Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé tout d'abord à la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 35 (2013-2014) tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres.
J'ai été saisie de la candidature de Mme Bariza Khiari. Y a-t-il d'autres candidatures ?
Je présente la candidature de M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis des crédits du livre pour notre commission.
Nous allons procéder au vote à bulletins secrets.
Il est procédé au vote.
Voici les résultats du scrutin : nombre de votants : 32.
Mme Bariza Khiari ayant obtenu 23 voix et M. Jacques Legendre 9, Mme Bariza Khiari est désignée rapporteure de la proposition de loi n° 35 (2013-2014) tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres.
Si l'UMP ne conteste pas les résultats du scrutin, je constate qu'il s'agit en l'espèce d'une transgression de nos bonnes pratiques car, comme je l'ai indiqué, M. Legendre est le rapporteur des crédits du livre. En outre, ce texte est issu d'une proposition de loi du groupe UMP même si l'Assemblée nationale l'a adoptée à l'unanimité. Les règles ont manifestement changé, ce que je déplore.
Il s'agit d'une pratique et non pas d'une règle. J'ai éprouvé la même amertume lorsque la commission a désigné comme rapporteur de ma proposition de loi sur la photographie M. Jean-François Humbert, membre du groupe UMP, et je comprends votre pincement au coeur.
Puis la commission entend M. Hubert Allier, vice-président de la Conférence permanente des coordinations associatives (CPCA).
La CPCA constitue la voix du mouvement associatif, sa tête de réseau. Des organisations nationales en sont membres, tels que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), la Coordination des fédérations des associations de culture et de communication (COFAC) et l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) qui, eux-mêmes, coordonnent l'action des associations dans leurs différents secteurs.
Vingt CPCA régionales sont également membres de la Conférence. Depuis 2012, celle-ci s'est ouverte à d'autres partenariats tels que des collèges d'experts ou des personnalités qualifiées. Au total, la CPCA, en intervenant dans les domaines aussi variés que la jeunesse et l'éducation populaire, le sport, la culture, la solidarité nationale, les droits de l'homme, la consommation ou les droits des femmes, constitue ce que d'aucuns pourraient qualifier « d'énorme machin ». Mais son objectif est de permettre au monde associatif de s'adapter au monde contemporain sans perdre ce qui fait sa valeur.
Pour ce faire, elle marche sur deux pieds : le premier est politique, il s'agit de la société civile qui s'engage à titre volontaire ou bénévole pour défendre des causes ; le second d'ordre économique, car les associations doivent pouvoir continuer à vivre et mener à terme leurs projets.
Depuis trois ou quatre ans, on constate que ce second pied prend de plus en plus d'importance. C'est pourquoi la CPCA s'efforce de préserver l'équilibre entre politique et économie, de sorte que les associations ne soient pas assimilées à l'économie de marché.
En pratique, la CPCA se préoccupe de quatre grands dossiers :
- le modèle social et économique des associations. Une association ne se réduit ni à une entreprise ni à une administration, elle constitue une entreprise de relation, de cohésion sociale, en particulier en direction des personnes sorties des dispositifs d'aide ou de soutien. C'est aussi à ce titre qu'il convient aujourd'hui de réfléchir à la place de la subvention comme mode d'intervention des collectivités territoriales. Celle-ci est désormais délaissée au profit du marché public, les collectivités territoriales allant même au-delà de ce qu'imposent les règles communautaires ;
- l'emploi. Les associations constituent une ressource humaine qui fait intervenir de nombreux acteurs : salariés, bénévoles, volontaires et usagers, qu'il n'est parfois pas simple de faire cohabiter afin de mener des actions en commun ;
- le dialogue civil et la co-construction des politiques publiques : comment aujourd'hui le monde associatif qui représente des millions de bénévoles et 1,5 million de salariés peut-il être reconnu et associé à la construction des politiques publiques ? Il souffre d'un manque de confiance de la part des élus, ce qui se traduit par des difficultés à mener des partenariats pourtant nécessaires car les associations s'adressent à ceux qui ne sont plus dans les circuits. Même si les associations sont représentées au Conseil économique social et environnemental (CESE) et aux conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (CESER), elles doivent s'interroger sur la manière de peser sur l'action publique ;
- l'engagement citoyen autour d'un projet collectif, dont les modalités sont variées (bénévolat, service civique...) et qui pose la question de la gouvernance des associations.
C'est à travers ces quatre grands domaines d'intervention que les associations se positionnent dans le débat public. À cet égard, je voudrais évoquer deux projets de loi en cours d'examen au Parlement et qui doivent permettre au monde associatif d'affirmer son identité, sachant qu'il n'est pas facile de se renouveler sans perdre ses valeurs.
Le projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire reconnaît la possibilité d'entreprendre autrement. Il comporte à mes yeux un point très important, la définition légale de la subvention. Celle-ci ne constitue plus un outil privilégié - pour l'État et les collectivités territoriales - de soutien au monde associatif pour mener à bien des projets ambitieux. Je regrette en revanche que le projet de loi ne prenne en compte que la partie économique de la subvention et je souhaiterais qu'il soit plus dynamique car l'économie sociale et solidaire ne constitue pas seulement une addition d'acteurs.
Je serai plus négatif s'agissant des lois de décentralisation. Elles sont inaudibles par les citoyens de base qui n'entendent que « les élus parlent aux élus » et les associations ne s'y retrouvent pas.
Aujourd'hui, il est nécessaire de retravailler la charte signée en 2001, depuis lors en grande partie mise de côté. La CPCA s'est saisie de la perche tendue par le Président de la République et le Gouvernement. Mais elle souhaite que sa révision engage également les collectivités territoriales, au-delà des associations d'élus qui les représentent, car la charte fixe des principes partagés par l'État, les associations mais aussi les collectivités territoriales.
En conclusion, je dirais que si nous reconnaissons la nécessité de coordonner l'action des associations et de mutualiser leurs moyens on ne peut pas se passer d'un monde qui représente des millions de personnes.
Je donne d'abord la parole à M. Jacques-Bernard Magner, qui préside le groupe d'études sur l'éducation populaire et la culture.
Permettez-moi d'intervenir comme représentant du Sénat au Haut Conseil à la vie associative. En son sein, j'ai travaillé avec les représentants du CPCA sur la Charte d'engagements réciproques, pour laquelle nous sommes sur le point d'aboutir, et sur le statut du bénévolat, qui lui, a tendance à jouer les filles de l'air.
Vous avez cité le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire, qui contient d'importantes innovations relatives aux subventions et la loi sur la décentralisation, qui crée des contrats d'objectifs permettant de ne pas distribuer lesdites subventions à l'aveugle. Vous auriez pu aussi citer la loi sur la refondation de l'école de la République, qui restaure un lien essentiel, un moment rompu, entre le secteur éducatif et le secteur associatif.
Un dernier mot pour constater avec regret le succès mitigé et déclinant du service civique, qui pouvait constituer une ressource en effectifs importante pour le tissu associatif.
Outre l'intervention directe des associations dans l'animation des temps non scolaires, la loi sur la refondation de l'école prévoit aussi pour les associations un rôle dans la formation des enseignants sur ces périodes.
Je suis quelque peu étonnée de vous entendre dire que les élus ne vous entendent pas alors que la Charte est prête à être signée. Les élus de terrain que nous sommes se battent quotidiennement pour la survie des associations qui sont au coeur de la vie collective.
Je pense comme ma collègue Françoise Férat, et comme la plupart des élus, que le tissu associatif est essentiel pour nos collectivités : dans ma commune d'Auray, 230 associations interviennent, tant dans le domaine culturel que dans celui des loisirs. La nature des relations entre les associations et les collectivités pourrait certes être repensée et modernisée, mais ces relations sont bonnes dans la plupart des cas. Nous éprouvons, il est vrai, quelques difficultés de compréhension mutuelle avec les conseils de développement.
La loi sur l'enseignement supérieur et la recherche a, elle aussi, pris en compte le tissu associatif en envisageant les transferts vers les associations et en favorisant l'implication des étudiants en leur sein.
S'il est indéniable que les associations constituent le coeur battant de la vie collective, on peut regretter que certains acteurs usurpent le statut associatif pour servir des démarches lucratives ou des intérêts particuliers. Ce point avait déjà été relevé lors de la concertation conduite sous le gouvernement Jospin à l'occasion du centenaire de la loi de 1901.
Les associations sont indispensables pour alimenter la vie sociale du pays. Or, la question du renouvellement de leurs instances se fait de plus en plus pressante : comment, selon vous, remotiver ou relayer les membres des bureaux d'associations souhaitant passer la main ? Par ailleurs, disposez-vous d'information sur la sociologie de ces bureaux, qui me semblent plutôt masculins et plutôt âgés ?
J'aimerais aussi avoir votre avis sur l'ouverture internationale des associations. Dans mon département, au-delà de l'action strictement humanitaire, nous souhaitons encourager les initiatives pour la diffusion des micro-crédits et pour la responsabilisation des femmes.
Les lois sur l'école et sur l'enseignement supérieur et la recherche ont été citées à juste titre, mais elles concernent plus nos grandes fédérations, la CPCA restant sur une approche transversale.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit sur les contrats d'objectifs, à condition toutefois que ceux-ci soient respectés par l'État et par les collectivités, ce qui n'est pas toujours le cas.
S'agissant de l'international, il existe une « coordination sud » qui se consacre aux sujets évoqués par Mme Blondin. La question des bureaux des associations est cruciale car si le tissu associatif donne l'apparence d'une bonne santé et d'une grande vitalité, il est véritablement rongé par une crise des vocations à diriger les associations. Les dirigeants d'associations ont le sentiment de ne plus être entendus par des élus, qui se parlent entre eux, lorsqu'ils leur disent perdre de vue les raisons initiales de leurs engagements et ne plus être occupés que par des soucis de gestion quotidienne. Cette lassitude est très dangereuse pour le secteur des associations qui est vulnérable car, sauf exceptions notables, généralement assez peu combatif.
Nous sommes nombreux au sein de notre commission à être attentifs à la situation des associations. Le 20 septembre dernier, j'ai d'ailleurs posé une question au Gouvernement sur les aides et les subventions accordées aux associations. J'ai pleinement conscience des cris d'alarme lancés par celles-ci. À cet égard, dispose-t-on de données chiffrées sur l'évolution des aides et des subventions qui leur sont versées ?
Autre question, la capacité des associations à rembourser les prêts accordés par la Banque publique d'investissements (BPI).
Enfin, je m'interroge sur la nécessité d'accorder une aide juridictionnelle aux associations qui sont confrontées à des règles juridiques de plus en plus complexes.
Je constate moi aussi que l'action des associations passe par un mélange de bénévoles et de salariés qu'ils emploient. Cette situation est difficile mais pas nouvelle.
En matière de marchés publics, sur quels critères se fonder pour faire en sorte qu'il y ait moins d'appels d'offres par rapport aux subventions et que ceux-ci permettent de fixer de vrais objectifs aux associations plutôt que de recourir à l'entreprise « lambda » ?
Enfin, je relève qu'il est un peu contradictoire de déplorer à la fois le cumul de fonctions des dirigeants des associations et la difficulté de procéder à leur renouvellement faute de vocation.
Les relations entre le monde politique et les associations ne sont pas idylliques. Pour autant de nombreux rapprochements existent : emplois d'avenir, emplois d'initiative, conseils de développement à la périphérie des intercommunalités et Agenda 21, fondé sur la consultation du tissu associatif.
Quel regard portez-vous sur la place des associations au sein des CESER ? Quelles sont vos relations avec les autres intervenants de l'économie sociale et solidaire que constituent par exemple les fondations et les coopératives ?
Je constate également les difficultés que rencontrent les associations pour renouveler leur encadrement et faire en sorte que de nouvelles personnes assurent les responsabilités. Il est vrai que ces dirigeants doivent consacrer de plus en plus de temps à régler des problèmes administratifs ou financiers, tels que la recherche de partenaires ou la collecte de fonds, au détriment du coeur de leur engagement. En outre, les associations éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver des partenaires privés, ce qui accroît les tensions avec les collectivités territoriales. À l'inverse, celles-ci sont confrontées à la multiplication des associations qui éprouvent rapidement des difficultés à fonctionner.
Je voudrais apporter une précision quant aux lois de décentralisation. Le Parlement a d'abord examiné le projet de loi créant les conseillers territoriaux puis celui relatif aux métropoles. En revanche, les autres volets de la décentralisation n'ont pas encore été inscrits à l'ordre du jour. Le moment venu, la commission de la culture se saisira pour avis des projets de loi fixant les compétences des différentes collectivités et sera à l'écoute du monde associatif.
Pardonnez-moi si j'ai quelque peu forcé le trait s'agissant notamment de nos relations avec les élus, mais je voulais être certain d'être bien entendu.
La mise en place d'une aide juridictionnelle en faveur des associations a été évoquée. Je considère pour ma part que les pouvoirs publics devraient simplement se résoudre à faire confiance à nos têtes de réseaux, qui pourraient informer et appuyer les associations, comme les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers appuient les entreprises et les artisans.
Pour l'heure, la confiance n'est pas totale, car de par leurs capacités d'analyse et d'expression critique, les grandes organisations têtes de réseau constituent plutôt un danger pour les pouvoirs publics.
Pour une meilleure connaissance du secteur associatif, dont la nécessité a été soulignée à l'époque par Jean-Louis Borloo, il conviendrait de mettre en place un observatoire unique, qui remplacerait avantageusement les deux cents observatoires oeuvrant actuellement en ordre dispersé.
À condition d'y avoir recours à bon escient, les associations peuvent aussi s'appuyer sur le CESE et les CESER. Cette ressource est d'ailleurs mentionnée dans la future charte.
Le secteur associatif étant non lucratif par essence et tourné vers les personnes, il importe de bien le distinguer des secteurs coopératif et mutualiste, qui moyennant le versement de « cotisations » ont pour vocation première de proposer des produits et des services.
S'agissant des financements, la banque publique d'investissement constitue un outil intéressant, à condition cependant d'effectuer un changement d'échelle qui seul permettra de répondre aux exigences de la mondialisation et de la coopération internationale.
Si nous n'avons pas d'opposition doctrinale aux appels d'offres qui visent à se prémunir des ententes et des malversations, nous regrettons que les associations, souvent généreusement engagées et investies sur un projet, se voient finalement opposer une procédure de marché public avantageant des acteurs mieux armés.
Pour conclure, il me faut revenir sur une contradiction apparente, relevée par Mme Laborde, contenue dans mon évocation des instances dirigeantes des associations : si nous connaissons tous des cas de personnalités cumulardes - dans le temps et dans l'espace - peu portées aux changements, et éventuellement autoritaires, je réaffirme que la tendance lourde est à la lassitude, à la démotivation et à la crise des vocations de dirigeants d'associations.