La commission auditionne M. Arnaud Danjean, président de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement européen (conjointement avec la commission des affaires européennes).
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -
La commission auditionne M. Bernardino León, représentant spécial de l'Union européenne pour la Méditerranée du Sud.
Nous sommes heureux de vous accueillir au sein de notre commission pour évoquer avec vous les relations de l'Union européenne avec les pays de la Méditerranée du Sud.
Je vous remercie de vous être spécialement déplacé pour nous rencontrer, nous y sommes particulièrement sensibles.
Comme vous le savez, notre commission a travaillé l'année dernière sur ce sujet - vous avez d'ailleurs reçu à Bruxelles les membres du groupe de travail que présidaient nos collègues Josette Durrieu et Christian Cambon - et elle suit très attentivement le développement de la situation politique de cette zone géographique qui se situe dans notre immédiate proximité.
Vos fonctions actuelles, mais aussi vos responsabilités passées, comme diplomate, comme secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, puis auprès du Premier ministre de l'Espagne, font de vous un des plus éminents spécialistes du monde arabo-musulman.
Ce monde, sur le pourtour de la Méditerranée, a connu et connaît encore de grandes tensions, qui ont été caractérisées par le mouvement dit du « printemps arabe ». Nous serions heureux de recueillir, trois ans après ces évènements, votre analyse de la situation et de son évolution.
L'Union européenne a, de longue date, développé, vers ces pays, une politique de voisinage, dont on voit bien le déploiement dans des pays comme le Maroc, mais dont on perçoit partout ailleurs certaines limites. Les instruments sont-ils adaptés ? Les moyens affectés à cette politique sont-ils suffisants ?
Sur le plan multilatéral, la création de l'Union pour la Méditerranée a représenté une étape. Le projet était sans doute trop ambitieux et il a peu progressé dans la dimension politique. L'Union européenne en assure la co-présidence. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Les pays de la partie occidentale de la Méditerranée ont mis en place un dialogue moins institutionnalisé mais plus pragmatique, le forum 5+5. Il nous paraît plus prometteur à court terme, à condition d'être coordonné avec les politiques européennes. Quelle appréciation portez-vous de Bruxelles sur ce forum ?
Enfin, d'un point de vue général, on a souvent l'impression en France que les pays de l'Europe du nord et de l'est ont du mal à s'intéresser aux questions méditerranéennes. Cette analyse est-elle juste ? Si oui, comment les impliquer davantage ?
Je souhaite tout d'abord vous exprimer mon plaisir d'être ici. Le plaisir est également de saluer Mme Josette Durrieu et M. Christian Cambon, qui ont réalisé un travail incroyable et spectaculaire. J'ai rarement vu, dans mon expérience politique et diplomatique, un rapport venant d'un corps législatif, voire même de l'exécutif ou de think tanks, de ce niveau et de cette profondeur.
Je vais procéder à un tour d'horizon de la situation au Sud de la Méditerranée, en quatre points, mais surtout engager un dialogue avec vous. En effet, il faut admettre que l'on n'a pas d'idées toujours très claires sur les perspectives de cette région. Il est difficile d'entrevoir une ligne stratégique qui peut nous aider à surmonter les différents défis auxquels la région est confrontée. C'est donc à travers les échanges et le dialogue que l'on peut parvenir à dégager des conclusions.
Il est donc difficile de définir une approche régionale. On peut penser à ce qu'écrivait David Hume : « les êtres humains ont besoin de systématiser ». Mais cette systématisation est toujours un mirage, et plus encore dans cette région. Il est impossible de systématiser même si quelques considérations communes peuvent être relevées qui pourraient donner des pistes pour parvenir à une approche régionale.
En deuxième lieu, le rôle de la société civile doit être souligné car elle a une énorme importance, et il faut également mettre en avant le rôle de la communauté internationale et plus particulièrement de l'Europe, qui a une responsabilité spéciale. Les formules du passé, et notamment l'Union pour la Méditerranée (UpM), restent une option valable, mais nos initiatives régionales ont besoin d'être réformées et relancées.
La diplomatie parlementaire peut jouer un rôle capital. Il faut également développer une nouvelle approche politique dans la région, dégager ce que j'appelle une « troisième voie » et je m'adresserai à vous, non seulement en tant que parlementaires, mais aussi en tant que politiciens, membres de partis, pour participer à ce projet.
Au terme de notre analyse, ce qu'on a appelé, de façon très générale, le printemps arabe recouvre en fait des phénomènes très hétérogènes. Il existe, en un sens, plus de différences que de convergences entre les pays. Comme nous avions pu le pressentir lors de notre rencontre à Bruxelles avec le groupe de travail, la Tunisie est bien le seul pays qui a pu avancer rapidement en matière de transition démocratique. Dans les autres pays, il s'agit de projets de long terme. Le seul élément commun de ces changements entre la Tunisie, l'Égypte, la Libye est l'élément «contre », ce que les révolutionnaires voulaient éliminer, c'est-à-dire la dictature. Mais il y a de grandes différences lorsqu'on aborde le « pour ». Dans chaque pays, les projets de société restent à définir. Les islamistes ont un projet de société, mais les libéraux aussi. Qui plus est, les islamistes tunisiens ont des projets différents de ceux des Égyptiens ou des Libyens, et il en va de même pour les libéraux. C'est pourquoi, il importe de réfléchir à une « troisième voie ». En Europe, le modèle de l'État et de la Nation étaient partagés par les différentes forces politiques. Ces éléments de solidarités politiques n'existent pas dans les régions du sud.
Des éléments communs doivent néanmoins être mentionnés, qui peuvent nous aider à travailler pour le développement de la démocratie. Il concerne deux paires de questions, la relation politique et économie d'une part, la relation sécurité-droits de l'homme, d'autre part.
Les ruptures que l'on a observées ont une origine sociale et économique. Le suicide de Mohamed Bouazizi en Tunisie, les revendications des manifestants de la place Tahrir témoignent d'une situation de grande détresse sur le plan économique et social. Mais personne dans ces pays n'avait une idée de la démocratie. Ce que tout le monde savait, c'était que leur vie quotidienne était épouvantable et qu'il fallait changer de régime. Cette situation demeure. Si l'échec économique continue, il n'y aura pas de succès politique. Même en Tunisie avec un bon accord politique, si l'on n'est pas capable de travailler efficacement pour redresser l'économie, il y aura un risque pour la transition politique. C'est pour cela que le rôle de l'UGTT a été clé et que les partis politiques ne voulaient pas quitter la voie de l'UGTT car c'était la condition de la stabilité économique et de la paix sociale. Il est particulièrement important de travailler l'économique et le politique, dans un pays comme l'Égypte. Certes le leadership égyptien va essayer de consolider une voie politique, mais dans un contexte économique extrêmement difficile avec désormais la menace terroriste sur le tourisme, ce qui introduit un facteur de désordre supplémentaire. On pourrait formuler les mêmes observations, dans un contexte très différent pour la Libye.
Le couple sécurité-Droits de l'Homme nous préoccupe beaucoup. Or, on revient à la vieille école de pensée selon laquelle garantir la sécurité et lutter contre le terrorisme, « à notre bénéfice et au vôtre », implique des sacrifices pour la transition démocratique et des droits de l'homme. Ceci est très dangereux. Il est certes aujourd'hui impossible de penser à une construction démocratique complète et ambitieuse en Égypte sans garantir la sécurité mais qu'au moins on devrait demander aux Égyptiens que les bases démocratiques et les fondements des droits de l'homme ne soient pas écartés. La politique suivie actuellement conduit à une polarisation politique et l'on s'éloigne du processus de construction d'une démocratie future.
S'agissant de la société civile, les changements sont irréversibles mais dans certains pays comme l'Égypte la pression est forte à l'encontre de la société civile. Les changements seront vraiment irréversibles si la société civile est soutenue plus activement par l'Europe et les États-Unis. Les sociétés civiles de ces pays ne sont plus à développer, elles existent, elles sont actives et elles sont à la base de ces changements qui viennent de l'intérieur et non de la pression internationale. Nous avons une responsabilité importante dans tout ce qui concerne le non-gouvernemental et aussi dans le cadre de la diplomatie parlementaire. Les assemblées jouent un rôle important. En Tunisie, l'Assemblée est la seule institution démocratique. La France, compte tenu de sa relation historique et privilégiée, a une possibilité extraordinaire de la soutenir. Cela ne sera pas facile, car il y a eu des difficultés certaines à faire aboutir l'accord entre les partis politiques jusqu'au dernier moment avec une coalition hétérodoxe de députés, de camps opposés, et même au sein de partis qui soutenaient l'accord, qui souhaitaient imposer un système de censure des ministres à la majorité simple, ce qui était inacceptable par le Premier ministre pressenti et donc avait pour objectif de faire capoter l'accord sur la constitution. Il y a encore des partisans sur tous les bancs d'un système hégémonique de tel ou tel parti. Il y a donc encore un énorme travail à réaliser pour donner de la stabilité au gouvernement et préparer les élections. En Égypte, même constat : on aura une Assemblée où le rôle des partis politiques sera moins important. Les élections seront probablement organisées sur la base de candidatures individuelles. Certains partis vont essayer de renforcer la démocratie au sein de l'Assemblée, d'autre pas. Je ne vois pas la possibilité de voir le parti des Frères musulmans présent à l'Assemblée. Mais d'autres partis islamistes salafistes ou « Strong Egypt » de M. Aboul Fotouh, peuvent jouer un rôle de pont pour promouvoir le dialogue national. On verra cela au Parlement, mais pas au niveau de l'exécutif. Le maréchal Al-Sissi n'aura probablement aucun mal à se faire élire président et les Frères musulmans ne voudront pas négocier avec des représentants de l'armée, mais uniquement avec des politiciens. C'est donc au sein de l'Assemblée que le dialogue a une chance de se nouer. De ce point de vue, le rôle de la diplomatie parlementaire sera fondamental.
Pour la communauté internationale, la polarisation caractérise la région. Selon certains observateurs, la polarisation préexiste dans certains pays comme l'Egypte et oblige certains pays voisins comme l'Arabie Saoudite, les Émirats, le Qatar ou la Turquie à prendre position ; d'autres pensent que c'est la polarisation extérieure qui suscite la polarisation intérieure.
Dans le prolongement de cette idée, le président du Sénat jordanien m'expliquait hier que certains pays demandent d'approfondir la voie démocratique, d'autres de ne pas le faire. Il y a donc une polarisation dans la communauté internationale.
Sans simplifier à l'extrême, ce qui est certain, on ne peut pas parler uniquement de polarisation islamistes-non islamistes. C'est plus complexe. Il existe une polarisation entre Frères musulmans et salafistes en Égypte et depuis longtemps une polarisation sunnites-chiites, notamment au Liban où elle reste un élément fondamental.
Quand la Turquie et le Qatar sont décriés comme pays terroristes dans les médias égyptiens, le rôle de l'Europe devient important. Les Européens sont les seuls à continuer à se situer au centre de la scène politique et qui constituent à être des interlocuteurs valables pour les islamistes et les libéraux. Le défi est extraordinaire pour l'Europe. Le statu quo n'est pas acceptable, car il va augmenter les difficultés et conduire par une spirale négative à une situation de non-retour. Certains pays vont devenir instables pour longtemps, dont la Libye, qui est le défi le plus important aujourd'hui. La communauté internationale fait un effort extraordinaire mais les Libyens ne sont pas capables de surmonter seuls leurs difficultés. La communauté internationale va devoir prendre des décisions et agir en totale coordination, ou alors la situation va devenir encore plus chaotique et risque de déstabiliser des pays voisins comme la Tunisie.
Si nous ne sommes pas capables d'engager une politique efficace au Sud de la Méditerranée, compte tenu de la situation démographique, de la situation sociale, des questions migratoires, de l'approvisionnement énergétique, l'avenir de l'Europe sera aussi remis en question. Les régions qui connaissent le succès économique ont été capables de construire un lien entre un Nord industrialisé composé de sociétés matures (États-Unis - Canada aux Amériques, Japon et Corée en Asie) et un Sud en développement. On ne l'a pas fait dans notre région. Le déplacement du centre de gravité international à ces nouvelles régions plus dynamiques, qui ont réglé ces différences nord-sud de façon plus efficaces, est un appel pour nous Européens à travailler dans cette perspective si l'on veut récupérer une place sur le plan international.
La Méditerranée reste le grand défi de la zone. Nous sommes obligés de travailler de façon efficace. On a essayé le processus de Barcelone, l'UpM, mais cela n'a pas marché. L'élément politique manque. Les révolutions dans les pays du sud donnent peut-être l'opportunité de mettre la politique au centre de nouveaux schémas régionaux. L'UPM peut être réformée. Il n'est peut-être pas nécessaire de créer de nouveaux instruments. Il faut toutefois constater lucidement que ce qu'on a aujourd'hui est clairement insuffisant.
Avant de conclure, je voudrais insister sur la nécessité de développer une « troisième voie ».Tous les partis politiques du Sud mettent en avant qu'ils n'ont pas été capables de mettre en place un projet politique commun. En Tunisie, on a un accord entre 21 partis politiques imposé par la société civile, mais cela ne signifie pas qu'Ennahda et les partis libéraux se sont mis d'accord pour développer un projet commun de société. Même en Tunisie, le projet commun n'existe pas encore. Des personnalités politiques comme Ahmadi Jebali, ancien premier ministre tunisien, ou en Égypte comme Mohammed El Baradei, qui a été très critique à l'égard des islamistes, qui est entré au gouvernement mis en place par les militaires mais qui a démissionné après leur décision d'engager la répression, ont commencé à entrer dans cette démarche. Mais c'est quelque chose qu'en tant que politiciens vous devriez inclure dans vos réflexions. En Europe, les partis conservateurs ont acquis la conviction que la cohésion sociale était nécessaire et les partis sociaux-démocrates ont recentré leurs discours. On est donc bien dans une démarche de rapprochement, de « troisième voie » qui est fondée sur la lutte contre le fascisme au cours de la seconde guerre mondiale, une sorte de pacte entre les forces politiques sur un modèle de société et qui porte le projet européen. Les grands partis européens ont la possibilité de travailler sur ce concept et de démontrer aux partis du sud que sans un projet politique commun de société, il sera difficile de stabiliser à long terme ces démocraties.
Je souhaiterais proposer quatre conclusions opératives à ce propos liminaire :
L'Union européenne doit changer d'approche stratégique et ne peut pas continuer à approcher les pays du Sud en spectateur. Le principe « more for more, less for less » revient à attribuer des prix pour saluer les efforts de certains pays en matière démocratique, mais c'est oublier que l'Europe doit prendre part au processus et s'impliquer davantage. Elle devrait changer d'approche. Elle ne doit pas regarder le processus de façon cynique de l'extérieur mais assumer son rôle comme acteur. D'autres sont en train d'agir, notamment les pays du Golfe. Ils sont impliqués comme acteurs et cela va affecter l'avenir de l'Union européenne.
Sur le plan institutionnel : lorsqu'on a parlé de processus de paix au Proche-Orient, on a dit aux Israéliens et Palestiniens qu'ils auraient un accès privilégié à l'Union européenne s'ils parvenaient à un accord de paix. C'était la bonne méthode. Mais nous devrions faire la même chose au sujet de la démocratie dans les pays du Sud qui revêt une importance très grande pour l'Europe. Nous devrions tenir le même discours et offrir l'association la plus large à des pays comme la Tunisie si la démocratie se stabilise.
Sur le plan économique, force est de constater que sans succès économique, il n'y aura pas de succès politique. France, Espagne, Italie ont toujours eu des liens privilégiés avec les pays du sud mais leurs productions sont directement en concurrence avec les productions des pays du sud, notamment en matière agricole. Mais lorsque la stabilité et la démocratie sont en jeu, je pense que l'on doit faire le maximum possible, pour investir et ouvrir nos marchés. Je ne sais pas à quel niveau placer le curseur du possible mais ce que je sais, c'est que nous devons nous montrer plus généreux avec les pays du Sud. Ces sociétés ne demandent pas la charité. Elles sont capables de produire dans l'agriculture et dans l'industrie, mais ont besoin de marchés et nos marchés sont leurs débouchés naturels.
Le message actuel des dirigeants égyptiens est de les laisser tranquilles et de les laisser faire. Il sera sans doute difficile d'avoir une influence dans la période prochaine, il faudra leur laisser se rendre compte par eux-mêmes de la nécessité de mettre en place une approche plus inclusive. Ce n'est pas la communauté internationale qui va les convaincre. En revanche, vis-à-vis de la société civile, nous avons une responsabilité fondamentale où nous ne devrions pas accepter de limitations des pays du sud. Ils vont essayer et nous demande de ne pas intervenir pour soutenir la société civile. Je pense notamment à la nouvelle loi sur les ONG en Égypte, qui est inquiétante. Compte tenu de ce qui s'est passé depuis trois ans, L'Union européenne doit fixer sur ce sujet une sorte de « ligne rouge » car c'est au sein de la société civile que se trouve le fondement de la démocratie future.
Merci de nous avoir éclairés sur ces sujets, notamment lors de notre déplacement à Bruxelles et d'avoir partagé avec nous vos réflexions. Je me souviens en effet d'un mot que vous aviez employé à propos de la Tunisie, celui de laboratoire. Je salue votre capacité d'anticiper, ce qui montre la justesse de vos analyses. Nous avons toujours pensé, comme vous, que les évènements du sud de la Méditerranée sont pour une large part de nature économique et sociale, même s'ils ont été enveloppés de toute cette problématique islamique et nous en avons conclu qu'une approche par le développement de projets constituerait la bonne réponse à ces situations. J'aimerais savoir quelle est la perception depuis l'Europe de la proximité qui est la sienne en ce qui concerne la Méditerranée. Car nous avons un sentiment de désintérêt envers la rive sud, mais aussi de l'Afrique et de cette grande région nord-sud. Comment devons-nous faire pour progresser ?
Comme il y a des Méditerranées, nous proposons le forum 5+5 comme instance pour réfléchir à la région occidentale. Qu'en pensez-vous ?
Nous avons ressent, au cours de nos déplacements, la jeunesse de la société civile et notamment en Algérie, ainsi que le dynamisme des femmes, notamment des femmes chefs d'entreprise investies dans le développement des nouvelles technologies. Comment proposer et financer des projets qui correspondent à leurs aspirations ?
Je reviendrai sur votre deuxième conclusion, et dirai que c'est une question à laquelle nous sommes tous confrontés. Il y a un lien indéniable entre démocratie et lutte contre la pauvreté. Je comprends la nécessité d'accompagner les progrès de la démocratie dans ces pays par de la conditionnalité, car ce sont nos valeurs et que nous devons les défendre. Mais la réalité que l'on ressent sur place, par exemple au Maroc, c'est que la course de vitesse entre le développement et la pauvreté conditionne la démocratie. Les réformes que le Roi a mis en avant dans son discours d'il y a deux ans n'a de sens que parce que son pays s'est volontairement ouvert au développement économique, efforts dans l'aéronautique, les énergies propres et durables, les infrastructures de transport... Il y a une véritable stratégie de développement qui consiste à dire qu'il faut sauver les gens de la pauvreté. N'est-ce pas là le problème que l'on rencontre partout ? Gaza n'aurait-il pas présenté une autre image si son développement avait été favorisé au lieu d'enfermer un million de personnes dans un ghetto de pauvreté et de misère ? Les instances européennes, et singulièrement les pays Scandinaves, ont raison de mettre en avant la conditionnalité de la démocratie pour obtenir des aides, mais faisons attention de ne pas en faire une règle absolue car le vrai problème est socio-économique. Les deux doivent marcher de pair et l'Europe doit prendre la mesure de cela et ne pas imprimer des principes magnifiques mais en décalage avec la réalité.
Comment cette politique européenne de voisinage se met en place ? Les priorités sont claires, la réalité l'est moins. La Commission souhaitait porter l'enveloppe de la PEV de 15,3 à 18 milliards, mais elle n'a pas été suivie. Pourquoi le statut avancé n'est-il pas proposé également pour la Tunisie ?
Certains en Europe veulent donner beaucoup d'importance aux partenaires de l'Est. Je comprends l'importance de l'Ukraine et du rôle que l'Europe y joue, mais cela me paraît compatible avec l'intérêt porté au développement du Sud.
Mais aussi, ces principes ont une répercussion stratégique d'une importance énorme. J'ai été personnellement déçu de voir la réaction des Européens par rapport à l'intervention de la France au Mali, car indéniablement, ce qui s'y déroulait risquait de déstabiliser le Sahel, et constituait une menace pour les pays au Maghreb, pour les printemps arabes et pour la Méditerranée et donc une menace pour l'Europe elle-même.
Face à cette situation, insister sur les processus qui marchent comme le 5+5 est une bonne idée pour un dialogue et une coopération efficaces. J'aurais une seule observation : le 5+5 n'inclut pas l'élément politique qui me paraît fondamental aujourd'hui. Des pays comme l'Algérie, qui ont des sociétés civiles assez dynamiques, le rôle des femmes, des médias... qui sont des atouts pour la démocratie, pour des raisons diverses ne développent pas des institutions démocratiques. La place de l'armée, des services de renseignement et du parti historique reste dominante. On devrait chercher à inclure l'élément politique dans le forum 5+5.
Je constate également que la région est en balance entre démocratie et géopolitique qui marche de façon graduelle de l'Ouest à l'Est. En Tunisie, la démocratie compte pour 90% et la géopolitique pour 10%. Cela permet de savoir où concentrer nos efforts d'autant que, l'élément géopolitique influent, c'est l'Europe. A mesure qu'on s'éloigne de la Tunisie vers l'Est, l'importance de la géopolitique monte et l'élément démocratique s'estompe : en Libye, c'est 50%-50%, en Égypte, 60% de géopolitique avec une présence très forte des Turcs, des Qataris, des Saoudiens, des Émiratis, ce qui complique le jeu et 40% pour l'élément démocratique. En Syrie, la proportion est 90% géopolitique et 10% pour l'élément démocratique. En fait la guerre civile est aussi un affrontement entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Il faut expliquer à nos partenaires européens qu'il y a un enjeu géopolitique dans cette zone et que si l'Europe ne s'implique pas, ce sont d'autres pays qui exerceront une influence dominante. Pour les Allemands et les Scandinaves, c'est aussi important.
Pour répondre à M. Cambon, le Maroc, effectivement, est unique. Il y a eu des réformes car le roi Hassan en 1998 a décidé de commencer les réformes. Il avait invité M. Youssoufi à former le gouvernement, alors qu'il était un de ses opposants. Avec Mohammed VI, le pays a continué les réformes. Il est important de se rappeler que même dans les moments les plus obscurs sous Hassan II, les partis politiques existaient comme des éléments indépendants.
Mais vous avez touché le point le plus important dans les relations Europe et les pays du Sud. Comme vous l'avez expliqué, la conditionnalité devient une religion. Je prends souvent avec mes interlocuteurs de l'Europe du Nord l'exemple du droit romain, qui était initialement très symbolique, très lié à la religion, très éloigné de la société. Il n'avait donc pas d'utilité. Mais vers le IIe siècle avant JC, les juristes l'ont rapproché de la réalité. Il est devenu cette « génialité » qui marque encore nos sociétés contemporaines. Nous sommes encore, avec la conditionnalité, dans la première étape. Mais en affirmant que nous aidons ceux qui ont un système démocratique et pas les autres, nous sommes en contradiction avec nos objectifs car notre coopération est destinée à promouvoir la démocratie, donc par principe devrait s'adresser à ceux qui ne le sont pas. La France comprend bien cette question, vous avez donc un rôle à jouer pour faire évoluer cette attitude.
L'Afrique va connaître un développement démographique fort et son développement économique va devenir un enjeu essentiel. Les pays comme la France ou l'Europe auront peut-être plus de responsabilités en raison de leurs liens historiques pour faire face à une situation qui risque de s'aggraver avec des problèmes migratoires importants. Il faut donc avoir le courage de mettre en place des politiques de développement même si la crise économique dans nos propres pays ne pousse pas les opinions publiques en ce sens.
La diplomatie parlementaire devrait être renforcée, au niveau de l'UE, du Forum méditerranéen de l'OSCE, de l'UpM. Il faut intéresser les autres pays européens, qui ne sont pas conscients de ces difficultés, à ces questions.
Lorsque le développement économique n'est pas partagé, les populations se tournent vers le populisme. C'est ce qui s'est passé en Algérie avec le FIS. Si on veut implanter la démocratie, il faut plus d'égalité pour ces peuples au quotidien.
Enfin, j'aimerais vous exprimer ma préoccupation devant la pollution de la Méditerranée. Je dénonce la politique mafieuse de certains qui déversent des déchets par bateau en Méditerranée. L'UE peut-elle avoir une politique en la matière ?
Je souhaite évoquer plus en détail la Libye. La Libye a toujours été un pays de tribus, ce qui pose d'importants problèmes pour l'organisation de l'État. La dégradation de la situation est inquiétante pour ses voisins au sud comme au nord. Comment voyez-vous notre type d'interventions spécifiquement dans un pays qui n'a pas de tradition républicaine forte ?
Personne ne parle des héritiers du Néo-Destour en Tunisie qui était un parti puissant, avec des réseaux actifs. Ont-ils conservé une capacité d'agir au sein des partis politiques ? Quel est leur poids réel aujourd'hui dans l'entreprise, l'armée ou la police ?
Je marque mon approbation sur ce qu'a dit Christian Cambon sur l'application de la conditionnalité. Dans le cadre du projet de la loi de programmation sur l'aide aux développement qui va être soumis à notre examen, j'observe que l'on pose des conditions excessivement nombreuses qui risquent de limiter la capacité d'action et surtout d'infliger une double peine aux populations qui, privées de démocratie, se verront privées d'une aide parfois vitale. Ce n'est guère tenable, il faut introduire une graduation et peut-être arriver à sanctionner en priorité les dirigeants qui détournent des ressources publiques à leur profit et qui souvent accumulent des biens dans les pays d'Europe. Je sais que cela n'est pas facile, avez-vous des orientations dans ce domaine à nous soumettre afin d'agir sans pénaliser les populations.
M. Néri a souligné à juste titre le travail que nous avons à faire vis-à-vis de nos populations, car nous voyons bien qu'elles ont tendance, avec la crise économique, à se refermer sur les problèmes domestiques et que le populisme inclut et met l'accent sur d'autres problèmes comme l'immigration, l'islam,...
S'agissant de la pollution, dans tous les accords d'association et les plans d'action, tous considèrent la lutte contre la pollution comme très importante. Je peux demander à nos services de vous donner plus d'informations sur cette question.
La Libye n'est pas un État, ne l'a jamais été. Il s'agit d'ensemble hétérogène. Le pouvoir se partage parmi cinq groupes : le gouvernement qui dispose d'un pouvoir très limité, l'Assemblée qui souhaitait prolonger son mandat au-delà du 7 février mais qui n'a pas réussi à s'imposer, les pouvoirs locaux qui montent en puissance dans des villes comme Misrata ou Benghazi et n'écoutent plus le gouvernement central, les milices qui disposent du monopole de la force en Libye et font des pressions énormes sur le gouvernement allant jusqu'à kidnapper le Premier ministre, et enfin les leaders des tribus, les cheikhs, notamment dans les villes du Sud qui sont les seuls à pouvoir résoudre les conflits qui apparaissent de plus en plus fréquemment dans cette région.
L'une des conséquences de cette absence d'État et de la dégradation de la situation sur le plan de la sécurité est de permettre un développement de l'activité d'Al Qaïda et d'autres djihadistes notamment dans le Sud et à l'Est du pays.
Ces défis de la Libye sont aussi les nôtres. N'ayant pas de frontières, ce qui se passe en Libye a des conséquences pour les pays du sud de l'Europe, notamment en matière d'immigration clandestine. Rappelons-nous que les côtes libyennes sont à 350 km de Malte.
Notre coopération devrait se concentrer sur ces deux éléments : la promotion du dialogue politique entre les différents acteurs en essayant d'imposer des accords auxquels ils ont du mal à parvenir seuls, et la sécurité pour laquelle nous avons aussi une responsabilité à exercer. Différentes pistes ont été explorées. L'idée française d'utiliser la gendarmerie européenne me paraît intéressante à approfondir. On ne peut pas envoyer l'armée, car ce serait perçu comme une occupation. Mais nous savons que la sécurité ne marche plus et que la formation à l'extérieur de la Libye ne marche pas. Il y a des inscriptions mais aussi beaucoup d'absentéisme. Il y avait 75 000 personnes recensées comme véritables anciens combattants qui ont fait la guerre contre Khadafi. Mais les listes comptent aujourd'hui 100 000 personnes. On voit bien qu'il s'agit d'abord de rechercher des opportunités et des privilèges pas nécessairement une formation pour être intégré dans les forces de sécurité libyenne. Certains demandent des bourses pour étudier dans les universités européennes, mais on constate aussi qu'une fois sur place, ils n'ont pas d'appétence pour ces études et posent des difficultés.
Il faudra aussi travailler avec les pays du sud, notamment avec la Tunisie dont l'armée a montré un sens des responsabilités extraordinaires dans la crise. Elle a été respectueuse de la démocratie et comme il s'agit de l'armée d'un petit pays, elle ne sera jamais perçue comme une menace pour les Libyens.
Ainsi, nous avons besoin d'explorer ces deux possibilités. Nos gendarmeries sont efficaces et compétentes dans des domaines multiples (contrôle des frontières, la lutte anti-terroriste, police judiciaire, maintien de l'ordre), elles ont l'expérience de ces missions et pourraient être perçues comme une composante civile. D'autre part, il est intéressant de travailler avec un pays comme la Tunisie, parce que les Tunisiens connaissent aussi la langue, comprennent les mentalités et ne seront pas perçus comme une menace.
La troisième priorité est la coordination internationale. Nous ne parlons pas d'une seule voix en Libye. Il y a aussi des différences entre les états-membres de l'Union européenne en raison d'intérêts commerciaux divergents. Or Le défi est énorme et la Libye risque de basculer.
S'agissant de la Tunisie et de la place des anciens du néo-Destour, Ennahda, à un moment, voulait préparer une loi d'exclusion qui aurait empêché l'accès à la vie politique ou aux fonctions publiques de nombreuses personnes, même très indirectement impliquées ou éloignées des centres de décisions de l'ancien pouvoir. J'ai longuement parlé à M. Ghanoucchi, le leader d'Ennahda de l'expérience espagnole de la transition démocratique et lui ai montré comment nous avons pu intégrer d'anciens cadres du régime franquiste et il a accepté ce point de vue.
Dans l'établissement de l'accord entre partis politiques en Tunisie, la réconciliation entre les deux anciens adversaires, MM. Ghannouchi et Essebsi qui est issu du Néo-Destour a été un point déterminant. Aujourd'hui après l'accord politique, il y aura sans doute la possibilité, à l'exception de ceux qui se sont tenus en dehors du système répressif de l'ancien régime et qui seront probablement jugés, de revenir dans la sphère publique.
Sur la conditionnalité, la France, l'Espagne et l'Italie, devraient jouer un rôle plus actif et insister pour qu'elle soit interprétée de façon intelligente. Les décisions devraient être prises au plus haut niveau, probablement au niveau du Conseil européen.
Nous n'avons pas évoqué la question de l'immigration. Comment l'Europe réagit-elle et quelle mesure envisage-t'elle de prendre ?
Quand ils arrivent en Europe, les immigrés sont souvent en quête d'identité et cette question de l'identité est parfois satisfaite par un rapprochement avec la religion. S'il y a une « troisième voie » et un accord entre libéraux et islamisme modérés dans les pays du sud, cela aura aussi une influence chez les immigrés et sur la perception de l'islam dans nos pays car l'islamisme politique est aujourd'hui essentiellement perçu comme radical et peu compatible avec l'esprit républicain. C'est une raison supplémentaire importante pour travailler avec l'islam politique modéré au Sud car ces immigrés sont d'ores et déjà parfois des nationaux, chez nous, et disposent du droit de vote. Cela devrait faire partie de l'équation finale. Si la Tunisie ou le Maroc bougent dans un sens positif, cela aura une influence en Algérie, et si d'ici vingt ans nous avons des sociétés asses ouvertes au Maghreb, cela aura une importance très forte chez nous, mais également en Égypte et au Moyen-Orient.
La séance est levée à 12 h 32.
La commission auditionne M. Michel Pinault, président du Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM).
La réunion est ouverte à 15 heures.
Monsieur le Président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire, mes chers collègues, nous sommes très heureux de recevoir aujourd'hui Michel Pinault, Conseiller d'État et président du Haut comité, créé par la loi de 2006 sur le statut général des militaires, et ce d'autant plus que, nous le savons tous, ce sont les hommes et les femmes du ministère de la défense qui vont porter la réforme prévue par la loi de programmation militaire, et conditionner sa réussite. J'ajoute que le contexte économique pèse sur les personnels, non seulement pour leur reconversion mais aussi pour l'accès à l'emploi des conjoints.
Nous sommes donc très désireux de vous entendre sur ces questions importantes que sont : le recrutement, à la sélectivité duquel nous sommes attentifs ; la mobilité géographique, mise en oeuvre parfois dans des préavis très brefs, et ses conséquences, par exemple sur l'accession à la propriété ; les conséquences de Louvois pour les agents du ministère de la défense ; et, enfin, les conditions du retour à la vie civile. Nous sommes attentifs à l'augmentation du nombre d'anciens militaires des trois armées indemnisés (par le ministère de la défense !) au titre du chômage. Nous avons entendu des chiffres qui nous interpellent sur le pouvoir d'achat des foyers des militaires, qui serait inférieur de 17% à celui des autres agents de l'État. Vous comprendrez que nous soyons attentifs au « moral » des militaires, facteur clé de réussite des réformes en cours.
Au fond, la question est simple : l'équilibre entre les sujétions et les compensations attachées à la condition militaire vous paraît-il toujours aussi satisfaisant ?
Je vous laisse maintenant la parole.
Je vais commencer par une brève présentation du HCECM qui a été créé par l'article 1er de la loi n°2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et dont les attributions ont été précisées par le décret n°2005-1415 du 17 novembre 2005. Le HCECM a pour mission d'éclairer le Président de la République et le Parlement sur la situation et l'évolution de la condition militaire. C'est un organe collégial indépendant, composé de 9 membres, nommés par décret du Président de la République, qui ne reçoivent aucune indemnité pour les fonctions exercées et j'indique que nous tenons beaucoup au bénévolat. Cet organe est assisté d'un secrétaire général et de trois agents.
Le HCECM établit chaque année un rapport public dans lequel il formule des avis et peut émettre des recommandations. Ce rapport est organisé en deux parties :
- l'étude d'un thème particulier qui fait l'objet d'une publication en mai comme :
2007 : l'attractivité de la condition militaire - les rémunérations ;
2008 : la mobilité fonctionnelle et géographique ;
2009 : la reconversion ;
2010 : les pensions militaires de retraite ;
2011 : la condition des militaires en service hors métropole ;
2012 : la condition des militaires du rang ;
2013 : les femmes dans les forces armées françaises ;
2014 : l'administration des militaires.
- et la revue annuelle, publiée en septembre, qui permet de suivre, année après année, l'évolution des principales composantes de la condition militaire : recrutement, rémunérations, mobilité, etc.
Pour 2014, nous avons retenu le thème de l'administration des militaires au sens large, c'est-à-dire tout ce qui aide les militaires à se concentrer sur leur métier.
Notre méthode repose sur des auditions (chefs d'état-major, direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD), directeurs des ressources humaines d'armée, directeurs centraux, etc.), des visites d'unités comprenant des tables rondes catégorielles (officiers, sous-officiers, militaires du rang, éventuellement conjoints) ainsi que sur l'analyse de documents spécialisés : rapports, réponses à des questionnaires, documentation administrative, etc. Je soulignerai également l'apport essentiel de l'INSEE.
Je vais maintenant vous exposer la revue annuelle 2013 de la condition militaire qui s'est inscrite dans une conjoncture particulière marquée par deux lois successives de programmation militaire et leurs conséquences en matière de réorganisation et d'effectifs ; deux réformes des retraites qui accroissent la durée des carrières et ne facilitent pas l'atteinte des objectifs de réduction des effectifs ; un contexte économique peu favorable à la reconversion du personnel militaire et à l'emploi des conjoints. Les chiffres collectés dans la revue annuelle 2013 se rapportent à l'année 2012.
S'agissant des recrutements, les forces armées ont adopté des politiques de recrutement externe distinctes, en fonction des politiques de départ, de promotion interne et de fidélisation choisies.
Globalement, le volume de recrutement annuel est en baisse (-21,9% entre 2008 et 2012).
Les baisses les plus marquées concernaient l'armée de terre et la gendarmerie (respectivement -33% et -21% entre 2010 et 2012).
La décroissance du nombre de postes offerts a, dans certains cas, eu pour effet d'améliorer un peu le taux de sélection au recrutement, gage de qualité.
Le taux de sélection sous-officiers (hors gendarmerie) était de 3 candidats pour 1 poste en 2008 et de 4,5 en 2012. Celui des officiers sous contrat s'établissait à 5 candidats pour 1 poste en 2008 et à 9,2 en 2012. Le taux de sélection des officiers par les grandes écoles reste stable et satisfaisant. Il était de 15,2 candidats pour 1 poste en 2008 et de 15,3 en 2012. La sélectivité des militaires du rang s'est un peu améliorée mais reste faible. Nous sommes ainsi passés de 1,7 candidat pour 1 poste à 2 en 2010 et 2,3 en 2012.
En revanche, la sélectivité des sous-officiers de gendarmerie a baissé. En 2008, nous avions 8,4 candidats pour 1 poste alors que nous n'en avons plus que 6,9 en 2012.
La sélectivité du recrutement des agents civils de l'Etat est généralement bien meilleure que celle des militaires.
Si l'on se contente du dernier taux de sélection connus (2011) pour le recrutement externes de fonctionnaires civils de catégorie C, il est supérieur à 24 candidats pour 1 poste.
Nous pouvons tirer les trois conclusions suivantes :
- en dépit de la mauvaise situation du marché de l'emploi, la taille des viviers au sein desquels les militaires sont recrutés reste globalement stable.
- la fonction publique civile attire plus que les métiers des armes car elle offre la perspective d'une carrière complète.
- l'attractivité des emplois militaires doit être renforcée et la journée Défense Citoyenneté doit mieux y concourir. Avec la réforme de la carte militaire, on a créé de véritables déserts militaires.
S'agissant de l'activité opérationnelle des armées et des services, nous constatons qu'en 2012, 8,4% des militaires des armées (18 302 militaires) ont été déployés hors du territoire militaire, dans le cadre d'une OPEX, d'une mission de courte durée ou d'une affectation. C'était le chiffre le plus bas depuis 2007. Il a vraisemblablement augmenté en 2013 avec notamment l'opération Serval. Au contraire des armées britanniques et à l'exception de l'armée de terre française pour laquelle le temps de présence en métropole entre deux projections doit au moins être de huit mois, les armées et les services n'ont pas défini de normes d'activités individuelles « standard ».
- en 2012, seuls 1,1% des militaires de l'armée de terre dérogeaient à la règle selon laquelle 8 mois doivent séparer la participation à 2 OPEX ; ils étaient 6,3% en 2009 ;
- la durée des projections est plus courte dans l'armée de l'air (2 à 4 mois) que dans l'armée de terre (4 ou 6 mois).
- au Royaume-Uni, dans l'Army, le temps d'absence de la garnison ne doit pas dépasser 415 jours sur 30 mois glissants ; dans la Navy, 660 jours sur 36 mois glissants ; dans la Royal Air Force, 280 jours sur 24 mois glissants ;
- en 2012, les escadrons de gendarmerie mobile se sont déplacés durant 221 jours (plus de 7 mois).
Le HCECM continue de recommander l'établissement de telles normes.
Sur la question des rémunérations, les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de Louvois, qui est une véritable catastrophe qui empoisonne l'atmosphère, ne permettent pas de présenter de données fiables pour 2012, cohérentes avec les années antérieures. Cela sera sans doute le cas en 2013 et vraisemblablement jusqu'au déploiement du prochain calculateur de solde.
En 2011, année la moins touchée par les dysfonctionnements de Louvois, la rémunération nette moyenne des militaires déjà en place en 2010 aurait augmenté, en euros constants, d'environ 1% en raison d'un effet « carrière » dû aux avancements principalement.
Plus fondamentalement, les erreurs causées par Louvois sur le service de la solde ont considérablement fragilisé la confiance des militaires vis-à-vis de l'institution.
Sur la période 2005-2010, des travaux de l'INSEE sur le revenu des ménages mettent en évidence des différences sensibles de niveau de vie entre les ménages dont la personne de référence est un militaire et ceux dont la personne de référence est un fonctionnaire civil ou un salarié du secteur privé. Ces différences sont particulièrement sensibles pour les ménages dont un des conjoints est sous-officier ou officier. Elles s'expliquent par le revenu individuel moyen du conjoint de militaire qui, du fait de la mobilité de ce dernier, reste faible. Le niveau de vie annuel moyen d'un ménage serait supérieur de 18% à celui d'un ménage dont le conjoint de référence est un sous-officier.
S'agissant de la promotion interne, en dépit d'efforts importants, le taux de recrutement aux carrières d'officier par voie interne varie de manière significative, principalement dans la marine et l'armée de terre, dans la durée. Pour les sous-officiers, on retrouve aussi de fortes variations. L'imprévisibilité de ces variations est de nature à décourager les candidats potentiels.
Pour l'examen des conditions d'exécution du service, la notion de « temps de travail » n'est pas pertinente dans les armées car elle ne décrit que partiellement l'activité du personnel. Il est plus juste de parler de temps de service, qui regroupe : les activités effectives ainsi que les gardes, les permanences, les astreintes, etc.
Au contraire des forces armées britanniques et à l'exception de la gendarmerie nationale, le temps de service des militaires dans les forces armées françaises n'est pas mesuré. En moyenne et en 2012, un gendarme affecté en gendarmerie départementale a effectué 43h d'activité effective auxquelles se sont ajoutées 52h35 d'astreinte.
Si la mesure de ce temps et l'utilisation qui peut en être faite doivent être abordés avec beaucoup de précaution, le HCECM maintient sa demande de mise en place d'outils adaptés de recueil d'informations dans ce domaine, afin de mieux évaluer les sujétions des militaires.
Le taux de mobilité géographique des militaires a, quant à lui, nettement augmenté pour toutes les catégories hiérarchiques depuis 2008/2009. Il reste élevé pour les officiers (22% en 2012 contre 18,4% en 2007), a augmenté de façon importante pour les sous-officiers (16,4% contre 12,3%) et les militaires du rang (9,1% contre 5,2%).
Le nombre de mutations avec un préavis de moins de trois mois s'accroît dans deux cas :
- les officiers mutés en métropole (39% des officiers mutés en 2012 contre 26% en 2010) ;
- et les militaires mutés hors de la métropole (28% en 2012 contre 22% en 2010).
Il reste également élevé dans le cas des militaires de la gendarmerie (81% en 2012 contre 76% en 2010).
Le HCECM recommande une fois passée la période des restructurations d'instaurer une phase de stabilité.
Sur la rubrique des « Décès - blessures - suicides », nous constatons, en préalable, que le service de santé aux armées est véritablement plébiscité par l'ensemble des militaires. Par ailleurs, nous notons que le nombre des suicides chez les militaires, s'il reste stable, est inférieur à celui constaté dans le reste de la population.
S'agissant du logement, la part des militaires propriétaires de leur logement est moindre que chez les autres agents publics, quelle que soit la tranche d'âge considérée. C'est une des conséquences de la mobilité et du niveau de vie annuel moyen des ménages dont le conjoint de référence est militaire. Le ministère de la défense mène toutefois une véritable politique du logement en faveur de ses personnels en réservant des logements dans le parc civil et en finançant certains programmes.
Sur le point particulièrement important du retour à la vie civile qui conditionne le recrutement et le bon déroulement de la réduction des effectifs, nous considérons qu'il s'agit d'un devoir moral vis-à-vis d'agents publics dont beaucoup sont sous contrat ou dont les limites d'âge sont assez basses. En 2012, le taux de reclassement dans le secteur privé et le secteur public des anciens militaires de plus de 4 ans de service, qui bénéficient donc des prestations de Défense mobilité, atteint 74%, soit le même niveau qu'en 2011.
Malgré l'augmentation du nombre de militaires rejoignant la fonction publique civile, notamment le ministère de la défense, le dispositif se heurte aux réductions d'effectifs des autres ministères.
Nous estimons cependant que l'Agence Défense Mobilité est un succès et qu'elle enregistre un taux de satisfaction important. Nous avons néanmoins conscience de la nécessité de nuancer ce propos, puisque vous l'avez rappelé, le nombre d'anciens militaires indemnisés au titre du chômage s'est fortement accru de 2011 à 2012 (9 000 à 11 000, soit +22%).
En conclusion, le HCECM estimait encore en 2013 que les grands équilibres entre sujétions et compensations d'une manière globale n'étaient pas remis en question. Les gouvernements successifs ont en effet pris grand soin de ne pas toucher à ce qui fait la spécificité de la condition militaire. Toutefois, la confiance fragilisée vis-à-vis de l'administration et la visibilité restreinte sur la poursuite de leur carrière conduisent les militaires à douter des réformes qui ont été décidées et à marquer une certaine défiance vis-à-vis des nouvelles transformations qui ont été décidées.
Je vais maintenant aborder la question des femmes dans les forces armées françaises. Le bilan est assez positif puisque nous avons l'armée la plus féminisée du monde occidental devant les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Les forces armées françaises ont progressivement ouvert leurs portes aux femmes au cours des conflits du 20e siècle, mais c'est la professionnalisation qui a été déterminante et s'est accompagnée d'une augmentation sensible de la proportion de femmes militaires. Aujourd'hui, 48 000 femmes servent dans les forces armées, soit un taux de féminisation de 15%.
Dans l'ensemble de la société française, l'étape de l'égalité juridique entre les hommes et les femmes est en voie d'être franchie ; celle de l'égalité professionnelle est encore en devenir : qu'en est-il pour les forces armées ?
La place des femmes dans les forces armées n'est plus un problème, ni vraiment une question ; leur rôle est désormais reconnu ; la situation n'est pas pour autant stabilisée et des évolutions sont encore souhaitables ; en effet, plusieurs décennies n'ont pas suffi à convaincre tous les esprits qu'une vision pragmatique et dépassionnée était nécessaire.
Afin de réussir ces évolutions, la condition militaire peut servir de guide vers l'objectif d'égalité professionnelle.
Dans son rapport, le HCECM a établi deux principes :
- le premier : les femmes ont toute leur place dans les armées ;
- et le second selon lequel l'accès à un emploi doit être le même pour les femmes comme pour les hommes. Il doit être fondé sur les compétences et la capacité, physique, psychologique et intellectuelle, d'exercer le métier militaire et non sur une considération de sexe. Compte tenu de la spécificité du métier militaire, la parité, au sens strict, ne peut pas constituer un objectif applicable dans l'institution militaire.
Le HCECM a également proposé cinq priorités qui sont les suivantes :
1ère priorité : développer l'attractivité :
- en apportant des témoignages de femmes à l'occasion de la journée de défense et de citoyenneté ;
- en renforçant l'affectation de militaires féminins dans les centres de recrutement ;
- en luttant contre la tentation, par commodité, de renoncer au recrutement de femmes dans certaines spécialités.
2ème priorité : revisiter la formation initiale :
- en affectant plus de cadres féminins dans les écoles militaires ;
- en mettant en place dans ces écoles des modules de formation centrés sur la problématique de l'égalité professionnelle hommes-femmes ;
- en favorisant les échanges avec l'ensemble de l'enseignement supérieur.
3ème priorité : adapter la vie professionnelle :
- en adaptant les barèmes d'aptitude physique aux nécessités des emplois militaires actuels ou futurs ;
- en assouplissant les règles d'âge pour l'accès à certains postes qualifiants ou pour l'accès à certaines formations ;
- en généralisant les entretiens de carrière avec notamment l'objectif d'éviter les départs prématurés et d'optimiser l'investissement de formation ;
- en élaborant un guide à l'usage des militaires en vue d'informer le personnel sur les mesures de prévention et la conduite à tenir en cas de comportement répréhensible ;
- en ne plaçant pas des militaires dans une situation d'isolement au sein d'un groupe du sexe opposé, en ne féminisant qu'un nombre donné d'unités dans lesquelles la proportion de femmes ne serait pas inférieure à un seuil défini par type d'unité.
4ème priorité : concilier la vie professionnelle et la vie familiale
- en rédigeant un guide de la parentalité qui serait remis à tous les militaires, futurs ou jeunes parents ;
- en étudiant la création, suivant un régime à définir, d'un congé d'éducation ouvert aux hommes comme aux femmes ;
- en créant un site Internet dans chaque base de défense avec un espace dédié à la parentalité ;
- en évaluant régulièrement le besoin de garde des enfants en bas âge.
5ème priorité : piloter les évolutions vers l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
On constate que les mesures de transformation des armées ne produisent pas les mêmes effets sur les militaires, hommes et femmes. Il est donc indispensable d'analyser leur impact sur le processus de féminisation.
Dans le cas des métiers ou spécialités où le taux de féminisation est particulièrement faible, nous recommandons la mise en place une gestion particularisée.
Nous préconisons également de créer un label « environnement familial » qui reconnaîtrait les efforts réalisés par les cellules de GRH vers les militaires et leurs familles.
Il faudrait également procéder à l'élargissement à l'ensemble de la condition militaire et associer le ministère de la défense à tous les travaux conduits par la fonction publique civile pour mieux et plus rapidement les adapter aux militaires.
En conclusion, je dirais que l'observatoire de la parité entre les femmes et les hommes du ministère de la défense a été installé le 18 décembre 2013 par le ministre de la défense. Sa feuille de route s'appuie largement sur le rapport du HCECM.
Je vous remercie pour votre présentation. J'ai commis avec mon collègue Gilbert Roger un rapport d'information sur les bases de défense qui a eu l'honneur d'être lu par les plus hautes autorités. Si ces bases ont été décriées, elles commencent à être mieux mises en valeur et je m'interroge sur une deuxième étape. Les régions vont encore de ce point de vue être dévitalisées et l'on n'y verra plus des militaires qu'à l'occasion du 14 juillet ou du 11 novembre. Pouvez-vous nous parler de l'évolution des bases de défense ?
Ma seconde question porte sur l'atmosphère générale et l'état d'esprit des troupes. On a constaté, me semble-t-il, que les contrats courts sont moins renouvelés que ce qu'il semblerait nécessaire. L'armée de terre souhaite des contrats plus longs or ce manque de confiance dans l'administration entraîne un grand nombre de contrats courts. Pour le reste, nous partageons la quasi-totalité de vos observations sans insister davantage sur Louvois.
Je vous remercie pour la qualité de votre rapport qui est passionnant parce qu'il nous parle de la condition des hommes et des femmes alors que nous travaillons le plus souvent sur les équipements. Les différents aspects évoqués nous permettent de mieux comprendre cette problématique en cette période de mutation. Je m'interroge sur l'impact d'un tel rapport. Y-a-t-il des engagements de ministres concernés ? S'agissant des effectifs, vous avez évoqué les difficultés de recrutement, notamment dans l'armée de terre. Par comparaison avec d'autres armées dans le monde, quelle pourrait être la position à l'égard des personnels civils ? On sait qu'ailleurs ils peuvent être employés avec des contrats purement civils dans la logistique, le secrétariat. Quelle recommandation pourrait-on faire ? En cette période de compression des dépenses, comment pourrait-on faire pour affecter de manière plus fluide et plus attractive des personnels d'autres ministères au ministère de la défense ? Vous avez évoqué le lien avec les collectivités territoriales. En tant qu'élus, nous n'avons jamais été contactés par l'Agence pour des offres d'emploi. Les collectivités territoriales auraient beaucoup d'intérêt à puiser dans ce vivier. Je reviens sur le système Louvois pour savoir quelles sont vos recommandations pour les personnes en situation de trop perçu qui font l'objet de réclamation de la part de l'administration fiscale. En outre, que va-t-il se passer pour la société Steria. Concernant les femmes, j'ai 150 familles logées dans ma circonscription et pour lesquelles il n'y a pas de crèche. Il faudrait d'ailleurs une crèche avec des horaires adaptés comme dans les hôpitaux. Les armées ont une offre modeste sur le plan social et familial. Nous avons proposé un local mais nous n'avons pas obtenu de réponse de la part de l'armée. Les familles se retournent vers les maires, et je pense que le Haut comité pourrait faire des recommandations assez simples en la matière. On s'interroge également sur la propension des femmes à se tourner vers ces carrières or personne ne s'est encore penché sur le sujet à ma connaissance. Certaines carrières administratives font ainsi une grande place aux femmes, ainsi les trois quarts des commissaires de police sont des femmes.
Je n'ai pas qualité pour vous répondre mais je peux vous indiquer que lorsque j'ai été reçu avec mes collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier par la Direction des ressources humaines du ministère de la défense, il a été fait beaucoup référence aux rapports du HCECM.
Nous en sommes à notre huitième année d'activité et je peux vous dire que si, nous ne sommes pas des décideurs, le Haut comité est bien implanté et écouté. Nos rapports sont attendus et le Haut comité peut avoir des rendez-vous avec les chefs d'état-major. Nous avons connu des succès qui nous ont apporté des satisfactions. Ainsi la règle des 15 ans de service nécessaires à l'obtention d'une pension militaire avec bonifications acquises en service ou en combat était injuste pour les combattants qui partaient au bout de 5 ans car ils perdaient les bonifications en basculant dans le régime des contractuels de la fonction publique, bonifications notamment accordés aux combattants d'Afghanistan. Nous avons été suivis sur ce point qui renforce la spécificité de la condition militaire dans la 2ème réforme des retraites. Nous n'avons pas été suivis en revanche sur la critique du régime d'indemnisation des déménagements qui sera de nouveau mentionnée dans notre prochain rapport. Nous lançons également des problématiques qui sont reprises, ainsi les chantiers du système des primes et des hommes du rang seront ré-ouverts. Nous partageons le diagnostic du sénateur Dulait sur les bases de défense. La réforme était bonne dans son principe et elle commence à prendre racine, nous l'avons constaté à plusieurs endroits. Comme pour toute réforme, il faut du temps. Il nous semble important de garder en mémoire que les militaires ont besoin d'un soutien de proximité, c'est-à-dire d'une structure relativement proche. Enfin, on ne peut pas attendre d'une réforme des résultats immédiats en termes d'économies. Nous allons compléter cette analyse dans notre 8ème rapport mais nous ne sommes pas là pour faire de la mécanique organisationnelle.
S'agissant des contrats courts, la rotation actuelle avec une moyenne d'un peu plus de 5 ans coûte cher. Si on pouvait passer à 8 ans, il y aurait des gains considérables en termes de finances, de mobilisation des cadres et de qualification. Avec des contrats de 5 ans, on fait des militaires mais on n'arrive pas à leur donner une formation réutilisable pour une reconversion. Une formation de 8 ans serait plus large. Il y a plusieurs explications au maintien des contrats courts. Ainsi certaines catégories de personnels hésitent à s'engager plus de 5 ans et souhaitent pouvoir passer rapidement à autre chose. Par ailleurs la marche à franchir entre la vie civile et la vie militaire est de plus en plus haute pour les jeunes : il y a moins de rusticité et de contraintes dans la société. Les départs précoces sont un sujet de préoccupation.
La « civilianisation » n'est pas rejetée ni par les civils, ni par les militaires en particulier dans les unités, comme les bases de défense, où il y a une symbiose entre des gens qui travaillent ensemble. L'aspect militaire l'emporte le plus souvent dans cet amalgame.
S'agissant de la circulation interministérielle, les textes sont en place. Il reste à prendre des décrets d'application sur les obligations militaires des personnels militaires qui partent dans le civil et les obligations des civils qui arrivent. Des questions difficiles se posent comme le vote ou la candidature aux comités techniques.
S'agissant des bureaux locaux de recrutement, je pense que cela dépend des endroits et pour répondre au sénateur Cambon, la région parisienne n'est pas facile.
J'indique qu'il suffit de s'adresser à la structure de l'Association des maires et que c'est très simple. Les services des conseils municipaux, des conseils généraux et régionaux vont consulter le site de l'Association des maires pour leurs recrutements.
Nous consultons effectivement les offres d'emplois sur Internet et nos structures et nos budgets sont suffisamment importants pour permettre le recrutement de militaires gradés.
C'est bien noté et nous reprendrons cette suggestion. D'ailleurs, France Mobilité passe déjà des contrats avec des grands groupes industriels comme AXA, EDF, France Télécom par exemple.
Sur la question des crèches, il avait été annoncé une crèche par base de défense mais nous n'en sommes pas là. Cela fait partie de la prise en charge des familles et nous étudierons cela dans notre 8ème rapport.
Les locaux ne manquent pas dans les armées pour faire des crèches et il peut y avoir des conventions avec les collectivités pour obtenir des aides de la CAF. Nous n'arrivons pas à franchir le plafond de verre. Je rencontre ce problème pour les familles de la Garde républicaine.
Nous allons reprendre ce point sur lequel nous avions déjà insisté dans notre rapport sur la mobilité. Je ne parle pas des personnels mutés Outre-mer, notamment en Guyane, où la situation est très difficile.
Sur les problèmes fiscaux liés à Louvois, un gros effort est fait même si les feuilles d'impôts pré-remplies peuvent poser des problèmes. Il suffit alors de les corriger mais je reconnais tout n'est pas résolu. Nous en tirons la leçon suivante : les systèmes intégrés et de grande dimension engendrent une démultiplication des échecs lorsqu'ils surviennent.
Je suggère que vous proposiez au ministère de la défense de prendre une circulaire pour la désignation d'une personne, dans chaque base de défense de l'armée de terre et de la marine, dont la tâche consisterait à aider les personnels à résoudre ces questions fiscales.
Ceci a été mis en place à Toulon sous le nom de « Centre expert » mais cela n'est pas systématique.
Nous avons constaté que les militaires n'aiment pas que leur administration ne soit pas efficace car il s'agit d'un marqueur. Les militaires ressentent mal ce qu'ils considèrent comme une défaillance.
L'Education nationale y arrive très bien et le système de paye me semble au moins aussi complexe.
M. Le Président, je vous adresse encore tous mes remerciements.
La séance est levée à 16 h 33.