM compris). Ainsi, en 2007, 85 000 personnels de la gendarmerie disposeront d'un accès à l'intranet. Il a ensuite détaillé les modes de financement des constructions neuves du parc locatif et mis en lumière le très net glissement, observé depuis 2004, des investissements des collectivités locales vers la procédure des baux emphytéotiques administratifs (BEA). La part des BEA dans l'ensemble des financements des constructions neuves du parc locatif est ainsi passée de 3,8 % en 2005 à 47,9 % en 2007.

La montée en puissance du dispositif BEA a pour conséquence un transfert de charges des collectivités locales vers l'Etat. La construction d'une caserne de gendarmerie, qui représentait jusque là une charge pour les collectivités, devient progressivement neutre sur le plan financier pour ces dernières. Toutefois, malgré l'attrait que présente le recours au BEA, compte tenu de sa capacité à résoudre une situation immobilière très difficile, il ne faut pas se cacher le surcoût des loyers inhérents à cette modalité de financement.

a ensuite évoqué les dépenses relevant du périmètre financier de la LPM et de la LOPSI, rattachées aux titres 3, 5 et 6.

Pour l'entretien programmé du personnel et du matériel, les autorisations d'engagement en 2007 s'élèvent à 65 millions d'euros et les crédits de paiement à 81 millions d'euros.

L'entretien programmé du matériel regroupe les crédits de maintien en condition opérationnelle, notamment en ce qui concerne les hélicoptères. Des crédits de près de 15 millions d'euros permettront de maintenir un taux de disponibilité des hélicoptères de la gendarmerie supérieur à 80 %.

Pour l'informatique et les télécommunications, les autorisations d'engagement s'élèvent à 68 millions d'euros et les crédits de paiement à 101 millions d'euros.

Ces crédits seront consacrés au développement de nouveaux projets d'ampleur nationale conditionnant l'efficacité opérationnelle : plan global de secours, programmes PULSAR, AGORHA et ARIANE (application de rapprochements, d'identifications et d'analyses pour les enquêteurs). Le projet ARIANE reposera sur la fusion des fichiers judicaires de la gendarmerie et de la police, concrétisant ainsi la coopération fonctionnelle entre ces forces. Ces crédits permettront également d'adapter aux besoins opérationnels le réseau de radiocommunication RUBIS, caractérisé notamment par la confidentialité et la disponibilité, et qui couvre plus de 80 % du territoire. Le rapporteur pour avis a rappelé que le déploiement de chacun des réseaux RUBIS (gendarmerie) et ACROPOL (police) avait représenté un coût de l'ordre de 600 000 millions d'euros, qu'ils devaient être interopérables et que la prochaine génération d'infrastructure de communication devrait, bien évidemment, être commune à la police et à la gendarmerie.

Les dépenses d'équipement s'élèveront à 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et 174 millions d'euros en crédits de paiement. Elles concerneront :

 - les véhicules : près de 2 000 voitures de brigades et de police de la route seront acquises en 2007, ainsi que 300 véhicules de groupe pour la gendarmerie mobile, destinés au maintien de l'ordre. Par ailleurs, de nouveaux véhicules blindés remplaceront les VBRG (véhicules blindés à roues de la gendarmerie) ; 78 engins vont être commandés en 2007 et les livraisons devraient débuter en 2008 ;

- les hélicoptères : pour le renouvellement des hélicoptères de surveillance et d'intervention, de type « Ecureuil », le PLF 2006 a prévu les 80 millions d'euros d'autorisations d'engagement nécessaires à l'achat de 12 appareils. Cette première phase devra être poursuivie par des commandes ultérieures, à hauteur de 25 appareils ;

- les armes individuelles : au total, 105 000 nouvelles armes de poing (SIG PRO 2022) seront acquises fin 2006, en remplacement du pistolet automatique MAS G1. Par ailleurs, dans le cadre du plan d'équipement en technologies de neutralisation et de protection, la gendarmerie a prévu d'acquérir 2 739 pistolets à impulsion électrique (PIE) de marque TASER. Une commande de 736 PIE est prévue fin 2006. Elle doit être complétée par une commande de 1000 PIE en 2007.

Pour l'immobilier, au titre 5 sont inscrits 617,50 millions d'euros en autorisations d'engagement et 192 millions d'euros en crédits de paiement. Les crédits immobiliers « courants » sont destinés à poursuivre les constructions de casernes domaniales lancées avant 2007, à mettre en chantier de nouvelles opérations prioritaires (Pontoise, Fort-de-France, Melun, Issy-les-Moulineaux, Villeneuve d'Ascq), à financer la réalisation de deux centres de rétention administrative et à réaliser les opérations de maintenance immobilière indispensables à la sécurité et à l'amélioration des conditions de vie des personnels.

Pour l'ensemble de ces mesures, les autorisations d'engagement s'élèvent à 217,5 millions d'euros et les crédits de paiement à 192 millions d'euros.

Par ailleurs, des autorisations d'engagement que l'on peut qualifier d'exceptionnelles sont inscrites à ce même titre 5, pour l'année 2007, et pour un montant de 400 millions d'euros. Elles sont destinées à l'amélioration du parc domanial, dont plus de 70 % a plus de 25 ans et qui a atteint un niveau de vétusté très préoccupant. Le ministre de la défense souhaite accélérer de façon significative la remise à niveau du parc domanial en ayant recours à des procédures de partenariat public-privé avec autorisation d'occupation temporaire du domaine public (AOT). Selon le ministère de la défense, les dépenses correspondant à ces opérations nées du partenariat public-privé et fondées sur l'AOT seront « échelonnées sur toute la durée du contrat (une trentaine d'années pour les opérations évoquées)».

a enfin rappelé que, comme l'an passé, le programme Gendarmerie nationale est décliné en cinq actions.

Les crédits initialement affectés à l'action 4 (commandement, ressources humaines et logistique) étant ensuite ventilés au sein du programme 152 sur la base des relevés d'activités réelles des unités opérationnelles, il en résulte la répartition suivante des crédits de la gendarmerie :

- 55 % pour l'ordre et la sécurité publics,

- 14 % pour la sécurité routière,

- 28 % pour la police judiciaire et le concours à la justice,

- 3 % pour l'exercice des missions militaires.

En ce qui concerne les missions militaires, le rapporteur a relevé avec satisfaction que les dépenses d'opérations extérieures, dont le montant, en 2006, s'élève à 20 millions d'euros pour les dépenses de personnel et 4,5 millions pour les dépenses de fonctionnement, font, dans le budget 2007, l'objet de provisions ramenées respectivement à 11 et 4 millions d'euros. La lisibilité budgétaire sur les OPEX, que la commission avait appelée de ses voeux, l'an passé, est ainsi améliorée.

En conclusion, M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rendu hommage à la gendarmerie, force de sécurité à statut militaire, qui assure la sécurité de 46 % des Français sur 95 % du territoire national, et proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale ».

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

évoquant le déplacement qu'il avait effectué au sein des instances judiciaires de son département, a souhaité une modernisation des procédures, notamment une transmission informatisée des rapports de gendarmerie aux procureurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Selon M. Jean Faure, rapporteur pour avis, les crédits accordés au développement des systèmes informatiques de la gendarmerie devraient faciliter le recours aux nouvelles technologies de l'information pour les procédures judiciaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

a relevé le problème de compatibilité des systèmes informatiques entre la police (ACROPOL), la gendarmerie (RUBIS) et le ministère de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de André Boyer

En réponse à M. André Boyer qui évoquait les coûts induits par le recours croissant à la procédure des baux emphytéotiques pour le financement des constructions neuves du parc locatif, M. Jean Faure, rapporteur, pour avis, a indiqué que ce surcoût était notamment dû aux loyers tels qu'appréciés par les services fiscaux départementaux, en fonction de la valeur locative réelle du bien loué, contrairement aux dispositions du décret du 28 janvier 1993 qui plafonne le loyer annuel à 6 % de l'investissement initial.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a souligné que les augmentations d'effectifs prévues par la LOPSI sur ses 5 années d'application (2003-2007), fixées à 7 000, n'atteindraient 6 050 qu'à la fin de l'année 2007. Le déficit de 750 personnels risque de poser problème compte tenu de l'importance de la présence de gendarmes sur le terrain. Il a également souligné que les objectifs de la LOPSI n'étaient pas atteints en termes d'investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a indiqué que les programmations n'étaient pas toujours respectées à l'année près et qu'un glissement en 2008 permettrait d'atteindre les objectifs fixés en termes d'effectifs. Il a aussi rappelé l'effort réalisé par le gouvernement qui accorde au programme « gendarmerie » des crédits en progression de 2,5 %, supérieure à la progression du budget global (0,8 %).

Debut de section - Permalien
Mm. André Boyer et Charles Pasqua

se sont interrogés sur le déficit constaté des personnels de gendarmerie : s'agit-il d'un problème budgétaire ou d'un problème de recrutement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

a indiqué qu'il s'agissait essentiellement d'un problème budgétaire, mais que la question pourrait être posée au ministre lors du débat sur les crédits de la mission sécurité.

La commission a ensuite nommé rapporteurs :

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

sur le projet de loi n° 52 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine ;

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

sur projet de loi n° 53 (2006-2007) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco.

Debut de section - Permalien
Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan (Meshrano jirga), accompagné de Mme Habibi Mohtaramat, membre du Sénat afghan.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

a rappelé qu'à l'issue du long processus de reconstruction des institutions afghanes, M. Sebghatullah Modjadeddi avait été élu, le 20 décembre 2005, président de la Meshrano Jirga, seconde chambre du Parlement afghan. Il a souligné l'implication du sénat français dans la mise en place de cette assemblée et la formation de ses collaborateurs. Il a ensuite exprimé son inquiétude devant l'évolution préoccupante de la situation sécuritaire dans le Sud et l'Est de l'Afghanistan, mais aussi à Kaboul où M. Sebghatullah Modjadeddi avait lui-même échappé, en mars dernier, à un attentat suicide. Il s'est inquiété du trafic de stupéfiants lié à l'essor continu de la culture du pavot et des difficultés qu'éprouve l'Etat afghan à imposer son autorité en dehors de la capitale. Il a souligné l'importance de la reconstruction économique de l'Afghanistan, et souhaité, à la veille de la conférence de Delhi, recueillir l'avis du président Modjadeddi sur les aménagements à apporter aux modalités de l'aide internationale pour améliorer son efficacité.

Debut de section - Permalien
Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan

a souligné les liens d'amitié entre les peuples français et afghan et s'est félicité de la collaboration établie entre la Meshrano jirga et le Sénat français. L'Afghanistan n'oubliera pas l'aide que la France lui avait également apportée à l'occasion de sa lutte contre l'Union soviétique. Si les informations communiquées par les médias sont souvent exagérées, il n'en demeure pas moins que la situation de l'Afghanistan est extrêmement préoccupante. Les problèmes les plus graves résultent de l'intervention de pays étrangers et essentiellement du Pakistan, par l'intermédiaire de ses services secrets. De nombreux terroristes originaires du Pakistan ou membres d'Al-Qaïda ont reconnu, lors de leur arrestation, que leurs activités avaient pour base le territoire pakistanais. Il a souhaité que les Etats-Unis, qui sont conscients de ce danger, interviennent auprès des autorités du Pakistan afin que ce pays ne puisse empêcher la reconstruction de l'Afghanistan. Il a souligné la pertinence d'opérations telles que le récent bombardement d'un camp d'entraînement situé au Pakistan et au cours duquel 80 terroristes auraient été neutralisés. Les problèmes internes afghans sont relativement peu importants au regard de ceux provoqués par les interventions du Pakistan.

La présence de forces militaires internationales en Afghanistan doit être maintenue afin d'éviter un retour au pouvoir des Talibans, qui sont désormais actifs dans seulement 15 % du territoire afghan. Il a exprimé sa reconnaissance à l'égard notamment de la France, du Canada et de la Grande-Bretagne pour leur aide militaire et a regretté les pertes subies par leurs troupes.

a ensuite souligné l'assistance que les pays européens avaient apportée à l'Afghanistan pour la mise en place d'institutions démocratiques. Il a indiqué qu'à l'inverse du Pakistan, l'Iran, le Tadjikistan et la Chine ne se permettaient pas d'intervenir en Afghanistan. Il a estimé qu'à l'égard des Talibans, l'action militaire était insuffisante et qu'il était indispensable que le pouvoir central poursuive avec eux un dialogue d'ouverture et de réconciliation, qui avait déjà amené 3.000 Talibans à déposer les armes. L'Afghanistan, pour instaurer la paix, a besoin d'aide dans de multiples domaines, par exemple dans ceux de l'agriculture et de l'éducation, plus de 1.500 écoles ayant été incendiées par des terroristes issus du Pakistan.

Evoquant le problème de la culture du pavot, il a affirmé la volonté des responsables afghans de propager le message du Coran qui condamne l'usage de la drogue. Les territoires cultivés sont d'ailleurs, pour l'essentiel, situés dans des zones de non-droit proches de la frontière pakistanaise. Ceux qui cultivent le pavot en tirent d'ailleurs peu de bénéfice pour eux-mêmes. Il a conclu que les Afghans n'étaient pas un peuple d'islamistes fanatiques, mais qu'ils souhaitaient vivre dans la paix.

Un débat a suivi l'exposé de M. Sebghatullah Modjadeddi.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

s'est interrogé sur la nature des interventions pakistanaises en Afghanistan ; ne proviennent-elles pas essentiellement de la zone frontalière entre les deux pays, qui peut être considérée comme une zone de non-droit et où l'armée pakistanaise n'a finalement guère d'autorité ? Relevant l'ampleur croissante de la culture du pavot, dont les produits sont exportés non seulement en Europe, mais également dans les pays d'Asie centrale voisins, il s'est interrogé sur les méthodes les plus efficaces pour inciter les paysans à se tourner vers d'autres cultures.

Debut de section - Permalien
Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan

a apporté les informations suivantes :

- c'est le gouvernement du Pakistan, et non sa population, qui fomente les troubles constatés en Afghanistan. Le rôle des services secrets pakistanais à cet égard est décisif ;

- le gouvernement afghan mène un combat très dur contre tous les producteurs de pavot, mais le Pakistan incite les habitants des zones frontalières, y compris par la terreur, à propager cette culture. Le gouvernement afghan propose de nombreuses cultures alternatives comme le blé, grâce à des semences adaptées au sol et au climat afghans, le safran (culture à haute valeur ajoutée) ou encore les fruits secs. De même, des subventions peuvent être attribuées aux paysans, sous réserve d'un strict contrôle qui garantisse qu'elles leur parviennent directement. Le président afghan, Hamid Karzaï, a par ailleurs rappelé, à plusieurs reprises, que la production du pavot n'est pas conforme à l'Islam.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

a estimé que le Pakistan ne pourrait se développer que lorsqu'il jouirait d'une certaine sécurité. Relevant la mise en cause du Pakistan par le président Modjadeddi, il s'est demandé si la responsabilité directe en incombait au gouvernement pakistanais lui-même, ou à des forces paramilitaires dont il ne ferait que tolérer les agissements. Les mesures à prendre seraient, alors, différentes dans l'un ou l'autre cas de figure. M. Charles Pasqua a souligné que le Pakistan était un allié privilégié des Etats-Unis d'Amérique et s'est ensuite interrogé sur l'existence d'éventuelles actions répressives menées par le Pakistan contre la présence d'éléments d'Al Qaïda dans la zone « tribale » frontalière.

Le président du sénat afghan a apporté les réponses suivantes :

- les services secrets pakistanais conduisent des actions terroristes en Afghanistan depuis plus de vingt-cinq ans : il s'agit d'une politique constante, menée par-delà les gouvernements successifs et aucun n'a pris de réelle mesure pour s'y opposer. La plupart des écoles coraniques pakistanaises constituent des couvertures pour la formation de terroristes, qui y sont endoctrinés, et croient ensuite agir au nom de Dieu. Le Pakistan tolère également sur son sol des bureaux officiels ou des camps d'entraînement relevant d'Al-Qaïda.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

s'est interrogé sur l'opportunité de saisir solennellement l'Organisation des Nations unies de cette implication négative du Pakistan en Afghanistan ; un recours au Conseil de sécurité permettrait également de clarifier la position équivoque des Etats-Unis qui, tout en ménageant le président pakistanais Pervez Moucharraf, s'impliquent militairement en Afghanistan dans le cadre de l'OTAN. Evoquant ensuite l'extension de la culture du pavot, il s'est inquiété de l'existence d'intérêts qui, en Afghanistan même, encourageraient cette culture et qu'il conviendrait également de combattre.

Debut de section - Permalien
Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan

a apporté les précisions suivantes :

- les bonnes relations qui unissent le Pakistan aux Etats-Unis sont connues. Pour ces derniers, le président Moucharraf constitue un rempart contre le fanatisme et sa chute représenterait à leurs yeux une menace de déstabilisation plus grande encore. Cependant, les Etats-Unis, qui dépensent actuellement 3 à 5 milliards de dollars par an pour tenter de rétablir la paix civile en Afghanistan, constatant que les objectifs ne sont pas atteints, devraient en tirer les conséquences ;

- le coeur du terrorisme qui opère en Afghanistan, et même au-delà, se trouve au Pakistan. La disparition du soutien pakistanais à ce terrorisme conduirait à l'éradication de la majeure partie des mouvements s'inspirant de ce modèle dans le monde ;

- le pavot produit en Afghanistan y est en effet traité puis exporté dans le monde entier ; il convient donc de mener une action résolue contre les producteurs et les trafiquants, à l'image de celle menée en Iran, qui a recours à la peine capitale contre les trafiquants les plus importants.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

s'est interrogé sur l'ambiguïté de la politique américaine dans la région, qui soutient simultanément l'édification d'un Etat de droit en Afghanistan, mais laisse perpétrer des infiltrations terroristes en provenance du Pakistan. Cette contradiction mérite en effet d'être évoquée au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU. Il a souhaité ensuite obtenir des précisions sur l'évolution de la condition des femmes depuis l'adoption de la nouvelle Constitution afghane.

Debut de section - Permalien
Sebghatullah Modjadeddi, président du Sénat afghan

a apporté les précisions suivantes :

- l'Organisation des Nations unies aurait certes une influence, mais il lui manque une ferme volonté d'intervention. Ainsi, au Liban récemment, il a fallu attendre longtemps avant que l'ONU n'intervienne et, contre l'URSS, les Afghans ont dû se battre seuls. Il conviendrait que les Nations unies fassent montre de plus de rapidité et de fermeté dans leur réaction ;

- la Constitution afghane a entraîné l'adoption de nombreuses lois qui ont établi un statut de la femme qui lui confère de nouveaux droits, notamment en matière d'éducation et d'exercice de responsabilités politiques. Le parlement afghan compte ainsi 68 femmes sur 240 membres. L'accès à l'éducation est désormais largement ouvert aux femmes, et le port du voile n'est pas obligatoire. Cependant, une Constitution, à elle seule, ne suffit pas pour changer les comportements et ces innovations sont trop récentes pour être déjà diffusées dans l'ensemble du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

a rappelé que, lors d'un court déplacement en Afghanistan, elle avait eu l'occasion de rencontrer la ministre chargée du droit des femmes, et a souhaité savoir si ce ministère existait toujours au sein du gouvernement. Elle s'est interrogée sur les modalités d'application de ce nouveau statut de la femme dans l'ensemble de l'Afghanistan, constatant que le droit à la scolarité, notamment, ne semblait réellement en vigueur que dans la capitale.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a indiqué que le nouveau régime démocratique afghan avait besoin de temps pour se consolider. La population afghane était favorable aux nouveaux droits accordés aux femmes. Plusieurs éléments entravent cependant la scolarisation des enfants afghans, tant garçons que filles : ainsi, plus de 1.500 écoles ont fait l'objet d'attentats terroristes. Par ailleurs, l'absence d'infrastructures et la nécessité, pour certaines familles, d'employer les enfants aux tâches agricoles constituent autant de freins à cette évolution.

Debut de section - Permalien
Habibi Mohtaramat, membre du Sénat afghan

a précisé que 20 % des candidats aux élections législatives avaient été des femmes et qu'il n'existe pas de disparités hommes/femmes entre parlementaires afghans ; un véritable courant de liberté parcourt le pays. Le port du voile est lié à la culture et à la foi musulmanes, et n'est pas une obligation sociale. Les femmes ont par ailleurs participé massivement aux différentes consultations électorales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

a évoqué un récent déplacement effectué dans le cadre d'une mission de la commission au Pakistan, au cours duquel il avait pris conscience de ce que les zones frontalières, du fait notamment du tracé artificiel et arbitraire de la frontière qui a séparé les tribus pachtounes, pouvaient entraîner les difficultés du gouvernement pakistanais à les contrôler. Cette zone échappe donc en partie à l'action de l'armée pakistanaise, mais pas à l'influence des services secrets pakistanais. Evoquant la nécessité d'une réflexion globale menée dans le cadre de l'ONU pour établir un meilleur contrôle de ces territoires, il s'est interrogé sur la réalité d'une politique univoque du Pakistan qui serait hostile à l'Afghanistan.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a fait observer que l'ensemble du territoire afghan avait été libéré lors du retrait des troupes soviétiques ; une brève période de sécurité et de liberté avait alors prévalu dans le pays, qui a pris fin avec l'intervention directe, politique et militaire, du Pakistan. 95 % des difficultés de l'Afghanistan prennent leur source dans les zones de non-droit pakistanaises.

Le président Serge Vinçon a souhaité des informations sur la situation économique de l'Afghanistan et sur le caractère approprié des aides internationales accordées à ce pays depuis cinq ans.

Le président Sebghatullah Modjadeddi a indiqué que les aides internationales avaient permis la reconstruction d'infrastructures essentielles comme les routes. Ainsi, la capitale est-elle désormais reliée respectivement à Kandahar, au sud, et Mazar-et-Charif au nord, ce qui permet un important désenclavement. Des écoles et des centres de santé ont également été construits ou réhabilités. Malgré des exportations en hausse, qui s'élèvent à 1 milliard de dollars par an, les revenus de la population restent très bas, d'autant que les troubles terroristes entraînent de nombreux déplacements forcés. L'Afghanistan est cependant riche en matières premières comme le gaz, le pétrole, le cuivre, le fer, les diamants et l'uranium, mais ces ressources ne peuvent être valorisées faute de sécurité intérieure. Les aides internationales restent donc indispensables à l'Afghanistan.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Vinçon

En conclusion, M. Serge Vinçon, président, s'est félicité de la venue en France du deuxième personnage de l'Etat afghan, et des éclairages qu'il avait apportés sur la situation tant intérieure que régionale.

Présidence conjointe de M. Serge Vinçon, président, et de M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne.