Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Guillaume Pepy, président de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), sur les nouveaux horaires de trains pour 2012 et les Assises du ferroviaire.
Nous avons, je crois, deux sujets d'intérêt, les Assises du ferroviaire et les nouveaux horaires du cadencement, par lesquels nous allons commencer.
Pour le passage aux nouveaux horaires, la SNCF, Réseau Ferré de France (RFF) et l'État ont volontairement mis l'accent sur la communication au plus haut niveau possible. Pourquoi ? Un chiffre résume le débat : 15 000 trains circulent chaque jour en France et ils s'arrêtent en moyenne entre six et sept fois, ce qui fait 100 000 arrêts journaliers. Sur ces 100 000 arrêts, environ 85 % vont être modifiés le 11 décembre, certains de quelques minutes, d'autres de quelques dizaines de minutes et une petite minorité de plusieurs heures. C'est dire l'importance de ces nouveaux horaires. Si nous communiquons autant, c'est que nous avons affaire à un changement sans précédent. Certes, chaque année les horaires changent, mais pour seulement 5 à 10 % des trains.
A ces changements d'horaires, il y a trois causes : d'abord, la modernisation des voies existantes. Notre pays a - enfin ! - décidé un plan de modernisation sans précédent : 13 milliards seront investis d'ici à 2016. Évidemment, pendant la période des travaux, les trains circuleront plus lentement. Nos concitoyens vont découvrir, sauf en Alsace où beaucoup a déjà été fait, que les voies ferrées, comme les routes, ont besoin de travaux et que pendant ce temps, la circulation y est malaisée. En deuxième lieu, le TGV Rhin-Rhône, qui est la septième ligne à grande vitesse de France, va ouvrir le 11 décembre. C'est la première ligne non jacobine, puisqu'elle ne passe pas par Paris : elle va relier l'Est au Sud et former l'embryon d'un réseau européen à grande vitesse qui relira l'Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas, l'Espagne et l'Italie. Troisième raison : RFF, qui décide aujourd'hui des horaires, a souhaité mettre de l'ordre dans la sédimentation des modifications horaires en mettant en place un système où les trains passent aux mêmes minutes de chaque heure, comme en Suisse.
Nous sommes à quatre semaines de la bascule (que l'on peut comparer au passage à l'an 2000 ou à un big bang) et tout le monde est mobilisé. Nous avons choisi avec les élus locaux de faire remonter les difficultés pour les traiter. Une centaine de dossiers délicats ont été identifiés et nous en avons réglé les deux tiers. RFF et la SNCF ont nommé une médiatrice en la personne de Nicole Notat pour s'attaquer aux problèmes en suspens : elle écoutera les récriminations et présentera des recommandations que RFF, la SNCF et l'État suivront pour les trains relevant de leurs compétences. A aucun moment, nous n'avons voulu laisser une protestation sans réponse. Tout n'est pas possible mais nous devons prendre en considération toutes les réclamations, même si une solution évidente ne s'impose pas.
Nous avons eu ce matin de longs débats en commission sur le projet de loi de finances et sur divers autres sujets. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous avons du mal à entretenir notre réseau : un millier de kilomètres de voies sont rénovés en moyenne par an. Nous avons des projets d'extension des lignes à grande vitesse mais les capacités de financement ne sont pas extensibles à l'infini. Nous allons donc devoir choisir entre l'entretien du réseau et son extension. Je suggère que nous fassions les travaux nécessaires et que nous repoussions à plus tard la construction de nouvelles lignes. J'ai proposé ce matin un amendement sur l'extension aux régions du versement transport dans les zones interstitielles, c'est-à-dire hors des périmètres de transport urbain établis par des autorités organisatrices de transport, et ceci pour leur permettre d'avoir une ressource dédiée. Notre commission l'a adopté et nous verrons quelle sera la suite qui lui sera réservée. Je n'ai fait que traduire la position du groupement des autorités responsables de transport (GART) et des autorités organisatrices régionales qui souhaitent pouvoir remplir leurs obligations. Si les régions ne disposent pas d'une ressource sous une forme ou sous une autre, elles ne pourront plus faire face aux dépenses liées à l'organisation des transports régionaux, c'est-à-dire essentiellement les TER.
Le contexte économique n'est pas favorable et nous manquons de visibilité institutionnelle : nous devons donc faire en sorte que le réseau ferré français, qui était le meilleur d'Europe, reste performant, alors que nous avons accumulé les retards.
Les efforts que fournissent la SNCF et RFF pour le cadencement sont exceptionnels. Les avis des élus ont été pris en compte. J'ai reçu la visite du directeur départemental de la SNCF pour m'expliquer ce qui allait changer. RFF m'a aussi contacté. Enfin, la presse quotidienne régionale a relayé l'information. Bref, le travail de fond a été assez remarquable. En outre, sur une centaine de dossiers délicats, vous en avez traité les deux tiers. Cette concertation a donc porté ses fruits. Le cadencement est la Rolls des transports : les usagers en seront très heureux.
Nous nous félicitons de ce plan de modernisation mais je ne suis pas du même avis que notre collègue sur le cadencement. En région Limousin, il ne satisfait personne. Nous aurions aimé disposer des nouveaux horaires un peu plus tôt pour avoir le temps de réfléchir avec les usagers et la SNCF sur les difficultés. Un train est prévu à 5 h 30 à La Souterraine, unique gare de la Creuse, qui permet d'arriver à 8 heures à Paris. Mais comme beaucoup d'usagers n'habitent pas à proximité de la gare, ils devront se lever à 3 heures pour prendre le train. Je doute fort que ce train soit complet et il risque en conséquence, dans quelques temps, d'être supprimé. Un train passera devant la gare à 6 h 30 sans s'arrêter. Nous perdrons 10 minutes par rapport à l'horaire habituel pour le train de 7 h 30, ce qui fera arriver un peu plus tard à Paris. Nous constatons donc une dégradation du service. J'ai été interpellée hier matin par des usagers qui nous demandent d'intervenir afin que les horaires soient mieux adaptés aux besoins des personnes qui veulent se rendre à Châteauroux et à Paris. Le président de région, Jean-Paul Denanot, regrette lui aussi le manque de concertation et les difficultés que ces nouveaux horaires vont engendrer.
Au nom de la région Auvergne et du département de l'Allier, je vous remercie : nous avons rencontré vos services car le cadencement initialement prévu pénalisait notre département.
Merci pour votre courrier qui m'a été opportunément adressé quelques jours avant votre audition afin de m'informer de la constitution d'un groupe de travail pour les liaisons Montluçon-Paris. Certes, des améliorations ont été apportées, mais certains trains le dimanche mettront 56 minutes de plus pour revenir de Paris. Tous les jours, il me faudra 20 minutes supplémentaires pour retourner dans mon département. J'espère que le groupe de travail parviendra à un résultat pour cette liaison.
Concernant le Montluçon-Clermont-Ferrand - Clermont étant le pôle universitaire de notre région - la dégradation du temps de parcours est nette. Même dégradation pour le Clermont-Vichy-Lyon. Enfin, certaines lignes transversales mériteraient d'être valorisées, comme le Lyon-Tours, le Lyon-Nantes, et le Lyon-Bordeaux.
Enfin, comme je l'avais indiqué, les élus d'Auvergne se sont sentis méprisés par l'arrivée en gare de Bercy.
L'Auvergne est la seule région de France à ne pas avoir de ligne à grande vitesse. Quatre capitales régionales n'ont d'ailleurs pas la grande vitesse, à savoir Orléans, Limoges, Clermont-Ferrand et Toulouse. Je comprends que l'Alsace se contente de ce qui existe car elle est largement irriguée mais il est un peu facile de demander la suspension de la création des nouvelles lignes afin de pouvoir régénérer le réseau existant ! Poursuivez donc l'effort en faveur des LGV, M. Guillaume Pepy, même s'il faudra hiérarchiser les projets de LGV.
Vous avez devant vous un sénateur très mécontent car le département du Jura va payer un lourd tribut au cadencement annoncé pour le 11 décembre. Malgré les engagements de vos prédécesseurs entre 1995 et 2000 sur le TGV jurassien, les quatre liaisons directes Lyon-Strasbourg vont disparaître au profit de Belfort-Besançon-Dijon-Lyon, si bien que les trains ne passeront plus par le Jura. Nous avons perdu la liaison Lons-le-Saunier-Bourg-en-Bresse qui permettait aux habitants de Lons de venir à Paris. Désormais, ils doivent prendre un bus pendant près d'une heure pour aller à la gare de Dole. Jusqu'à maintenant, il y avait six TGV. Il n'en restera plus que cinq, dont deux qui viendront de la Suisse mais à des horaires inadéquats. Nous n'aurons comme solution que d'aller chercher les TGV à Dijon. Pourtant, le département a déboursé 48 millions d'euros pour mettre en place la LGV Rhin-Rhône et l'on nous avait dit qu'un TGV viendrait à Dole le soir et qu'il partirait le matin pour Paris. Dimanche soir prochain, je serai aux côtés des Jurassiens qui exprimeront en gare de Lons-le-Saunier leur grand mécontentement. Y a-t-il encore un espoir de revenir sur ces décisions ? Peut-on espérer pouvoir prendre le TGV à Bourg-en-Bresse pour aller à Paris sans être obligé de prendre le bus à Lons-le-Saunier ? Peut-on enfin espérer une meilleure desserte sur Dole ?
Le cadencement ne va plus permettre aux personnes qui travaillent à Limoges et qui vivent à Périgueux d'arriver à l'heure à leur travail. Les lycéens qui font Périgueux-Thiviers vont connaître le même problème. Ils devront utiliser la voiture ou le bus. Les habitants de Bergerac qui vont sur Libourne pour se rendre à Bordeaux ou à Paris seront en butte aux mêmes difficultés. Et que dire de la liaison Périgueux-Paris par Limoges ? Pour arriver à Paris à 9 h 30, il faudra partir à 4 h 30 à moins de passer par Angoulême parce que monter à Libourne pour revenir ensuite sur le Bordeaux-Paris va se révéler très compliqué. Des usagers manifestent à juste titre leur mécontentement. Quelques améliorations sont proposées, mais sur le Périgueux-Limoges, 20 minutes de plus seront nécessaires.
Nous rêvions tous du cadencement depuis fort longtemps. Malheureusement, il ne répond pas aux attentes des usagers et des élus. Pourquoi avoir modifié 85 % des horaires en une seule fois alors que les Suisses ont mis dix ans à y parvenir ? Pourquoi cette précipitation de RFF ? Qu'est-ce que cela cache ? La nomination de Nicole Notat laisse à penser que le problème est plus grave que les 30 points noirs dont vous avez parlé dans vos propos liminaires.
Vous êtes à la tête d'une magnifique entreprise mais, quand vous venez ici, chacun parle de la ligne qui le concerne. Je ne ferai pas exception. Pour les TGV, les choses se passent plutôt bien. En revanche, les rames sont surchargées car la LGV Sud-Est est très utilisée. Est-il envisagé de créer une deuxième LGV ?
Avec le cadencement, les problèmes sont nombreux. Un administré m'a écrit qu'il allait à Marseille tous les jours. A partir du 11 décembre, il devra prendre sa voiture car une arrivée à 9 h 50 au lieu de 8 h 40 ne lui permet pas d'être à l'heure à son travail. Ne risque-t-on pas une dégradation de dessertes des villes de moindre importance ? Ne favorisez-vous pas les grandes métropoles au détriment des villes plus petites ? Ce serait inadmissible.
Nous venons de fêter les dix ans de la gare TGV de Valence et nous constatons, avec les nouveaux horaires, des difficultés pour regagner le Sud-Est, notamment le soir.
Lorsque vous travaillez sur les horaires, prenez-vous contact avec le Medef et les chambres de commerce et d'industrie pour connaître les attentes du monde économique ?
Où en est-on de l'engagement national pour le fret ferroviaire ? Ne délaisse-t-on pas trop le fret par rapport aux voyageurs ? L'autoroute ferroviaire Atlantique semble au point mort à cause des trains de voyageurs.
En Suisse, j'ai rencontré le père du cadencement qui m'a expliqué comment les choses s'étaient déroulées : il aura fallu 20 ans pour le mettre en place. Ne risque-t-on pas de multiplier les difficultés en avançant à marche forcée ? Le modèle TGV basé sur le Paris-Lyon ou le Paris-Lille risque d'exploser car les élus veulent faire rouler les TGV à la vitesse d'un TER. Est-ce que le cadencement va permettre des changements de quai à quai d'un TGV à un TER permettant une correspondance plus efficace, comme cela se fait en Suisse ?
La multiplication des TER ne va-t-elle pas coûter très cher aux régions, du fait du cadencement ? Y aura-t-il des avenants aux conventions signées avec les régions ?
RFF décide des horaires, avez-vous dit, mais n'y a-t-il pas certains dysfonctionnements entre ceux qui s'occupent des horaires et ceux qui programment les travaux ?
Je vous ai beaucoup ennuyé, M. Guillaume Pepy, avec la liaison Paris-Le Havre. Aujourd'hui, je serais tenté de vous féliciter car les horaires sont à peu près tenus. Va-t-il y avoir des travaux de réfection entre Mantes et Paris, ce qui permettrait à tous les trains du Havre d'arriver à l'heure ?
Quand j'étais étudiant à Nancy, le Métrolor reliait Nancy à Metz toutes les dix minutes et c'était parfait : cela préfigurait le cadencement.
Le lundi soir, avant d'aller à la gare de Bar pour me rendre à Paris, je regarde quel est le retard prévu. Trop souvent, il est dit « indéterminé », si bien que je suis obligé de prendre ma voiture pour aller à Paris. Avant de faire du cadencement, il faudrait que le matériel soit opérationnel. Vous faites des travaux sur la ligne, ce dont je me félicite, mais quand un train part de Culmont-Chalindrey et que, 20 kilomètres plus loin, il compte déjà une demi-heure de retard, c'est qu'il y a un vrai problème : vous ne pourrez jamais faire de cadencement. Quand allez-vous moderniser le matériel de traction ? Nous avons des locomotives vieilles de 40 ans équipées de moteurs de bateaux qui ne résistent pas aux variations de régime. On nous répond que cette ligne n'a pas assez de voyageurs, mais c'est normal, puisque les trains sont systématiquement en retard ! Changez le matériel de traction, pas les voitures Corail, et vous pourrez alors commencer à faire du cadencement.
Je suis sur une ligne dont vous avez dit qu'elle était la pire du réseau, M. Guillaume Pepy. Je veux parler de Paris-Granville. Pour être franc, les améliorations sont réelles, mais l'incertitude quant aux horaires demeure. En outre, nous arrivons dans une gare à Paris que personne ne connaît, pas même les chauffeurs de taxi : la gare de Vaugirard, qui était celle que l'on utilisait jadis pour les chevaux... Compte tenu des efforts considérables acceptés par les collectivités territoriales qui payent la voie et les véhicules roulants, il faudrait revoir la question.
Quand vous prenez l'autobus à Paris, vous savez à quel moment le bus suivant arrivera. Pourquoi n'est ce pas possible pour la SNCF ? Pour le confort matériel et moral des voyageurs, ne pourrait-on pas améliorer leur information ?
Enfin, les nouveaux horaires ne conviennent pas à tous les voyageurs empruntant le Granville-Paris.
A Toulouse, nous avons une radio nommée France Bleue Toulouse et tous les matins, nous entendons que tel train va arriver avec retard. Indépendamment des efforts faits par la région pour se doter de nouveaux matériels, l'offre reste limitée sur la ligne Auch-Toulouse à cause de son engorgement. Or, cette liaison est essentielle car elle permet à ceux qui habitent sur cette ligne de venir travailler à Toulouse. Le cadencement va-t-il permettre de résoudre ce problème ?
Quel est votre sentiment sur la gare de Matabiau qui est un pôle multimodal et qui va accueillir des TGV ?
Je suis élue de la Corrèze. Les régions du Massif central - Limousin, Auvergne, sans parler de l'Aveyron et du Lot - sont enclavées. Le Limousin a consacré 92 millions d'euros à l'amélioration de la ligne Limoges-Poitiers. Avec les nouveaux horaires, les trains mettront plus longtemps qu'auparavant, du fait d'un arrêt de 25 minutes dans la gare du Dorat. Certes, RFF améliore la ligne Limoges-Ussel, ce qui permettra enfin à un voyageur de faire un aller-retour Ussel-Paris dans la journée.
Quand j'étais élue régionale, le Bordeaux-Lyon comportait deux tracés : l'un passait par Brive et Clermont et un autre par Limoges et Guéret. L'avis de décès de la ligne Bordeaux-Lyon par le sud est publié, puisqu'il ne reste qu'un train le vendredi soir pendant la période estivale seulement. Je soutiens la remarque de Claude Bérit-Débat sur le Périgueux-Limoges car, s'il lui arrive la même chose qu'à nous, la deuxième ligne Bordeaux-Lyon disparaîtra à son tour.
Enfin, une gare dédiée au bois a été créée sur le plateau de Millevaches après la tempête de 1999, la gare de Bugeat. Cette gare a vu partir quatre trains de bois en dix ans. Comment se fait-il que la SNCF ne propose pas d'offre de transport de bois pour l'usine de Saillat dans des conditions acceptables et qui permette de limiter le transport routier dans une région qui n'est pas facile d'accès ?
J'ai la chance d'être francilien et de disposer d'une ligne directe pour venir au Sénat. Hélas, il s'agit de la ligne B du RER. Ce matin même, le Parisien revenait sur les déboires des voyageurs qui l'empruntent. D'importants investissements ont été décidés et une desserte omnibus est prévue. Le Monde se faisait l'écho, il y a quelques jours, d'une conversation entre voyageurs qui déconseillaient à l'un d'entre eux d'accepter un emploi à Paris, malgré le meilleur salaire, à cause des retards systématiques sur cette ligne.
Où en est votre réflexion sur le futur réseau du Grand Paris et de la rocade TGV qui sera créée en première couronne parisienne ? Des implantations de gares ont été retenues, notamment du côté du Bourget.
La principale gare fret Le Bourget-Drancy accueille des matières dangereuses mais il n'existe aucun plan de protection : le sujet est explosif et pas seulement politiquement.
La SCNF souhaite-telle poursuivre l'exploitation de la ligne Paris-Amiens-Boulogne ? Des trains continueront-ils à s'arrêter dans les gares d'Abbeville, Noyelles-sur-Mer et Rue ?
Le nombre d'intervenants et les questions que vous avez posées montrent la sensibilité de notre pays au ferroviaire et au sujet des horaires en particulier. Ma stratégie, de ne jamais être dans le déni, et de considérer tout sujet, quel que soit le nombre de personnes concernées, avec autant de sérieux, me paraît la seule possible. Non pas que nous ayons une réponse évidente pour chacun, mais, à partir du moment où un groupe d'usagers manifeste du mécontentement ou des attentes non satisfaites, notre devoir est d'écouter et de chercher des solutions.
Roland Ries, il faut sacraliser le plan de rénovation du réseau existant, fût-ce au prix d'une décision politique, qu'il ne m'appartient pas de prendre, sur le développement de la grande vitesse dans ce pays.
Louis Nègre, nous ne fournirons jamais trop d'effort d'information. Nous allons diffuser la semaine prochaine un tract national à quatre millions d'exemplaires, qui sera présent dans chaque gare, pour que les usagers sachent qu'il y a des sources d'information, et que la SNCF est à leur disposition. Nous continuerons à tenir des stands en gare, nous serons tous sur le terrain pendant la semaine du 11 décembre et nous pouvons compter sur la médiatrice.
Jean-Jacques Filleul, pourquoi faisons-nous tout cela d'un coup ? Nous avons travaillé, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, Thierry Mariani, Hubert du Mesnil, et nous avons conclu à l'alternative suivante : soit nous lancions 15 ans de travaux, qui auraient été immanquablement vécus comme une dégradation, soit nous osions dire aux voyageurs que les travaux vont durer trois à quatre ans ; vous subirez ici ou là une dégradation, mais vous pourrez in fine constater ici une électrification, là une capacité supplémentaire, ailleurs de nouveaux trains, bref nous ouvrons un horizon positif.
Des cartes montrant les bénéfices attendus des travaux dans chaque région vous ont été distribuées à l'instant.
Renée Nicoux, bien sûr, la SNCF assume, puisque, pour la plupart des gens, il n'y a qu'elle qui compte, mais les décisions sur les horaires sont prises par RFF ; les arbitrages sur la desserte et les arrêts relèvent, pour nombre des points que vous avez soulevés, des régions, autorités organisatrices des TER, comme c'est le cas de la ligne Périgueux-Limoges, ou de l'État, autorité organisatrice des Corail et des Téoz. Ainsi, la politique d'arrêt du train Intercités reliant Amiens à Boulogne dépend de l'État. En revanche, nous sommes autorité organisatrice du TGV, et responsables pour les horaires de ces trains.
Sur les arrêts de La Souterraine, le train 3604, pour des raisons d'encombrement, ne peut pas faire deux arrêts le matin. L'État a fait le choix de Vierzon. C'est pourquoi, malheureusement, les gens de La Souterraine doivent prendre un train beaucoup plus tôt. Je reconnais que ce n'est pas pratique. Il faudra reprendre cette question, afin de voir si ce train peut s'arrêter deux fois, tout en s'intégrant en région parisienne sans subir une demi-heure de retard. Sur le décalage de 9 minutes du départ du deuxième train du matin (7 h 37 au lieu de 7 h 28), il est dû au cadencement des sillons qui prévoit un départ à la même minute de Limoges (minute 6), ce qui entraîne des décalages des trains avant et après.
Sur la question de Mireille Schurch sur l'Allier, je vous confirme la création du groupe de travail sur la desserte de Montluçon, compte tenu de la dégradation incontestable, mais pour laquelle nous n'avons pas trouvé de solution immédiate.
Les rallongements de temps de parcours sont, dans neuf cas sur dix, dus aux travaux. Il faut s'en féliciter, notamment dans les régions Centre, où il y a enfin de gigantesques travaux, Limousin, grâce au plan rail et au contrat de plan État-région, Midi-Pyrénées, grâce aux 500 millions d'euros apportés par le conseil régional. C'est donc un mal pour un bien.
Gérard Bailly, le Jura bénéficie du TGV Rhin-Rhône. Néanmoins, il est vrai que la desserte de Dole, de Lons-le-Saunier et de Pontarlier est bouleversée par le fait que le TGV n'y passe pas. Nous avons travaillé avec la région Franche-Comté sur une meilleure articulation entre le TER et le TGV. Je comprends que le résultat n'est pas encore satisfaisant. Je vous propose donc un groupe de travail avec les élus, la région et RFF, pour voir comment mieux associer l'arrivée du TGV Rhin-Rhône avec le TER.
Oui, Claude Bérit-Débat, sur Périgueux-Limoges, le conseil régional est conscient du sujet TER. La question n'est pas bouclée, il faut la remettre sur le métier. Sur le Périgueux-Paris, je vous demande l'autorisation de vous répondre par écrit.
Didier Guillaume, oui, les TGV sont très chargés, en super-pointe, dans la vallée du Rhône. Nous essayons de rajouter des capacités, mais la ligne elle-même est saturée. Pour le service annuel 2012, nous passons de 12 à 13 trains par heure sur cette ligne à grande vitesse. Nous sommes donc au maximum de la capacité technique. Il n'y a plus de marge de sécurité. Le moindre incident peut provoquer le retard de 10 à 20 TGV.
La création d'une deuxième LGV, passant par le Massif central fait l'objet d'un débat public, plusieurs tracés sont proposés, mais je dois vous dire que l'horizon est à moyen terme. Deux chiffres éloquents : rénover complètement un kilomètre de ligne existante coûte un million d'euros ; créer un kilomètre de LGV 20 millions d'euros !
Sur la ligne Valence-Marseille, vous avez raison de faire état de l'insatisfaction des usagers. Nous avons traité la question : ceux qui habitent Valence et travaillent à Marseille ont désormais un train avancé qui répond à leur demande. Le départ de Valence TGV à 7 h 00 permettra ainsi une arrivée à Marseille à 8 h 16.
En France, le TGV joue un tel rôle d'aménagement du territoire que nous sommes extrêmement attentifs à la desserte des villes moyennes. Valence, par exemple, a connu une augmentation de trafic bien supérieure à celle que l'on imaginait. Le tissu des villes moyennes desservies par le TGV est remarquablement dynamique.
Francis Grignon, sur l'engagement national pour le fret ferroviaire qui a été pris par Jean-Louis Borloo et le gouvernement il y a deux ans. Hier, à la suite de votre intervention aux Assises du ferroviaire, le ministère a annoncé la réunion prochaine du comité de suivi qui fera le point, engagement par engagement.
Vous avez raison : l'autoroute ferroviaire Atlantique a pris du retard, à cause des travaux. Le plus grand chantier d'Europe dans les trois prochaines années est ferroviaire et a lieu en France. Il s'agit du Tours-Bordeaux, qui coûtera 8 milliards d'euros et durera quatre ans, avec 13 raccordements entre la LGV et les lignes classiques. La France n'a jamais connu un tel chantier : 300 kilomètres d'un coup. Il est vrai que les conséquences seront très difficiles à vivre pour les usagers au Sud de Bordeaux.
Le service annuel coûtera 50 millions d'euros en plus à RFF, principalement parce que les travaux doivent se faire de nuit, ce qui coûte plus cher. Pour la SNCF, nous estimons le surcoût des aménagements, arrangements et des mesures compensatoires entre 50 millions et 70 millions d'euros. Pour l'ensemble des régions, le coût du cadencement est réduit à zéro. Les régions sont extrêmement sages : certaines ont augmenté leurs offres, d'autres non. Au total, pour la France entière, le nombre de kilomètres de trains TER sera à peu près constant, en 2012, par rapport à 2011.
Charles Revet, je vous remercie d'avoir souligné que la régularité s'améliorait sur la ligne du Havre. Pour Mantes-Paris, nous avons deux projets d'amélioration. Le RER E Eole reliera Mantes à l'Ouest de Saint-Lazare, par Porte Maillot et La Défense. Ce chantier sera achevé en 2017 et coûtera 2 milliards d'euros. La ligne nouvelle Paris-Normandie fera l'objet d'un débat public, sur décision du président de la République, l'an prochain, et comportera une nouvelle section Mantes-Paris. C'est une perspective à moyen terme.
Bruno Sido, vous m'avez interrogé avec humour et précision sur la ligne Paris-Culmont-Chalindrey. Oui, il y a un problème de locomotive, nous avons changé les moteurs voici sept ou huit ans, mais ils ne sont plus adaptés aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, nous sommes une nouvelle fois intervenus. La bonne nouvelle, c'est que la régularité est redevenue acceptable, en repassant la barre de 90 %. Je reconnais que la situation des usagers de la ligne fut mauvaise durant un an et demi à deux ans et que ce n'était pas acceptable.
Jean-Claude Lenoir, je sais la dette que nous avons à l'égard des usagers de Granville, en raison de la très mauvaise régularité des trains. La première bonne nouvelle, c'est que depuis le début de l'année nous avons franchi le cap psychologique des 90 % de trains à l'heure. La seconde bonne nouvelle, c'est l'achat par la collectivité de nouveaux trains qui arriveront à la fin 2013, pour sortir enfin cette ligne de la médiocrité où résultant d'un matériel défaillant. En revanche, la gare de Montparnasse 1 est absolument saturée et l'on ne peut pas mettre de TGV à Montparnasse 3 (ou gare Vaugirard) en raison de la longueur des quais. La seule perspective, c'est l'amélioration de la qualité et de la notoriété de Montparnasse 3.
Bruno Sido et Jean-Claude Lenoir, si la SNCF ne peut informer en temps réel de la circulation de ses trains, c'est que le réseau ferré français n'est pas équipé en GSM sur toutes les lignes. C'est un sujet qui concerne RFF, notre partenaire réseau : la France est sous-équipée en radiocommunications sol - train. Nous savons qu'un train est entre deux gares, mais à quelques kilomètres près, nous ne savons pas précisément à quel endroit.
Jean-Jacques Mirassou, pour Toulouse-Matabiau, un comité de pilotage a été mis en place, avec le maire Pierre Cohen et les élus. J'irai y participer d'ici à la fin de l'année. Matabiau sera maintenue comme la grande gare de desserte de la région toulousaine.
Bernadette Bourzai, la desserte Poitiers-Limoges est effectuée par deux trains différents : un au départ de Limoges et à destination du Dorat et un second au départ du Dorat et à destination de Poitiers. Au départ de Limoges, l'horaire a été déterminé pour permettre les correspondances aux voyageurs empruntant le train Teoz en provenance de Paris. Le temps d'attente au Dorat a été calculé afin d'organiser les circulations sur voie unique et de prévoir son arrivée à Poitiers en cohérence avec le principe du cadencement. La gare bois de Bugeat n'a jamais été utilisée par aucune entreprise de fret, car le transport ferroviaire de bois sur courte distance génère un déficit de 100 % du chiffre d'affaires : on vend un euro ce qui en coûte deux. Après la tempête, nous avions tenté de réunir un tour de table, pour financer le transport du bois par rail plutôt que par route. Nous n'avions trouvé aucune solution. Malheureusement, en France, le transport du bois n'a pas de solution ferroviaire. C'est dommage, mais c'est la réalité. Enfin, le Bordeaux-Lyon est une ligne Intercités, dont l'autorité organisatrice est l'État. Je vous confirme qu'elle n'est pas aujourd'hui menacée.
Par ailleurs, la mise en place de ces trains permet à un voyageur d'effectuer le parcours complet entre Limoges et Poitiers à cette période de la journée avec un temps de trajet allongé de 25 minutes.
Vincent Capo-Canellas, l'origine des problèmes actuels du RER B, ce sont les travaux de modernisation totale de la ligne. Nous dépensons 450 millions d'euros pour remettre à neuf une seule ligne de RER. Nul doute que la situation ne soit extrêmement difficile pendant les travaux. S'y est ajouté le conflit de l'amiante à la RATP, qui a infligé une double peine aux usagers. J'espère que la RATP va s'en sortir. Une bonne nouvelle quand même : à la fin 2012 la voie sera totalement rénovée, dédiée exclusivement au RER B et les rames seront également rénovées.
Le Grand Paris est l'espoir de la SNCF : 60 % de nos voyageurs se trouvent dans la Région Île - de - France. Telle est notre principale perspective pour les années qui viennent.
Le Bourget se trouve dans une situation particulière en raison du triage. Thierry Mariani a reçu Jean-Christophe Lagarde. Il a été décidé que le ministère des transports conduirait à nouveau une expertise, afin d'examiner la qualité des mesures prises et de déterminer si une expertise extérieure doit être diligentée. L'affaire est prise très au sérieux.
Daniel Dubois, la ligne Amiens-Boulogne est une ligne Intercités, qui relève de l'État. Sur le problème des petites gares, je vais revenir vers l'État. Les trains Intercités permettent de relier rapidement entre elles les villes moyennes, afin que les gens abandonnent leur voiture. Telle n'est pas la vocation des TER, qui assurent une desserte fine du territoire.
Je vous remercie, monsieur le président, je suis impressionné par la précision de vos réponses. Venons-en au second thème : les Assises du ferroviaire.
Les Assises du ferroviaire réunissent quatre groupes de travail, sur des sujets comme la gouvernance, l'ouverture à la concurrence et l'économie ferroviaire, où de nombreuses questions sont évoquées. J'en ai choisi deux qui sont au coeur du débat.
En premier lieu, faut-il maintenir la séparation, introduite par la réforme qui a créé RFF, entre le gestionnaire des infrastructures et l'exploitant historique, ou faut-il aller vers une holding, coiffant les deux structures, comme le choix effectué par d'autres pays européens ? Je sais que la Commission européenne s'interroge sur certaines pratiques ayant cours dans quelques pays, mais ne remet pas en cause cette logique. La holding ne suppose-t-elle pas d'établir au préalable quelques règles ? Je pense au lissage progressif de la dette de RFF - qui dépasse 28 milliards d'euros - en particulier de la dette historique héritée de l'ancien réseau - pour un montant d'environ 20 milliards d'euros - le reste étant gagé sur les recettes du gestionnaire des infrastructures.
En second lieu, l'ouverture à la concurrence des transports routiers de voyageurs, en vertu de la législation européenne, a conduit le ministre des transports à autoriser les entreprises européennes, notamment françaises, à exploiter 235 dessertes interrégionales effectuées dans le cadre de services internationaux, dits de « cabotage », permis dans les domaines routier et ferroviaire. Le ministre pourrait aller plus loin en déposant un projet de loi relatif à l'ouverture de lignes routières nationales. Cette perspective peut certes intéresser Keolis, votre filiale de transport routier, mais ne risque-t-elle pas de porter atteinte aux efforts fournis par les régions pour les TER ferroviaires ? Alors que la convention entre la SNCF et l'État sur l'équilibre du territoire n'a qu'une durée de quatre ans, cette évolution préfigure-t-elle l'abandon progressif de ces lignes et leur remplacement par des transports routiers, ce qui marquerait un formidable recul par rapport aux engagements du Grenelle de l'environnement ?
Il est difficile de coordonner les horaires et les travaux. Dans le cadre des Assises, je suis particulièrement la question de la gouvernance. Deux solutions se présentent : une holding à l'allemande ou une séparation à la suédoise. Il y en a une autre, que je n'accepterai jamais, consistant, pour RFF, à reprendre une partie de la maîtrise d'ouvrage des travaux ainsi que de la détermination des capacités ferroviaires et des sillons, soit la valeur ajoutée et la matière noble des deux métiers, en laissant le reste à la SNCF. Cela est inacceptable, et ce n'est pas en tant que membre du conseil d'administration de la SNCF que je le dis ! Je suis impartial.
L'hypothèse de la holding me paraît très intéressante. Les péages que la Deutsche Bahn fait payer à Keolis ou à Veolia alimentent les infrastructures allemandes, quand les bénéfices de la SNCF vont au budget général de l'État.
Le pacte social est traité par la Commission présidée par M. Savary. Comment le voyez-vous évoluer ? Mieux, moins bien, différent de ce qu'il est aujourd'hui ? Comment négocier, à quel niveau ? Pour le fret, ce fut une catastrophe, la SNCF avait 90 % du trafic, mais elle n'avait pas 90 % du pouvoir !
Le groupe UMP est divers, comme le conseil d'administration de la SNCF ! Sur la holding, ma position diffère ! N'a-telle pas entraîné, en contrepartie, pour la Deutsche Bahn, la suppression du statut de fonctionnaire du personnel en 1994 ? Envisagez-vous aussi de supprimer le statut protégé de votre personnel ?
Quel modèle économique préconisez-vous pour le TGV, la hausse des péages mettant en cause, comme vous l'avez répété, leur fonctionnement, aujourd'hui et demain ?
L'autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) vient de souligner le manque d'indépendance de Gares & Connexions. Que faire pour obtenir une séparation plus conforme au droit ? Le centre d'analyse stratégique recommande d'expérimenter l'ouverture à la concurrence des trains d'équilibre du territoire en 2014. Y êtes-vous favorable ?
Enfin, quels sont les résultats de l'activité fret en 2011 ?
Le cadre du débat me paraît figé. La question posée est : quelles doivent être les conditions de l'ouverture à la concurrence ? Or l'ouverture à la concurrence du fret s'est soldée par un bilan catastrophique, alors que les TER, qui ne sont pas soumis à la concurrence, mais organisés par les régions, ont fait leurs preuves. Y a-t-il une voie française, originale, à tracer, sur la base du développement du trafic des TER ?
Je prône toujours une entreprise intégrée, rassemblant à nouveau RFF et la SNCF. Vous venez de nous prouver que le modèle actuel n'est pas pertinent pour le cadencement. Pour les agences de notation, il n'y a pas de danger à clarifier le régime de la dette et à la reverser à l'État, il y a sans doute longtemps qu'elles l'ont intégrée dans leur notation.
Êtes-vous favorable à l'ouverture d'un autre cadre de discussion, à l'invention d'une autre solution pour la France ? Nous ne sommes pas l'Allemagne, notre territoire est différent, notre maillage est complexe.
Enfin, les trains d'équilibre du territoire méritent une attention particulière.
Je ne suis pas dogmatique, mais pragmatique. Je cherche ce qui permettra à la France de rester un très grand champion ferroviaire, tout en améliorant l'efficacité d'un système qui peut mieux faire. La solution ne sera ni suédoise, ni allemande, elle sera française. Elle sera législative et impliquera donc les parlementaires.
Je travaille aussi avec mon concurrent, Véolia, dont je me félicite qu'il soit de moins en moins dogmatique et de plus en plus pragmatique. S'il n'y a que des pragmatiques autour de la table, nous allons y arriver !
Sur le statut des gares, vous avez cité l'autorité de régulation, mais la SNCF applique totalement la loi dite du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires qui a été votée il y a deux ans. Tant que la loi de la République n'a pas changé, elle s'applique !
Je constate que mes collègues de Véolia, qui verront, dès le 11 décembre, arriver dans les gares de la Côte d'Azur et à la gare de Lyon, leurs trains concurrents de la SNCF ne se sont pas plaints, à cette heure, de discrimination de la part de la SNCF. Je ne sais s'il faut une organisation nouvelle, je m'engage à ce que mon concurrent ne fasse l'objet d'aucune discrimination de notre part dans les gares.
La concurrence est un choix politique qui relève du Parlement, de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982. Ma position est celle-ci : j'accepte la perspective de la concurrence. Elle ne dépend pas de moi, mais je l'accepte. Si l'État, qui possède ces trains d'équilibre du territoire devait décider, fin 2013 ou en 2014, d'introduire la concurrence, nous ferions face de bonne foi, avec la certitude que nos atouts nous permettraient de remporter des compétitions.
Sur le modèle économique du TGV, je suis plus inquiet. Les péages « grande vitesse » augmentent fortement pour financer la modernisation du réseau classique. Cela nous conduit à changer le modèle économique du TGV. D'une part, nous envoyons beaucoup de TGV vers des destinations avec un faible taux d'occupation. Il faut mieux articuler le TGV et le TER. Je préfère un seul train plein plutôt qu'un TGV et un TER à moitié pleins. D'autre part, si le prix du péage, la matière première du TGV, qui représente 30 % du prix du billet, augmente, la tendance logique est de produire un peu moins, c'est-à-dire de baisser un peu la fréquence des TGV. Donc nous n'aurons pas besoin d'acheter du matériel supplémentaire. La SNCF n'a plus de commande de TGV à partir de 2015. En l'état actuel du modèle économique du TGV, nous ne savons pas acheter de nouvelles rames...
Les Assises du ferroviaire sont un temps de réflexion sur l'avenir. On parle beaucoup de simplification. Quel est l'intérêt pour la SNCF d'avoir des horaires d'été et des horaires d'hiver, avec quelques minutes de différence ?
Les services d'été et d'hiver ont été supprimés. Il y a désormais un seul service annuel. Bien sûr, nous appliquons les heures d'été et d'hiver comme tout le monde !
Michel Teston et Francis Grignon, vos idées sont proches. La réforme de 1997 a été bénéfique dans la mesure où elle a évité une forme de faillite de la SNCF, qui avait 100 milliards de francs de dette qui n'était pas liée à son coeur de métier de « transporteur » mais aux constructions des lignes financées pour le compte de l'État. La décision de Bernard Pons et de Mme Idrac de créer une caisse d'amortissement de la dette était bonne. Mais 15 ans plus tard, la séparation faite, à l'intérieur de l'infrastructure, entre « la tête » (RFF) et « les jambes » (la SNCF) n'est sans doute plus une bonne solution. Il y a un consensus là-dessus pour l'avenir. M. Hubert Du Mesnil est d'accord. Il faut donc toucher à cette gouvernance. Ce n'est pas moi qui décide, mais je pense que notre pays a intérêt à avoir un champion national du ferroviaire. Je vois tous les jours les bénéfices que l'Allemagne tire de la Deutsche Bahn, pour elle, pour son industrie et pour son influence internationale. Elle est le premier transporteur du monde, numéro un mondial du transport de marchandises et numéro deux du transport de voyageurs. La France vient juste derrière. Une solution à la suédoise, avec un éclatement du système, rendrait la France incapable d'avoir ce champion national. Il ne faut pas non plus revenir au passé, avec une SNCF « boîte noire » qui ferait tout à la fois. Si l'on décide de faire un groupe ferroviaire national, il faut l'entourer de conditions bien rigoureuses, pour que la concurrence joue effectivement sans discrimination, pour que l'Europe n'y trouve pas à redire, pour que les élus y voient clair lorsqu'ils passent des contrats avec la SNCF. Je ne suis pas pour le maintien de l'existant, je suis pour un nouveau groupe ferroviaire, mis sous surveillance collective, avec une forme de démocratie ferroviaire.
La concurrence est un très grand débat dogmatique. Dans son rapport remarqué, Francis Grignon l'a dit excellemment : il faut le « prendre de l'autre côté », par le terrain, le concret, le réel. Personne ne soutient que la concurrence règlera tous les problèmes. Mais je ne peux expliquer aux élus qu'ils ont le choix pour tout - l'eau, les déchets - sauf pour un domaine, où subsisterait un monopole éternel. Il faut introduire, pour les élus qui le souhaitent, une faculté, qui n'est pas une obligation, de concurrence équitable, dans des conditions acceptables pour la SNCF et les cheminots, sans dumping social. Il faut sortir du débat théologique pour trouver la façon française de mettre le système en tension positive. Pardonnez-moi de « faire du Grignon » en moins bien ! Le rapport Grignon a été salué par tous, de la CGT aux plus libéraux, comme un élément du point d'équilibre du futur. Si l'on examine les 25 pays européens qui ont un chemin de fer, chacun d'entre eux a trouvé son propre modèle. L'Union européenne est plus dogmatique, elle veut distinguer les tuyaux et les services, elle veut émietter, mais les pays ont résisté, en tenant compte des réalités nationales. Notre pays a une chance formidable. Le chef de l'État l'a dit quand il a inauguré le TGV Rhin-Rhône : « le train, c'est la France ». Nous sommes capables de bâtir ensemble une évolution qui nous permette de continuer à faire circuler plus de trains, car il faut plus de productivité. Je plaide pour un champion national. Il serait dommage que les investissements consentis par des générations successives de Français en faveur du train viennent à se perdre. Mais il faut de la concurrence. Le génie allemand, en 1994, à l'occasion de la réunification, fut de réunir tout le monde autour de la table et de réussir une réforme qui a transformé la Deutsche Bahn. C'est le modèle qui doit nous inspirer aujourd'hui.
J'ai été très sensible à votre évocation de la possibilité, pour les régions, ou l'État, de comparer les offres des transporteurs. Nous pourrions instituer, comme nous le faisons déjà tous les jours, des délégations de service public. L'Europe n'impose rien pour l'instant. Je ne pense pas que les tractations en cours au Parlement européen débouchent sur de nouvelles obligations. Nous ne serons obligés à rien avant 2019. Raison de plus pour anticiper ! Les délégations de service public permettent de choisir. L'essentiel, pour l'Europe, c'est la clarté absolue des budgets. Je rappelle que pour les TER, le contribuable paie 70 % et les usagers 30 % en moyenne.
Michel Teston, l'intention du gouvernement, d'après ce que j'ai compris du projet de loi que vous avez évoqué, est, lorsque le train ne peut offrir un service convenable sur longue distance, de faciliter le transport collectif en bus plutôt que l'usage d'une myriade de voitures particulières. Ainsi, faire Caen-Bruxelles en train, c'est très difficile, alors que l'autoroute couvre les deux tiers de la distance. Dunkerque-Londres, c'est aussi très difficile en train. Pourquoi ne pas recourir aux bus ? A condition que les bus respectent les normes européennes comme la classe Euro V et soient surveillés. Le bus serait complémentaire du train. La plupart des pays le font. Mais nous ne laisserons pas Véolia acquérir en la matière le monopole que l'on nous conteste dans le domaine ferroviaire ! La SNCF sera donc présente.
Je tiens à vous remercier pour la précision de vos réponses et votre disponibilité.